EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 25 mai 2005 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 235 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de sauvegarde des entreprises .
A titre liminaire, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le nombre de procédures collectives avoisinait les 50.000 chaque année, ce flux étant redevenu croissant depuis 2001, de même d'ailleurs que le flux des créations d'entreprises.
Il a rappelé que la législation française en la matière procédait de plusieurs étapes successives, les textes étant réformés ou aménagés environ tous les dix ans. Il a constaté que le présent projet de loi de sauvegarde des entreprises constituait la seconde réforme importante du cadre institué en 1984 et 1985, après la loi n° 94-475 du 10 juin 1994 qui avait d'ailleurs eu, elle aussi, pour objectif d'améliorer les procédures de prévention. Il a ensuite approuvé les orientations générales d'un texte dont il a toutefois jugé qu'il procédait davantage à des adaptations qu'à des modifications substantielles du droit des procédures collectives.
S'agissant du principal volet du projet de loi, consacré à la prévention, il a indiqué que le texte visait à améliorer la détection des difficultés, en renforçant les procédures d'alerte et en réformant le régime de publicité du retard de paiement des dettes fiscales. Au sujet de la procédure de conciliation, destinée à succéder au dispositif de règlement amiable mis en place en 1984, il a mis l'accent sur l'institution d'un nouveau privilège dit de « l'argent frais », qui constituait, selon lui, l'un des apports importants du projet de loi.
Il a ensuite évoqué la nouvelle procédure de sauvegarde, soulignant qu'il ne s'agissait pas d'un dispositif de simplification du droit existant, mais d'un nouvel « étage » à l'édifice des procédures collectives. Il a indiqué que cette procédure, qui s'apparentait à un redressement judiciaire anticipé, avait vocation à être déclenchée à la demande d'un débiteur « justifiant de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements », et qu'elle était destinée à « faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ». Il a ajouté que l'élaboration du plan de sauvegarde donnait lieu à la mise en place de deux comités de créanciers, ce qui renvoyait à une approche contractuelle du droit des procédures collectives, mais que cet aspect du projet de loi demeurait imparfait car le juge conservait une marge d'appréciation, dans la mesure où il lui revenait, in fine, d'arrêter le plan de sauvegarde.
S'agissant du second volet de la loi, consacré à la modernisation des procédures existantes, il a indiqué que le redressement judiciaire était rénové par l'effet de renvois à des dispositions qui concernaient la sauvegarde. Il a ajouté que la procédure de liquidation judiciaire était également réformée, par l'institution d'une procédure simplifiée dont la durée serait inférieure à un an.
Il a ensuite évoqué la réforme du régime des sanctions, ainsi que la modification du régime de la responsabilité des créanciers pour « soutien abusif » à laquelle avait procédé l'Assemblée nationale.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite justifié le champ de la saisine de la commission des finances, qui s'étendait au droit bancaire et à la définition des responsabilités des différents acteurs de la procédure collective. A ce titre, il a indiqué qu'il s'était notamment intéressé à la question de la transparence des rémunérations des mandataires de justice, sujet sur lequel le service des études juridiques du Sénat avait adressé, à sa demande, une étude à la commission des finances.
Un large débat s'est ensuite instauré.
Remerciant M. Philippe Marini, rapporteur général, pour la qualité de son analyse, M. Jean Arthuis, président , a tout d'abord jugé que les finalités du texte étaient très consensuelles puisqu'il s'agissait de faire en sorte que les difficultés des entreprises soient traitées le plus en amont possible, afin de maximiser les chances de succès de la procédure.
M. Jean-Jacques Jégou a, pour sa part, estimé que le titre du projet de loi était sans doute un peu excessif eu égard à sa portée réelle. Il a mis l'accent sur la nécessité de faire oeuvre pédagogique auprès des chefs d'entreprise, afin que ceux-ci soient mieux formés et mieux informés. Il a approuvé les orientations de M. Philippe Marini, rapporteur général, s'agissant des rémunérations des administrateurs et mandataires judiciaires, regrettant une trop grande proximité entre ces professions et la justice consulaire, et déplorant l'insuffisance des contrôles. Enfin, il a indiqué partager l'avis de M. Philippe Marini, rapporteur général, au sujet de la portée des décisions des comités de créanciers.
Mme Nicole Bricq s'est ensuite inquiétée des effets de la procédure de sauvegarde sur la situation des salariés, dans la mesure où cette procédure était destinée à réorganiser l'entreprise. Elle a regretté que les conditions d'ouverture de la procédure ne soient pas définies de façon plus restrictive. Elle a, par ailleurs, jugé que le texte était très déséquilibré en faveur des banquiers, ce qui risquait d'être préjudiciable aux autres créanciers, notamment l'UNEDIC. Elle a, enfin, regretté que l'étendue de la responsabilité des banques ait été restreinte lors de la discussion à l'Assemblée nationale.
M. Paul Girod a jugé nécessaire de réformer la carte judiciaire, ce qui lui semblait un préalable indispensable au renforcement de la transparence voulu par M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, il s'est déclaré favorable à l'assouplissement des règles de licenciement dans le cadre de la procédure de sauvegarde, afin de laisser à l'entreprise la possibilité de se réorganiser pour survivre.
M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si les difficultés des entreprises ne provenaient pas de l'essor du crédit inter-entreprise, qui empêchait les banques de connaître la situation réelle de leurs débiteurs. Par ailleurs, il a jugé que le droit du travail constituait un frein certain à l'adaptation des entreprises aux changements de leur environnement. S'agissant des professions judiciaires, il a jugé que la transparence pouvait être un facteur de régulation efficace et qu'il fallait qu'il soit fait appel à un plus grand nombre de professionnels.
Répondant tout d'abord à M. Jean-Jacques Jégou, M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé que le titre du projet de loi constituait sans doute une commodité, qui risquait, à l'avenir, de susciter des déceptions. Il a néanmoins considéré que le texte présenté par le gouvernement était, malgré sa complexité, utile et sans aucun doute préférable au statu quo.
A l'attention de Mme Nicole Bricq, il a indiqué que l'instauration d'un nouveau privilège en faveur des banquiers était un moyen de les inciter à venir en aide aux entreprises en difficulté. Jugeant que les compromis, dans ce domaine, étaient délicats, il a estimé que les opposants à ce mécanisme devaient, à tout le moins, proposer une autre solution afin de renforcer l'efficacité des procédures. S'agissant de la situation des salariés, il s'est étonné que l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale n'ait pas levé les craintes qui s'étaient exprimées à ce sujet.
Approuvant les propos de MM. Paul Girod et Jean-Jacques Jégou, concernant la nécessité d'améliorer l'adaptabilité du tissu économique, il a jugé que la flexibilité du droit du travail était un levier important de création d'emplois, mais que ce débat dépassait le champ du projet de loi examiné ce jour.
Répondant à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui jugeait que la plupart des dysfonctionnements importants étaient observés dans les gros ressorts judiciaires, M. Paul Girod a considéré, pour sa part, que l'accumulation d'anomalies, même mineures, dans les ressorts judiciaires de petite taille, créait un climat de méfiance très regrettable à l'égard de la justice consulaire.
En ce qui concernait le crédit inter-entreprise, évoqué par M Jean Arthuis, président, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé qu'un véritable changement des pratiques contractuelles dans ce domaine était peu probable, tant le milieu des petites et moyennes entreprises était accoutumé à ce type de crédit qui créait une véritable culture d'interdépendance.
M. Jean Arthuis, président, a toutefois regretté le « clair-obscur » qui résultait de l'essor du crédit inter-entreprise, jugeant que les banques devraient être plus exigeantes à l'égard de leurs clients dans ce domaine.
La commission a, ensuite, procédé à l'examen des amendements présentés par M. Philippe Marini, rapporteur général .
Après les interventions de MM. Gérard Longuet et Philippe Adnot , la commission a adopté, à l' article 3, un amendement relatif au financement des groupements de prévention agréés.
Après les interventions de Mme Nicole Bricq et de MM. Gérard Longuet et Jean-Jacques Jégou , la commission a adopté un amendement à l' article 8 relatif au nouveau privilège de l'« argent frais » apporté lors d'une procédure de conciliation, et, à l'unanimité, un amendement à l' article 92 relatif aux comités de créanciers.
Après les interventions de MM. Gérard Longuet, Jean-Jacques Jégou et Paul Girod et de Mme Nicole Bricq, la commission a adopté à l'unanimité un amendement à l' article 142 bis (nouveau) relatif à la limitation de la responsabilité des créanciers pour « soutien abusif » du débiteur.
Après l'intervention de M. Jean-Jacques Jégou, la commission a adopté à l'unanimité un sous-amendement à l'amendement n° 155, portant article additionnel après l'article 178 , présenté par M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois, relatif à la rémunération des auxiliaires de justice. Elle a par ailleurs donné mandat à M. Philippe Marini, rapporteur général, pour en parfaire, le cas échéant, la rédaction.
La commission a également adopté à l'unanimité deux amendements portant articles additionnels après l'article 183 bis , relatifs à la rémunération des auxiliaires de justice.
Elle a ensuite adopté un amendement à l' article 184 ter (nouveau) relatif à l'octroi du privilège de l'« argent frais » au fonds de garantie des dépôts des établissements de crédit, ainsi que, à l'unanimité, un amendement à l' article 185 , relatif au régime de publicité obligatoire des privilèges fiscaux et à son extension aux privilèges douaniers.
Enfin, un large débat s'est instauré quant à l'opportunité d'adopter des dispositions modifiant le régime de la solidarité fiscale des dirigeants, et sur le régime applicable aux dirigeants de fait.
A l'issue de cet examen, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi amendé.