C. ASSURER LA SÉCURITÉ DES JURIDICTIONS, UN OBJECTIF PRIORITAIRE
1. La sécurité des juridictions, un problème de plus en plus préoccupant
Les premières initiatives en ce domaine remontent à la fin de l'année 2004 au cours de laquelle un bilan de la situation a été dressé par M. Philippe Ingall-Montagnier, procureur général près la cour d'appel de Rouen missionné par le garde des sceaux d'alors, M. Dominique Perben.
Il ressortait de cet état des lieux que la moitié des incidents qui s'étaient produits entre 2000 et 2005 étaient des faits d'une gravité limitée, majoritairement liés aux audiences ou aux auditions (altercations, outrages et menaces, intrusions, agressions physiques et vols). 15 mesures tendant à améliorer l'organisation et la gestion de la sécurité des juridictions ont été proposées.
Concrétisant un certain nombre d'entre elles, le ministère de la justice a mis en place une cellule dédiée à la sûreté à la direction des services judiciaires qui s'appuie sur un réseau de correspondants sûreté désignés dans le cadre du ressort de la cour d'appel et au niveau local dans les juridictions, et a développé le gardiennage et la présence des forces de l'ordre, en particulier lors des audiences.
A l'automne 2005, 77 portiques de détections de métaux destinés à l'équipement des postes de contrôle du public ont ainsi été installés ; 138 agents de sûreté, recrutés parmi les réservistes de l'administration pénitentiaire et 41 réservistes de la police nationale ont été mobilisés. En septembre 2005, un événement a particulièrement choqué, un fonctionnaire des greffes du tribunal de grande instance de Rouen a été violemment agressé (brûlé à l'essence).
L'actualité récente en 2006 et en 2007 a accentué le sentiment d'insécurité qui règne dans les juridictions . Plusieurs actes d'une particulière violence se sont en effet succédé. Parmi les plus significatifs, on peut citer en 2006, l'agression le 25 août d'un juge des enfants du tribunal de grande instance de Quimper 79 ( * ) . En juin dernier, deux événements tragiques se sont produits : un magistrat du tribunal pour enfant a reçu trois coups de couteau au palais de justice de Metz 80 ( * ) et un prévenu s'est suicidé à l'audience lors de l'énoncé du verdict au tribunal de grande instance de Laon.
Depuis 2006, les crédits alloués à la sécurité des juridictions n'ont cessé de croître, passant de 13,5 millions d'euros à 17 millions d'euros en 2007.
En juin dernier, à la suite des deux incidents précédemment évoqués, une enveloppe exceptionnelle d'un montant de 20 millions d'euros a été débloquée en urgence pour rendre plus efficace le contrôle de l'accès du public à l'entrée des tribunaux.
Ces crédits ont permis de financer les dépenses en personnel de gardiennage et les portiques de détection de métal dans l'ensemble des 35 cours d'appel et des 181 tribunaux de grande instance et dans 2 tribunaux supérieurs d'appel et 32 tribunaux d'instance ou sites judiciaires considérés comme les plus exposés en raison de leur isolement ou de la sensibilité de leur environnement. Au cours de son audition devant votre commission, la garde des sceaux a indiqué que la plupart des portiques avaient été effectivement installés et la mise à disposition d'équipes de surveillance était presque achevée. De plus, 27 opérations immobilières supplémentaires, de nature à améliorer la sécurisation des bâtiments judiciaires, ont pu être engagées.
2. Un effort budgétaire sans précédent en 2008
Pour 2008, la dotation consacrée aux opérations de sûreté atteint un montant inégalé de 39 millions d'euros .
Ces crédits permettront de rémunérer les agents de gardiennage en poste dans les juridictions depuis juin dernier. Des moyens supplémentaires seront affectés pour renforcer la présence des agents de sûreté et un programme de travaux destiné à améliorer la circulation du public doit être engagé.
Sont également prévues des dépenses d'investissement destinées à la poursuite des opérations immobilières de sécurisation des bâtiments (7,9 millions d'euros) 81 ( * ) .
Il est permis de se réjouir de ces avancées compte tenu des besoins patents dans le domaine de la sécurité. En effet, votre rapporteur pour avis a pu constater lors de ses déplacements que certains portiques de sécurité installés à l'entrée des tribunaux n'étaient pas opérationnels, le tribunal ne disposant pas de personnels chargés d'assurer le contrôle du public à l'entrée.
Le secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats, M. Laurent Bédouet entendu par votre rapporteur pour avis, a souligné que le recours aux réservistes retraités de l'administration pénitentiaire paraissait préférable à l'intervention des personnels de société de gardiennage.
Le directeur des services judiciaires, M. Léonard Bernard de la Gatinais a exprimé un point de vue convergent, faisant valoir que l'expérience professionnelle passée des retraités de l'administration pénitentiaire leur permettait de gérer plus facilement les populations difficiles susceptibles de se présenter dans les tribunaux. Il a expliqué cependant que la généralisation de ce dispositif se heurtait à un problème de nomenclature budgétaire, ces personnels étant rémunérés sur les crédits de personnel (titre 2) et entrant dans le décompte -très contraint- des plafonds d'emplois, alors que les prestations des sociétés de gardiennage s'imputaient sur les crédits de fonctionnement (titre 3).
Le ministère de la justice envisage de résoudre cette difficulté en s'inspirant des règles d'imputation -différentes- retenues dans d'autres administrations.
Les magistrats du tribunal de grande instance de Nanterre ont en outre indiqué à votre rapporteur pour avis que les services juridictionnels civils (tutelle ou affaires familiales) étaient de plus en plus exposés à la violence des justiciables alors même que ces services ne font l'objet d'aucune protection particulière. Il serait donc souhaitable que le ministère de la justice ne concentre pas les moyens nouveaux sur les seules juridictions pénales .
En outre, comme l'ont fait remarquer les présidents de l'Association nationale des juges d'instance entendus, la sécurisation des tribunaux d'instance demeure lacunaire , alors même qu'ils sont quotidiennement confrontés à des populations fragilisées (tutelles, personnes surendettées) susceptibles de se révéler agressives. Il importe donc que les efforts budgétaires portent également sur cet échelon judiciaire particulièrement au contact des justiciables.
L'institution judiciaire doit au surplus répondre sans attendre aux actes d'agression dont elle est l'objet. A cet égard, la réponse pénale apportée en mai dernier par le parquet du tribunal de grande instance de Nanterre à un acte d'agression commis par un couple à l'encontre d'un greffier et d'une juge aux affaires familiales apparaît exemplaire.
Les auteurs du délit ont en effet été immédiatement interpellés, placés en garde à vue et jugés dans le cadre de la procédure de comparution immédiate 82 ( * ) . Comme l'a mis en avant le procureur de ce tribunal, M. Philippe Courroye, la rapidité de la sanction est un gage de pédagogie vis-à-vis des agresseurs et a permis de rassurer les personnels de la juridiction.
* 79 Pour 2006, on recense 5 agressions physiques ayant conduit à des interruptions temporaires de travail sur 368 incidents.
* 80 L'instruction de cette affaire est en cours.
* 81 Le montant total des crédits de paiement affectés aux opérations immobilières s'élève à 121 millions d'euros dont 73,2 sont dédiés aux opérations suivies en mode déconcentré.
* 82 Ce couple a été condamné à 4 mois d'emprisonnement dont 2 fermes et 6 mois d'emprisonnement dont 3 fermes.