Avis n° 167 (2006-2007) de M. Alain DUFAUT , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 17 janvier 2007
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INTRODUCTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
N° 167
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 17 janvier 2007 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport ,
Par M. Alain DUFAUT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Gaston Flosse, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropéano, André Vallet, Jean-François Voguet.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3387 , 3553 et T.A. 648
Sénat : 153 et 164 (2006-2007)
Traités et conventions. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le baron Pierre de Coubertin déclarait que le « sport va chercher la peur pour la dominer , la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ». Supprimons la peur, la fatigue et la difficulté et le sport n'existe plus. L'enjeu de la lutte contre le dopage est précisément de préserver ces aspects qui font l'essence même du sport.
Pourtant, c'est l'omerta qui a longtemps prévalu dans le milieu sportif sur les questions du dopage, notamment dans les compétitions internationales où certaines nations organisaient le dopage collectif de leurs sportifs à des fins de gloire nationale. Alors même que des sportifs admettaient explicitement les faits 1 ( * ) , les réactions internationales ont été extrêmement tardives 2 ( * ) .
Après plusieurs scandales médiatiques, notamment l'affaire Festina lors du Tour de France 1998, plusieurs États, au premier rang desquels la France, ont fait de la lutte antidopage un enjeu primordial. Jouer franc jeu est devenu un mot d'ordre.
En mars 2003, à Copenhague, près de 80 gouvernements, dont la France, ont témoigné, en signant la « Déclaration de Copenhague » de leur volonté « d'appuyer un processus opportun débouchant sur une Convention (...) qui sera exécutée au moyen d'instruments propres aux contextes constitutionnel et administratif de chaque gouvernement le premier jour des Jeux olympiques d'hiver à Turin ou avant ». C'est sur la base de cette intention qu'a été engagée, sous l'égide de l'UNESCO, l'élaboration de la présente Convention internationale contre le dopage dans le sport.
Parallèlement, le comité international olympique menait une consultation transnationale sur la question, qui a abouti à la création de l'Agence mondiale antidopage (AMA) en 1999 et à l'adoption du code mondial antidopage en 2003.
Ce code détermine les compétences et fixe des règles en matière d'organisation des contrôles antidopage, d'analyse des échantillons, de mise en oeuvre des procédures disciplinaires, de régime de sanctions, de prévention et de recherche scientifique dans le domaine de la lutte contre le dopage. Émanant d'une fondation de droit privé (l'AMA), il n'a cependant pas de force juridique s'imposant aux États.
Par conséquent, si l'ensemble des fédérations internationales des sports « olympiques » a souscrit au code mondial antidopage avant les Jeux olympiques d'Athènes de 2004, puisqu'il s'agissait d'une des conditions de participation à ces Jeux, les fédérations nationales obéissent en revanche aux règles fixées par la loi interne. L'un des objectifs de la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a précisément été d'aligner la législation française sur certaines dispositions du code mondial antidopage.
Mais il manque encore un instrument juridique international permettant de donner une force contraignante au code mondial antidopage .
Dans un contexte de sport mondialisé, pour assurer une égalité de tous les sportifs, sur tous les terrains de jeux, c'est bien le droit international qu'il faut doper avec deux impératifs : harmoniser les règles et les rendre contraignantes .
La présente Convention internationale contre le dopage dans le sport, élaborée sous l'égide de l'UNESCO et adoptée par les États membres à l'unanimité en octobre 2005, répond pleinement à ces exigences.
La Convention a pour objectif de fournir un cadre juridique reconnu au niveau international pour :
- s'assurer que les gouvernements agissent contre le dopage dans le sport, en coopération avec le mouvement sportif, par des actions antidopage nationales, internationales, d'éducation, de formation et de recherche ;
- et fournir un appui au code mondial antidopage et aux normes internationales développées par l'Agence mondiale antidopage (AMA), en reconnaissant l'importance de ces documents dans l'harmonisation des politiques et des pratiques dans le mouvement sportif international.
La Convention est nécessaire pour que les gouvernements appliquent les principes déterminés dans le code mondial antidopage . En outre, il y a des mesures que seuls les gouvernements peuvent prendre pour combattre le dopage dans le sport. La Convention exige par exemple des gouvernements qu'ils prennent des mesures spécifiques au niveau de la disponibilité des substances interdites et des méthodes, qu'ils fournissent l'appui nécessaire pour des programmes de contrôles, qu'ils imposent le code mondial antidopage, qu'ils réglementent l'étiquetage et la vente des suppléments alimentaires ou bien encore qu'ils fournissent une éducation antidopage.
La Convention entrera en vigueur le 1er février prochain 3 ( * ) , après sa ratification par le Luxembourg le 11 décembre 2006.
Votre rapporteur estime que la France doit aujourd'hui ratifier la Convention, non seulement parce qu'elle doit rester un moteur en matière de lutte antidopage, mais aussi, plus pragmatiquement, pour peser dans les négociations de la Conférence des parties, organe souverain de la Convention, qui se réunit pour la première fois, les 5, 6 et 7 février prochains à l'UNESCO, ainsi que pour assurer sa présence dans le comité de suivi qui sera probablement mis en place à cette occasion.
Il note par ailleurs que la présente Convention internationale contre le dopage dans le sport et la loi du 5 avril 2006 se sont en grande partie inspirées de la même source, à savoir le code mondial antidopage, et se réjouit de l'harmonisation des réglementations, qui permet de rendre à la fois lisible et efficace la lutte contre le dopage, appliquée de la même manière dans les compétitions nationales et internationales, pour l'ensemble des sportifs.
I. L'ALIGNEMENT DES RÉGLEMENTATIONS INTERNATIONALES ET NATIONALES
A. LA PRÉSENTE CONVENTION S'INSPIRE DES PRINCIPES POSÉS PAR LE CODE MONDIAL ANTIDOPAGE
L'article premier de la Convention prévoit que son objet est de promouvoir la prévention du dopage dans le sport et de lutter contre ce phénomène en vue d'y mettre un terme. L'arsenal réglementaire proposé par la Convention est ainsi à la fois préventif et répressif .
L'article 2 définit un ensemble de termes utilisés dans la Convention, qui s'inscrit clairement dans le cadre du code mondial antidopage.
Sont ainsi considérées comme des violations des règles antidopage , comme le prévoit l'article 2 du code mondial antidopage et le droit français :
- la présence d'une substance interdite , de ses métabolites ou de ses marqueurs dans le corps d'un sportif (une disposition similaire est prévue par l'article L. 232-9 du code du sport). C'est le cas le plus courant, celui dans lequel le sportif est « déclaré positif ». La Convention reprend la règle de la responsabilité objective, existant dans le code mondial et en droit français : il y a violation lorsque le sportif a, intentionnellement ou non, fait usage d'une substance interdite, a fait preuve de négligence, ou qu'un autre manquement est survenu. Lorsqu'un échantillon positif a été décelé en compétition, les résultats du sportif dans cette compétition sont automatiquement annulés ;
- mais aussi le refus de se soumettre à un prélèvement d'échantillons , après notification conforme aux règles antidopage en vigueur, ou le fait de s'y soustraire sans justification valable ou de l'éviter par tout autre moyen (article L. 232-10 du code du sport). L'Agence française de lutte contre le dopage a sanctionné plusieurs sportifs sur cette base en 2006 (voir par exemple la décision n° 2006-45 du 6 juillet 2006, concernant un participant aux championnats de France de jet ski) ;
- ainsi que la violation des exigences de disponibilité des sportifs pour les contrôles hors compétition , y compris le non-respect par les sportifs de l'obligation d'indiquer le lieu où ils se trouvent (article L. 232-17 du code du sport), la falsification ou la tentative de falsification de tout élément du processus de contrôle du dopage, la possession de substances ou méthodes interdites, le trafic de toute substance ou méthode interdite, et l'administration ou la tentative d'administration de produits interdits. Ce n'est ainsi pas seulement le sportif qui peut être concerné mais aussi les entraîneurs et médecins (comme dans les affaires Balco et Puerto).
Seuls les sportifs peuvent être contrôlés, mais la définition du « sportif » est laissée libre aux États membres. En droit français, l'article L. 232-21 du code du sport prévoit que sont susceptibles d'être sanctionnés tous les sportifs licenciés de groupements sportifs affiliés à des fédérations sportives , dans les conditions prévues par l'article L. 232-5 du même code. D'autres États ne prévoient quant à eux de contrôler que les sportifs de haut niveau.
Les articles 3 et 4 affirment clairement que le code mondial antidopage est le texte de référence en matière de lutte contre le dopage . Les États parties doivent « adopter des mesures appropriées aux niveaux national et international qui soient conformes aux principes énoncés dans le code », et « s'engagent à respecter les principes énoncés dans le code ». Fort opportunément, la Convention ne réinvente pas le droit de la lutte contre le dopage, mais promeut des principes et des règles existants.
Il est toutefois précisé que le texte du code ne fait pas partie intégrante de la Convention . Il existe donc une réelle marge pour les États signataires de la Convention entre l'application mot à mot du code et l'application des principes qu'il pose. Cette précision est d'autant plus utile que le code mondial antidopage est un texte évolutif qui est en cours d'adaptation. Aux termes de l'article 4, rien n'empêche par ailleurs les États d'adopter des mesures additionnelles ou complémentaires au code. Votre rapporteur rappelle en s'en félicitant que la France a ainsi mis en place un dispositif spécifique de lutte contre le dopage animal (articles L. 241-1 à L. 241-9 du code du sport).
Par ailleurs, il est précisé que la présente Convention ne s'oppose pas à d'autres Conventions, notamment européennes ( article 6 ).
Les articles 13 à 18 prévoient les modalités de coopération internationale en matière de lutte contre le dopage.
B. UNE LÉGISLATION ET UNE PRATIQUE FRANÇAISES QUI RÉPONDENT PLEINEMENT AUX EXIGENCES DE LA CONVENTION
L'article 5 de la Convention impose que les États signataires s'engagent à remplir les obligations qu'elle prévoit. Votre rapporteur souligne que la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a mis préventivement la loi française en conformité avec le code mondial antidopage et la présente Convention.
La loi a notamment mis en place en France « l'organisation antidopage » évoquée par l'article 7 de la Convention, qui prend la forme de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), laquelle dispose d'une compétence générale au niveau national depuis la loi précitée du 5 avril 2006. Elle bénéficie en outre d'une indépendance et de pouvoirs accrus, dans le domaine des contrôles et des sanctions.
S'agissant des règles de territorialité, la loi a repris le principe issu de l'article 15.1 du code mondial antidopage : toutes les compétitions ou manifestations sportives de niveau international, quel que soit le lieu où elles sont organisées, relèvent du pouvoir de contrôle et de sanction des institutions internationales. L'agence française a, pour sa part, une compétence exclusive pour contrôler les compétitions à l'issue desquelles sont délivrés des titres nationaux, régionaux ou départementaux, les manifestations autorisées par une fédération sportive délégataire et les sportifs s'entraînant sur le territoire national.
La loi apporte cependant une nuance à ce principe, comme le prévoit la présente Convention : l'agence peut, en coordination et avec l'accord de l'Agence mondiale antidopage ou d'une fédération sportive internationale, diligenter des contrôles à l'occasion des manifestations et compétitions internationales. Dans ce cas, le pouvoir disciplinaire reste de la compétence des instances internationales et l'agence n'est alors qu'une simple autorité de contrôle (article L. 232-6 du code du sport). Elle ne peut donc plus, comme le faisait le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, sanctionner des sportifs licenciés d'une fédération étrangère participant à une compétition en France (pratique admise en 2001 par le Conseil d'État à propos d'un cycliste licencié auprès de la fédération espagnole 4 ( * ) ). Comme le note Mme Sophie Dion 5 ( * ) , lors de la prochaine coupe du monde de rugby, organisée en France en 2007, la compétence en matière de lutte contre le dopage relèvera ainsi de l'organisateur, l'International Rugby Board (IRB). Un sportif contrôlé à cette occasion ne sera donc pas soumis aux procédures disciplinaires de sa fédération nationale, ni de l'Agence, mais à celles de l'IRB.
Le droit français prévoit par ailleurs, comme la présente Convention, la délivrance d'autorisations à usage thérapeutique. Conformément à l'article 8 de la Convention, c'est la liste des interdictions de l'Agence mondiale antidopage qui détermine, pour la présente Convention comme pour la loi française (article L. 232-9 du code du sport), les procédés ou substances dont l'usage peut être tacitement autorisé. Le groupe de suivi de la Convention du Conseil de l'Europe adopte de la même manière la liste actualisée publiée par l'Agence mondiale antidopage. Cette liste est désormais un standard international qui identifie les substances et méthodes interdites, ce qui permet de lutter contre le dopage de manière uniforme et efficace. Votre rapporteur s'interroge sur le coût de la délivrance pour l'ensemble des sportifs français des autorisations à usage thérapeutique, et émet le voeu que la commission se penche sur ce problème.
L'article 11 de la Convention préconise la mise en place et le financement de programmes nationaux de contrôle dans toutes les disciplines sportives. Or, l'Agence française de lutte contre le dopage fixe de tels programmes. La recommandation formulée par l'article 12 qu'existe un laboratoire agréé est également prise en compte, avec le laboratoire national de dépistage de Châtenay-Malabry.
Les articles 19 à 23 comprennent des dispositions relatives à l'éducation et la formation , aux termes desquelles des informations sur les effets négatifs du dopage sur les valeurs éthiques du sport et sur la santé doivent être diffusées auprès des sportifs. Le personnel d'encadrement devra pour sa part recevoir une formation sur les procédures de contrôle, les droits et responsabilités des sportifs, la liste des substances interdites, et les compléments alimentaires. La mise en place de codes déontologiques par fédérations est préconisée et la participation des sportifs aux organisations antidopage suggérée. Votre rapporteur note que ces prescriptions sont mises en oeuvre en France, grâce aux efforts constants du ministère des sports en la matière. Les statuts de l'AFLD prévoient en outre que trois personnes issues du milieu sportif siègent au conseil d'administration de l'agence, dont un sportif de haut niveau.
Les articles 24 à 27 de la Convention sont relatifs à la politique de recherche en matière de lutte contre le dopage que les États parties sont encouragés à mener. La recherche antidopage doit concerner la prévention, les méthodes de dépistage, les aspects comportementaux et sociaux du dopage et ses conséquences sur la santé, les voies et moyens de concevoir des programmes scientifiques d'entrainement, et l'utilisation des nouvelles méthodes issues des progrès de la science. Cette recherche doit être menée conformément aux pratiques déontologiques internationalement reconnues et les résultats doivent être diffusés à l'international.
Rappelons à ce titre que l'Agence française de lutte contre le dopage mène différents projets de recherche en partenariat avec des instituts de recherche, des laboratoires ainsi que des universités. C'est au laboratoire national de détection du dopage (LNDD) de Châtenay-Malabry qu'a ainsi été mise au point la méthode permettant de détecter la présence de l'érythropoïétine (EPO) dans les urines, laquelle méthode est actuellement utilisée par les différents laboratoires internationaux de contrôle antidopage pour détecter le recours aux injections d'EPO recombinante par les sportifs. Votre rapporteur est particulièrement attaché au renforcement des capacités du laboratoire d'analyse. Remarquant que le nombre de contrôles augmente alors que le nombre de sportifs déclarés positifs diminue, votre rapporteur estime qu'il est nécessaire de clarifier les causes de ce phénomène en améliorant en permanence la pertinence et la qualité des contrôles .
Il constate par ailleurs que la mise en place de l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (IRMES) au sein de l'institut national du sport et de l'éducation physique (INSEP), par le ministre des sports, répond aux attentes exprimées dans la Convention.
A travers ces exemples, il est clair que la législation et la pratique administrative françaises répondent de manière efficace aux exigences de la présente Convention, notamment depuis l'adoption de la loi du 5 avril 2006. Votre rapporteur regrette toutefois que 3 des 5 décrets d'application de cette loi n'aient toujours pas été publiés, ce qui nuit à l'efficacité de la lutte antidopage menée par le ministère des sports et l'AFLD.
C. LES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES DE LA CONVENTION
Dans quelques domaines, la présente Convention impose des obligations nouvelles et apporte des précisions originales.
L'article 10 tend ainsi à encourager les producteurs et distributeurs de compléments alimentaires à établir des bonnes pratiques et fournir des informations complètes pour la commercialisation des compléments. En effet, si les sportifs sont responsables des produits qu'ils ingèrent et ont été prévenus de la possibilité de contamination des compléments, cette responsabilité sera d'autant plus facile à exercer que les informations fournies par les producteurs seront précises.
De façon originale, l'article 17 prévoit la création d'un « Fonds pour l'élimination du dopage dans le sport » , abondé par des contributions volontaires et utilisé pour l'application de la Convention.
Les articles 28 à 34 détaillent les mesures de suivi de la Convention, notamment l'organisation et le fonctionnement de la Conférence des parties, qui est l'organe souverain de la présente Convention.
Les dispositions finales de la Convention, fixées aux articles 35 à 43 , portent sur les modalités d'application, d'extension et de dénonciation de la Convention.
II. LA CONVENTION ET LA LÉGISLATION FRANÇAISE SONT-ELLES COMPATIBLES ?
La compatibilité entre le code mondial antidopage, largement repris par la Convention, et le droit français a été remise en question par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur deux points.
Votre rapporteur rappelle à titre liminaire que le code ne fait pas partie intégrante de la Convention et qu'il n'est pas érigé par celle-ci au rang de norme de droit international public.
A. DES SANCTIONS AUTOMATIQUES CONTESTABLES
Dans son article 10.2, le code mondial antidopage prévoit que les violations des articles 2.1 « présence d'une substance interdite, de ses métabolites et de ses marqueurs », 2.2 « usage ou tentative d'usage d'une substance ou méthode interdite » et 2.6 « possession de substances ou méthodes interdites » seront sanctionnées de la manière suivante :
- première violation : 2 années de suspension ;
- seconde violation : suspension à vie.
Or, le principe des sanctions automatiques est contraire aux principes de proportionnalité et de personnalisation des peines existant en droit français. Le droit français laisse ainsi une liberté totale aux organes disciplinaires des fédérations, précisant seulement, dans l'article L. 232-21 du code du sport, que lesdites sanctions « peuvent aller jusqu'à l'interdiction définitive de participer aux compétitions et manifestations sportives... » .
Par ailleurs des arguments valables s'opposent à l'automaticité des sanctions et à la fixation préalable des sanctions : tous les sports peuvent difficilement être traités de la même façon, notamment compte tenu de la longévité des carrières selon les disciplines. Toutefois, afin que les sportifs se voient appliquer des mesures équivalentes, un consensus s'est dégagé lors de la conférence internationale sur le dopage dans le sport de 1999, pour harmoniser les sanctions.
Au demeurant, l'article 10.2 du code mondial antidopage prévoit au demeurant explicitement « qu'avant qu'une période de suspension ne lui soit imposée, un sportif ou toute autre personne aura la possibilité, dans tous les cas, d'argumenter aux fins d'obtenir l'annulation ou l'allègement de la sanction, conformément à l'article 10.5 ». Cet article 10.5 prévoit notamment une possibilité d'annulation ou de réduction des périodes de suspension lorsque le sportif peut établir qu'il n'a commis aucune faute ou négligence, ou aucune faute ou négligence significative en rapport avec la violation.
Dans le commentaire joint au code mondial antidopage 6 ( * ) , des illustrations de l'application de l'article 10.5 sont proposées : « L'exemple d'une situation où il n'y aurait aucune faute ou négligence et où par conséquent la sanction serait annulée totalement, pourrait être celle d'un sportif qui prouve que, malgré toutes les précautions prises, il est victime de sabotage de la part d'un concurrent (...). Une sanction ne pourrait pas être annulée en raison de l'absence de faute ou de négligence dans les circonstances suivantes : (a) un résultat d'analyse anormal s'est produit en raison d'une erreur d'étiquetage ou d'une contamination de suppléments nutritionnels ou de vitamines (les sportifs sont responsables des produits qu'ils ingèrent, article 2.1.1, et ont été prévenus de la possibilité de contamination des suppléments) ; (b) une substance interdite est administrée à un sportif par son médecin traitant ou son soigneur sans que le sportif en ait été informé (les sportifs sont responsables du choix de leur personnel médical et d'informer celui-ci de l'interdiction pour eux de recevoir toute substance interdite) ; et (c) la contamination d'un aliment ou d'une boisson administrés au sportif par son (sa) conjoint(e), son entraîneur, ou toute autre personne dans le cercle des connaissances du sportif (les sportifs sont responsables de ce qu'ils ingèrent et du comportement des personnes à qui ils confient la responsabilité de leur nourriture et de leurs boissons). Cependant, en fonction de faits exceptionnels se rapportant à un cas particulier, les exemples mentionnés pourraient entraîner une sanction allégée reposant sur l'absence d'une faute ou négligence significative. Par exemple, un allègement pourrait être fondé dans la situation correspondant au cas (a) si le sportif parvenait à démontrer que la cause du résultat d'analyse anormal est due à une contamination d'une multi-vitamine courante dont l'origine n'a aucun lien avec la moindre substance interdite, et que, par ailleurs, il a exercé une grande vigilance pour ne pas consommer d'autres suppléments nutritionnels. |
Votre rapporteur estime que cette analyse entraîne deux séries de commentaires :
- le droit français et le code mondial semblent compatibles sur ce point, dans la mesure où les sanctions peuvent être annulées ou allégées pour des raisons de fait . Les droits de la défense et le principe de personnalisation des peines sont ainsi respectés ;
- l'article 10.2 pourrait cependant utilement être clarifié dans le cadre de la procédure de révision du code mondial antidopage.
B. LA PROCÉDURE D'APPEL DES DÉCISIONS DISCIPLINAIRES EN DÉBAT
Aux termes de l'article 13.2.1 du code mondial antidopage, les décisions sanctionnant, pour violation des règles antidopage, des sportifs de niveau international (cas 1) et/ou des violations intervenues lors d'une manifestation sportive internationale (cas 2) ne peuvent être portées en appel que devant le tribunal arbitral du sport (TAS).
Le droit français met partiellement en oeuvre ce principe en prévoyant que l'ensemble des infractions commises lors des compétitions internationales est confié aux instances internationales (cas 2) . Les fédérations internationales sont alors compétentes pour sanctionner en première instance, la juridiction d'appel est le tribunal arbitral du sport (TAS) situé à Lausanne, et le tribunal de cassation est le tribunal fédéral suisse, situé à Berne.
En revanche, s'agissant des infractions commises par un sportif de niveau international lors de compétitions nationales ou locales (cas 1), la disposition du code semble incompatible avec notre droit national, et pourrait porter atteinte aux principes essentiels de notre souveraineté. Elle reviendrait en effet à faire réformer par une instance étrangère une décision prise par une juridiction française. M. Axel Poniatowski, rapporteur du projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale, a souligné que cette interprétation était d'autant plus problématique que, d'une part, il n'existe pas de définition du sportif international et que, d'une part, le TAS n'est reconnu ni en droit français, ni en droit international public.
Pour ces raisons, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a reporté, dans un premier temps, son vote sur le projet de loi, dans l'attente d'explications complémentaires du Gouvernement. Celui-ci a soutenu que la Convention pouvait être interprétée d'une manière qui ne heurtait pas la Constitution. Selon le compte-rendu de la réunion de la commission des affaires étrangères du 9 janvier, le Gouvernement a soutenu qu'« au nom du principe selon lequel « chacun est maître chez soi », les sanctions prises par les fédérations nationales contre un sportif participant à une compétition nationale seront, le cas échéant, frappées d'appel, voire d'un recours en cassation, devant le juge français (tribunal administratif et Conseil d'État), selon les règles ordinaires du contentieux administratif. Si la fédération internationale décide à son tour de prendre une sanction contre le sportif incriminé, au motif que ce dernier a participé à une compétition qui, bien que nationale, détermine sa participation à des compétitions internationales - c'est le cas pour les meetings d'athlétisme, par exemple -, c'est la chaîne internationale qui s'appliquera, que notre droit reconnaît depuis l'intervention de la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage. Cette chaîne est la suivante : sanction prononcée par la fédération internationale, appel devant le tribunal arbitral du sport et éventuel recours devant le tribunal fédéral suisse. Les deux chaînes de décision étant autonomes, il n'existe pas, selon cette interprétation dont il y a lieu de penser qu'elle sera celle de tout le mouvement sportif français, de risque de télescopage des décisions. Dès lors, le principe de souveraineté n'est pas remis en cause ».
La commission des affaires étrangères a ensuite donné un avis favorable au projet de loi, qui a été adopté à l'unanimité en séance plénière.
* *
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CONCLUSION
Votre rapporteur estime quant à lui que ce débat juridique ne doit pas amener à repousser l'adoption de ce projet de loi de ratification auquel il est très favorable et qui permettra notamment à la France de participer aux travaux du comité de suivi de la Convention dont les membres seront désignés les 5, 6 et 7 février prochains à Paris.
Il appelle en revanche de ses voeux la clarification des dispositions litigieuses à l'occasion de l'actualisation du code mondial antidopage, qui devrait aboutir lors de la Conférence mondiale de Madrid qui se tiendra en novembre prochain.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa séance du mercredi 17 janvier 2006, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Alain Dufaut sur le projet de loi n° 153 (2006-2007) autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport .
A l'issue de la présentation du rapporteur pour avis, M. Pierre Martin s'est inquiété du fait qu'un médecin généraliste faisant un constat de prise de produits dopants n'ait pas l'obligation de transmettre cette information aux autorités de lutte contre le dopage. Il s'est interrogé, ensuite, sur le faible nombre de contrôles positifs relevés sur le tennis et le football comparé au cyclisme, alors même que les calendriers sont très chargés. Il s'est demandé comment les autorités antidopage pouvaient connaître les lieux d'entraînement des sportifs qui sont aujourd'hui extrêmement mobiles à l'international. Il a jugé, enfin, que les sportifs, déclarés positifs devraient perdre plus systématiquement leurs gains, d'autant plus que la médiatisation du contrôle positif peut leur apporter des avantages financiers.
M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis, a répondu que la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage et la santé des sportifs avait largement amélioré le contrôle médical des athlètes. Il a souligné que si un médecin espagnol avait laissé entendre que des footballeurs ont profité de ses services, aucune preuve n'avait été faite à ce jour d'un système généralisé de dopage des footballeurs. Il a rappelé qu'au début de l'année, les sportifs devaient déposer devant les autorités de lutte contre le dopage leur programme et leurs lieux d'entraînement pour l'année. Chaque modification de ce calendrier doit être immédiatement signalée, sous peine de sanctions disciplinaires. Il a relevé, enfin, que certaines fédérations organisaient la procédure de retrait des gains, notant ainsi que le joueur de tennis Mariano Puerta avait dû rembourser une grande partie de ses gains de l'année 2005.
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption du projet de loi n° 153 (2006-2007) autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport.
* 1 Jacques Anquetil dans un entretien au Journal France-Dimanche en 1967 déclarait : « il faut être un imbécile ou sacrément faux jeton pour s'imaginer qu'un cycliste professionnel qui court deux cent trente-cinq jours par an, par toutes les températures, et dans toutes les conditions, peut tenir le coup sans stimulants (...) ».
* 2 Signalons toutefois que le Conseil de l'Europe avait approuvé une résolution dans ce domaine en 1967, puis adopté une charte européenne contre le dopage dans le sport en 1984, et enfin, en 1989, une Convention contre le dopage, relayées au niveau international, dans le cadre de l'UNESCO, par une charte de l'éducation physique et du sport en 1978.
* 3 Aux termes de son article 37, « elle s'applique à partir du premier jour du mois suivant l'expiration d'un délai d'un mois après la date du dépôt du trentième instrument de ratification, d'approbation ou d'adhésion ». 41 États l'ont ratifié à ce jour. La liste des pays est consultable à l'adresse suivante : http://portal.unesco.org/la/convention.asp?language=F&KO=31037 .
* 4 CE, 15 juillet 2004, Gonzalez de Galdeano.
* 5 Chronique de l'Actualité Juridique du Droit Administratif, 2006, n° 36, La loi du 5 avril 2006 et l'Agence française de lutte contre le dopage.
* 6 Consultable sur le lien suivant : http://www.wada-ama.org/rtecontent/document/code_v3_fr.pdf