II. L'AMÉNAGEMENT DE PEINE : UNE PRIORITÉ
A. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DES CONDAMNÉS
Au 1 er juillet 2007, le nombre des personnes écrouées détenues en métropole et outre-mer s'élevait à 61.890 contre 59.488 au 1 er juillet 2006. Au 1 er novembre 2007, le nombre de détenus dans les prisons françaises s'élevait à 61.763 personnes (parmi lesquels : 28,1 % de prévenus ; 2.294 femmes - 3,7 %- et 713 mineurs -1,2 %) pour un nombre de places opérationnelles de 50.727.
Par ailleurs, à la même date, 2.437 personnes étaient écrouées mais non détenues (307 placements sous surveillance électronique mobile et 405 placements à l'extérieur).
La progression de la population carcérale est entièrement imputable à l'augmentation du nombre de personnes condamnées puisqu'au contraire, le nombre de prévenus tend à baisser.
Condamnés et prévenus
Le nombre des personnes condamnées n'a pas connu l'infléchissement habituellement observé au mois d'août du fait du choix du nouveau chef de l'Etat de ne pas prendre de décret de grâce. En outre, l'élection du président de la République n'a pas davantage été suivie d'une loi d'amnistie qui aurait eu aussi pour effet de réduire le nombre de personnes détenues dans la période suivant son adoption. En revanche, le nombre de condamnations à l'emprisonnement ferme tend à augmenter régulièrement.
Le recul manque encore pour juger de l'impact de la loi du 5 août 2005 relative à la récidive des majeurs et des mineurs . D'après les informations communiquées à votre rapporteur par le ministère de la justice, au 19 novembre, sur 2.570 personnes jugées en état de récidive depuis l'entrée en vigueur de ce texte, 1.403 avaient été condamnées à une peine égale ou supérieure à la peine minimale d'emprisonnement prévue par la loi. Encore faut-il préciser que la juridiction conserve la faculté d'assortir cette peine d'emprisonnement d'un sursis.
La réduction du nombre de prévenus pour la quatrième année consécutive traduit-elle un « effet Outreau » et un moindre recours des juges à la détention provisoire ? La réponse ne peut être que nuancée. Ainsi, le rapport de la commission nationale de suivi de la détention provisoire rendu public en mars 2007, certes établi sur des statistiques de 2005, faisait état d'une « tendance de long terme d'accroissement de la durée moyenne de la détention provisoire ». En mars 2004, la durée moyenne des détentions provisoires était de 4,1 mois pour un délit (3,8 en 2003 et 3,3 en 1984) et de 24,3 mois en matière criminelle (23,9 en 2003, 21 en 1984). Plus précisément, les détentions provisoires d'un an ou plus pour crimes ou délits ont augmenté de 67 % entre 1984 et 2004. Ainsi, le nombre de condamnations pour délits précédées d'une détention provisoire d'un an ou plus a plus que doublé en vingt ans. En matière d'infractions sexuelles, l'évolution est encore plus marquée : le nombre annuel de condamnations précédées d'une détention d'une durée supérieure ou égale à un an est passé de 550 en 1984 à 1.422 en 2004, soit une hausse de 158 %. La durée de la détention peut s'expliquer, selon le rapport, par la nature de l'infraction, les « nécessités de l'enquête » (expertises, auditions), les choix procéduraux du parquet pour la mise en oeuvre de l'action publique mais aussi d'une manière générale, par l'organisation de la justice pénale : charge de travail des magistrats instructeurs, insuffisance du nombre de greffiers, allongement des durées d'instruction et d'audiencement (10,8 mois pour un procès d'assises en 2004 contre 8,5 mois en 1998).
Durée des condamnations
Bien que le nombre de condamnations d'une durée supérieure à trois ans tende à augmenter depuis les sept dernières années, le nombre de condamnations d'une durée inférieure à trois ans a progressé encore plus vite. Ainsi la proportion de ces peines au sein de l'ensemble est passée de 46 % à 56 % entre le 1 er janvier 2000 et le 1 er janvier 2007.
Nature des infractions commises
Parmi les infractions à l'origine de l'incarcération, il convient de souligner que les violences sur les personnes (20,4 %) prévalent au 1 er janvier 2007 sur les viols et autres agressions sexuelles (19,7 %). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (13,9 %), les vols qualifiés (10 %) et les crimes de sang (8,6 %).
Taux d'occupation
Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires au 1 er août 2007 s'élevait à 121 % (61.289 personnes écrouées et détenues pour 50.637 places opérationnelles). Cette moyenne masque cependant de fortes disparités entre des maisons d'arrêt 10 ( * ) surpeuplées (avec un taux d'occupation moyen souvent supérieur à 130 % et les autres catégories d'établissements (compris entre 90 % et 100 % pour les centres de détention et les maisons centrales).
Sur 116 maisons d'arrêt, au 1 er août 2007, 11 présentaient une densité égale ou supérieure à 200 % -tel est le cas de plusieurs établissements situés outre-mer (Saint-Denis de la Réunion - 205,7 %- ; Faa'a Nuutania à Tahiti -275,5 %) mais aussi, et ce depuis plusieurs années, des maisons d'arrêt de Lyon Saint-Paul ou de la Roche-sur-Yon, de Béziers ou de Béthune) et 47 une densité égale ou supérieure à 150 %.
La préparation de la fermeture d'une maison d'arrêt Compte rendu de la visite de la maison d'arrêt de Lyon (27 septembre 2007) La maison d'arrêt de Lyon comporte quatre quartiers : deux quartiers réservés aux hommes (quartiers Saint-Joseph et Saint-Paul), un quartier pour les femmes (quartier Montluc) et une unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) située sur le site de l'hôpital Lyon-Sud à Brignais. Les trois premières de ces structures sont destinées à fermer à la fin de l'année 2008 de manière concomitante à l'ouverture, dans le cadre du programme « 13200 », de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas. Le quartier Saint-Joseph construit entre 1826 et 1829 sur les plans de l'architecte Pierre Baltard est l'un des plus anciens établissements pénitentiaires français. Conçu pour 83 femmes et 135 hommes, il a rapidement connu une situation de suroccupation. Aussi, dès 1847, la création d'une deuxième prison est-elle envisagée à proximité de Saint-Joseph : le quartier Saint-Paul sera mis en service en 1865. En 1975, un passage souterrain a permis de relier les deux quartiers. Le quartier Montluc, aujourd'hui réservé aux femmes, est installé dans le fort Montluc initialement utilisé comme prison militaire et mis à la disposition de l'administration pénitentiaire en 1947. Les établissements lyonnais connaissent les difficultés communes aux maisons d'arrêt, aggravées encore par la vétusté des infrastructures. La surpopulation demeure préoccupante (à la date de la visite de votre rapporteur 860 détenus pour 376 places théoriques -soit deux à trois personnes par cellule) même si elle n'atteint pas les niveaux insupportables observés dans les années 80 (selon les constats de la commission d'enquête sénatoriale sur les prisons, l'effectif moyen avait culminé à 1.160 détenus en 1986). Dans ce contexte, le travail n'occupe qu'une fraction marginale de la population pénale (86 au service général, 44 en concessions) : 670 détenus demeurent inactifs. Votre rapporteur a pu noter l'inadaptation des ateliers installés aux étages et les contraintes que représente l'absence de monte-charge pour la manutention. La nouvelle maison d'arrêt de Corbas devrait à cet égard permettre une offre d'emploi quantitativement et qualitativement plus satisfaisante. L'organisation du travail pénitentiaire constitue l'une des fonctions confiées à l'opérateur privé, partenaire de l'administration pénitentiaire dans le cadre de la gestion mixte. Malgré l'imminence de la fermeture de l'établissement, votre rapporteur a néanmoins constaté l'effort de la direction et de l'ensemble des personnels pour éviter la dégradation des conditions de détention. La préparation de l'ouverture de la maison d'arrêt Lyon-Corbas a par ailleurs donné lieu à un travail d'anticipation associant les personnels sous la forme de différents groupes thématiques -par exemple un groupe « fermeture » chargé de réfléchir aux modalités de fermeture de l'établissement, modalités déjà mises en oeuvre pour la fermeture du quartier mineur, un groupe « ouverture » chargé, quant à lui, de réfléchir sur l'ouverture des différents quartiers de la maison d'arrêt de Corbas et le nouvel organigramme à mettre en place... Cette méthodologie pourrait être reprise pour d'autres structures destinées à être remplacées par de nouveaux établissements. En revanche, une telle démarche n'est évidemment pas envisageable pour les établissements créés sur des sites ou ne préexiste aucune autre structure pénitentiaire. Dans ce cas -comme à Roanne- les conditions d'ouverture sont plus délicates. S'agissant de l'adaptation de la nouvelle infrastructure aux besoins, les responsables de l'administration pénitentiaire ont indiqué avoir été associés de manière satisfaisante par le biais de l'élaboration du cahier des charges fixé à l'opérateur. En outre, Lyon-Corbas a été construit dans le cadre d'une maîtrise d'ouvrage privée : le concepteur a aussi la responsabilité de la maintenance ce qui est un facteur de responsabilisation. Cependant, les responsables de l'UCSA et du SMPR ont regretté que la définition du cahier des charges ne fasse pas l'objet d'une démarche pluridisciplinaire et que les préoccupations du secteur médical ne soient pas suffisamment prises en compte. Le directeur de la maison d'arrêt a souligné l'insuffisance sensible des capacités de détention dans la région Rhône-Alpes (51 places pour 100.000 habitants alors que la moyenne nationale s'établit à 81 places pour 100.000 habitants). L'ouverture au quatrième trimestre 2008 de trois maisons d'arrêt (Bourg-en-Bresse, 610 places ; Roanne, 600 places ; Lyon Corbas : 600 places) devrait permettre d'ajuster les capacités aux besoins actuellement constatés. |
* 10 Les maisons d'arrêt reçoivent les prévenus et les condamnés dont le reliquat de peine est inférieur à un an.