V. DEUX PRIORITÉS À DÉVELOPPER : LA REMISE À NIVEAU EN CULTURE GÉNÉRALE DES NOUVEAUX ÉTUDIANTS ET LA PROFESSIONNALISATION DES FORMATIONS SUPÉRIEURES
Depuis plusieurs années votre commission souligne l'importance de l'échec universitaire en premier cycle, qui a fait d'ailleurs l'objet en 1996 d'un rapport de sa mission d'information sur l'information et l'orientation des lycéens et des étudiants 1 ( * ) .
Elle ne peut donc que se féliciter de l'initiative annoncée par le ministre tendant à développer la culture générale en DEUG, comme dans les classes préparatoires, qui font d'ailleurs l'objet d'aménagements, et qui est destinée à remettre à niveau les nouveaux étudiants.
Elle considère enfin que la professionnalisation des études supérieures est encore insuffisante pour assurer une entrée satisfaisante des diplômés dans la vie active.
A. LA PRISE EN COMPTE DE LA CULTURE GÉNÉRALE APRÈS LE BACCALAURÉAT
1. La prévention de l'échec en premier cycle
L'échec à l'université concerne essentiellement le premier cycle universitaire, et principalement la première année. Pour une large part, ces échecs sont la conséquence d'une mauvaise orientation. Ils concernent en premier lieu les bacheliers professionnels, mal préparés par leurs études antérieures à s'engager dans une formation universitaire générale de premier cycle et, dans une moindre mesure, les bacheliers technologiques, notamment lorsqu'ils sont issus des séries tertiaires.
a) Le devenir des entrants en premier cycle universitaire
En 2001-2002, 44,8 % des étudiants entrés en 2000-2001 en première année de premier cycle universitaire (IUT et formations universitaires d'ingénieurs inclus) sont passés en deuxième année, 28,2 % ont redoublé leur première année et 27 % sont sortis du système universitaire : sortie définitive, temporaire ou orientation vers des filières non universitaires de l'enseignement supérieur (STS, formations paramédicales et sociales...).
DEVENIR, UN AN APRÈS, DES ENTRANTS
EN
PREMIÈRE ANNÉE DE 1
ER
CYCLE EN 2000-2001
Taux de passage |
Taux de redoublement |
Taux |
Nouveaux inscrits |
||||||
Même filière |
Autre filière |
Sous-total |
Même filière |
Autre filière |
Sous-total |
de sortie |
Ensemble |
2000-2001 |
|
Droit - Sciences politiques |
35,5 |
1,1 |
36,6 |
26,9 |
8,3 |
35,2 |
28,2 |
100,0 |
34 060 |
Sciences Économiques - Gestion |
41,4 |
1,3 |
42,7 |
18,2 |
8,7 |
26,9 |
30,4 |
100,0 |
15 691 |
AES |
28,6 |
2,1 |
30,7 |
19,3 |
11,0 |
30,3 |
39,0 |
100,0 |
15 645 |
Lettres - Sc. du langage - Arts |
44,4 |
2,6 |
47 |
12,8 |
6,1 |
18,9 |
34,1 |
100,0 |
23 550 |
Langues |
35,7 |
2,0 |
37,7 |
16,7 |
6,9 |
23,6 |
38,7 |
100,0 |
32 805 |
Sciences humaines et sociales |
41,7 |
1,6 |
43,3 |
18,2 |
6,3 |
24,5 |
32,2 |
100,0 |
42 574 |
Sciences et structure de la matière |
42,2 |
2,5 |
44,7 |
19,8 |
11,0 |
30,8 |
24,5 |
100,0 |
29 422 |
Sciences & technologie / Sciences ingénieur |
38,8 |
5,9 |
44,7 |
12,7 |
11,6 |
24,3 |
31,0 |
100,0 |
3 912 |
Sciences de la nature et de la vie |
41,2 |
1,7 |
42,9 |
21,2 |
9,7 |
30,9 |
26,2 |
100,0 |
15 588 |
STAPS |
49,9 |
0,5 |
50,4 |
27,0 |
4,2 |
31,2 |
18,4 |
100,0 |
11 421 |
Médecine |
10,2 |
1,2 |
11,4 |
62,1 |
11,4 |
73,5 |
15,1 |
100,0 |
15 550 |
Pharmacie |
14,8 |
0,5 |
15,3 |
59,9 |
10 |
69,9 |
14,8 |
100,0 |
4 101 |
IUT |
71,6 |
0,4 |
72 |
8,9 |
4,4 |
13,3 |
14,7 |
100,0 |
49 673 |
Ingénieur |
76,2 |
1,0 |
77,2 |
3,0 |
16,4 |
19,4 |
3,4 |
100,0 |
1 276 |
Toutes filières |
43,3 |
1,5 |
44,8 |
20,5 |
7,7 |
28,2 |
27,0 |
100,0 |
295 268 |
(1) La diversité des taux de passage selon les filières
Le taux de passage le plus élevé dans la même filière se situe en formation d'ingénieur (76,2 %) et en IUT (71,6 %) ; le taux le plus faible est enregistré en médecine et en pharmacie en raison du numerus clausus qui réglemente le passage en deuxième année.
Dans les filières dites générales, le taux de passage varie aussi fortement : il est élevé en STAPS (49,9 %) et en Lettres-sciences du langage-art (44,4 %) mais faible en Administration économique et sociale (AES) avec 28,6 %. Ces écarts entre les filières s'expliquent en partie par l'origine scolaire des entrants : 73,1 % des entrants en STAPS sont titulaires d'un baccalauréat général, contre 49,5 % en AES. De plus, dans cette discipline pluridisciplinaire à dominante économique et juridique, 31,4 % des entrants sont issus de la série sciences et technologies tertiaires du baccalauréat et 10 % sont titulaires d'un baccalauréat professionnel.
(2) L'importance des réorientations
Près d'un entrant en première année sur dix se réoriente en cours ou en fin de première année et trois fois sur quatre, ce changement de filière s'accompagne d'un redoublement ; qu'ils réussissent ou qu'ils redoublent, un an après, près des deux tiers des entrants en première année poursuivent leurs études dans la discipline choisie. En moyenne, un entrant sur quatre quitte l'université après un an : parmi eux, les plus nombreux rejoignent une STS (36 %), 30 % se dirigent vers d'autres formations et, pour la moitié vers des formations paramédicales ou sociales, soit qu'ils aient réussi un concours pour entrer dans ces écoles, soit qu'ils se soient inscrits dans une préparation à ces concours.
Les taux de sortie sont plus élevés en AES (39 %) et en langues (38,7 %) qu'en Sciences et structures de la matière (24,5 %) ou en STAPS (18,4 %), les écoles d'ingénieurs, les IUT, la médecine et la pharmacie ayant les taux les plus faibles de sortie.
b) Un nécessaire renforcement de l'efficacité des premiers cycles universitaires
Le ministre a récemment défini comme des objectifs prioritaires une meilleure orientation et un accueil plus satisfaisant des étudiants à leur entrée à l'université et le fait de leur donner une solide culture générale pour leur permettre une meilleure adaptabilité au cours de leur parcours professionnel.
(1) Un accueil adapté
L'une des causes de l'échec des étudiants en premier cycle résulte du décalage entre les connaissances acquises dans le secondaire et les connaissances requises en première année de DEUG : les universités ont été ainsi conduites à renforcer l'information donnée aux élèves des lycées mais aussi aux enseignants et aux équipes éducatives du second degré.
En complément des actions traditionnelles (journées portes ouvertes, présentation des formations lors de forums, journées des formations et salons d'information grand public), on peut citer plusieurs actions nouvelles ayant vocation à assurer une liaison plus satisfaisante entre le secondaire et le supérieur :
- échanges d'étudiants et d'élèves (des étudiants présentent leurs conditions d'études au lycée, tandis que les lycéens sont ensuite accueillis à l'université) ;
- présentation des formations dans les lycées par des tuteurs ;
- entretien préalable individuel avec les futurs bacheliers candidats à une inscription ;
- désignation d'étudiants «correspondants» issus du même lycée que les bacheliers et d'un enseignant ressource ;
- réflexion sur les programmes de lycées et de DEUG de sciences et construction d'outils pédagogiques directement utilisables par les enseignants du secondaire et du supérieur ;
- journée d'information différenciée selon les publics visés (enseignants, équipe éducative, conseiller d'orientation, proviseur) ;
- création d'une mission de coordination secondaire-supérieur au niveau de l'université ou de l'académie.
La modernisation des outils d'information et le développement des produits multimédias devraient permettre de présenter ces informations de manière plus attractive.
Les services communs universitaires d'information et d'orientation (SCUIO) mettent également en place une information plus qualitative en liaison avec les organisations professionnelles pour une meilleure connaissance des débouchés professionnels et des différentes filières.
(2) Les dispositifs proposés
Les présidents d'université ont été invités, lorsque cette fonction n'était pas déjà assurée, à désigner un directeur des études dans les filières accueillant une centaine d'étudiants. Celui-ci devra notamment veiller à la cohérence des enseignements dispensés et sera l'interlocuteur privilégié des étudiants concernés.
Le dispositif de réorientation à la fin du premier semestre, mis en place en 1997, n'a pas répondu à ses objectifs puisqu'il touche moins de 2 % des étudiants. Il est apparu souhaitable de retarder la possibilité de choix de réorientation jusqu'à la fin de la première année de DEUG : à travers les campagnes d'habilitation, l'accent est mis sur le renforcement de la méthodologie universitaire en première année de DEUG, qui devrait également permettre à l'étudiant de réfléchir à son projet de formation, voire à son projet professionnel et de choisir une orientation véritablement adaptée.
La pluridisciplinarité est de plus en plus ressentie comme une nécessité dans le domaine de la formation. L'arrêté du 23 avril 2002 relatif aux études universitaires conduisant au grade de licence permet aux universités de mettre en place des parcours diversifiés pluridisciplinaires , qui reposent sur un accompagnement pédagogique personnalisé et qui permettent une meilleure mobilité des étudiants.
Il a enfin été demandé aux universités de généraliser à l'ensemble des formations de premiers cycles des aménagements qui ont fait leur preuve dans les filières scientifiques : enseignement en petits groupes, développement de l'expérimentation, utilisation des technologies d'information et de communication.
Il leur a été également demandé de réfléchir à de nouvelles modalités d'organisation des formations, non seulement en semestre mais aussi en crédits capitalisables, dispositif qui permettra d'offrir des parcours de formation plus diversifiés et plus individualisés.
(3) Un développement de l'enseignement de la culture générale
Trop d'étudiants s'engagent dans des études universitaires sans repères solides en matière de culture générale alors que les élèves entrant dans des filières sélectives continuent à bénéficier d'une formation générale diversifiée et cohérente.
Conformément aux propositions de la mission de réflexion Renaux, le ministre a souhaité que soient intégrés dans les enseignements fondamentaux, et en liaison avec eux, des enseignements de culture générale. L'objectif est de conduire au décloisonnement de toutes les disciplines afin de permettre à l'étudiant d'acquérir une bonne adaptabilité au cours de son parcours professionnel : par exemple une formation en sociologie et en économie pour les historiens, une formation en bio-éthique pour les biologistes...
Un « appel à idées » devrait aussi être lancé concernant la création de cours fondamentaux dans le premier cycle « tant dans le domaine des humanités que des sciences » : 200 postes d'enseignants du second degré sous la forme de service complet ou partagé, seraient mis à disposition des universités dans le cadre de cet appel.
A la rentrée 2002, les universités ont été invitées à mettre en place, à titre expérimental, un enseignement de culture générale adapté à chaque grand domaine de formation et à en faire connaître le bilan.
Votre commission ne peut que se féliciter de cette initiative, même si cette mesure sans doute trop tardive témoigne d'une véritable défaillance de l'enseignement scolaire, la vocation de l'université n'étant pas à l'origine de remédier aux insuffisances du collège et du lycée dans l'acquisition des fondamentaux.
On peut regretter que notre pays se rapproche à cet égard des Etats-Unis où l'enseignement secondaire constitue le maillon faible du système éducatif.
Votre commission souhaiterait cependant obtenir des précisions du ministre sur les moyens qui seront accordés au-delà de cette expérimentation, sur ses modalités et ses perspectives de développement, les besoins en culture générale n'étant sans doute pas les mêmes pour les bacheliers généraux que pour les bacheliers technologiques, voire professionnels.
Elle ne peut également que se féliciter d'une amélioration annoncée de l'orientation des bacheliers technologiques et professionnels et des directives données par le ministre aux recteurs de veiller à la coordination des inscriptions dans les STS et les IUT afin d'accueillir plus de bacheliers technologiques : en effet, la moitié des bacheliers technologiques qui entrent en DEUG se sont vus refuser l'entrée dans une filière sélective et on rappellera que les bacheliers technologiques ne sont que 38 % à obtenir leur DEUG entre deux et cinq ans, alors que 80 % des bacheliers généraux l'obtiennent en trois ans.
Le ministre souhaite enfin favoriser le passage en STS des bacheliers professionnels « qui en ont le projet et les capacités » : votre commission voudrait obtenir des précisions sur les modalités de cette nouvelle passerelle et sur les effectifs de bacheliers susceptibles d'être concernés.
* 1 S'orienter pour mieux réussir n° 81-1996-1997