C. LES FREINS PERSISTANTS À L'AMÉNAGEMENT DE PEINE
L'aménagement de peine doit encore être encouragé. Des freins demeurent cependant qui tiennent d'abord sans doute à la situation économique . En effet, l'aménagement de peine reste très largement subordonné à la possibilité pour la personne condamnée d'occuper un emploi ou de suivre une formation. Or, dans de nombreuses régions, la conjoncture n'apparaît pas favorable. En outre, l'offre de formation est insuffisante (des délais de six à douze mois peuvent être nécessaires pour être admis en formation).
La deuxième série de difficultés est liée aux réticences des détenus eux-mêmes à solliciter ou accepter un aménagement de leur peine.
Les réserves portent plus particulièrement sur la libération conditionnelle et les contraintes qu'elle implique 12 ( * ) .
Par ailleurs, la décision d'aménagement demeure une décision juridictionnelle dont la responsabilité appartient au juge de l'application des peines. Votre rapporteur a pu constater à cet égard des jurisprudences très différentes selon les différents ressorts. Ainsi à Lyon, les juges de l'application des peines limitent de manière drastique le nombre de mesures.
Les dispositifs d'assouplissement de la procédure prévus par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité n'ont pas, à cet égard, porté leurs fruits. La loi a en effet permis aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de probation de formuler une proposition d'aménagement de peine -semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique- pour la plupart des condamnés en fin de peine. Saisi pour homologation de la proposition, le juge de l'application des peines doit prendre une décision dans un délai de trois semaines. En l'absence de réponse du juge, le directeur du service pénitentiaire d'insertion peut mettre en oeuvre sa proposition après avoir informé le juge et le procureur de la République, ce dernier pouvant interjeter appel de la décision dans les vingt-quatre heures.
Au cours des cinq premiers mois de l'année 2007, 161 mesures ont été prises au titre de cette procédure d'aménagement de peine -soit 1,5 % seulement de l'ensemble des aménagements accordés au cours de la période. Le faible recours au dispositif s'explique pour partie par la préférence donnée par les détenus à la procédure classique du débat contradictoire devant le juge de l'application des peines -au cours duquel l'intéressé peut se faire assister d'un avocat. Ensuite, la procédure apparaît excessivement lourde puisque, comme l'a indiqué un directeur du SPIP à votre rapporteur, un conseiller d'insertion et de probation doit remplir pas moins de 22 documents pour un même dossier. Le décret du 3 mai 2007 concernant l'application de la loi relative à la prévention de la délinquance et de la loi renforçant l'équilibre de la procédure pénale a cherché à simplifier le dispositif 13 ( * ) .
Enfin, parmi les obstacles plus ponctuels aux aménagements de peines, plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur ont mentionné la disposition introduite par l'article de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs qui subordonne la libération conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à une expertise établissant la possibilité de soumettre l'intéressé à une injonction de soins .
En effet, depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le champ d'application du suivi socio-judiciaire a été élargi aux auteurs de violences au sein du couple qui, à la différence des auteurs d'infractions sexuelles -pour lesquels le suivi socio-judiciaire avait été initialement prévu- peuvent être condamnés à de courtes peines. Lorsque tel est le cas, l'obligation de l'expertise préalable, compte tenu des délais nécessaires pour la mettre en oeuvre (généralement plusieurs mois), interdit en pratique toute libération conditionnelle. Cet effet que n'avait pas souhaité le législateur pourrait être corrigé à la faveur de l'examen du projet de loi pénitentiaire.
* 12 En principe, la durée de la libération conditionnelle peut dépasser d'une année la durée de la peine non subie au moment de la libération.
* 13 Ce décret a notamment supprimé la nécessité de constituer un dossier spécifique -une côte dans le dossier de l'intéressé suffit- ainsi que le principe de l'accord préalable du détenu qui n'est demandé que lors de la proposition d'un projet.