b) L'amorce attendue d'un règlement global
Le projet de loi de finances pour 2003 s'engage résolument dans un processus de décristallisation global : à cet effet, 72,5 millions d'euros sont provisionnés (58,25 millions au titre des pensions militaires d'invalidité et 14,25 millions au titre de la retraite du combattant), dans l'attente d'un projet de loi fixant définitivement le nouveau mode de calcul des retraites et pensions des anciens combattants d'outre-mer.
Votre rapporteur regrette toutefois que le secrétariat d'Etat n'ait pas voulu préciser plus avant les hypothèses qui ont servi de base à la fixation de ces deux provisions.
La mobilisation, autour de cette mesure, de 90 % des moyens nouveaux du budget des anciens combattants pour 2003 , témoigne de la volonté du Gouvernement de parvenir enfin à une solution à la hauteur de la générosité de la France 7 ( * ) et du sacrifice de ceux qui ont jadis combattu pour elle.
Votre rapporteur comprend que la solution à cette question en suspens depuis quarante ans demande une concertation, notamment avec les Etats où résident ces anciens combattants. C'est pourquoi, dans une volonté d'aboutir à une solution constructive, votre rapporteur souhaite apporter sa pierre, en faisant deux recommandations.
- La décristallisation ne doit pas aboutir à commettre une deuxième injustice, à l'égard des anciens combattants français, cette fois . C'est pourquoi la prise en compte de la parité des pouvoirs d'achat, comme un des critères du calcul de la valeur du point de pension dans les différents Etats, apparaît nécessaire. On rappellera également qu'une revalorisation brutale, à la hauteur de la valeur du point en France, conduirait à donner aux anciens combattants un pouvoir d'achat de nature, là où ils sont particulièrement nombreux, à déstabiliser les structures sociales des pays où ils résident.
C'est à cette aune que votre rapporteur a examiné les conclusions du rapport de la Commission d'étude sur la revalorisation des rentes, des pensions et des retraites des anciens combattants d'Outre-mer 8 ( * ) et qu'il examinera la solution proposée par le futur projet de loi du Gouvernement.
« Trois types de positions peuvent être envisagées : « 1. La « décristallisation totale » : c'est la solution avancée par les avocats de M. Diop. Sa perspective a soulevé, on le comprend, la liesse des centaines de requérants et des anciens combattants sénégalais. Elle est soutenue, en solidarité, par les associations d'anciens combattants français. C'est une solution coûteuse, finalement peu conforme au principe d'égalité, mais c'est la plus confortable et on peut toujours se dire qu'il y a des distorsions bien plus discutables dans le monde. Une attitude généreuse vis-à-vis des populations africaines ne serait pas déplacée. « 2. La « décristallisation fondée sur le pouvoir d'achat » : c'est la position de Bercy et celle de la proposition de loi de juin 2001 du groupe socialiste. Elle est peu coûteuse, mais elle ne serait modérément avantageuse que pour les pays du Maghreb et de l'ancienne Indochine. Pour le Sénégal, par exemple, la valeur du point de pension militaire d'invalidité est actuellement « cristallisée » à 27,97 francs (contre 83 francs en France, rappelons-le) ; elle serait ramenée à 5,01 francs. Le ministère des finances a proposé une variante à cette position : elle consisterait à maintenir la cristallisation, pour les pays qui perdraient à l'application de la méthode des pouvoirs d'achat, qui serait appliquée aux bénéficiaires. « 3. La « décristallisation partielle » : elle serait basée sur une formule donnant la nouvelle valeur du point par addition d'une partie fixe discrétionnaire (entre 0 et 83 francs) et une partie variable calculée sur la base des rapports de pouvoirs d'achat. On pourrait moduler partie fixe et partie variable, de manière à rendre la nouvelle valeur du point plus ou moins avantageuse. Les coûts varieraient évidemment en fonction des choix effectués. Elle a été admise comme solution de repli par les représentants des associations d'anciens combattants, même s'ils préfèrent la solution n° 1. »
Source : Anicet Le Pors, rapporteur - Colloque
à l'IHEDN, 21 janvier 2002.
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- La deuxième recommandation concerne la nécessité de garantir la sécurité juridique du nouveau mode de calcul des pensions et retraites . A ce titre, la solution, proposée par la commission d'étude, qui permet la fixation d'un mode de calcul identique, faisant entrer la variable des pouvoirs d'acha t, pour les combattants français et étrangers, est une piste intéressante.
Compte tenu de l'importance des attentes, votre rapporteur encourage le Gouvernement à concrétiser au plus vite le processus pour lequel le présent projet de budget ouvre les moyens nécessaires.
* 7 On rappellera, pour mémoire, que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le Portugal, notamment, ont choisi de supprimer les pensions pour les ressortissants de leurs anciennes colonies.
* 8 Cette commission, créée par l'article 110 de la loi de finances pour 2001, a rendu son rapport au Premier Ministre le 17 avril 2002.