2. Des lacunes persistantes qui appellent un engagement européen accru
Comme on l'a précédemment indiqué, l' effort européen en matière spatiale militaire est vingt fois inférieur à celui des Etats-Unis .
Il souffre d'une certaine dispersion , illustrée par des redondances de capacités dans la gamme de fréquences la plus courante pour les télécommunications par satellites. Il ne couvre pas , loin de là, toute l'étendue des besoins opérationnels .
Dans le domaine des télécommunications spatiales militaires , et en dépit de la capacité de réception de fréquences de type EHF que fournira le satellite Syracuse III, les capacités françaises et européennes demeureront très insuffisantes, sur les fréquences EHF et plus encore sur les fréquences UHF ( ultra high frequencies ) indispensables à la transmission de données à haut débit, en particulier les images numériques.
Les besoins croissants en capacités de transmission, du fait des équipements de haute technologie engagés dans la gestion des crises, exigerait donc un effort européen commun pour le développement de satellites plus performants et un partage de capacités.
Le domaine de l' alerte avancée , constitue un deuxième axe d'effort indispensable, à l'heure où les capacités balistiques à courte et à moyenne portée se développent dans de nombreux pays.
La France s'est limitée en la matière à des études d'architecture . Elles visent à mesurer la valeur d'un concept d'un ou plusieurs satellites géostationnaires dotés de détecteurs infrarouge, capables de détecter la phase propulsive des missiles balistiques de moyenne et longue portée (au-dessus de 1 000 km de portée). Un tel système, capable d'effectuer dès le temps de paix des missions de renseignement et de contrôle de la prolifération balistique, permettrait également de confirmer l'identification du pays lanceur. En matière de trajectographie, l'utilisation de constellations importantes de satellites infrarouge en orbite basse observant les objets sur fond d'espace est nécessaire.
Ces études, qui pourraient déboucher sur la réalisation d'un démonstrateur, sont confirmées par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 qui prévoit l'acquisition d'une première capacité antimissile balistique.
Par ailleurs, une étude de faisabilité concernant la défense antimissiles des troupes en opération a été lancée par l'OTAN. Cette étude, qui devrait s'achever en 2004, sera menée par deux équipes industrielles. Une partie de cette étude portera sur les systèmes d'alerte avancée, basés dans l'espace ou par radar basé au sol. Les Américains proposent de partager avec l'Alliance les données provenant de leur système d'alerte avancée satellitaire futur SBIRS.
En tout état de cause, et au-delà de ces études, l'acquisition d'une capacité spatiale d'alerte avancée apparaît désormais indispensable, mais son coût impose la recherche d'une coopération européenne.
En matière d' écoute électromagnétique, la France, en complément de ses moyens terrestres, navals et aériens, a développé deux démonstrateurs lancés avec Hélios IA et Hélios IB. Le premier a fourni durant 5 ans des renseignements sur l'activité radar et le second opère dans le domaine des radiocommunications. Par ailleurs, dans le cadre du programme Essaim, le lancement de trois micro-satellites destinés à l'écoute des communications est prévu en 2004. Toutefois, aucune suite n'est pour le moment envisagée pour ces programmes expérimentaux.
La surveillance de l'espace vise à détecter et identifier tous les objets spatiaux et participe de ce fait à la prévention de la militarisation de l'espace et au renseignement sur l'activité spatiale militaire. Le ministère de la défense dispose du radar expérimental Graves, l'Allemagne développant également un radar expérimental. Toutefois, à l'issue de la « revue de programmes », en 1998, la France a renoncé à développer cette capacité, et ici encore, aucune perspective n'existe en Europe pour le développement d'un système opérationnel de surveillance de l'espace, rendant cette dernière dépendante des données fournies par la Russie ou les Etats-Unis.
Au total, l'état-major des armées a estimé que l'acquisition d'une capacité spatiale européenne militaire minimale mais performante dans l'ensemble des domaines intéressant la défense représenterait un investissement de l'ordre de 8,9 milliards d'euros, soit un flux annuel moyen de 785 millions d'euros.
Coût d'une capacité spatiale militaire européenne
Applications |
Coût du programme en millions d'euros |
Durée de vie du programme |
Coût annuel en millions d'euros |
Télécommunications |
3 100 |
15 |
207 |
Observation |
2 300 |
10 |
230 |
Écoute |
1 220 |
10 |
122 |
Surveillance espace |
760 |
10 |
76 |
Alerte avancée |
1 500 |
10 |
150 |
Total |
8 880 |
785 |
(Source : Etat-major des armées)
On constate que le coût annuel d'un tel système dépasse largement le niveau actuel du budget spatial militaire, appelé à se situer en moyenne à 450 millions d'euros par an au cours de la prochaine loi de programmation militaire 2003-2008.
Pour autant, s'il était réparti entre pays européens, il deviendrait très accessible.
Il reste à savoir si une volonté politique pourra s'affirmer dans ce domaine.
Dans le cadre du plan d'action européen pour les capacités (processus ECAP) destiné à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la constitution de la force d'action européenne, un groupe est plus particulièrement chargé de définir les besoins en matière spatiale. Il serait indispensable que les divers domaines énoncés ci-dessus, dans lesquels figurent d'importantes lacunes, soient retenus.