TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mardi 24 octobre 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, sur le projet de budget de son ministère pour 2007 (mission « Outre-mer »).
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, a indiqué que les crédits 2007 de la mission « Outre-mer » s'élèvent à 2,03 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 1,96 milliard d'euros en crédits de paiement. Dans un contexte financier toujours marqué par une forte contrainte, ils traduisent l'attachement du Gouvernement aux départements et collectivités d'outre-mer. A cet égard, il convient de tenir aussi compte de ce que les crédits de la mission ne représentent que 13 % de l'effort global de l'Etat en faveur de l'outre-mer, qui s'élève à près de 15 milliards d'euros.
La première priorité du projet de budget est le soutien au développement des collectivités d'outre-mer. Cet objectif implique la reconnaissance des identités particulières et le développement des responsabilités locales, comme le prévoient les deux projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles pour l'outre-mer actuellement soumis au Parlement. Sur le plan financier, il est concrétisé par le soutien de l'Etat aux collectivités dans le cadre des actions « Aménagement du territoire » et « Continuité territoriale » du programme « Conditions de vie outre-mer ». En ce qui concerne la continuité territoriale, il est utile de noter que les crédits du passeport-mobilité augmentent en 2007 de plus de 31 %.
Pour autant, l'emploi représente toujours l'effort principal du ministère de l'outre-mer. Cette politique est dotée de 1,16 milliard d'euros, ce qui représente près de 60 % des crédits de la mission.
Dans l'attente des résultats de l'évaluation prévue à l'article 5 de la loi de programme du 21 juillet 2003, les exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer restent conformes au dispositif institué par cette loi. En ce qui concerne les dispositifs spécifiques financés par la mission « outre-mer » dans le cadre de la lutte contre l'exclusion du marché du travail des publics prioritaires, le projet de budget prévoit le financement de 57.400 contrats aidés. Par ailleurs, les moyens de la formation professionnelle vont être renforcés. C'est ainsi que 3.000 jeunes seront formés en 2007 par le service militaire adapté (SMA), avec un objectif d'intégration dans la vie professionnelle fixé à 72 %.
Pour conclure sa présentation des crédits de l'emploi, M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, a rappelé que la relance de la création d'emplois dans le secteur productif outre-mer est un engagement du président de la République. L'an dernier, le nombre d'emplois salariés dans le secteur marchand a augmenté de 2,2 %, ce rythme étant 3,5 fois supérieur à celui de la métropole. Depuis 2002, 30.000 emplois salariés ont été ainsi créés dans les quatre départements d'outre-mer.
La troisième priorité du ministère de l'outre-mer est l'affirmation de l'Etat de droit et la lutte contre l'immigration clandestine. Des progrès ont été enregistrés dans ce domaine. C'est ainsi que, depuis le 1 er janvier 2006, la délinquance de voie publique a diminué de 12,7 % et que 16.707 éloignements d'étrangers en situation irrégulière ont eu lieu à partir des départements et collectivités d'outre-mer. Ce chiffre, obtenu en huit mois, dépasse le total de l'année 2005 et représente 53,39 % du nombre des éloignements effectués en 2006 sur le plan national.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a ensuite rappelé que le Premier ministre vient de décider d'augmenter les crédits du logement social de 120 millions d'euros consommables sur trois ans, dont 60 millions d'euros seront disponibles dès 2007. La dotation de 2007 augmentera ainsi de plus de 38 % en moyens de paiement, ce qui permettra d'accélérer la relance du logement social dans les départements d'outre-mer.
Par ailleurs, le Premier ministre a souhaité que la dette de la ligne budgétaire unique (LBU) soit apurée avant le 31 mars 2007. A cette fin, un montant de 42 millions d'euros est mobilisé sur l'exercice 2006, dont 30 millions d'euros financés par la Caisse des dépôts et consignations et 12 millions d'euros ouverts dans le collectif budgétaire. Les modalités de mise en oeuvre de cette décision en 2007 n'ont pas encore été fixées.
Il a aussi indiqué que deux audits de modernisation ont été réalisés en 2006 sur la politique du logement social d'outre-mer. Ils ont préconisé le recentrage du rôle de l'Etat sur ses fonctions de pilotage et d'animation de la politique de l'habitat.
Par ailleurs, deux autres études ont été menées pour évaluer la mise en oeuvre des dispositions de la loi de programme relatives aux exonérations de charges et à la défiscalisation des investissements. Leurs conclusions sont soumises à la commission d'évaluation de la loi de programme installée le 5 juillet dernier.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis , a demandé ce qui explique la diminution des crédits de remboursement des exonérations de cotisations sociales, alors que les exonérations ont connu jusqu'à présent une croissance régulière. Elle a souhaité connaître les suites que l'on envisage de donner aux deux évaluations du dispositif d'exonération réalisées en 2006, mentionnant en particulier la proposition de lisser les effets de seuil, la conditionnalité des remboursements et l'amélioration du recouvrement des cotisations. Enfin, rappelant que le Conseil économique et social a proposé de clarifier la rédaction de l'article du code général des impôts relatif à la défiscalisation des activités de recherche et développement des entreprises, elle a voulu savoir si une initiative en ce sens pourrait être prise dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a répondu que les 823 millions d'euros mentionnés dans le bleu budgétaire au titre de la compensation des exonérations de charges, contre 830 millions dans la loi de finances pour 2006, ont un caractère prévisionnel. Le responsable du programme « Conditions de vie outre-mer » utilisera au mieux les crédits dont il dispose. A titre d'illustration, le passeport mobilité, qui connaît un grand succès en 2006, a bénéficié en cours d'exercice d'un abondement permettant de donner satisfaction aux demandes des familles. En ce qui concerne le recouvrement des cotisations sociales, le rapport du Conseil économique et social et celui de la mission d'audit de modernisation, complétés par deux études commandées par le ministère de l'outre-mer, ont été remis à la Commission nationale d'évaluation, dont les conclusions aideront le Gouvernement à élaborer sa position.
Abordant ensuite la politique du logement, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis , a souhaité savoir de quelle façon sera mis en oeuvre le financement de 120 millions d'euros, annoncé par le Premier ministre lors de son récent voyage aux Antilles, pour apurer les dettes de l'Etat auprès des opérateurs. Evoquant l'impact négatif des mécanismes de défiscalisation sur la production de logement social, elle a demandé si un recentrage de la défiscalisation est envisagé. Se référant aux analyses critiques présentées sur le pilotage de la politique du logement, sur l'implication insuffisante des collectivités territoriales et sur le cloisonnement de l'intervention financière de l'Etat, elle s'est enquise des projets de réforme éventuellement à l'étude. Elle a enfin demandé à quelle hauteur sera financée l'extension aux Dom du volet « logement » du plan de cohésion sociale et si la programmation pluriannuelle de la LBU est réalisable.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a rappelé la décision du Premier ministre de résorber les retards de paiement accumulés par l'Etat depuis plus de dix ans dans le secteur de la construction. Un montant de 113 millions d'euros sera engagé à cet effet d'ici à la fin du premier trimestre 2007, selon une procédure déconcentrée. Il a rappelé que les difficultés du secteur du logement social résultent aussi de la rareté du foncier disponible. Le deuxième engagement pris aux Antilles par le Premier ministre porte sur l'allocation d'un montant de 120 millions d'euros en trois ans, dont 60 millions dès 2007, en vue de la mise en oeuvre dans les départements d'outre-mer (Dom) du volet « logement » du plan de cohésion sociale. Ces crédits seront gérés par le ministère du logement. Un troisième engagement du Premier ministre porte sur la mise en place d'une Conférence nationale du logement pour l'outre-mer. Sa mission sera de faire le point avec l'ensemble des acteurs sur les moyens d'éviter de nouveaux cumuls de retards de paiement. En ce qui concerne la gestion de la LBU, le ministère de l'outre-mer a admis que le ministère du logement puisse jouer un rôle de chef de file si l'efficacité de l'action de l'Etat le justifie. Ce qui importe est que l'accumulation des retards de paiement aux opérateurs ne se renouvelle pas.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis , a souligné que les professionnels du logement professent des opinions contradictoires sur l'étendue des réserves foncières dont l'Etat et les collectivités territoriales ont la maîtrise.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a indiqué que si les ministères de la défense et de l'éducation disposent de réserves importantes, la spéculation et l'augmentation des prix portent les évaluations des Domaines à un niveau important. L'Etat doit en tenir en compte pour fixer le prix de vente des terrains, ce qui alourdit les charges des bailleurs sociaux. Cette situation pourrait justifier la réorientation d'une partie de la défiscalisation vers le logement social. Le même problème se pose pour les collectivités territoriales.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis , rappelant qu'un audit de l'indemnité temporaire de retraite est en cours de réalisation, a demandé si l'existence d'un lien fort entre l'agent qui prend sa retraite et l'outre-mer peut apparaître comme un critère possible d'allocation de l'indemnité et être retenu comme élément déterminant d'acceptation d'une réforme éventuelle.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a estimé que l'outre-mer connaît les mêmes problèmes que la métropole, mais multipliés par deux ou trois. Ceci concerne le nombre des chômeurs, celui des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et celui des allocataires de prestations sociales, ainsi que l'évolution démographique. L'Etat doit anticiper sur les besoins que cette situation suscite dans un grand nombre de domaines. Il en résulte des contraintes supplémentaires pour les agents de l'Etat, parfois très lourdes comme le montre le tribut payé par les gendarmes, notamment en Guyane, depuis le début de l'année. Il est légitime que des bonifications accompagnent cette réalité. Il est facile de critiquer l'indemnité temporaire de retraite mais, sur le plan opérationnel, si ce dispositif devait être amélioré, il faudrait que ce soit dans des conditions acceptables par les 30.000 fonctionnaires de l'Etat vivant dans les six collectivités d'outre-mer, par les collectivités directement intéressées et par les finances publiques, ceci tant au regard de la finalité du dispositif que de son coût, qui s'élève à 250 millions d'euros. Les mises en cause trop hâtives ne permettent pas de définir les voies acceptables d'une éventuelle réforme. A quelques mois d'une échéance politique essentielle, il est envisageable d'aborder ce dossier dans le cadre d'une réflexion liée à l'élaboration d'un projet de législature.
En réponse à une dernière question de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, sur la création non encore réalisée de l'observatoire des prix prévu par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, il s'est déclaré très favorable à la mise en place de cet outil dans les Dom, afin que la réalité du coût de la vie soit appréhendée de façon objective. Des problèmes de périmètre, de moyens et de conditions de fonctionnement se posent cependant.
M. Nicolas About, président , a demandé si les crédits inscrits au budget de 2006 sont suffisants pour assurer la compensation intégrale des exonérations de charges sociales. La baisse des dotations signifie-t-elle qu'une baisse des exonérations est attendue en 2007 ou bien résulte-t-elle seulement de la souplesse de gestion autorisée par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ?
M. Alain Vasselle a précisé que les exonérations spécifiques de charges sociales ne sont pas toujours compensées de manière satisfaisante par le budget de l'Etat.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a réaffirmé le caractère indispensable des exonérations de charges sociales pour développer l'emploi dans le secteur marchand outre-mer. Le montant inscrit au projet de budget est globalement valable, a-t-il précisé, mais les chiffres exacts ne seront disponibles qu'en fin d'exercice. Le mécanisme consiste en une sorte de droit de tirage, gagé par les crédits du ministère de l'outre-mer, des entreprises sur l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
M. Jacques Gillot a demandé si une modification du décret, fixant le montant de la dotation versée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au titre de la prestation compensatoire de handicap, est prévue afin d'ajuster la base de calcul retenue à la dépense effectivement constatée en 2004 en Guadeloupe. Il a souhaité savoir si le niveau de compensation de la dépense au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) fixé pour 2005 et 2006, correspondant à 31 % de la dépense réelle, sera maintenu pour les exercices à venir. Notant la croissance exponentielle de la dépense afférente au revenu minimum d'insertion, il s'est enquis des conditions de mise en oeuvre de la dotation exceptionnelle de 500 millions d'euros, versée en trois ans à partir de 2006. Il a enfin voulu savoir quelle part des crédits ouverts pour le logement en 2007 sera consacrée au rattrapage de la dette et quelle part servira à financer des opérations nouvelles.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a précisé que la prestation compensatoire de handicap est un dispositif nouveau visant un public plus large que l'allocation compensatoire pour tierce personne. Pour tenir compte de cette différence, l'Etat a prévu de verser 500 millions d'euros aux départements cette année. En outre, 20 millions d'euros seront répartis entre les départements pour financer la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées. En ce qui concerne l'Apa, le niveau de compensation sera maintenu et pour le RMI, la Guadeloupe percevra au titre de 2005 une dotation exceptionnelle permettant de couvrir entre 60 % et 70 % des dépenses. Enfin, les crédits destinés au logement hors dette s'élèvent à 236 millions d'euros en 2007, ce qui représente une augmentation de 20 % des crédits.
M. Alain Gournac s'est associé à l'hommage rendu par le ministre aux gendarmes de la Guyane, puis il a évoqué les conséquences de l'épidémie de chikungunya sur le secteur du tourisme à la Réunion et a demandé si un plan de prévention sera mis en place en 2007. Il s'est ensuite félicité de la décision de résorber les retards de paiement de l'Etat dans le secteur du logement, les effets de cette situation étant catastrophiques pour l'emploi outre-mer. Evoquant l'alcoolisme à Mayotte, et spécialement celui qui touche les femmes enceintes, il a exprimé le souhait que l'aide aux associations luttant contre ce phénomène soit renforcée et a rappelé les efforts du conseil régional de la Réunion pour mobiliser sur ce dossier l'ensemble des parties intéressées. Il s'est enfin enquis de l'évolution du statut de Mayotte.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer , a indiqué que neuf cas de chikungunya ont été constatés la semaine passée à la Réunion et que la période actuelle correspond à celle du début de l'épidémie l'année dernière. Cette épidémie a révélé la baisse d'intensité de la lutte anti-vectorielle contre les moustiques. Les mesures concertées lancées au cours de l'année par l'Etat et les collectivités territoriales restent en vigueur. La maladie, très méconnue jusqu'à l'année dernière, y compris au sein de l'organisation mondiale de la santé (OMS), doit faire l'objet de fortes recherches. Un pôle recherche a donc été mis en place. Des efforts importants sont consentis en matière de lutte anti-vectorielle. Par ailleurs, les services de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) ont été étoffés, passant de quatre-vingt-quinze à cent cinquante-deux agents, l'objectif étant de monter à deux cent vingt agents. Enfin, un groupement d'intérêt public (Gip) confortera la coopération de l'Etat et des collectivités territoriales dans la lutte contre la maladie. En ce qui concerne les difficultés de l'économie réunionnaise, une enveloppe de 100 millions d'euros a été débloquée par le Premier ministre, dont une partie, non encore consommée, est destinée aux entreprises. En l'absence de vaccin et de traitement du chikungunya, il faut aider les professionnels du tourisme, activité globalement sinistrée, le temps nécessaire. Le Gouvernement a lancé à cet égard une campagne sur l'efficacité des mesures individuelles de protection en liaison avec les professionnels réunionnais du tourisme.
L'alcoolisme à Mayotte et dans tout l'outre-mer nécessite une grande politique publique mobilisant tous les acteurs concernés. Le ministère de l'outre-mer dispose de son côté de crédits permettant de financer les associations de terrain.
En ce qui concerne le statut de Mayotte, le projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer prévoit la création d'une identité législative plus affirmée, ce qui rapproche l'île du droit commun. Une anticipation du rendez-vous référendaire avec les Mahorais n'est pas à exclure.