C. TRANSFORMER ADP EN SOCIÉTÉ ANONYME POUR FINANCER SON DÉVELOPPEMENT

L'article premier du présent projet de loi transforme l'établissement public Aéroports de Paris en société anonyme.

1. Un changement de statut « a minima »

Conformément aux engagements pris par le gouvernement, la transformation du statut juridique d'ADP est fortement encadrée par les limitations suivantes :

a) La préservation du statut du personnel

L'article premier du présent projet de loi prévoit des dispositions garantissant la continuité juridique d'Aéroports de Paris. Il confirme les engagements donnés par le président d'ADP et par le gouvernement quant au statut du personnel. La transformation en société anonyme n'entraîne pas de conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels.

b) Un Etat actionnaire majoritaire au capital

D'autres garanties sont apportées aux salariés.

L'article 5 du présent projet de loi prévoit que « le capital initial de la société est détenu intégralement par l'Etat ». Cette disposition permet l'intervention d'une augmentation de capital dans le courant du premier semestre 2005, dès la loi promulguée.

Surtout, l'article 6 du présent projet de loi modifie l'article L. 251-1 du code de l'aviation civile qui prévoirait ainsi que « la majorité du capital de la société Aéroports de Paris est détenue par l'Etat ».

Ainsi, toute évolution tendant à rendre l'Etat minoritaire dans le capital d'ADP demanderait l'intervention du législateur.

c) Un objet social élargi

L'article L. 251-2 du code de l'aviation civile modifié par l'article 6 du présent projet de loi disposerait que « la société Aéroports de Paris est chargée d'aménager, d'exploiter et de développer les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes civils situés dans la région Ile-de-France dont la liste est fixée par décret ».

L'intégrité d'ADP est respectée, puisque l'entreprise conservera l'ensemble de ses missions et de son périmètre d'activité.

En prévoyant de plus que la société Aéroports de Paris « peut exercer toute autre activité, aéoportuaire ou non , dans les conditions prévues par ses statuts », le même article permet une diversification des revenus de l'opérateur public et une optimisation économique de la plateforme aéroportuaire. Elle rend la société, à terme, moins tributaire qu'aujourd'hui des redevances aériennes. Cette disposition, qui paraît d'importance mineure, est porteuse d'avenir pour la société ADP et sa rentabilité.

En ce qui concerne les missions de service public de la société, l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile prévoit l'intervention d'un cahier des charges dont votre rapporteur pour avis décrit le principe dans le II. du présent rapport pour avis consacré aux règles de domanialité applicables à la nouvelle société.

d) Une gouvernance adaptée aux spécificités d'ADP

L'article 5 du présent projet de loi prévoit que les statuts de la société Aéroports de Paris, fixés par décret en Conseil d'Etat, sont modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes. La tendance pour Aéroports de Paris est donc de rejoindre le droit commun des sociétés commerciales .

Sauf stipulation contraire des statuts, la direction générale de la société serait assurée par le président de son conseil d'administration. Cette disposition est conforme aux dispositions du code du commerce. Il convient toutefois de remarquer que, depuis la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, la tendance actuelle est plutôt à la dissociation des deux fonctions.

De manière transitoire, l'article 5 du présent projet de loi prévoit que les administrateurs élus, en application du 3 de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, restent en place jusqu'au terme de leur mandat. C'est seulement à partir de cette date que Aéroports de Paris rejoindra le droit commun des sociétés commerciales en matière de conseil d'administration.

De même, pour les exercices 2005 et 2006, l'article 5 du présent projet de loi dispense Aéroports de Paris de la condition tenant à la présentation de deux bilans certifiés prévue par l'article L. 288-39 du code de commerce pour émettre des obligations.

2. La transition vers une entité économique de droit commun

Le changement de statut emporte d'importances conséquences économiques pour Aéroports de Paris. En ouvrant la possibilité, vraisemblablement au premier semestre 2005, d'une augmentation de capital, il incite l'entreprise à une transparence accrue de ses comptes, conforme aux règles de comptabilité privée, la soumet aux normes IFRS et l'oblige à améliorer sa rentabilité et la rémunération des fonds propres.

a) La prise en compte des normes comptables de droit commun

De manière opportune, la loi de sécurité financière du 1 er août 2003 impose, au plus tard à compter du 1 er janvier 2006, aux établissements publics de l'Etat, soumis ou non aux règles de la comptabilité publique, de nommer au moins deux commissaires aux comptes et deux suppléants lorsqu'ils établissent des comptes consolidés.

Il convient de se féliciter, en ce qui concerne Aéroports de Paris, que deux commissaires aux comptes, Ernst and Young Audit et RSM Salustro Reydel aient été désignés pour auditer les comptes consolidés relatifs à l'exercice clos le 31 décembre 2003. Ceci permettra aux investisseurs extérieurs de disposer d'une bonne visibilité sur les comptes de l'entreprise lorsque l'augmentation de capital aura été décidée. Le rapport des commissaires aux comptes sur l'exercice 2003 fait état de deux réserves qui devront être levées dans le courant de l'exercice 2004 :

- l'une relative à la comptabilisation des désinvestissements de biens immobilisés, prise en compte que de façon partielle et qui ne permet pas d'évaluer les ajustements éventuels pouvant affecter les valeurs brutes et les amortissements des immobilisations inscrites à l'actif ;

- l'autre relative au mode de détermination de la provision concernant les engagements relatifs aux charges de couverture santé par les mutuelles pour les salariés et retraités d'Aéroports de Paris.

Par ailleurs, le décret n° 2004-621 du 29 juin 204 a fait basculer ADP dans le champ de la comptabilité privé et a ainsi contribué à préparer le changement de statut.

b) Le respect des normes IFRS et la comptabilisation des engagements sociaux

Comme toute société susceptible de faire un appel public à l'épargne, Aéroports de Paris est tenu de se conformer aux règles internationales comptables IFRS qui obligent notamment à prendre en compte les engagements sociaux dans le bilan des entreprises. Cette norme a néanmoins une incidence relativement limitée sur les comptes d'APD car il n'existe pas de régime spécial de retraite propre à l'entreprise : ses salariés cotisent à la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

Néanmoins, le compte de résultat consolidé 2003 fait apparaître une réévaluation sensible des provisions pour pensions et retraites, de 67 millions d'euros (passage des provisions de 167 millions d'euros à 235 millions d'euros en début d'exercice 2003), et un provisionnement des avantages au personnel, non provisionnés jusqu'alors, à hauteur de 121 millions d'euros à l'ouverture de l'exercice 2003.

Au passif du bilan sont inscrits des engagements sociaux pour un montant total de 363,5 millions d'euros dont la quasi-totalité provient de l'entité Aéroports de Paris.

Ces engagements sociaux inscrits au bilan se répartissent comme suit :

Engagements sociaux d'ADP inscrits au bilan 2003

(en millions d'euros)

 

Valeur comptabilisée au bilan

Indemnité de fin de carrière

155,9

Protocole d'accord sur le régime de départ anticipé 8 ( * )

72,5

Indemnité retraite pompiers 9 ( * )

3

Couverture santé (mutuelles)

127

Source : rapport annuel 2003

c) Un impératif : améliorer la rémunération des fonds propres

Le recours à un financement en fonds propres aux conditions de marché implique une rémunération des capitaux investis 10 ( * ) conforme à ce que peuvent proposer d'autres entreprises dans le même secteur économique. De ce point de vue, la rentabilité d'Aéroports de Paris reste limitée par rapport à celle de ses concurrents. Ainsi, selon la direction de l'entreprise, la rentabilité des grands aéroports européens est en moyenne de 7,5 %. Le ROCE 11 ( * ) du groupe Aéroports de Paris, malgré une amélioration de 1,6 point en 2003, atteint seulement 5,3 %.

ROCE d'Aéroports de Paris

(en %)

Source : rapport annuel 2003

Ceci pourrait peser sur les conditions d'accès d'ADP au marché de capitaux et sur la valorisation de l'entreprise lorsqu'elle sera cotée.

Dans cette perspective, il convient d'améliorer la rentabilité de l'entreprise, d'une part en affichant une vérité tarifaire en ce qui concerne les redevances aériennes et en développant les sources alternatives de revenus, d'autre part, en maîtrisant l'évolution des coûts. Ceci correspond pour les deux derniers points à la stratégie de l'entreprise.

En ce qui concerne la maîtrise des coûts, la politique principale d'ADP consiste à stabiliser les charges d'exploitation hors sûreté par passager grâce à la limitation des effectifs de l'entreprise jusqu'à l'horizon 2006.

Du point de vue des recettes, s'il n'est pas opportun de relever la contribution supportée par les commerces présents sur la plateforme (35 % à 36 % du chiffre d'affaires aujourd'hui), l'augmentation des surfaces commerciales permettrait d'accroître les recettes de 56 millions d'euros annuels d'ici 2007.

L'augmentation du chiffre d'affaires issu des parcs de stationnement est liée quant à elle à l'amélioration du taux de fréquentation (14,8 % à Paris-Orly ; 7,7 % à Paris-Roissy), qui dépend de progrès en termes de propreté, de sécurité et de qualité de service, et à l'adaptation de la politique commerciale.

Par ailleurs, une augmentation des recettes liées à l'usage d'installations, à destination aéroportuaire ou non, est possible en valorisant davantage le potentiel immobilier des plateformes aéroportuaires.

* 8 Allocation de départ à la retraite anticipée égale à 65 % de la rémunération de la dernière année.

* 9 Dispositif de départ à la retraite des pompiers à 55 ans.

* 10 La loi n° 2003-1312 du 31 décembre 2003 de finances pour 2004 soumet ADP au paiement d'un dividende à l'Etat en lieu et place de la rémunération de la dotation en capital de l'investissement (qui était fixée à 10 %). Le dividende versé à l'Etat au titre de 2003 s'est établi à 12 millions d'euros.

* 11 Return on Capital Employed. ROCE = résultat d'exploitation * (1 - impôt sur les sociétés)/capitaux employés. Capitaux employés = actif immobilisé + besoin en fonds de roulement.

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