Avis n° 79 (2006-2007) de MM. Serge LAGAUCHE et Louis de BROISSIA , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 23 novembre 2006

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N° 79

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2006

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2007 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IX

CINÉMA, AUDIOVISUEL
ET EXPRESSION RADIOPHONIQUE LOCALE

Par MM. Serge LAGAUCHE et Louis de BROISSIA,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Jacques Legendre, Serge Lagauche, Jean-Léonce Dupont, Ivan Renar, Michel Thiollière, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Pierre Martin, David Assouline, Jean-Marc Todeschini, secrétaires ; M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Pierre Bordier, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Christian Demuynck, Denis Detcheverry, Mme Muguette Dini, MM. Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. François Fillon, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Soibahaddine Ibrahim, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Pierre Laffitte, Simon Loueckhote, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Jean-Luc Mélenchon, Mme Colette Mélot, M. Jean-Luc Miraux, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jean-François Picheral, Jack Ralite, Philippe Richert, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Robert Tropéano, André Vallet, Jean-François Voguet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 3341 , 3363 à 3368 et T.A. 619

Sénat : 77 et 78 (annexe n° 7 ) (2006-2007)

Lois de finances .

Les sujets relatifs aux programmes 712 « Industries audiovisuelles » et 713 « Soutien à l'expression radiophonique locale » sont traités dans l'avis budgétaire n° 79 (2006-2007) du tome VI « Médias » présenté par M. Louis de Broissia au nom de la commission des affaires culturelles.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le secteur du cinéma connaît des évolutions profondes et rapides : les modes de financement évoluent et se complexifient, l'environnement européen a un impact croissant sur les politiques publiques de soutien au cinéma ; enfin et surtout, les mutations technologiques bouleversent les modes de production, de diffusion et de consommation des oeuvres cinématographiques.

Tout ceci peut contribuer à expliquer pourquoi les professionnels du cinéma s'inquiètent pour l'avenir de leur secteur, alors même que celui-ci connaît une réelle vitalité.

Outre l'examen des évolutions budgétaires et du cadre juridique du secteur cinématographique, votre rapporteur a souhaité évoquer, dans le présent rapport, le défi de l'émergence du cinéma numérique ainsi que l'enjeu de la diversité culturelle.

I. LES ÉVOLUTIONS RÉCENTES DU SECTEUR

A. UNE EMBELLIE POUR L'EXPORTATION DES FILMS FRANÇAIS

Pour la troisième année consécutive, le Centre national de la cinématographie (CNC) a publié les principaux résultats de l'activité d'exportation française de films cinématographiques.

Précisons que les films français sont définis comme les films d'initiative française (dont les coproductions majoritaires françaises) et les coproductions minoritaires françaises.

Les évolutions dans ce domaine doivent être considérées avec précaution. En effet, les recettes à l'exportation sont concentrées sur quelques titres, ces derniers pouvant faire varier fortement les résultats chaque année. En outre, les recettes prises en compte sont celles effectivement encaissées au cours de l'année 2005.

Ceci étant précisé, les recettes cinématographiques à l'exportation générées par les films français en 2005 -qui se rapportent en majorité à des ventes effectuées en 2003, 2004 et début 2005- s'élèvent à 153,2 millions d'euros, soit en hausse de 8,4 % par rapport à 2004. Depuis 2003, elles auront connu une croissance de près de 24 %. Notons que les films de catalogue, produits avant le 1er janvier 2002, représentent 19,8 % des recettes encaissées.

Les exportateurs soulignent les évolutions suivantes : la baisse du niveau des prix de vente des films français, une plus forte sélectivité dans l'achat des films, une réelle concurrence des films nationaux sur un nombre croissant de marchés, une diminution des volumes de préachats et un accroissement des achats de films terminés.

Relevons qu'en 2005, tout comme les deux années précédentes, les trois premiers pays acheteurs de films français sont l'Italie, le Japon et l'Allemagne, ces trois pays totalisant 35,8 % de l'ensemble de ces recettes (contre 40,6 % en 2004).

Le secteur de l'exportation de films se caractérise, en France, par une certaine concentration : seules 19 sociétés ont déclaré des recettes issues de cette activité au titre de l'exercice 2005 et les trois entreprises les plus importantes réalisent 62 % des recettes encaissées pour la vente de films français à l'étranger.

B. UNE HAUSSE DE LA PRODUCTION ET DE LA FRÉQUENTATION

1. Une évolution structurellement favorable

a) La vitalité de la production

En 2005, la production de films a continué a progressé, marquant ainsi un record absolu du nombre de films agréés par le CNC : 240 films, dont 187 films d'initiative française, contre respectivement 203 et 167 l'année précédente.

On enregistre ainsi, en 10 ans, de 1996 à 2005, une augmentation de 37 % du nombre de films sortis en salles, en première exclusivité, soit 10 nouveaux films en moyenne chaque semaine.

b) Une évolution positive, bien qu'erratique, de la fréquentation

Cette vitalité de la production s'est, en revanche, accompagnée d'une baisse assez sensible de la fréquentation des salles, avec 146 millions d'entrées, contre 168,4 millions d'entrées en 2004. En outre, cette diminution de la fréquentation a touché plus particulièrement les films français (- 14 %) ; le nombre d'entrées reste toutefois à un niveau très supérieur à la moyenne des dix dernières années.

On note une sensible amélioration pour l'année en cours. En effet, sur les dix premiers mois de l'année 2006 , on estime à 151,17 millions le nombre d'entrées dans les salles, soit 10,4 % de plus que sur la même période en 2005.

c) Une progression de la part de marché des films français

Par ailleurs, sur les dix premiers mois de l'année 2006, la part de marché des films français est estimée à 43,7 % contre 36,9 % sur la même période en 2005. La part de marché des films américains est estimée à 47,3 %.

2. Les problèmes liés à la diffusion en salles

a) La dégradation des conditions de sortie des films en salles

Il est évident que la concomitance de la surabondance de l'offre et de la diminution de la fréquentation en salles en 2005 a exacerbé les difficultés liées à l'encombrement des salles et à la difficulté pour un certain nombre de films de trouver leur public, faute d'une exposition suffisante.

Les professionnels attribuent l'inflation des sorties de films à plusieurs facteurs :

- les conditions de financement, regardées par certains comme pouvant contribuer à l'emballement des sorties ;

- la création, par les chaînes de télévision, de filiales qui interviennent sur le marché de la distribution en salles en diffusant un nombre de films relativement important (une cinquantaine par an en moyenne) ;

- les aides à la distribution, sachant toutefois que les films qui en sont bénéficiaires (du moins pour certaines d'entre elles) disposent généralement d'une surface d'exposition réduite ;

- le nombre relativement important de films américains (une cinquantaine par an en moyenne) autres que ceux des « majors » américaines, sortis par des distributeurs qui ne sont adossés ni aux groupes cinématographiques intégrés ni aux chaînes de télévision ;

- les sorties dites « techniques », qui permettent à un certain nombre de films de remplir, du fait de leur sortie en salles, les conditions nécessaires à leur diffusion sur les autres supports ;

- les oeuvres dont la première diffusion fait l'objet d'une « avant-première » à la télévision juste avant leur diffusion en salles ;

- le poids grandissant des multiplexes (ils représentent près de la moitié des entrées) qui ont besoin d'une offre de films abondante, ainsi que la place déterminante de ce type d'équipements au sein des deux plus grands circuits français (EuroPalaces et UGC) ;

- la mise en place par ces deux grands circuits de formules d'abonnement de type "entrées illimitées", dont le principe suppose une offre importante de films ;

- les besoins en films des chaînes de télévision à péage ;

- les contrats d'exclusivité en « achats groupés » passés par Canal Plus et TPS avec les principales "majors" et les studios indépendants américains.

Il convient d'ajouter que l'accroissement considérable du nombre de copies de films amplifie ce phénomène . Avec plus de 75 000 copies en 2005, leur nombre a plus que doublé en 10 ans, alors que le nombre de téléspectateurs augmentait de 28 % au cours de la même période. Il en résulte une baisse très sensible du nombre de spectateurs par copie, de l'ordre de 30 %. Ainsi, la durée d'exposition des films s'en est trouvée raccourcie.

Cette situation résulte notamment de l'accroissement du parc de salles, de l'amélioration de la desserte des salles situées dans des villes moyennes ou petites -et dont il convient de se réjouir-, de la demande croissante du public à bénéficier immédiatement des films de grande audience, de la surexposition accordée à certaines productions, de l'effet de l'activité des distributeurs adossés aux chaînes de distribution, ainsi que de la diminution du coût du tirage des copies.

Un autre problème concerne la répartition irrégulière des sorties de films en salles au cours de l'année , les plans de diffusion étant organisés autour de quelques semaines jugées propices à la fréquentation. Ces périodes souffrent, par conséquent, de l'encombrement des écrans, et parfois de leur relative saturation. Il en résulte également une rotation très rapide des films et donc un raccourcissement de leur période d'exposition et d'amortissement.

Ainsi, 42 % des films sortis ont enregistré chacun moins de 20 000 entrées et ils ont attiré au total moins de 1 % de la fréquentation.

En outre, l'effacement progressif des frontières entre les films dits d'« art et essai » et les autres contribuent à l'aggravation des tensions concurrentielles entre les différents types de salles. De plus, les films les plus fragiles, qui représentaient le débouché le plus naturel des salles « art et essai » y ont un accès plus difficile.

Enfin, tous ces phénomènes conduisent à une dégradation sensible des relations entre les différentes catégories d'acteurs, notamment entre les distributeurs et les exploitants.

b) Les recommandations du rapport de M. Jean-Pierre Leclerc

Cette situation a été remarquablement analysée, en juillet 2006, par M. Jean-Pierre Leclerc ; celui-ci s'était vu confier, par Mme Véronique Cayla, directrice générale du CNC, une mission de médiation et d'expertise relative aux conditions actuelles des sorties de films en salles.

Son rapport évoque les nombreuses solutions de nature à normaliser les relations entre exploitants et distributeurs, avec des mesures de régulation à même de limiter les dysfonctionnements ainsi identifiés. Il a mis l'accent sur les propositions relevant plus directement d'accords entre professionnels.

Compte tenu de l'importance de ce sujet pour l'avenir du secteur et de l'intérêt de ces propositions, votre rapporteur présentera brièvement les principales d'entre elles :

- maîtriser le nombre de films : ceci pose en particulier la question de l'examen des modes de financement de la production des films agréés, pour déterminer dans quelles conditions ceux-ci peuvent contribuer à l'augmentation du nombre de films, ainsi que le problème des sorties dites « techniques ». Ce dernier est aussi lié à la problématique de la chronologie des médias ;

- réguler le nombre de copies : soit en plafonnant le nombre de copies par film (non au niveau national mais par bassin de population, afin de ne pas priver les salles des petites villes d'un accès immédiat aux films), soit au stade de l'exploitation (notamment en limitant la multidiffusion dans les multiplexes). Votre rapporteur rappelle cependant, à cet égard, que le développement du numérique entraînera, à terme, la suppression des copies physiques ;

- améliorer les calendriers de sortie des films ;

- revoir le statut des salles et des films « art et essai » , de nombreux acteurs estimant nécessaire de les recentrer sur leurs objectifs initiaux et, par conséquent, de réduire le périmètre des films concernés ;

- améliorer les conditions de programmation des films en salles , en créant ou en renforçant les obligations des exploitants en termes de durée d'exposition des films en salles ;

- procéder à un audit des différents systèmes d'aides accordées par le CNC , afin d'en mesurer les effets au regard des objectifs initialement poursuivis ; une restructuration des dispositifs serait nécessaire s'il s'avérait que leurs effets sont de nature à participer à l'inflation de sorties de films ou à accentuer les déséquilibres entre les différents acteurs ;

- améliorer les relations entre les distributeurs et les exploitants , avec une réévaluation des contrats de location, une réouverture éventuelle et encadrée de la publicité des films à la télévision, un rééquilibrage géographique de la répartition des budgets de promotion, ainsi, en tout état de cause, qu'un code de bonne conduite ; enfin, il est proposé de réviser le prix de référence dans le cadre des formules d'abonnement de type « entrées illimitées », sachant que ces formules doivent faire l'objet d'un renouvellement d'agrément en mars 2007 ;

- limiter les effets de la concentration verticale par rapport aux chaînes de télévision , en supprimant ou plafonnant leurs possibilités de distribuer des films autres que ceux financés par la chaîne ou en supprimant ou minorant les aides aujourd'hui allouées à ces filiales ; relevons que ces mesures seraient de nature législative ;

- revoir la chronologie des médias , le faible niveau de performances réalisées en salle par un grand nombre de films semblant à certains peu compatible avec ce principe ; cette question est sans doute parmi les plus délicates ;

- renforcer la coopération et organiser la concertation entre les professionnels .

Votre rapporteur se réjouit de la mise à plat de cette importante question des conditions de sorties des films en salles. Cette mission de M. Jean-Pierre Leclerc a eu le mérite de mettre autour de la table l'ensemble des acteurs et d'évoquer une panoplie très large de mesures de nature à remédier aux problèmes qu'elle a permis d'identifier précisément. Aux professionnels de s'en saisir, car l'urgence est avérée.

3. Vers une réforme des dispositifs de financement ?

M. Jean-Pierre Leclerc n'est pas le seul à évoquer la nécessité d'auditer et, le cas échéant, de réformer les dispositifs d'aides à la production, la distribution et l'exploitation cinématographique.

Le rapport de M. Jean-Paul Goudineau sur la projection en numérique, que votre rapporteur présentera ci-après, fait aussi état de la nécessité d'une remise à plat.

Enfin, dans son récent ouvrage 1 ( * ) , Mme Françoise Benhamou, économiste, professeur et chercheur, soutient clairement ce point de vue. Elle estime, en effet, que : « la mise en question récurrente de la qualité doit conduire à se demander s'il n'est pas temps de rééquilibrer la part des aides automatiques et celle des aides sélectives. Elle conduit aussi à questionner l'efficacité d'aides publiques aussi éparses et, pour partie, artificielles. »

La logique inhérente au système fait que le déséquilibre entre soutien automatique et soutien sélectif s'accroît chaque fois que la part du cinéma français se redresse , entraînant mécaniquement un accroissement de la dotation des producteurs pour leur film suivant. Ainsi, en 2005, pour la part du compte de soutien qui est redistribuée au cinéma, l'avance sur recettes et les autres aides sélectives -aides aux films en langue étrangère, aides à l'écriture et au développement, aides aux coproductions internationales, soutien à la production et à la diffusion de courts métrages, aides à la distribution et à l'exploitation de salles- représentent 97 millions d'euros, contre 157 millions pour le soutien automatique. La croissance du budget de l'avance sur recettes n'a pas suivi celle du nombre de films produits, de sorte que la concurrence entre les projets ne cesse de se durcir.

Mme Françoise Benhamou en conclut que « l'intervention publique devrait se manifester par un renforcement de la logique culturelle » . Votre rapporteur souligne la pertinence de ses arguments : « N'y-a-t-il pas lieu, pour une industrie plus qu'arrivée à maturité, de consolider la dimension culturelle de l'intervention, en corrigeant le mécanisme du compte de soutien de manière à augmenter les montants alloués sur des critères de qualité ? Le montant de l'avance sur recettes avant réalisation varie de 80 000 à 500 000 euros, avec une moyenne de 373 500 euros, soit un peu plus de 10 % du devis des films aidés. Accroître les aides aux films sélectionnés par la commission, de manière à mieux en accompagner tout le processus de production et de diffusion, pourrait paradoxalement profiter à tous, en réduisant le nombre des films soutenus sans être vraiment diffusés et en permettant de la sorte d'améliorer le taux de remboursement des avances. »

Allant dans le sens du rapport précité de M. Jean-Pierre Leclerc, l'auteur estime qu'est posée « la question des conditions de la réception des films par le marché et celle de l'abondance, ou du moins du juste équilibre entre niveau de la production et capacités de diffusion. L'accroissement du nombre des films requiert une capacité croissante de financement en amont et des possibilités nouvelles de diffusion en aval. Les dix films français qui ont réalisé les meilleurs scores cette année-là absorbent 33 % de la fréquentation des films français. Il ne reste, pour 90 % des films, qu'une moyenne de 200 000 à 300 000 spectateurs, et bien moins si l'on tient compte de la programmation de films plus anciens. Certains disparaissent sans avoir existé. (...) C'est là une politique de saupoudrage dispendieuse et frustrante.

Nombre de ces films ne bénéficient pas pour autant d'une programmation à la télévision. 823 films, soit 60 % de la production cinématographique française des années 1983-1992, n'avaient toujours pas été diffusés en clair en 1995.

Une production moins importante en nombre ne permettrait-elle pas de mieux soutenir des films depuis leur élaboration, avec un effort particulier sur les scénarii, point de faiblesse souvent soulevé, jusqu'à leur sortie en salles ? (...) Les pertes sur les films rejetés par le marché ne sont pas compensées par ce mode de distribution complémentaire que constitue la vidéo. »

En tout état de cause, l'ensemble des professionnels rencontrés par votre rapporteur s'inquiètent des tensions du compte de soutien, qui ont conduit le CNC, depuis deux ans, à diminuer le montant de certaines aides.

Dans ces conditions, votre rapporteur souhaite qu'une étude approfondie des mécanismes de soutien au cinéma soit conduite afin, si nécessaire, d'en renforcer l'efficacité dans le respect des objectifs qui leur sont assignés.

Cette remise à plat devrait concerner l'ensemble des sujets, et notamment le rééquilibrage des aides automatiques et sélectives, l'articulation des financements -y compris avec les chaînes de télévision et les régions-, le contrôle des volumes de production et de distribution, et la redéfinition du label « art et essai ».

Votre rapporteur , ainsi qu'il le précisera ci-après, souhaite qu'elle s'accompagne d'une réflexion sur un renforcement des ressources du compte de soutien géré par le CNC, notamment par le biais d'une contribution des nouveaux fournisseurs de contenus , à savoir l'internet à haut débit et la téléphonie mobile.

II. LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES ET DU CADRE JURIDIQUE

A. LE PROGRAMME « INDUSTRIES CINÉMATOGRAPHIQUES » DU COMPTE D'AFFECTION SPÉCIALE

1. Les recettes

La mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » retrace les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) du même nom, créé par l'article 35 du projet de loi de finances pour 2006.

Pour 2007, ce compte d'affectation spéciale s'établira à 529,67 millions d'euros en crédits de paiement et autorisations d'engagement, en hausse de 2 % par rapport à 2006.

Il est composé de trois sections, dont les deux dernières - qui couvrent les programmes « industries audiovisuelles » et « soutien à l'expression radiophonique locale » - sont analysées par M. Louis de Broissia dans l'avis budgétaire « médias » qu'il présente au nom de votre commission.


• La première section du compte correspond, quant à elle, au programme 711 consacré aux industries cinématographiques . Ses recettes devraient s'élever à 269,8 millions d'euros (M€) (contre 263,76 M€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2006). Elles proviennent :

- du produit de la taxe spéciale incluse dans le prix des billets d'entrée dans les salles de cinéma, pour un montant évalué à 121,07 M€ (sur la base de 187 millions de spectateurs) ;

- d'une part (36 %) du produit des taxes et prélèvements sur les sommes encaissées par les sociétés de télévision au titre de la redevance, de la diffusion des messages publicitaires et des abonnements, pour 125 ,84 M€, en progression de 3,4 %. Depuis 2006, l'assiette de la taxe comprend le produit des appels téléphoniques à revenus partagés et des envois de minimessages électroniques liés aux programmes ; en outre, la loi de finances pour 2006 avait élargi l'assiette de la taxe aux recettes de parrainage. Cette ressource devrait progresser grâce à l'autorisation de la publicité pour la grande distribution à partir de 2007 ;

- et d'une part (65 %) de la taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes, pour un montant évalué à 34,24 M€. Rappelons que cette part était fixée à 80 % en 2004 et 2005 et a été réduite à 65 % à compter de 2006. Cette évaluation tient compte de l'évolution du chiffre d'affaires des ventes, qui serait en baisse de 7 % en 2006 et de 3 % en 2007, ainsi que de l'entrée en vigueur, à compter du 1 er janvier 2007, de la surtaxation appliquée aux vidéogrammes à caractère pornographique et d'incitation à la violence votée en loi de finances pour 2006 (le taux de taxation passera de 2 à 10 %).

Le tableau ci-dessous fait apparaître l'évolution de ces ressources depuis 2005.

ÉVOLUTION DES RECETTES DU COMPTE DE SOUTIEN DESTINÉES AU SOUTIEN DE L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE (en millions d'euros)

2005

2006

2007

LFI

Constatées

LFI

Constatées
(au 30 juin)

Projet de loi de finances

Total

266,65

251,88

263,76

144,71

269,82

Produit de la taxe additionnelle au prix des places dans les salles de spectacles cinématographiques

112,32

104,60

112,86

70,97

121,07

Prélèvement spécial sur les bénéfices résultant de la production, de la distribution ou de la représentation de films pornographiques ou d'incitation à la violence

0,30

0,27

0,35

0,17

0,35

Taxe et prélèvement sur les sommes encaissées par les sociétés de télévision au titre de la redevance, de la diffusion des messages publicitaires et des abonnements

121,68

116,63

121,65

60,25

125,84

Taxe sur les encaissements réalisés au titre de la commercialisation des vidéogrammes

32,00

29,97

28,60

13,30

22,26

Recettes diverses ou accidentelles

0,35

0,40

0,30

0,01

0,30

Source : ministère de la culture et de la communication.

Votre rapporteur précise que le dispositif lié à la taxe spéciale sur le prix des billets fait l'objet d'une réforme tendant :

- d'une part, à passer d'un dispositif comportant plus de vingt tranches d'imposition à un taux unique, fixé à 10,72 % de la recette perçue ;

- d'autre part, au transfert du recouvrement de la taxe, de la direction générale des impôts au CNC, à compter du 1 er janvier 2007. Cette mesure répond à un double objectif de modernisation et de simplification. Il s'agit, en effet, de tirer parti des synergies existant entre la mission de recouvrement de la taxe et celle de suivi de la fréquentation des salles, mais également de tirer les conséquences de la généralisation progressive de la télédéclaration et du télépaiement.

Cette réforme apparaît logique, le CNC étant destinataire des fonds consacrés à ce programme afin d'assumer ses missions de soutien en faveur du secteur.


• Rappelons qu'outre ces fonds, le CNC gère les crédits d'intervention et d'investissement des actions financées directement par le ministère de la culture et de la communication.

2. Les objectifs et indicateurs de performance

Le choix des objectifs et des indicateurs de performance de ce programme s'est fondé sur deux priorités :

- conforter l'efficacité globale de l'action du CNC au service du cinéma,

- et répondre aux mutations les plus récentes qui affectent les conditions de financement, de création, de production et de diffusion du cinéma.

Par rapport à l'an dernier, votre rapporteur relève que l'intitulé de certains objectifs a été modifié ou précisé. Quelques indicateurs ont aussi évolué, certains ayant été supprimés.

a) Conforter l'efficacité globale de l'action du Conseil national de la cinématographie (CNC) au service du cinéma

Cette première priorité du CNC est déclinée selon trois objectifs : favoriser le succès du cinéma français en France et à l'étranger (objectif n° 1), oeuvrer à la qualité et à la diversité de la création (objectif n° 2) et contribuer à une répartition de l'offre cinématographique du cinéma sur l'ensemble du territoire (objectif n° 3).

(1) Objectif n° 1 : favoriser le succès du cinéma français en France et à l'étranger

La politique de soutien au cinéma doit contribuer à assurer à la création d'initiative française l'audience en salle la plus large possible en France comme à l'étranger. Le système de soutien public au cinéma contribue à ce succès, qui dépend cependant largement de paramètres exogènes.

Les deux premiers indicateurs retenus pour illustrer cet objectif sont fondés sur une approche quantitative (« part de marché des films nationaux, en salle, au sein du marché domestique » et « nombre de films français montrés en salle à l'étranger »). La dimension comparative de l'indicateur n° 1 contribue à évaluer l'efficacité globale comparée du système français par rapport à ceux de nos principaux voisins européens. L'indicateur n° 3 (« part des films français parmi les films montrés dans les principaux festivals internationaux ») mesure de façon indirecte l'impact de la politique générale de promotion de la création cinématographique française et la reconnaissance de sa qualité.

(2) Objectif n° 2 : oeuvrer à la qualité et à la diversité de la création

Le soutien au renouvellement de la création favorise, sans la garantir, une production cinématographique de qualité. L'action du CNC à ce titre repose sur de nombreux mécanismes :

- l'avance sur recettes avant et après réalisation pour les films de long métrage : la part des premiers et deuxièmes films dans les films ayant fait l'objet d'un avis favorable au titre de cette avance avant réalisation (indicateur n° 1) permet de mesurer la capacité du mécanisme d'avance sur recettes à faire émerger durablement de nouveaux talents. Le 2 e indicateur permet de mesurer le succès critique des films d'avance dans les principaux festivals internationaux ;

- le 3 e indicateur concerne le soutien aux films de court métrage dans toute sa diversité. En mesurant la part dans ces films, des films d'animation, documentaires ou expérimentaux, il vise à mesurer les efforts entrepris pour contribuer au rééquilibrage de la part des différents genres dans la production de court métrage, au profit des oeuvres ne relevant pas de la catégorie de la fiction ;

- votre rapporteur relève qu'a été supprimé cette année l'indicateur portant sur les films « art et essai ». Des réflexions sont en cours sur l'attribution de la qualité de film d'art et essai, compte tenu de la proportion très importante de films en bénéficiant.

(3) Objectif n° 3 : contribuer à une répartition de l'offre cinématographique équilibrée sur l'ensemble du territoire

L'action du CNC contribue à assurer l'accès du plus grand nombre à une offre cinématographique diversifiée sur l'ensemble du territoire. L'indicateur n° 1 illustre cet objectif en mesurant la part de la fréquentation des salles en zone rurale et dans les unités urbaines de moins de 30 000 habitants. Certains mécanismes influent indirectement sur les choix opérés par les acteurs privés (soutien automatique à l'exploitation), alors que d'autres visent à remédier directement aux disparités territoriales de diffusion des films :

- s'agissant de l'aide sélective à la création et à la modernisation de ces salles, l'indicateur n° 2 mesure l'effet de levier de ces aides sur les autres sources de financement des travaux effectués dans ces salles ;

- en revanche, votre rapporteur note que le 3 e indicateur de cet objectif a été supprimé. Il concernait les interventions de l'Agence de développement régional du cinéma (ADRC), association subventionnée par le CNC, qui finance des tirages de copies supplémentaires de films destinées notamment à circuler dans les petites villes.

b) Répondre aux mutations du secteur

La seconde priorité générale que s'assigne le CNC au titre de ce programme consiste à répondre à deux préoccupations immédiates des pouvoirs publics et des professionnels du cinéma : favoriser l'attractivité du territoire national et l'indication des collectivités territoriales (objectif n° 4) et favoriser la diversité de l'offre et l'exposition de la création française en vidéo, et sur les nouveaux supports et les nouvelles formes de distribution à la demande, internet et mobile (objectif n° 5).

(1) Objectif n° 4 : favoriser l'attractivité du territoire national et l'implication des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales -en particulier les régions- manifestent le souci de contribuer de façon croissante au financement des oeuvres cinématographiques. Cette tendance de fond a conduit le CNC à rénover sa politique conventionnelle avec ces collectivités, afin de faire du secteur cinéma-audiovisuel un véritable pôle de développement culturel et économique local.

- L'an dernier, l'indicateur n° 1 mesurait la capacité du dispositif à susciter une dynamique forte de financement de la production cinématographique par les collectivités territoriales. Votre rapporteur s'interroge sur les raisons ayant conduit à la suppression de cet indicateur.

- En revanche, subsiste l'indicateur permettant d'évaluer l'évolution de la part du temps de tournage réalisé en France et donc, indirectement, l'impact du dispositif de crédit d'impôt mis en place en 2004.

- Un autre indicateur permet d'évaluer l'impact de ce dispositif sur les dépenses effectuées en France. A cet égard, on peut se réjouir des retombées positives du crédit d'impôt cinéma sur le secteur des industries techniques.

(2) Objectif n° 5 : favoriser la diversité de l'offre et l'exposition de la création française en vidéo, et sur les nouveaux supports et les nouvelles formes de distribution à la demande, internet et mobile

Les difficultés actuelles du secteur de la vidéo conduisent le CNC à poursuivre son effort en vue d'une consolidation du marché de l'édition et à encourager le développement de la vidéo sur les nouveaux canaux de distribution que sont internet et le mobile.

Au cours des neuf premiers mois de l'année 2006, le marché de la vidéo a baissé de -7,6 % en valeur et de -9,3 % en volume. C'est la première fois depuis que le marché français de la vidéo est en baisse, que le recul du chiffre d'affaires de ce secteur est plus limité que celui des volumes de ventes, ce qui peut illustrer une certaine maturité du marché.

Au troisième trimestre 2006, le chiffre d'affaires des ventes de DVD progresse de 2,1 % ; les DVD constituent 99 % du marché en volume. Les Français ont acheté 7 % de DVD en moins par rapport aux neuf premiers mois de l'année 2005. Ceci s'explique par le fait que, pour la première fois depuis l'arrivée des DVD en France en 1997, leur prix moyen a progressé de 7,5 % au troisième trimestre 2006. Ainsi, sur les neuf premiers mois de l'année, le prix moyen des DVD a augmenté de 1,2 % à 12,26 €.

Il s'agit :

- d'inciter les éditeurs vidéo à accroître leur participation au financement du cinéma français. Les indicateurs n° 1 (« part de marché des films français édités sur support vidéo ») et n° 2 (« recettes générées par les films vidéo rapportées aux recettes en salles générées par les mêmes films, et comparaison avec les titres américains ») visent à mesurer l'efficacité des aides automatiques à ce secteur ;

- d'adapter ces aides financières au secteur de la vidéo. A cet égard, votre rapporteur s'interroge sur la suppression, pour 2007, de l'indicateur qui se rapportait à cet objectif, en vue d'évaluer la capacité du soutien sélectif à favoriser la diffusion de DVD à fort contenu culturel.

3. Les dépenses

a) Le soutien à la production et la création
(1) Les différents types d'aides directes

La production cinématographique bénéficie de plusieurs types d'aides :

- le soutien automatique aux producteurs, généré à raison de la diffusion des films en salles, à la télévision ou sur vidéogramme, et pouvant être mobilisé pour être réinvesti dans la production d'autres oeuvres.

Les crédits nécessaires à cet effet sont évalués à 72 millions d'euros pour 2007. Les modalités de calcul de ce soutien ont été révisées en 2006 , afin de tenir compte de la forte progression de la part de marché des films français (qui est désormais supérieure à 40 %) et de la stagnation des ressources de la section « Industries cinématographiques » du compte de soutien. L'objectif poursuivi est le maintien du niveau d'intervention relevant des aides sélectives, ce qui s'effectue logiquement au détriment du soutien automatique ;

- les aides sélectives aux oeuvres de long métrage (avance sur recettes, par exemple), de court métrage et aux industries techniques, attribuées sur dossier après avis de commissions composées de professionnels du secteur, pour lesquelles les besoins sont évalués à 36,3 millions d'euros.

En 2006, ce soutien spécifique à la création a été renforcé dans le cadre du plan d'action en faveur du court métrage engagé par le ministre de la culture et de la communication.

- l'abondement du fonds d'aide à la production de longs métrages dotés par les collectivités territoriales , sur la base d'un rapport minimum de 1 euro de financement de l'État pour 2 euros versés par ces dernières. 32 collectivités territoriales sont désormais concernées, dont 24 régions. Au total, le montant des engagements inscrits en 2006 dans les conventions s'est établi à 67,6 millions d'euros, dont 19,2 millions pour l'Etat (soit +90 % depuis 2004). Par ailleurs, votre rapporteur se réjouit de l'extension de ce dispositif à la production de court métrage, en 2006 . 8 millions d'euros sont prévus à ce titre pour 2007 ;

- le financement d'un fonds de garantie destiné aux productions cinématographiques de sociétés indépendantes, géré par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), à hauteur de 2,5 millions d'euros.

(2) Une politique fiscale incitative

Par ailleurs, il convient de rappeler que la production cinématographique bénéficie d'une importante politique d'incitation fiscale, avec :

- les SOFICA , sociétés d'investissement qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle. Votre rapporteur relève que l'article 32 du projet de loi de finances rectificative pour 2006 propose de transformer la déduction du revenu global au titre des souscriptions au capital de ces sociétés en une réduction d'impôt sur le revenu. Votre commission s'est saisie pour avis de cet article ;

- le crédit d'impôt cinéma institué en 2004. Ce dispositif offre à tout producteur de long métrage réalisant l'essentiel de ses dépenses de tournage et de post-production en France un crédit d'impôt de 20 % de ces dépenses, plafonné à 500 000 euros par film (porté à 750 000 euros pour les films d'animation).

Dans la continuité des années 2004 et 2005, la croissance des productions de films relocalisés montre le caractère incitatif de cette mesure. En 2002, avant l'introduction du crédit d'impôt, 54% des films produits auraient bénéficié du dispositif, ils sont 63 % en 2005.

En outre, se confirme la tendance à une relocalisation significative des dépenses de tournage en France grâce à ce crédit d'impôt, avec une estimation de 72 % des semaines de tournage localisées en France en 2006, contre 61 % en 2003.

Les prévisions pour 2006 confirment la tendance de l'année précédente, avec environ 115 films bénéficiaires, correspondant à environ 720 M€ de dépenses réalisées en France. Il est vraisemblable que l'élargissement, depuis 2006, des dépenses éligibles à des dépenses artistiques améliorera encore les performances du dispositif.

b) L'aide à la distribution et la promotion

41,4 millions d'euros, contre 40,8 millions d'euros en 2006, sont prévus, en 2007, pour le soutien au secteur de la distribution en France ainsi que pour les actions de promotion du cinéma en France et du cinéma français à l'étranger. Ces crédits devraient permettre :

- le soutien automatique aux sociétés de distribution, généré à raison des films distribués et qui doit être réinvesti dans la distribution d'oeuvres nouvelles (19 millions d'euros) ;

- les aides sélectives aux entreprises de distribution ou à la distribution d'oeuvres de qualité (6,2 millions d'euros) ;

- les aides sélectives aux entreprises exportatrices (2,8 millions d'euros) ;

- le soutien financier à des organismes en charge de la promotion du cinéma en France et à l'étranger (Festival international du Film de Cannes, Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique, association Unifrance...), à hauteur de 13,4 millions d'euros.

c) Le soutien à la diffusion

En 2007, l'aide à la diffusion devrait s'établir à 96,6 millions d'euros , contre 94 millions d'euros en 2006. Il s'agit ainsi de soutenir les secteurs de l'exploitation et de l'édition vidéographique, au travers :

- du soutien automatique à l'exploitation , résultant de l'application d'un barème lié à la fréquentation de l'établissement (58,1 millions d'euros) ;

- du soutien automatique à l'édition vidéo , assis sur le chiffre d'affaires des ventes d'oeuvres françaises de moins de six ans (8 millions d'euros) ;

- des aides sélectives à l'exploitation , principalement aux salles classées « art et essai », pour 22,5 millions d'euros ;

- d'une aide au tirage de copies (notamment via une subvention à l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC)), à hauteur de 3,8 millions d'euros ;

- des aides sélectives à l'édition vidéo , destinées à promouvoir l'édition d'oeuvres de qualité (4 millions d'euros) ;

- du soutien à la diffusion auprès de publics spécifiques (jeune public, zones rurales et villes moyennes...), notamment au travers de la subvention versée à l'ADRC (4 millions d'euros).

B. L'ÉVOLUTION DU SOUTIEN PAR LES CHAINES DE TÉLÉVISION

1. Les nouveaux modes de participation des chaînes à la production et à la diffusion de films

a) Une hausse du financement
(1) Par les chaînes en clair de la télévision numérique terrestre (TNT)

Outre, la participation traditionnelle des chaînes hertziennes historiques, les chaînes de la TNT contribuent désormais à la production et à la diffusion d'oeuvres cinématographiques.

Sur un genre patrimonial comme sur le cinéma, qui connaissait une nette diminution ces dernières années sur les chaînes hertziennes historiques, l'arrivée des chaînes en clair de la télévision numérique terrestre a permis d'exposer plus de 1 000 heures de programmes supplémentaires entre 2004 et 2005.

Toutefois, ainsi que notre collègue Louis de Broissia, rapporteur au nom de votre commission sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et télévision du futur l'a souligné cette progression « ne signifie pas que le nombre et la diversité des films proposés se soient accrus . » Elle cacherait au contraire, voire même accentuerait, la tendance des diffuseurs à rediffuser le même film plusieurs fois, sur une période de quelques mois seulement.

(2) Par la télévision haute définition et la télévision mobile personnelle au compte de soutien

Le projet de loi précité prévoit que les nouveaux services de télévision, liées à la haute définition et à la télévision mobile personnelle devront, elles aussi, abonder les crédits du compte de soutien à l'industrie des programmes. Elles seront ainsi mises au service de la création, notamment cinématographique.

Ainsi, son article 17 prévoit une majoration de la taxe versée de 0,2 % pour les services de télévision haute définition, TVHD, et de 0,1 % pour les services de télévision mobile personnelle, TMP.

b) La nouvelle définition de l'oeuvre audiovisuelle

Dans son rapport, M. Louis de Broissia a rappelé les deux principes fondamentaux sur lesquels se fonde l'esprit des réglementations française et européenne en matière de soutien public à la production, à savoir : le renforcement des industries nationales et européennes face à la domination anglo-saxonne et la constitution d'un patrimoine audiovisuel de qualité exprimant, à travers des oeuvres de création produites de manière indépendante, la diversité culturelle.

Or, en remettant en cause ce dernier principe, l'interprétation de la définition de l'oeuvre audiovisuelle issue de « l'affaire Popstar » ne permettait plus de centrer le financement de la création sur les oeuvres patrimoniales. Il apparaissait, par conséquent, nécessaire de concentrer davantage les ressources des diffuseurs sur les oeuvres de création originale, d'encourager l'innovation audiovisuelle et de faire respecter ces principes.

C'est pourquoi, sur la proposition de son rapporteur et après concertation avec l'ensemble des professionnels concernés, votre commission a souhaité redéfinir de manière plus stricte la notion d'oeuvre audiovisuelle afin de mettre fin aux abus .

Elle a proposé donc, et le Sénat a adopté à l'unanimité cet amendement au projet de loi, que soit fixé un pourcentage minimal d'investissements qui devra être consacré par les chaînes hertziennes nationales, à l'intérieur de leurs obligations de production d'oeuvres, aux genres patrimoniaux que sont la fiction, le documentaire, l'animation et le spectacle vivant. Ce pourcentage sera déterminé par décret.

2. L'évolution du cinéma à la demande

a) La question de la contribution au compte de soutien

Votre rapporteur avait déposé un amendement tendant à compléter l'article 17 du projet de loi précité, afin de faire participer au financement de l'industrie de programmes les nouveaux modes de diffusion exclus ou insuffisamment taxés par rapport aux vecteurs traditionnels de diffusion. Etaient ainsi visés les services de vidéo à la demande et de télévision par internet . Le développement récent des offres commerciales dans ces domaines démontre, en effet, que la télévision du futur passe aussi par internet, notamment grâce au développement de l'ADSL. En contrepartie, la vidéo à la demande aurait été inscrite dans la liste des services soumis à un taux de TVA réduit à 5,5 %.

Lors des débats sur le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, la question de la participation de ces nouveaux modes de diffusion au financement de la production culturelle a été évoquée, sans qu'aucune réponse lui soit apportée, alors même que l'intégration de ces nouveaux supports au mécanisme de financement de la production cinématographique et audiovisuelle apparaît aujourd'hui nécessaire.

Au cours de la séance publique du 22 novembre 2006, le ministre a fait valoir qu'une concertation était en cours, nécessitant un délai de réflexion . En effet, le CNC et la direction du développement des médias (DDM) ont été chargés de mener à bien des consultations approfondies auprès de l'ensemble des acteurs concernés.

Le ministre a précisé que cette concertation devait respecter :

- le principe de la neutralité technologique : les modalités de contribution au CNC devront être indépendantes de la technologie utilisée pour distribuer les chaînes ;

- le principe d'équité : il s'agit non pas d'augmenter les recettes de la taxe, mais d'asseoir celle-ci de façon plus équitable entre les différents acteurs de la télévision payante.

Le ministre a exprimé le souhait d'une accélération de cette concertation afin que nous disposions, avant la fin de l'année , d'une proposition recevant l'assentiment d'une large majorité des acteurs. Votre rapporteur prend acte de cet engagement.

b) L'évolution de l'offre

D'après une étude réalisée en septembre 2006 par l'institut CSA et l'agence NPA Conseil, qui doit servir de base à la création d'un Observatoire de la vidéo à la demande, 18 % des Français connaissent « au moins de nom » ce nouveau mode de consommation des films et 1 % seulement y a déjà eu recours.

Parallèlement, l'offre de cinéma à la demande par les chaînes de télévision progresse. A la fin du mois de septembre 2006, Canal Plus (Canal Play), France Telecom (Orange 24-24 Vidéo) et TF1 (TF1 Vision) proposaient ainsi 865 titres différents au total, soit une hausse de 11,5 % par rapport au mois d'août dernier. Au sein de cette offre, les films français sont majoritaires : ils représentent 45,7 % des oeuvres disponibles, contre 34,7 % pour les films américains. Enfin, plus de 52 % des films offerts par ces trois principaux opérateurs sont des oeuvres classées « art et essai ». Les contenus et les modes d'exploitation tendent à se diversifier, ce qui devrait bien entendu favoriser la consommation.

c) La question de l'insertion dans la chronologie des médias

L'apparition de la vidéo à la demande a conduit les organisations professionnelles du cinéma et de l'audiovisuel, les diffuseurs et les opérateurs internet à s'interroger sur les conditions dans lesquelles celle-ci doit trouver sa place, et donc sa valeur commerciale par rapport aux autres modes d'exploitation des oeuvres.

Fin septembre, les négociations professionnelles sur l'accord pour la diffusion des films en ligne ont été rouvertes, en vue de sa révision éventuelle d'ici la fin de l'année.

La question -largement débattue par les professionnels à l'occasion des Rencontres cinématographiques de Dijon, auxquelles votre rapporteur a participé en octobre dernier- consiste à déterminer quelle est la chronologie la mieux adaptée à ces nouveaux services. Elle doit être replacée dans le cadre plus global, et complexe, de la souplesse et de l'évolution de la chronologie des médias.

Succinctement, une partie des professionnels demande la prorogation du protocole, tandis que d'autres -dont les fournisseurs d'accès à internet (FAI)- souhaitent des évolutions sur trois points :

- un alignement du délai de diffusion de la vidéo à la demande sur celui de la vidéo, ce qui reviendrait à le ramener de 33 semaines (soit environ 8 mois) à 6 mois ;

- davantage de latitude pour définir les forfaits d'abonnement ;

- un assouplissement de la disposition prévoyant la fermeture de la « fenêtre vidéo à la demande » pendant toute la période où le film peut-être diffusé sur les chaînes de télévision gratuites ou payantes.

Leurs détracteurs sont tout à fait hostiles à ces propositions, au motif notamment qu'elles risqueraient de déstabiliser le marché de la vidéo (qui représente 1,7 milliard d'euros) pour favoriser l'émergence de ce nouveau support.

C. LA LUTTE CONTRE LE TÉLÉCHARGEMENT ILLÉGAL ET POUR LE RESPECT DU DROIT D'AUTEUR

1. Un phénomène en expansion

L'an dernier, votre rapporteur avait fait état de l'étude du CNC et de l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) sur le développement des phénomènes de téléchargement illégal sur internet. Cette analyse, conduite sur la période du 1er août 2004 au 31 juillet 2005, faisait clairement apparaître l'ampleur du phénomène.

Même si le téléchargement illégal est par définition difficile à mesurer, il est probablement en expansion du fait de la généralisation du très haut débit et de l'évolution des techniques et des réseaux, qui permettent la mise à disposition et le partage à très large échelle de fichiers de contenus protégés.

En outre, l'année 2006 est marquée par le développement de l'internet dit « communautaire », qui associe des contenus « amateurs » à des contenus professionnels, sans qu'il soit toujours facile pour un internaute de faire la distinction entre ce qui distingue la consommation « communautaire » de la contrefaçon d'oeuvres. Sur des sites tels que Utube, Dailymotion, Myspace, GoogleVidéo, circulent ainsi un grand nombre d'oeuvres protégées, qui sont copiées et téléchargées à des milliers, voire des millions, d'exemplaires.

Il est donc indispensable que la lutte contre la contrefaçon se perfectionne à la même vitesse que les techniques de contrefaçon elles-mêmes, au plan technique comme juridique. Là réside aussi la difficulté, le droit devant toujours être adapté à l'évolution de plus en plus rapide des technologies et des comportements. Telle est l'ambition de la loi dite DADVSI.

2. La loi DADVSI du 1er août 2006

La loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, dite loi DADVSI, a pour objectif de garantir le respect du droit d'auteur et la copie privée. Elle introduit une règle de protection juridique des mesures techniques de protection et des dispositifs d'information sur le régime des droits, afin d'empêcher les utilisations des oeuvres qui ne sont pas autorisées par les titulaires de droits.

Elle affirme un principe nouveau, l'interopérabilité, principe qui a été validé par le Conseil Constitutionnel. Elle tend à concilier l'avenir de la création musicale et cinématographique française et celui du logiciel libre ainsi que l'accès des internautes à la culture.

Enfin, la loi initialement votée, avait prévu que les échanges illicites de fichiers sur internet seraient passibles de simples contraventions. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition et stipulé que ces échanges constituaient des actes de contrefaçon. Ce qui signifie que les peines applicables sont celles du délit de contrefaçon, soit un retour à la situation antérieure. Suite à cette décision, le ministre de la culture et de la communication a réaffirmé la nécessité que les sanctions soient « justes et proportionnées en fonction de la gravité des faits » et il a souhaité saisir le Garde des Sceaux « afin que les poursuites soient orientées vers les cas les plus graves ». Votre rapporteur insiste pour que ce volet répressif de la loi s'accompagne d'importantes actions de prévention à l'égard des internautes.

Rappelons que sont ainsi visés les actes répréhensibles suivants :

- toute importation, fabrication ou activité de diffusion ou de promotion en faveur de procédés technologiques conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique de protection ou à un dispositif d'information sur le régime des droits (six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende) ;

- toute importation ou distribution d'oeuvres, d'interprétations, de phonogrammes, de vidéogrammes, de programmes ou de bases de données dont un élément d'information relatif au régime des droits a été supprimé ou modifié dans le but de porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin, de dissimuler ou de faciliter une telle atteinte (six mois d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende) ;

- l'atteinte portée aux mesures techniques de protection ou aux dispositifs d'information sur le régime des droits, autrement que par l'usage de moyens déjà existants conçus ou spécialement adaptés à cette fin (amende de 3 750 euros).

Un décret en Conseil d'Etat doit compléter ce dispositif avec des sanctions contractuelles visant les détenteurs et utilisateurs de moyens existants conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique de protection ou à un dispositif d'information sur le régime de droits.

En outre, rappelons que sur l'initiative du Sénat, la loi DADVSI a créé une autorité administrative indépendante -l'Autorité de régulation des mesures techniques de protection- composée de 6 membres et notamment chargée de :

- veiller à ce que les mesures techniques de protection n'aient pas pour conséquences d'entraîner dans l'utilisation d'une oeuvre des limitations supplémentaires et indépendantes de celles vraiment voulues par le titulaire de droit,

- et rendre compte des orientations qu'elle a fixées en matière de périmètre de la copie privée.

Le décret relatif à l'Autorité est en cours de finalisation et devrait être publié d'ici la fin 2006.

Votre rapporteur se réjouit du fait que des agents du CNC pourront être mobilisés à titre d'expert par cette autorité, ce qui sera utile pour faire valoir les intérêts légitimes des titulaires de droits dans le secteur du cinéma et de l'audiovisuel.

Pour ce qui concerne la mise en oeuvre concrète des textes, l'ALPA a reçu du CNC des moyens budgétaires accrus (308 000 € en 2006, soit un doublement de la subvention sur deux ans) pour accroître ses capacités de veille et de repérage des infractions sur internet.

Ainsi, à titre d'exemple, une action pour contrefaçon vient d'être intentée suite à ses investigations, le 23 novembre 2006, contre Googlevideo par le producteur Flach Film, pour avoir laissé mettre à disposition, gratuitement, le documentaire « Le Monde selon Bush », qui a fait l'objet de 43 000 connexions gratuites (alors que le même titre était exploité sur un site payant de vidéo à la demande).

Votre rapporteur tient ici à rappeler la contribution essentielle du Sénat dans l'élaboration de cette loi, notamment sous l'impulsion du rapporteur de votre commission, M. Michel Thiollière.

3. L'initiative de la Commission européenne relative à la copie privée

Alors que notre pays vient, avec ce nouveau cadre juridique, de se mettre en conformité avec le droit communautaire, la Commission européenne a le projet d'adopter, à brève échéance, une recommandation sur la copie privée. Celle-ci remettrait en cause les systèmes actuels de rémunération au titre de la copie privée, alors que ces derniers constituent une source légitime de revenus pour les artistes et créateurs.

En effet, la Commission européenne semble vouloir supprimer la rémunération pour copie privée et la remplacer par une généralisation des mesures techniques de protection ou DRM (Digital Rights Management).

Cette initiative a suscité de vives réactions de la part des professionnels, tant Français qu'Européens (auteurs, artistes plasticiens, compositeurs, artistes interprètes, éditeurs et producteurs de la musique, des arts graphiques et plastiques comme du cinéma), qui se sont rassemblés au sein du collectif « Culture d'abord! » pour dénoncer cette menace sur le droit d'auteur.

Rappelons que la rémunération par redevance au titre de la copie privée existe dans 20 des 25 Etats membres de l'Union européenne. Elle permet à toute personne de réaliser des copies d'oeuvres protégées pour son usage privé, à des fins non commerciales, et reconnaît la légitimité d'une juste rémunération des ayants droit pour cet usage.

Les professionnels soutiennent que les mesures techniques de protection ne sauraient se substituer aux systèmes actuels de rémunération pour copie privée et, qu'en outre, la redevance pour copie privée ne freine en rien le développement des équipements électroniques, ni celui des services en ligne (tant pour le cinéma que pour la musique).

Les ministres européens de la culture se sont réunis le 13 novembre dernier sur ce sujet et votre rapporteur demandera au ministre de faire le point de la situation.

III. LE DÉFI DE L'ÉMERGENCE DU CINÉMA NUMÉRIQUE

A. L'IMPACT POTENTIEL SUR L'ORGANISATION DE LA FILIÈRE ET LES CONFLITS D'INTÉRÊT EN PUISSANCE

1. Un constat partagé

L'an dernier, votre rapporteur s'était déjà intéressé à la « révolution » numérique. Depuis lors, la réflexion a beaucoup avancé -notamment grâce à l'excellent travail réalisé par M. Daniel Goudineau- et la réalité a elle-même évolué, confirmant l'urgence de décisions, tant au plan national qu'européen.

Le rapport remis, en septembre dernier, par M. Daniel Goudineau, intitulé : « Adieu à la pellicule ? Les enjeux de la projection numérique », a mis en lumière les bouleversements profonds que le développement de la projection numérique va entraîner pour l'ensemble de la filière cinématographique. L'accompagnement de ces mutations soulève des questions de régulation publique et appelle une adaptation du soutien financier géré par le CNC.

La distribution est, bien entendu, directement concernée par l'émergence de la technologie numérique appliquée au cinéma. En effet, dans la chaîne des coûts de production et de diffusion d'un film, c'est la distribution qui prend en charge aujourd'hui le prix de la duplication des copies 35 mm et de leur transport vers les salles de cinéma. Dans l'hypothèse d'une diffusion numérique, notamment par le biais du satellite, c'est donc ce secteur qui ferait les économies les plus spectaculaires.

Mais pour autant, le modèle économique reste à identifier pour que les économies réalisées puissent être partagées par l'ensemble de la chaîne de production et de diffusion des films, l'objectif étant que, quels que soient les acteurs qui prendront en charge le financement de l'investissement initial, l'économie globale réalisée profite au cinéma, et que les moyens dégagés soient réinvestis dans le secteur. Il s'agit de créer les conditions pour que la pénétration du numérique dans la distribution des films permette une meilleure diffusion des films en France, notamment des films indépendants ou destinés aux circuits d'art et essai. La complexité du dossier réside dans le fait qu'un risque existe de voir le numérique favoriser mécaniquement les productions lourdes, si celui-ci est capté par les gros investisseurs, et qu'il nuise gravement à la diversité culturelle.

A l'inverse, il semble que l'utilisation des technologies numériques pour la diffusion de films pourrait autoriser de nouvelles souplesses de programmation et réduire la prise de risque unitaire. Dans tous les cas, le métier de diffuseur pourrait être profondément modifié par le développement de la technologie numérique.

Par ailleurs, il apparaît que certains freins au développement de la projection numérique en salles sont en passe d'être levés depuis mi-2005 :

- en premier lieu, le contexte normatif est en train d'être stabilisé. Les sept principales majors américaines réunies au sein du DCI (Digital Cinema Initiative) ont publié, en juin 2005, la version définitive de leurs spécifications concernant la distribution et la projection numérique. Ces spécifications sont en voie de normalisation internationale. Par ailleurs, en France, l'AFNOR a publié en septembre 2005 une norme concernant la qualité de projection numérique (dont la rédaction a été commanditée par le CNC et encadrée par la CST (Commission Supérieure Technique de l'Image et du Son)). Cette norme recoupe très largement les orientations contenues dans celle du DCI : il n'y aura donc pas de compétition entre l'Europe et les Etats-Unis sur ce point majeur ;

- en second lieu, des déploiements d'équipements numériques ont été engagés dans différents pays. En Europe, 238 salles en Grande-Bretagne seront équipées d'ici fin 2007 et 100 l'ont déjà été, grâce à un soutien public, mais avec un risque de développer des réseaux à deux vitesses.

En outre, le réseau Europa-Cinémas a mis en place, en 2005, une aide plafonnée à 7 500 € par écran pour soutenir l'équipement des salles européennes ; ce soutien dépendra du nombre de séances numériques que les salles proposeront en faveur des films européens.

Enfin, des modèles économiques ont vu le jour aux Etats-Unis : des industriels équipent les salles et ils récupèrent progressivement leurs investissements en faisant payer aux distributeurs un surcoût sur le prix des copies numériques. 1 300 salles ont déjà été équipées, dont environ un millier par une société associée aux fabricants de projecteurs Technicolor, filiale de Thomson, qui a annoncé une opération du même type avec l'accord de certains studios.

Il est essentiel de veiller à ce que de telles démarches n'entravent pas la liberté de certains acteurs de la filière.

Il est évident que l'émergence du cinéma numérique offre les moyens de « rebattre les cartes » entre les différentes catégories d'acteurs ; elle pourrait entamer gravement la liberté de certains (les exploitants) et, si l'on n'y prenait garde, nuire à la diffusion des films français, donc à la diversité culturelle.

2. Les propositions novatrices du rapport Goudineau

Dans ces conditions, M. Daniel Goudineau a avancé un certain nombre de propositions novatrices, dont votre rapporteur présentera les principales, leur liste exhaustive figurant en annexe au présent rapport.

Votre rapporteur se réjouit que le CNC ait engagé une concertation avec les professionnels sur la base de ces recommandations.

a) Une évolution du dispositif de soutien du CNC

M. Daniel Goudineau suggère tout d'abord de faire évoluer le dispositif de soutien aux exploitants pour inciter au passage progressif au numérique et favoriser la diversification des salles .

Afin de préserver l'exposition du film français et européen, il estime nécessaire d'exiger des producteurs, dans un avenir proche, que tous les films français disposent d'un support numérique pour la distribution en salles et il suggère de sensibiliser la Commission européenne à la nécessité de soutenir le développement de la post-production numérique des films européens.

b) La mise en place d'un modèle de régulation spécifique

Le rapport propose, par ailleurs, un modèle de régulation du secteur intermédiaire entre la régulation publique et la gestion par le marché. Concrètement, la projection numérique en salle nécessite de livrer à une salle donnée un ensemble de fichiers cryptés et de faire correspondre les clés de lecture de ces fichiers aux clés publiques propres aux équipements de chaque salle.

Sous l'autorité du CNC, la Commission supérieure technique serait dépositaire d'un registre de ces clés publiques. Un prestataire privé, sélectionné par voie d'appel d'offres et contrôlé par le CNC, serait chargé de générer les clés de lecture et de solliciter le gestionnaire du registre des clés publiques, sur ordre du distributeur. Ainsi serait assurée l'indépendance de l'ensemble des acteurs de la chaîne.

S'ils sont convaincus de la nécessité d'une régulation de la gestion des clés, tous les professionnels auditionnés par votre rapporteur ne sont cependant pas favorables à ce type de centralisation.

c) Un modèle économique fondé sur la solidarité professionnelle

La démarche est similaire s'agissant des aspects économiques : à une gestion par le marché ou à une implication forte des pouvoirs publics, le rapport préfère un modèle fondé sur la solidarité interprofessionnelle.

Le financement de l'équipement des salles serait assuré pour l'essentiel par la redistribution aux exploitants des économies faites par les distributeurs sur l'édition des copies, selon un mécanisme mis en place par accord interprofessionnel.

L'équilibre ex post entre économies et dépenses, pour peu qu'il soit vérifié dans les faits, ne règle cependant pas la question des capacités d'investissement initiales des salles. C'est pourquoi il est proposé de constituer un pool d'investisseurs garanti par l'IFCIC, afin d'aider les exploitants indépendants dans l'équipement de leurs salles.

B. UN ENJEU EUROPÉEN

Un courrier, signé par la plupart des organisations d'exploitants mondiaux, a été envoyée l'été dernier à la Commission européenne en vue de l'alerter sur la nécessité de mettre en place un label de certification du matériel.

Par ailleurs, votre rapporteur se réjouit que 26 agences nationales européennes du cinéma, dont le CNC pour la France, aient signé -le 23 octobre dernier- une déclaration commune appelant à des mesures de soutien appropriées, tant au niveau national qu'européen, afin d'encourager la numérisation des films, en vue de permettre le développement à la fois de la projection numérique en salles et des plateformes de vidéo à la demande.

En effet, il est indispensable que le cinéma européen soit préparé à la transition vers le numérique, afin d'assurer que les films européens dans leur diversité continuent d'être proposés aux publics.

C'est pourquoi, dans cette déclaration, les directeurs de ces agences considèrent « absolument nécessaire que la plus grande partie des films européens récents et de catalogue soient disponibles au format HD approprié pour les services de vidéo à la demande (par internet ou à la télévision), ou au format compatible avec les recommandations DCI pour la projection numérique en salle (du 2K au 4K). En effet, alors que les majors américaines sont en train de prendre position rapidement sur ces deux marchés, avec d'importants catalogues de films, il y a un risque réel que la circulation des films européens n'atteigne jamais ces nouveaux publics, si les producteurs, distributeurs et exploitants européens ne sont pas en mesure de répondre rapidement aux défis du numérique ».

Votre commission, consciente de l'urgence de ce dossier, souhaite que la Commission européenne prenne en compte cette demande au sein du programme MEDIA 2007-2013.

IV. L'ENJEU DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE

La loi n° 2006-792 du 5 juillet 2006 a autorisé la France à adhérer à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Rappelons que l'importance politique majeure de cette convention, adoptée le 20 octobre 2005 par l'UNESCO, a justifié le choix par notre pays d'une ratification par la voie parlementaire, ce qui ne s'imposait pas juridiquement.

Compte tenu à la fois de son intérêt constant pour les principes affirmés par ce texte et de l'impact de ce dernier sur la création et les industries culturelles, votre commission des affaires culturelles a souhaité se saisir pour avis de cette convention.

A. LES OBJECTIFS DE LA CONVENTION

Auditionné le 2 mars 2005 par votre commission, M. Jean Musitelli, ancien ambassadeur auprès de l'UNESCO, alors conseiller d'Etat chargé d'une mission de coordination interministérielle en vue de la rédaction du projet de convention, précisait les trois grands objectifs pouvant être assignés à cette dernière :

- « reconnaître juridiquement la double nature des biens et services culturels qui ne se réduisent pas à leur dimension économique, mais sont également porteurs de valeurs symboliques spécifiques ;

- reconnaître la légitimité pour les gouvernements de mener des politiques publiques de soutien à leurs industries culturelles, dès lors que ces actions ne sont pas dictées par le désir de protéger leur marché, mais par le souci de préserver la diversité culturelle au plan national et international ;

- enfin, à l'échelle internationale, favoriser les voies d'une coopération entre pays développés et nations du Sud permettant de compenser, dans un esprit de solidarité internationale et de développement durable, l'insuffisance des capacités de production et de diffusion des pays pauvres . »

B. DES POLITIQUES PUBLIQUES, NATIONALES ET EUROPÉENNE, À CONFORTER

La convention vient d'ores et déjà conforter les politiques culturelles françaises et européennes. Tel est le cas notamment dans le domaine du cinéma, qui illustre tout particulièrement -et avec succès- notre politique en faveur de la diversité culturelle. Toutefois, il conviendrait d'être rassurés sur son avenir.

1. Des craintes pour l'avenir

Dans son rapport 2 ( * ) pour avis, notre collègue Jacques Legendre avait rappelé l'ampleur de l'enjeu. En effet, près de 85 % des films diffusés en salles dans le monde sont produits par les studios américains. Ces films représentent les deux tiers des parts de marché en Europe, mais aussi 74 % au Japon et 97 % sur le territoire américain lui-même. En outre, selon l'UNESCO, 88 pays sur 185 n'ont produit aucun film en 2000.

Dans ces conditions on peut se réjouir de l'approbation, sous conditions, par la Commission européenne, des dispositifs et instruments mis en oeuvre par la France pour soutenir le secteur du cinéma. Il n'est pas interdit de penser que le processus d'adoption de la convention a pesé dans cette décision...

Il est, en effet, logique que ces politiques publiques dans ce domaine se voient confortées par la convention. Votre commission s'inquiète cependant du souhait de la Commission européenne de revoir l'ensemble des systèmes d'aides au cinéma en 2007. Elle demande que cet examen soit effectué à l'aune de la Convention de l'UNESCO et dans le but de favoriser la diversité culturelle dans le domaine du cinéma, en Europe et dans le monde.

En effet, à la demande de deux directions générales de la Commission européenne -celles de la concurrence et du marché intérieur- les aides au cinéma des Etats membres de l'Union européennes seront, d'ici fin 2007, examinées par un cabinet d'études anglo-saxon, afin de s'assurer de leur légalité au regard du droit communautaire. Il semble que la Commission souhaite s'assurer que les aides tendant à favoriser la localisation des tournages dans un pays -c'est-à-dire notamment le crédit d'impôt- n'empêchent pas un film d'être tourné dans un autre pays européen.

2. De nouvelles politiques européennes

Au 1 er janvier 2007, le programme MEDIA 2007-2013 prendra le relais de MEDIA Plus et de MEDIA Formation. Le budget qui lui sera alloué sera de 671 millions d'euros (chiffres 2004) ; il s'agit malheureusement d'un montant très inférieur à celui qu'avait initialement proposé la Commission européenne en 2004 (1 055 millions), alors même que ce programme portera sur 7 années et concernera 27 Etats membres.

La Commission estime cependant que ce montant représente une masse critique suffisante pour maintenir les objectifs du programme.

55 % de ce budget devraient être consacrés au secteur de la distribution. A cet égard, et conformément à ce qui a été dit précédemment sur la révolution numérique, le programme aura un rôle essentiel à jouer dans ce domaine.

Il devra aussi contribuer à faire de la vidéo à la demande une véritable opportunité pour l'amélioration de la circulation des films européens.

Par ailleurs, il faut souhaiter que l'adoption de la nouvelle directive Télévision sans Frontières permette également de satisfaire à cet objectif. Elle donne l'occasion de traduire concrètement les ambitions de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

*

* *

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 711 « Industries cinématographiques » de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » pour 2007.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 28 novembre 2006, sous la présidence de M. Jacques Valade , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Serge Lagauche sur le programme « Industries cinématographiques » dans le compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » sur le projet de loi de finances pour 2007 .

Après l'exposé du rapporteur, M. Jacques Valade, président , a relevé le niveau élevé du coût des équipements que nécessite la diffusion des films en numérique ainsi que l'importance de leur volume. Il s'est demandé, par ailleurs, ce qu'apporterait l'irruption de la technologie numérique dans le secteur radiophonique, qui risque, en outre, d'avoir un impact sur la réglementation et sur la distribution des fréquences.

M. Serge Lagauche a indiqué que le prix des équipements numériques diminuait rapidement, mais qu'il convenait de définir des normes au niveau européen. Il a fait état du projet de Thomson de mettre au point un projecteur moins sophistiqué, mais meilleur marché que ceux existants aujourd'hui. Il a évoqué une possible stratégie des intermédiaires qui utiliseraient l'économie réalisée, en raison du faible coût des copies numériques, pour proposer aux exploitants des équipements à un prix faible ou nul ; le risque serait, qu'en contrepartie, ils contrôlent la programmation des salles desdits exploitants, si aucune régulation n'était mise en place.

Le rapporteur pour avis a souligné que cette question, ainsi que celle touchant à la copie privée, étaient au coeur des réflexions des professionnels à l'heure actuelle et faisaient l'objet de nombreux colloques.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Industries cinématographiques » dans le compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » sur le projet de loi de finances pour 2007 .

ANNEXE : LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE M. DANIEL GOUDINEAU

1. Réserver strictement les dispositifs d'aide à l'investissement ou d'accompagnement de la numérisation des salles à l'acquisition de projecteurs 2K (minimum) répondant à la norme Afnor.

2. Ne pas exclure des autres dispositifs du CNC les salles équipées d'un projecteur de définition inférieure au 2K tant que ce matériel reste un équipement du 35mm.

3. Dans les systèmes d'aide, ne pas prononcer d'exclusive à l'encontre d'un format de compression, mais encourager plutôt la polyvalence des serveurs.

4. Étudier l'intégration dans les dispositifs du soutien financier des activités de diversification des salles.

5. Confier à une Commission supérieure technique (CST) rénovée une mission d'expertise des projets d'équipement numérique afin de valider l'interopérabilité des matériels envisagés et la compatibilité de leur assemblage.

6. Exiger des producteurs que, à l'horizon 2009-2010, tous les films français disposent d'un support numérique pour la distribution en salles.

7. Convaincre la Commission européenne de prendre les dispositions qui permettraient de développer la postproduction numérique des films européens.

8. Mettre en place sans délai, dans un lieu technique et neutre, un annuaire des « clés publiques » ou « certificats » des matériels numériques installés dans les salles.

9. Étudier sans délai les conditions de désignation par appel d'offres d'un prestataire techniquement indépendant chargé d'opérer, pour le compte et sous l'autorité du CNC, une plate-forme de génération et de gestion des clés de lecture des films.

10. Étudier avec les collectivités territoriales comment intégrer les cinémas dans le déploiement des réseaux nouvelles technologies.

11. Organiser rapidement le paiement par les distributeurs d'un « supplément de prix des clés de lecture » (« Extra Key Fee ») à travers la plate-forme de génération et de gestion des clés.

12. Examiner la faisabilité d'un pool d'investisseurs, garanti par exemple par l'Ifcic, afin d'aider les indépendants dans l'équipement numérique de leurs salles.

13. Examiner la possibilité d'une modulation du soutien ou d'une aide sélective renforcée au profit des salles les plus fragiles, notamment celles qui ne disposent que d'un écran.

14. Examiner la possibilité d'une modulation de soutien ou d'une aide sélective renforcée au profit des distributeurs les plus fragiles, notamment ceux qui mettront en oeuvre des petits plans de sortie mixtes numérique/35mm.

1.

* 1 « Les dérèglements de l'exception culturelle » de Françoise Benhamou - Editions du Seuil - Octobre 2006.

* 2 Rapport n° 414 (2005-2006) de M. Jacques Legendre, au nom de la commission des affaires culturelles.

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