Loi de finances pour 2002 - Tome VII : Départements d'outre-mer
BALARELLO (José)
AVIS 92 (2001-2002) - TOME VII - commission des lois
Rapport au format Acrobat ( 168 Ko )Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
INTRODUCTION
- I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER
-
II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER
EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
- 1. L'aggravation de la délinquance de voie publique et la persistance du trafic de drogue
- 2. Une activité soutenue des juridictions installées dans des locaux inadaptés
- 3. La persistance d'une surpopulation carcérale aggravée par la vétusté des établissements
- 4. Une immigration difficilement contrôlable...
- 5. ...qui nécessite une coopération régionale renforcée
- 6. Les questions relatives aux fonctions publiques d'Etat et territoriale
- III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE
- IV. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES OU STATUTAIRES
N° 92
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME VII
DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER
Par M. José BALARELLO,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; M. Jean-Paul Amoudry, Mme Michèle André, M. Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Lucien Lanier, Jacques Larché, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
3262
,
3320
à
3325
et T.A.
721
Sénat
:
86
et
87
(annexe n°
32
)
(2001-2002)
Lois de finances . |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Après avoir procédé à l'audition
de M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le mardi 20
novembre 2001, la commission des Lois, réunie le 28 novembre 2001 sous
la présidence de M. René Garrec, président, a
examiné, sur le rapport pour avis de M. José Balarello, les
crédits du projet de loi de finances pour 2002 consacrés aux
départements d'outre-mer, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Au- delà de l'analyse des crédits consacrés à
ces départements et collectivités par les ministères de
l'outre-mer, de l'intérieur et de la justice, elle a concentré
ses observations sur les problèmes concernant la justice, la
maîtrise de l'immigration, la coopération régionale, ainsi
que sur l'intégration à l'Union européenne et les
perspectives d'évolutions statutaires ou institutionnelles.
Elle a ainsi déploré l'état lamentable des juridictions et
des établissements pénitentiaires outre-mer. Elle a
également regretté que le décret relatif à la
suppression de la prime d'éloignement ne soit toujours pas paru, alors
même qu'elle dénonce chaque année les effets
négatifs du maintien du système des
surrémunérations des fonctionnaires pour les collectivités
locales des départements d'outre-mer.
S'agissant des relations avec l'Union européenne, la commission des Lois
a souligné l'importance des crédits communautaires et la
nécessité d'une plus grande rigueur dans leur utilisation.
S'agissant du processus de réforme statutaire engagé dans les
départements français d'Amérique, et
particulièrement en Guyane, la commission s'est interrogé sur la
pertinence du congrès pour recueillir l'avis des populations
concernées, tout en soulignant à nouveau la
nécessité d'une approche « cousue main »,
notamment pour la Guyane, qui présente des particularités
importantes.
La commission des Lois a émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits consacrés aux départements
d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent avis est consacré aux crédits alloués
par le projet de loi de finances pour 2002 aux départements d'outre-mer
(Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion) et aux deux
collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits alloués aux
territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna,
Terres australes et antarctiques françaises) et à la
Nouvelle- Calédonie faisant pour leur part l'objet d'un autre avis
de votre commission des Lois, présenté par notre excellent
collègue M. Jean- Jacques Hyest.
Cette année a été marquée par l'application de la
loi d'orientation pour l'outre-mer et par l'examen du projet de loi relatif au
statut de Mayotte. Une délégation de votre commission des Lois,
composée de M. Simon Sutour et de votre rapporteur, avait dans cette
perspective effectué une mission d'information de six jours à
Mayotte en avril 2001.
Après avoir présenté l'évolution des crédits
consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et
à Saint-Pierre-et-Miquelon, en analysant, au-delà des dotations
propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice, votre rapporteur pour avis concentrera ses
observations sur les domaines relevant plus particulièrement de la
compétence de votre commission des
Lois : sécurité, justice, maîtrise de
l'immigration, fonction publique. Le présent rapport évoquera en
outre les apports de l'intégration des départements d'outre-mer
à l'Union européenne, ainsi que les perspectives
d'évolution institutionnelle ou statutaire. Il analysera enfin
l'évolution des relations des collectivités d'outre-mer avec leur
environnement régional.
I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER
Seul
l'« Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et
financier consacré aux départements et collectivités
territoriales d'outre-mer » (« jaune »
présenté en annexe du projet de loi de finances) permet
d'appréhender dans leur globalité les moyens budgétaires
consacrés, d'une part, aux départements d'outre-mer et, d'autre
part, aux collectivités territoriales d'outre-mer à statut
particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, l'ensemble des ministères contribue à l'effort
financier en faveur de l'outre-mer, les crédits du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer représentant moins de 11 % des
moyens budgétaires aux départements et collectivités
territoriales d'outre-mer pour 2002, moyens qui atteignent un
montant total
de 8,44 milliards d'euros (55,4 milliards de francs) pour les dépenses
ordinaires et crédits de paiement et 892 millions d'euros
(5,85 milliards de francs) en autorisations de programme
.
Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de
ces départements et collectivités se caractérise par une
progression de 7,13 % en crédits de paiement et de 5,11 % en
autorisations de programme.
Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission
des Lois s'attachera également à analyser les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice ainsi qu'à analyser la
budgétisation des dépenses induites par la loi n° 2000-1207
du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer et la loi n°
2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte.
Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle
des moyens de paiement et autorisations de programmes.
Moyens
de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits
de paiement)
|
2001 |
2002 |
|
||
|
montant |
part
|
montant |
part
|
évolution
|
ensemble des ministères dont: |
7.881,44 |
100 % |
8.443,42 |
100 % |
+7,13 % |
- outre-mer |
828,61 |
10,51 % |
864.83 |
10,24 % |
+ 4,37 % |
- intérieur et décentralisation |
1.522,08 |
19,31 % |
1.519,16 |
17,99 % |
-1,91 % % |
- justice |
130,75 |
1,66 % |
132.79 |
1,57 % |
+1,56 % |
(tableau réalisé à partir des données du « jaune » budgétaire) (en millions d'euros)
Autorisations de programme destinées
aux DOM,
à
Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
|
2001 |
2002 |
|
||
|
montant |
part
|
montant |
part
|
évolution en % |
ensemble des ministères dont: |
849,46 |
100 % |
892,90 |
100 % |
+ 5,11 % |
- outre-mer |
324,66 |
38,22 % |
352,26 |
39,45 % |
+ 8,50 % |
- intérieur et décentralisation |
163,06 |
19,19 % |
165,37 |
18,52 % |
+ 1,42 % % |
- justice |
5,25 |
0,62 % |
5,32 |
0,59 % |
+ 1,33 % |
(tableau réalisé à partir des
données
du « jaune » budgétaire) (en millions
d'euros)
On observe donc une progression tant des autorisations de programme
destinées aux départements d'outre-mer que des crédits
ordinaires.
Malgré tout, ce budget s'avère insuffisant.
1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
Les
dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des
départements et collectivités d'outre-mer connaissent une
progression (+ 4,37 %) en ce qui concerne les moyens de
paiement qui atteignent plus de 864,83 millions d'euros pour 2002, les
autorisations de programme progressant quant à elles de
8,5 %. La
part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des
moyens de paiement affectés aux départements d'outre-mer stagne
à 10,24 %
.
S'agissant cette fois de l'ensemble des crédits alloués au
secrétariat d'Etat à l'outre-mer (qui concernent tant les DOM et
collectivités à statut particulier que les TOM), on notera qu'il
dépasse pour la première fois le chiffre symbolique de 7
milliards de francs (1,07 milliard d'euros), avec une augmentation de
3,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001.
-
la poursuite de la mise en oeuvre de la loi d'orientation
1(
*
)
La loi d'orientation bénéficie d'un
financement
spécifique supplémentaire de 72 millions d'euros (qui s'ajoute
aux 50 millions d'euros inscrits l'an dernier)
2(
*
)
pour sa mise en oeuvre.
Le FEDOM (chapitre 44-03) est crédité à hauteur de 68,7
millions d'euros afin de financer pour 2,74 millions d'euros les 2.200 primes
à la création d'emploi, pour 21 millions d'euros les 10.000
projets initiatives-jeunes, pour 9,147 millions d'euros les 3.000
congés-solidarités et pour 12,19 millions d'euros les
allocations de retour à l'activité.
Sont également prévus au chapitre 41-91 0,4 million d'euros
destinés à la mise en place d'un office de l'eau, ainsi que 3,2
millions d'euros au chapitre 46- 94, destinés à permettre
à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs
d'outre-mer de prendre en charge les frais de transport des stagiaires du plan
initiative jeunes, et l'augmentation de la dotation pour le fonds
d'échange à but éducatif, culturel et sportif et celles
des fonds de coopération régionale (Antilles, Guyane,
Réunion), créés en lieu et place de l'ancien fonds
interministériel Caraïbes.
- la mise en oeuvre de la loi relative à Mayotte
3(
*
)
Outre les 76.000 euros qui s'ajoutent aux crédits de fonctionnement
déjà mis en place pour la commission de réforme de
l'état-civil
4(
*
)
, Mayotte
bénéficie également de nouvelles dotations
spécifiques.
1,52 million d'euros sont ainsi prévus pour la dotation dite de
« rattrapage et de premier équipement des
communes », qui doit permettre aux communes mahoraises de mettre en
place les infrastructures de base (assainissement, eau potable, construction
d'écoles), ainsi que pour le fonds mahorais de développement,
dont l'objet est le financement de projets publics ou privés
d'aménagement et d'équipement du territoire, ainsi que le soutien
au développement des entreprises.
Mayotte bénéficiera également d'1,272 million d'euros afin
de créer un fonds de coopération régionale, essentiel pour
rompre l'isolement dont souffre encore trop le territoire, et de mener des
actions en faveur de la formation professionnelle (programme de formation des
cadres mahorais) et de la santé (instauration d'un fonds de concours
santé).
En matière sociale, 28,341 millions d'euros sont d'ores et
déjà prévus pour financer les futurs dispositifs pour
l'emploi, qui devraient être créés par ordonnance
5(
*
)
avant le 31 mars 2002.
Outre la mise en oeuvre des deux principales lois relatives à
l'outre-mer, le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
consacre une fois encore ses moyens prioritairement en faveur de l'emploi, du
logement et du développement économique.
- Le
soutien à l'emploi
demeure la
première
priorité du budget
du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, en représentant
46,8 %.
La dotation du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et
à Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) augmente de 25,5 %, comme en
2001, pour s'élever à
505,04 millions d'euros
(mesures
LOOM comprises).
Cette augmentation se poursuit cependant sans qu'aucun de la douzaine de
dispositifs financés n'ait fait l'objet d'une évaluation.
Elle doit permettre à la fois de renforcer les dispositifs d'insertion
traditionnels et d'accompagner la montée en puissance des mesures
prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer. 10 % des 10.000
nouveaux emplois-jeunes créés pour 2002 devraient être
réservés à l'outre-mer, ce qui portera le nombre total de
bénéficiaires à près de 14.000 dans les DOM, tandis
que le dispositif est étendu à Mayotte. Au total, près de
100.000 mesures sont prévues, dont 39.000 contrats
emploi-solidarité, 15.000 contrats d'insertion par l'activité.
- La
politique d'aide au logement
, qui était la grande
absente de la loi d'orientation pour l'outre-mer, malgré l'importance
des besoins en matière de logement et de l'évolution
démographique, constitue le deuxième poste de dépenses du
budget, avec 287 millions d'euros (+ 39,7 %) en autorisations de
programme et 161millions de francs (+ 11,19 %) en
crédits de paiement.
Cependant, cette augmentation doit être fortement relativisée
puisqu'elle correspond largement à la compensation de la suppression de
la créance de proratisation
6(
*
)
du fait de
l'alignement du RMI outre-mer sur celui de la métropole au
1
er
janvier 2002.
Ces moyens doivent permettre de financer la réhabilitation ou la
construction de 16.700 logements, contre 15.000 en 2001 et 13.400 en 2000,
tandis que la résorption de l'habitat insalubre devrait concerner
2.400 ménages.
Enfin, l'aide exceptionnelle aux ménages pour l'acquisition de terrains
situés dans la zone des 50 pas géométriques
7(
*
)
sera poursuivie avec une dotation de 4,57 millions
d'euros en autorisations de programmes.
- La politique d'investissement et
d'appui au développement
économique
Est inscrit au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer le
montant des tranches annuelles théoriques de ses engagements au titre
des
contrats de plan Etat-régions
(CPER) dans les
départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte, soit 48,5 millions d'euros, dont 46,5 millions d'euros au titre du
FIDOM. Les montants des tranches annuelles sont en forte augmentation par
rapport à la période précédente, ce qui place les
régions d'outre-mer en bonne position dans la répartition des
crédits. La Guyane, avec un ratio de 854,78 euros par habitant est
la première région française, la Guadeloupe la
deuxième, la Martinique la quatrième et la Réunion la
sixième.
- L'effort consacré à la
culture, à l'action sociale et
à la coopération régionale
s'accentue de 20,55 %
pour atteindre plus de 5,66 millions d'euros. Cette augmentation est due,
d'une part, à la poursuite de la mise en oeuvre de certaines mesures
relatives à la loi d'orientation, mais aussi à la création
d'un fonds de développement des nouvelles technologies de l'information
et de la communication.
- Le
service militaire adapté
8(
*
)
poursuit sa professionnalisation et sa féminisation commencée en
1999, avec l'objectif d'accueillir 3.000 jeunes au 1
er
janvier 2003,
soit le même nombre que celui des jeunes formés avant la
suppression du service national. Aux 2.000 emplois déjà
créés s'ajouteront 500 emplois nouveaux.
2. Une stagnation de la contribution des ministères de l'intérieur et de la justice
-
Les crédits de paiement provenant du
ministère de
l'intérieur et de la décentralisation
, qui
représentent environ 18 % de l'effort financier global de
l'Etat en faveur des département d'outre-mer, (1.519 millions
d'euros pour 2002), régressent légèrement (-1,91 %),
tandis que les autorisations de programme stagnent à +
1,42 %, alors même que les collectivités d'outre-mer
sont toujours confrontées à une situation financière
difficile et à des problèmes récurrents de
délinquance.
Ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, de
fonctionnement et d'équipement des services déconcentrés
et surtout à des subventions de fonctionnement et d'investissement aux
collectivités locales.
Ces dotations aux collectivités locales sont de deux natures :
D'une part, sont financés par prélèvements sur recettes,
pour un montant total de plus de 690 millions d'euros, la dotation globale de
fonctionnement (DGF : 478 millions d'euros), la dotation de
développement rural (DDR), le fonds national de
péréquation (FNP), le fonds de compensation pour la taxe sur la
valeur ajoutée (FCTVA) et la dotation spéciale instituteurs (DSI).
Les autres dotations aux collectivités locales sont financées par
des dotations figurant au budget du ministère de l'intérieur. Il
s'agit des dotations suivantes : dotation générale de
décentralisation (DGD), dotation régionale d'équipement
scolaire (DRES : 101 millions d'euros), dotation départementale
d'équipement des collèges (DDEC : 31,9 millions d'euros),
dotation globale d'équipement (DGE : 31,7 millions d'euros), ainsi
que des crédits de mise en sécurité des écoles.
- En ce qui concerne la contribution du
ministère de la
justice
, on observe,
après la forte progression
du montant
des autorisations de programme (+ 75,49 %) qui atteignaient
121,417 millions de francs, et la progression de 7,39 % des moyens
de paiement
en 2001, une stabilisation pour 2002
.
Ceci confirme
l'évolution erratique des autorisations de
programme
. Après avoir connu un important recul en 1998 et 1999,
elles progressaient de 140 % en 2000, puis de 75 % en 2001.
Or, les importants besoins des juridictions et des établissements
pénitentiaires des départements et collectivités
d'outre-mer
, que votre rapporteur pour avis a pu constater au cours de ses
missions en Guyane, aux Antilles, à la Réunion et à
Mayotte,
ne sont toujours pas satisfaits
.
Ces crédits, d'un montant de 133 millions d'euros en 2001, devraient se
traduire par des créations d'emplois et une modernisation du patrimoine
immobilier de l'institution judiciaire et des établissements
pénitentiaires, ce à quoi votre rapporteur appelle depuis
plusieurs années avec insistance.
II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
L'exercice des missions régaliennes de l'Etat, déjà jugé alarmant en métropole, présente une situation encore plus inquiétante outre-mer, ainsi que le montrent une fois encore les résultats enregistrés en matière de sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration. Mais c'est surtout l'évolution au cours de la dernière décennie qui semble montrer une perte de contrôle globale.
1. L'aggravation de la délinquance de voie publique et la persistance du trafic de drogue
Votre
rapporteur regrette tout d'abord de n'avoir pu recueillir d'informations quant
à l'évolution du taux de criminalité outre-mer
.
Si le secrétariat d'Etat met en avant la baisse des crimes et
délits constatés par la police et la gendarmerie de 5 % dans
les quatre départements d'outre-mer, alors qu'elle augmentait de
2,90 % au plan national,
la délinquance de voie publique
,
qui regroupe les infractions les plus durement ressenties par les populations
(vols à main armée, vols avec violences, cambriolages, vols de
véhicules, vols à la roulotte, destructions et
dégradations),
progresse de 19,5 % en cinq ans
.
Elle augmente sensiblement en Guadeloupe (+ 5,4 %), davantage en Guyane (+
17,5 %), mais enregistre des tendances fortes en Martinique (+
22,2 %) et surtout à la Réunion (+ 33,1 %).
Elle
représentait en 1995 41,6 % de la délinquance totale et en
2000 52,4 %, contre 51,37 % au plan national.
Par ailleurs, il est
inquiétant de constater que des
départements dans lesquels le taux de criminalité était
nettement inférieur à celui métropolitain (comme la
Martinique ou la Réunion), sont ceux qui sont le plus affectés
par
cette augmentation et semblent eux aussi connaître une
véritable dérive.
§ La Guadeloupe
connaît un niveau élevé
d'insécurité qui baisse cependant de 3,6 %, même si
l'augmentation est de 2,5 % depuis 1995.
Au cours de la
décennie, sa progression a été de 31,75 %, cette
hausse concernant surtout la délinquance violente.
La délinquance de voie publique a augmenté de 5,4 % depuis
1995 et de 4,95 % entre 1999 et 2000. Sa part dans la délinquance
globale est de 55,7 %. La catégorie des vols subit une hausse de
2,6 % en 2000 du fait notamment de l'augmentation des vols de
véhicules et de deux roues (44 % des vols), tandis qu'on assiste
à une stabilisation des cambriolages et à une baisse sensible des
vols à main armée.
Les crimes et délits contre les personnes sont en baisse, même si
la part de cette catégorie dans la criminalité globale
(11,34 % contre 6,74 % au plan national), est le taux le plus
élevé des départements d'outre-mer.
Les infractions à la législation des stupéfiants
n'augmentent que de 4,01 %.
En outre,
la part des mineurs mis en cause reste stable (9,41 % contre
22,41 % au plan national
).
§ En Martinique
, la délinquance a progressé de
4,5 %.
Le bilan de la dernière décennie se traduit
en outre par une hausse de 55,30 %
, ce qui nourrit la crainte d'une
évolution incontrôlable de la violence, notamment en milieu
scolaire.
La délinquance change de nature et utilise davantage la
violence
physique. Les crimes et délits contre les personnes progressent de
6,13 %. La délinquance de voie publique a augmenté de
22,2 % entre 1995 et 2000 et de 8,17 % entre 1999 et 2000. Sa part
dans la délinquance globale est passée de 47,7 % en 1995
à 55,79 % en 2000.
S'agissant des infractions à la législation sur les
stupéfiants
, elles
sont globalement en baisse de
4,19 % entre 1999 et 2000, mais on enregistre pour les deux
dernières années une augmentation de près de 28 % des
faits de consommation. La part de ces infractions dans la criminalité
totale est bien supérieure à celle de la métropole
(4,09 % contre 2,75 %).
On note également un doublement des délits relevant de la police
des étrangers.
§ En Guyane
, les crimes et délits constatés en 2000
ont connu une
baisse de 7,16 %, tandis que la progression de la
criminalité globale a été de 5,79 % au cours de la
décennie
.
On note une augmentation de la criminalité de voie publique (vols avec
violence et vols à main armée en particulier),
criminalité violente
qualifiée généralement
de
type sud-américain
. D'une manière
générale, le
nombre d'armes à feu
détenues
le plus souvent illégalement intensifie le sentiment
d'insécurité éprouvé par la population guyanaise.
Lors des émeutes de novembre 2000, des tirs d'armes à feu ont
ainsi été essuyés par les forces de l'ordre. Ces armes
proviennent généralement du Brésil et du Surinam.
S'agissant de la délinquance de voie publique, elle augmente de
17,5 % depuis 1995 et de 8,93 % entre1999 et 2000, tandis que les
vols avec violence ont progressé de 55,16 % au cours des cinq
dernières années, les crimes et délits contre les
personnes baissant de près de 40 % ces deux dernières
années. Les
infractions à la législation sur les
stupéfiants ont diminué de 20 % l'année
dernière et de 28,3 % depuis 1995
.
En outre, la Guyane connaît des sources d'insécurité
spécifiques, du fait d'une importante population immigrée en
situation irrégulière obligée de se livrer aux trafics
pour survivre.
Sur une
population totale estimée de 160.000 habitants
, il y
aurait
environ 37.000 étrangers en situation régulière,
et de 30.000 à 50.000 personnes en situation
irrégulière
. Les étrangers représentent
84,7 % des personnes mises en cause, dont les trois quarts pour
infractions aux conditions d'entrée et de séjour.
La part des
infractions à la législation des étrangers
représente près de la moitié de la criminalité
globale. Hors cette catégorie, la part des étrangers dans la
criminalité s'établit à près de 12 %
.
De plus, la présence d'
or
en Guyane entraîne des
conséquences dramatiques, dénoncées par le rapport de Mme
Christiane Taubira-Delannon, remis au Premier ministre en décembre 2000.
Outre les atteintes graves à l'environnement et à la santé
du fait du rejet de mercure dans les rivières, qui cause des troubles
neurologiques graves chez les populations amérindiennes, mais
également pour les populations vivant sur la bande côtière
(Cayenne et Kourou), les incidents se succèdent dans la région de
Maripasoula entre orpailleurs (des Bonis, descendants des esclaves marrons, ou
des Brésiliens entrés clandestinement) et les tribus
amérindiennes (principalement les Wayanas). Se développent par
conséquent dans cette région des milices armées, ainsi que
les trafics de drogue et de prostitution.
Actuellement, on compte 382 gendarmes répartis en trois compagnies, et
270 répartis en trois escadrons de gendarmerie mobile. Dans le cadre de
la future loi de programmation militaire, ces effectifs pourraient être
augmentés. Les effectifs de police ont augmenté de 25 %
depuis 1997 passant de 368 à 459 et une section d'intervention a
été créée en 1998 avec 62 adjoints de
sécurité (75 % des adjoints de sécurité
étant originaires de Guyane).
M. Christian Paul, à l'occasion de sa visite en Guyane en septembre
dernier, a annoncé un renfort de 30 policiers supplémentaires
à Cayenne, davantage de forces de gendarmerie (sans plus de
précision), la constitution d'une unité de 60 gendarmes mobiles
en forêt pour lutter contre l'orpaillage clandestin dans les 18 mois, la
mise en place de barrages mobiles de contrôles sur la route nationale
pour freiner l'immigration clandestine, ainsi que la création de 110
postes d'adultes relais chargés de servir de lien entre les jeunes
marginalisés et les associations de quartier.
En effet, la violence n'est pas circonscrite à l'intérieur du
territoire, mais touche également la zone littorale où se
concentre la population, provoquant régulièrement des
manifestations à Cayenne et à Kourou pour attirer l'attention des
autorités.
Si l'annonce du secrétaire d'Etat à l'outre-mer constitue un
premier pas
positif, il est
à craindre qu'elle demeure encore
largement insuffisante pour rétablir l'ordre dans un département
vaste comme le Portugal
.
Point sur l'évolution du trafic de drogue dans la Caraïbe
La
Caraïbe connaît une évolution inquiétante ces
dernières années. Géographiquement situés entre les
régions de production, localisées en Amérique du sud et
les régions de consommation de l'Amérique du Nord et de l'Europe,
les départements français d'Amérique se trouvent
aujourd'hui au centre du trafic de stupéfiants.
La Guyane est particulièrement concernée par le trafic de
cocaïne, tandis que le trafic et la consommation de crack (produit
dérivé de la cocaïne obtenu par adjonction d'ammoniaque ou
de bicarbonate de soude) se développent de manière
inquiétante en Martinique.
En juillet 2001, la marine française a intercepté un bateau de
pêche vénézuélien transportant 1,8 tonne de
cocaïne.
En outre, la Guadeloupe se trouve dans une situation délicate du fait de
l'important trafic international se développant à partir de
l'île de Saint-Martin. Sa partie néerlandaise, Sint-Maarten,
connaît un problème important de blanchiment d'argent par le biais
des neuf casinos, en grande majorité contrôlés par les
clans mafieux de la Camorra, Cosanostra et N'Drangheta.
Votre rapporteur souhaite que, dans le cadre de la coopération
européenne, cette question puisse être évoquée avec
les Pays-Bas.
Le fait nouveau concerne
l'augmentation inquiétante du trafic
à destination de la consommation locale
. Les effets du crack sur
l'évolution de la délinquance sont connus : la
dépendance quasi-immédiate qu'il entraîne explique la
recrudescence des vols à main armée et des vols avec violence.
Cette forme de délinquance a connu une progression
particulièrement importante.
Face à cette situation, les moyens mis à la disposition des
forces de police ont été renforcés (effectifs du SRPJ
Antilles-Guyane accrus, installation du fichier Canonge à
Fort-de-France, installation d'un centre interministériel de formation
anti-drogue à Fort-de-France).
La coopération internationale a été renforcée
grâce à une structure de coopération spécifique
à la zone, le Bureau des liaisons opérationnelles,
implanté au sein du SRPJ, mis en place afin de développer
l'analyse et l'échange du renseignement opérationnel, ainsi qu'au
réseau Interpol, au service de coopération technique
internationale de police (SCTIP) et à l'Office central de
répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), avec la
mise en place d'un réseau de délégations et d'antennes
internationales.
Si la présence de TRACFIN permet de prévenir et réprimer
le blanchiment d'argent dans les départements d'outre-mer, il serait
utile que son action s'étende à l'ensemble de la zone.
Un programme européen (Project Management Office -PMO-), auquel
participent les pays intéressés de la zone ainsi que la France,
la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l'Espagne permet, avec la collaboration
américaine, de mieux coordonner les moyens de coopération
maritime, un projet d'accord bilatéral entre la France et les Etats-Unis
ainsi qu'un accord de coopération multilatérale proposé
par les Pays-Bas étant en outre en cours de négociation.
L'Union européenne a engagé 35 millions d'euros sur cinq ans pour
les actions de lutte contre la drogue dans la région.
Cependant, votre rapporteur estime que les moyens mis à la disposition
des forces de l'ordre chargées des frontières (notamment
fluviales et maritimes), doivent être considérablement
renforcés.
§ La Réunion
a connu en 2000 une
hausse des crimes et
délits
constatés dans le département de plus de
8 %, et
de 16,8 % par rapport à 1995
.
Structurellement, on constate un nombre important de
crimes de sang et de
viols,
liés à l'alcool, la pauvreté et la
précarité, ainsi qu'aux efforts récents de signalement des
viols à caractère incestueux, qui représentent près
des deux tiers des condamnations criminelles.
La délinquance de voie publique progresse de 11 %. Les vols ont
augmenté de 27,9 % depuis 1995 et de 10,31 % entre 1999 et
2000. En outre, les crimes et délits contre les personnes ont
progressé de 11,40 % entre 1999 et 2000, malgré une
diminution de 27,31 % des viols.
Cependant, le fait marquant semble être
la hausse de la violence de la
délinquance d'appropriation, marque d'un déséquilibre
social et d'un comportement de plus en plus incontrôlé d'une
frange des mineurs
. La part des mineurs mis en cause est de 22,45 %
contre 19,05 % en 1999. Leur nombre augmente ainsi de 28,24 %.
39 policiers supplémentaires ont été affectés, afin
de créer des îlots et des patrouilles légères de
sécurité, représentant une augmentation de 15 %
depuis 1997. De plus, quatre contrats locaux de sécurité ont
été mis en place à Saint-Denis, Port des Galets, La
Possession et Saint-Benoît). Malgré tout, la situation
paraît inquiétante.
§ A Mayotte
.
Le taux de délinquance générale (de 54,9 pour mille en
2000), tend à se rapprocher rapidement du taux national (82,34 pour
mille en 1999).
En cinq ans, la délinquance constatée à
Mayotte a considérablement augmenté, pour passer d'un niveau
particulièrement bas à des seuils qui se rapprochent des moyennes
métropolitaines
.
La caractéristique essentielle de la
délinquance mahoraise est
d'être acquisitive (surreprésentation des vols et des
cambriolages
). Les faits constatés en matière de violence
contre les personnes sont relativement faibles, même si l'on observe des
prémices de constitution de bandes de jeunes. En 2000, les mineurs
représentaient 16 % des mis en cause, ce chiffre devant être
relativisé du fait de l'incertitude sur l'état-civil de nombreux
mis en cause.
En outre, les
étrangers représentent en 2000 39,4 % des
mis en cause
. Il s'agit essentiellement de ressortissants comoriens
(notamment des Anjouanais). L'immigration clandestine représente la
première cause d'instabilité de Mayotte. Elle prend la forme,
dans la zone urbaine de Mamoudzou, de villages entiers de clandestins. En 2000,
1.918 reconduites à la frontière ont été
réalisées.
L'application depuis le 1
er
mai 2001 des
nouvelles ordonnances sur le séjour des étrangers à
Mayotte
, en entraînant une juridicisation des procédures,
devrait bouleverser les statistiques de la délinquance.
Comptabilisées désormais au même titre que les
infractions, les reconduites à la frontière opérées
devraient provoquer un doublement des chiffres de la délinquance
constatée à Mayotte
.
- A Saint-Pierre-et-Miquelon
, situé en zone gendarmerie, la
délinquance est quasi dérisoire, l'archipel (6.600 habitants) ne
connaissant que des troubles d'ordre public liés à des
problèmes économiques et sociaux.
Ainsi,
malgré des évolutions contrastées de la
criminalité globale, ce bref tableau de la délinquance dans les
départements d'outre-mer et à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
fait ressortir une progression
sensible des crimes et délits contre
les personnes, de la délinquance de voie publique
au cours de la
décennie passée, particulièrement dans les
départements qui paraissaient les plus préservés
(Martinique et Réunion notamment), avec l'augmentation
inquiétante de la délinquance des mineurs.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a cependant
indiqué lors de son audition par la commission des Lois qu'un effort
considérable en matière de sécurité depuis 1997,
les effectifs de gendarmes et policiers ayant augmenté de 20 %.
Au demeurant, les statistiques doivent être interprétées
avec prudence, compte tenu du découragement croissant des victimes
dissuadées de porter plainte par le taux réduit
d'élucidation et le nombre élevé de classements sans
suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est identifié.
2. Une activité soutenue des juridictions installées dans des locaux inadaptés
Les
dernières statistiques disponibles concernent l'année 1999.
- L'évolution globale de l'activité des juridictions
situées dans les départements d'outre-mer est
caractérisée par une
augmentation supérieure à
la moyenne nationale, en particulier en matière civile
.
Le
nombre d'affaires civiles nouvelles
a progressé entre
1995 et 1999 de 24,8 % à la cour d'appel de Basse-Terre
(Guadeloupe), de 26,7 % à la cour d'appel de Fort-de-France et de
33,8 % à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. Ces
cours d'appel conservent cependant des délais de traitement
inférieurs à la moyenne nationale, qui est de 18,1 mois : 15 mois
à la cour d'appel de Fort-de-France, 10,6 mois à la cour d'appel
de Basse-Terre, 13,3 mois à la cour d'appel de Saint-Denis de la
Réunion.
Les délais moyens devant les tribunaux de grande instance, qui sont de
9,1 mois au niveau national, atteignent des délais
contrastés : 4,8 mois au TGI de Saint-Pierre de la Réunion,
5,9 mois au TGI de Cayenne, 7,5 mois au TGI de Saint-Denis de la
Réunion, mais 9,8 mois au TGI de Fort-de-France, 11,2 mois au TGI de
Basse-Terre et 12 mois au TGI de Pointe-à-Pitre.
A
Mayotte
se pose le problème, inquiétant, d'un taux de
vacance de 39 %, alors même que les articles 61 et 62 de la loi
n° 2001-616 du 11 juillet 2001 sur le statut de Mayotte prévoient
que
les affaires relevant du statut civil de droit local d'inspiration
coranique seront désormais traités par les tribunaux de droit
commun
, les « cadis » ou juges musulmans
siégeant en tant qu'assesseurs ou exerçant des fonctions de
médiateurs. L'article 67-2 de la loi du 11 juillet 2001 autorise le
Gouvernement à prendre par ordonnances, les mesures législatives
nécessaires à la réforme de l'organisation judiciaire et
du statut des cadis, avant le 31 décembre 2002. Les moyens
matériels et humains du tribunal de première instance de
Mamoudzou devront donc être considérablement renforcés pour
faire face aux nouvelles attributions de cette juridiction.
S'agissant des
conditions matérielles de travail
, les
juridictions d'outre-mer ont bénéficié au titre des
exercices 1999, 2000 et 2001 des crédits accordés par la mission
modernisation de la direction des services judiciaires pour le soutien des
projets de modernisation, qui s'établissent à 0,24 million en
1999, 0,125 million d'euros en 2000 et 0,227 million d'euros en 2001, soit
plus de 7 % du montant total des crédits affectés à
la modernisation des juridictions.
Ces opérations visent en premier lieu l'accueil du justiciable,
l'acquisition d'équipements pour l'enregistrement audiovisuel des
mineurs placés en garde à vue et l'acquisition de
matériels audiovisuels numériques pour l'enregistrement des
mineurs victimes d'infractions sexuelles.
- S'agissant des
juridictions administratives
, le nombre annuel
d'affaires enregistrées s'est accru de 42 % entre 1992 et 2000, le
nombre d'affaires enregistrées se stabilisant à + 3 % par an
depuis 1994. Néanmoins, le nombre d'affaires traitées progresse
de 1992 à 2000 de 74,5 %, ce qui reflète à la fois
les effets du renforcement des effectifs de magistrats (+ 39 % sur la
période), et l'amélioration de la productivité au sein des
juridictions.
Le ratio des affaires jugées sur les affaires enregistrées de
l'ensemble des juridictions du premier degré dépasse pour la
première fois en 2000 les 100 % (105 % pour les juridictions
de la métropole, et 112,6 % pour les juridictions d'outre-mer, soit
une augmentation de 22 points par rapport à 1999).
Le volume des stocks des juridictions administratives d'outre-mer
représente environ 2,6 % de l'ensemble des affaires en instance
dans les juridictions administratives de premier degré en 2000. Le
délai théorique d'élimination du stock
9(
*
)
a diminué régulièrement, pour
passer de 2 ans et 1 mois à 1 an et 3 mois de 1997 à 2000.
Par ailleurs, la structure du contentieux administratif dans les juridictions
d'outre-mer fait apparaître une
surreprésentation du
contentieux de la fonction publique
(37,2 % contre 12,8 % en
métropole)
et des marchés et contrats
(10 %
contre 3,6 % en métropole).
- L'effort financier consacré à la
situation
immobilière des juridictions
pour les DOM en 2002 représente
25 millions d'euros en autorisations de programme.
Les travaux de relogement des tribunaux administratifs de Cayenne et de
Saint-Denis de la Réunion se poursuivent. La livraison du nouveau
siège du tribunal administratif de Cayenne devrait être effective
à la fin du second trimestre 2002, les marchés de travaux ayant
été conclus à la mi-2001. Le coût total est
évalué à 489.000 euros (dont 183.000 euros en
2001). Le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion,
actuellement situé dans les locaux de la préfecture, devrait
être relogé après des travaux de rénovation, dont le
montant est estimé à 1,524 million d'euros.
Sont inscrites également sur l'exercice 2001 des études pour le
palais de justice de Fort-de-France, et diverses opérations
d'investissement pour la protection judiciaire de la jeunesse.
L'extension du palais de justice de Basse-Terre, trop exigu, est en cours de
réalisation. Après la désignation de deux architectes fin
1999, les études postérieures au concours ont pu débuter
en 2000. Le coût de l'opération est estimé à 16, 769
millions d'euros.
Les travaux se dérouleront sur 4 ans en deux
phases : à partir de 2001, édification du
bâtiment neuf et ensuite réhabilitation et restructuration du
palais de justice actuel.
Le même projet est prévu pour le
tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre. Les études de
programmation du nouveau bâtiment ont démarré en 2001.
A Fort-de-France a également été décidée la
construction d'un nouveau palais de justice destiné à accueillir
l'ensemble des juridictions du premier degré, le palais actuel
étant dévolu à terme à la seule cour d'appel.
L'installation effective des juridictions est prévue avant janvier 2002.
Le coût de la construction est de 44,21 millions d'euros, auquel
s'ajoutera le coût de la réhabilitation de l'actuel palais de
justice, prévue dans le programme pluriannuel 2000/2007 (études
à partir de 2003 et 2004 pour les travaux, estimés à 9,14
millions d'euros).
S'agissant du site du Lamentin (en Martinique), il n'a toujours pu être
trouvé de terrain adéquat, alors que la consultation des
entreprises en vue de la construction d'un nouveau bâtiment devait
initialement être engagée avant la fin de l'année 2000.
Comme votre rapporteur pour avis le faisait déjà observer en 1999
et 2000, il apparaît urgent que le
palais de justice de Cayenne
soit réhabilité. Cette opération a été
incluse dans le programme pluriannuel 2000/2007 (études à partir
de 2001 et travaux, actuellement estimés à 7,622 millions
d'euros, dans la continuité). Il est envisagé de construire un
nouveau palais de justice pour les juridictions du premier degré et de
réhabiliter le « palais » actuel au profit de la
chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France.
Il faut noter que, malgré les efforts financiers importants consentis,
la réalisation d'un programme dure en moyenne 6 ans
(passation du
marché public, réalisation d'études et enfin phase de
travaux). L'ensemble des opérations concernant l'outre-mer n'en est
souvent qu'au stade des études, au mieux au début des travaux.
3. La persistance d'une surpopulation carcérale aggravée par la vétusté des établissements
En
dépit de la mise en service récente de nouveaux
établissements pénitentiaires, le nombre de détenus dans
les établissements pénitentiaires des départements
d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon s'élevait au 1er janvier 2001 à 2.869
personnes pour une capacité opérationnelle de 2.362 places, soit
un
taux d'occupation de 121,46 %, supérieur au taux
national moyen de 118 %, mais en baisse, puisqu'il s'établissait
en 2001 à 128 %.
Dans l'ensemble des départements d'outre-mer, la population
pénale s'élevait au 1
er
janvier 2001 à 2.738
détenus contre 2.751 au 1
er
janvier 2000. La situation est
donc à peu près identique. Le taux d'occupation des
établissements reste particulièrement élevé,
à l'exception de celui du centre pénitentiaire de Baie-Mahault et
celui de Guyane.
En ce qui concerne Mayotte, le taux d'occupation est particulièrement
élevé, puisqu'il s'établissait au 1
er
juin 2001
à 206 %.
L'importance de la toxicomanie, qui concerne 56 % des détenus
contre 32 % en moyenne nationale et induit un comportement souvent
agressif, s'ajoute aux difficultés de gestion résultant des
importants taux d'occupation et de la vétusté de certains
établissements. Pour chacun des trois départements des
Antilles-Guyane, une convention départementale d'objectifs de lutte
contre la toxicomanie a été signée en 1999 entre le
préfet et le procureur de la République pour améliorer la
prise en charge des toxicomanes placés sous main de justice.
L'enquête nationale menée en 2000 sur les conditions
d'hygiène en détention a montré que 78 % des cellules
d'outre-mer étaient jugées sales au regard des critères de
l'enquête, contre 33 % en métropole. Ainsi, la distribution
de produits d'hygiène individuelle n'est pas réalisée dans
75 % des maisons d'arrêt d'outre-mer.
-
Aux Antilles
, malgré la mise en service fin 1996 de deux
nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation
sont encore de 124,1 % en 2000 (contre 115,1 % en 1999)
en Martinique et 122 % en Guadeloupe.
-
En Guyane
, l'ouverture en avril 1998 du nouvel
établissement de Remiré-Montjoly avait permis de ramener en 1999
le taux d'occupation record de 1997 de 279 % à
85,7 %. Cependant, le centre pénitentiaire a du être en
partie fermé à la suite des destructions provoquées par la
mutinerie de l'été 1999. Les travaux de sécurisation
complémentaires (d'un montant de 2,15 millions d'euros)
engagés en 2000 ont permis une réouverture progressive du
quartier maison d'arrêt, les travaux devant s'achever fin 2001.
-
A la Réunion
, la situation reste très
préoccupante dans les trois établissements pénitentiaires
(Le port, et surtout Saint-Denis et Saint-Pierre), où sont atteints
depuis plusieurs années des taux de surencombrement compris entre 175
% et 210 %. Ces taux d'occupation ont été
ramenés en 2001 entre 147,7 % et 176 %.
La maison d'arrêt de Saint-Denis, qu'une délégation de
votre commission des Lois, conduite par votre rapporteur, avait visitée
en 1999, est située dans un bâtiment colonial très
vétuste et présente une situation particulièrement
préoccupante, puisqu'elle comptait 213 détenus au 1
er
janvier 2001 pour une capacité de 121 places.
En réponse à une question de votre rapporteur, M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué lors de son
audition par la commission des Lois que la construction d'une nouvelle maison
d'arrêt de 635 places constituait une priorité du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Une mission technique
diligentée en octobre 1999 a finalement retenu le site de
Beauséjour, sur la commune de Sainte-Marie. Le coût de
l'opération est estimé à 450 millions de francs. La mise
en service de cet établissement, qui pourrait intervenir en 2006,
permettra de fermer celui de Saint-Denis.
En outre, des opérations d'équipement pour les trois
établissements existants ont été retenues dans le cadre du
programme d'équipement 2000. Elles ont permis d'augmenter la
capacité d'accueil de ces établissements de 46 nouvelles
places de détention. 50 places supplémentaires sont
prévues pour 2002 au centre pénitentiaire du Port.
-
A Mayotte
, la maison d'arrêt de Majicavo, construite en
1994 connaît un taux d'occupation de 206 % au 1
er
janvier 2001. En application de la convention de développement de 1999
liant l'Etat à la collectivité territoriale de Mayotte, elle
reçoit annuellement une subvention de 1,1 million d'euros. Le
schéma directeur de restructuration des structures pénitentiaires
prévoit la construction d'un quartier mineurs et d'un
belvédère de surveillance (2,13 millions d'euros). Une
deuxième phase (4,57 millions d'euros) devrait prévoir
l'extension de la capacité de l'établissement pour affecter les
bâtiments d'hébergement en fonction des régimes de
détention. Le coût des travaux de restructuration et d'extension
s'élève à près de 6,7 millions d'euros.
-
A Saint-Pierre-et-Miquelon
en revanche, le centre
pénitentiaire connaît un taux très bas d'occupation :
1 à 3 détenus pour 5 places.
L'avant-projet de loi pénitentiaire a par ailleurs été
rendu public le 18 juillet dernier par le Garde des Sceaux, Mme Marylise
Lebranchu. L'important programme de réhabilitation et de construction
d'établissements pénitentiaires devrait également
concerner l'outre-mer. Il devrait s'étaler sur 6 ans pour un
coût total de 10 milliards de francs et concerner 130 petits et moyens
établissements.
4. Une immigration difficilement contrôlable...
Les
départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés
à une importante immigration irrégulière, qui s'explique
largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de
protection sociale considérablement plus élevés que dans
les Etats environnants.
La comparaison du PIB par habitant dans les DOM avec les pays de leur
environnement régional fait apparaître dans chaque cas un
écart nettement favorable aux DOM.
Dans la Caraïbe, le PIB par habitant de Porto-Rico, territoire le plus
développé de l'environnement des DOM antillais,
représentait en 1997 seulement les 2/3 du PIB par habitant de la
Martinique. Avec Cuba (737 $ par habitant), l'écart en faveur de la
Guadeloupe (12.480 $ par habitant) ou la Martinique (14.352 $ par habitant) est
considérable.
Le PIB par habitant de la Guyane était en 1997 12 fois supérieur
à celui du Surinam.
Dans l'océan Indien, le PIB par habitant était en 1997 trois fois
plus élevé que celui de l'île Maurice, souvent donné
en exemple de réussite économique. Celui des Seychelles
représentait à peine 60 % de celui de la Réunion.
Antilles françaises et pays voisins en 1997
|
Population |
Superficie (km2) |
Hab/km2 |
PIB
|
PIB/hab
|
Guadeloupe |
415 000 |
1 780 |
233 |
5 179 |
12 480 |
Martinique |
377 000 |
1 128 |
334 |
5 411 |
14 352 |
Dominique |
73 640 |
751 |
98 |
238 |
3 232 |
Barbade |
264 300 |
430 |
615 |
1 110 |
4 200 |
Sainte-Lucie |
151 000 |
616 |
245 |
575 |
3 808 |
Porto-Rico |
3 783 000 |
8 959 |
422 |
35 834 |
9 472 |
Cuba |
11 019 000 |
110 860 |
99 |
8 120 |
737 |
Haïti |
7 336 000 |
27 750 |
264 |
3 097 |
422 |
Jamaïque |
2 546 620 |
10 991 |
232 |
4 790 |
1 881 |
Guyane et pays voisins en 1997
|
Population |
Superficie (km2) |
Hab/km2 |
PIB
|
PIB/hab
|
Guyane |
147 000 |
86 504 |
2 |
1 979 |
13 465 |
Guyana |
775 000 |
215 083 |
4 |
743 |
959 |
Surinam |
415 000 |
163 820 |
3 |
470 |
1 133 |
Réunion et pays voisins en 1997
|
Population |
Superficie (km2) |
Hab/km2 |
PIB
|
PIB/hab
|
Réunion |
685 000 |
2 512 |
273 |
7 824 |
11 421 |
Maurice |
1 134 000 |
2 040 |
556 |
4 180 |
3 686 |
Seychelles |
76 670 |
454 |
169 |
520 |
6 782 |
Comores |
504 680 |
1 862 |
271 |
20 |
40 |
Madagascar |
13 704 620 |
587 041 |
23 |
3 450 |
252 |
Afrique du Sud |
37 643 000 |
1 223 200 |
31 |
128 230 |
3 406 |
(source : ATLASECO 1999)
-
Les Antilles françaises
subissent donc une forte
immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc
caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et
parfois des tensions politiques.
Sont par conséquent soumis à l'obligation de visa les
Haïtiens, les ressortissants de la Dominique et de Saint-Domingue. A titre
expérimental, les Saint-Luciens sont dispensés de visa pour des
séjours inférieurs à quinze jours en Martinique. Cette
immigration utilise essentiellement la voie maritime, par nature difficilement
contrôlable.
En Martinique
, la population étrangère est
évaluée à 6.500 personnes. S'y ajoutent entre 300 et
500 étrangers en situation irrégulière. 170 mesures de
reconduite à la frontière ont été
exécutées en 2000, contre 224 en 1999.
En Guadeloupe
, la population étrangère est de plus de
23.000 personnes (contre 10.596 en 1996). La régularisation des
étrangers intervenue depuis trois ans en application des réformes
sur l'entrée et le séjour des étrangers a permis de
diminuer de moitié la population clandestine, évaluée
à moins de 10.000 personnes en 1999. 826 mesures de reconduite à
la frontière ont été exécutées en 2000.
A Saint-Martin
, le problème de l'immigration clandestine est
particulièrement délicat en raison de la localisation de
l'aéroport international dans la partie néerlandaise de
l'île et de l'absence de contrôle à la frontière
entre les deux parties de l'île.
Sur une population totale de 35.000 habitants, 8.000 sont des étrangers
auxquels s'ajoutent 2.000 étrangers en situation
irrégulière. La population étrangère est
composée à 60 % de Haïtiens et à
20 % de Dominicains. En 1999, 218 mesures de reconduite à la
frontière sur les 795 comptabilisées pour toute la
Guadeloupe ont été exécutées à Saint-Martin.
En mars 2001 a fait naufrage au large de Saint-Martin un bateau transportant
des immigrés clandestins (originaires de République dominicaine
et de Chine).
L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au contrôle
conjoint dans les aéroports de Saint-Martin, ratifié par la
France le 20 juillet 1995, devait faciliter l'éloignement des
étrangers non admis et se trouvant en situation
irrégulière mais son
entrée en vigueur est
subordonnée à la ratification par les Pays-Bas. Votre rapporteur
pour avis renouvelle son souhait qu'une concertation plus approfondie soit
menée avec les Pays-Bas sur ce sujet, en liaison avec l'Union
européenne.
Face à cette situation, la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative
à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit
d'asile prévoit des dispositions dérogatoires pour la Guyane et
la commune de Saint-Martin, en maintenant le caractère non suspensif des
recours contre les arrêtés de reconduite à la
frontière, et en renvoyant à cinq ans le rétablissement
des commissions du titre de séjour.
§ La Guyane
, frontalière du Surinam et du Brésil,
subit une forte immigration en provenance du Brésil, de Guyana, du
Surinam et d'Haïti.
De tous les départements d'outre-mer, c'est
à elle que se pose avec le plus d'acuité le problème de
l'immigration clandestine.
La lutte contre l'immigration clandestine constitue donc une priorité de
l'action de l'Etat en Guyane, d'autant plus qu'elle est un facteur important
d'insécurité, en particulier dans l'agglomération de
Cayenne.
Pour une population estimée à 160.000 habitants, on
dénombre environ 20.000 étrangers en situation
régulière (dont 37 % d'Haïtiens, 20 %
de Brésiliens et 20 % de Surinamiens) et on estime à
30.000
le nombre de
personnes en situation
irrégulière
.
La localisation de la plus grande partie du territoire guyanais dans la
forêt amazonienne rend difficile le contrôle de l'accès en
Guyane. Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de
parvenir à un contrôle plus efficace des flux
migratoires :
- Les représentants des forces de l'ordre en Guyane ont
été renforcés (voir supra). Le département de la
Guyane possède un
ratio de représentants des forces de l'ordre
de 6,8 pour 1.000 habitants, pour une moyenne nationale de 3,7
.
En outre, le poste de la police aux frontières de Saint-Laurent du
Maroni a été restructuré en 1993, son effectif passant
à 45 policiers. L'effectif total de la police aux frontières a
été porté en 1999 de 119 à 138 agents.
Ceci paraît cependant largement dérisoire, la Guyane,
département d'une superficie égale au cinquième de la
France, cumulant une façade maritime difficile à contrôler
avec d'importants fleuves frontaliers.
- Un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique (plans
« Alizé bis » et
« Galerne ») a donc été mis en place sur les
fleuves Maroni et Oyapock, comportant des patrouilles fluviales et une
surveillance des rives.
Il serait souhaitable que ses moyens soient considérablement
renforcés.
- Un centre de rétention, destiné à faciliter la
gestion des reconduites à la frontière (50 % du total
des reconduites aux frontières françaises)
a
été construit en 1996 près de l'aéroport de
Rochambeau. En 2000, 7.171 mesures de reconduite à la frontière
ont été exécutées, contre 6.967 en 1999.
L'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers en France, introduit
par la loi n° 97-396 du 24 avril 1997, permet en outre les
contrôles d'identité et les contrôles sommaires des
véhicules autres qu'individuels sur une zone s'étendant à
20 km à l'intérieur des frontières terrestres. Au cours de
l'année 2000, 70.518 contrôles ont été
effectués dans le cadre de ce dispositif spécifique au
département de la Guyane.
- Une politique active de
coopération régionale
a
été mise en place, avec des échanges de personnels
brésiliens, guyaniens et surinamais. Des projets d'accord de
réadmission sont en cours de transmission aux autorités du
Guyana, mais aussi du Surinam, pour lever les difficultés liées
au refus de ces Etats d'accepter leurs ressortissants dépourvus de
papiers d'identité, et de faciliter les procédures de reconduite
à la frontière. Ces textes s'inspirent de l'accord
franco-brésilien entré en vigueur le 24 août 2001. Par
ailleurs, une réflexion est engagée en vue de l'implantation d'un
consulat du Guyana à Cayenne.
Enfin, un projet d'accord est en discussion avec les autorités du
Surinam, pour la mise en oeuvre de patrouilles conjointes de surveillance sur
le fleuve Maroni.
Par ailleurs, trois agents de l'Office de protection des réfugiés
et apatrides (OFPRA) ont été envoyés en mission à
Cayenne du 11 au 24 juin 2001, afin de procéder à l'instruction
de 369 demandes d'asile présentées majoritairement par des
Haïtiens. Sur ce total, 120 entretiens ont pu être
réalisés en visioconférence depuis l'OFPRA. Cette
première expérience devrait être renouvelée et
développée.
§ La Réunion
reste aujourd'hui en revanche relativement
à l'abri des grands flux migratoires, les
Comoriens en provenance de
Mayotte
constituant la principale filière d'immigration clandestine.
Sur une population de 700.000 personnes, la population étrangère
en situation régulière est de 4.724 personnes, la population
étrangère en situation irrégulière étant
estimée à 300 personnes.
S'agissant des collectivités d'outre-mer à statut particulier,
Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon connaissent une situation opposée,
Saint-Pierre-et-Miquelon connaissant pour sa part une émigration de sa
population, et notamment des jeunes, du fait de conditions économiques
difficiles.
§ Il n'en est pas de même de
Mayotte
, confrontée
à une forte pression migratoire en provenance des îles composant
la république fédérale islamique des Comores, et plus
particulièrement d'Anjouan, due à l'élévation du
niveau de vie.
La population étrangère représente 25 % des
131.000 habitants de l'île, contre 7 % en
métropole.
Le nombre d'étrangers en situation
régulière est de 36.000 personnes, dont 27.000 mineurs. 20.000
personnes d'origine comorienne seraient en situation irrégulière.
La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur à Mayotte
pour le développement économique, mais aussi pour la
préservation de l'ordre public et des équilibres sociaux. Le
coût de l'immigration clandestine à Mayotte est de 15,24 millions
d'euros au minimum par an, dont 11,43 millions d'euros pour les services de
santé.
Face à cette situation, une politique active de contrôle de
l'immigration a été mise en place depuis quelques années.
En 2000, 5.239
reconduites à la frontière ont
été opérées (l'équivalent de la
métropole)
, soit une augmentation de plus de 30 % par
rapport à l'année passée. L'obligation de visa
préalable pour les ressortissants comoriens se rendant à Mayotte
a été rétablie en 1995 et les moyens de surveillance des
côtes renforcés. A été mis en place en novembre 2000
un plan global de prévention et de lutte contre l'immigration
clandestine dit « plan lagon », consistant en une
surveillance continue de l'espace maritime de Mayotte grâce à un
système radar basé à terre, de moyens maritimes (vedettes)
et d'un dispositif de surveillance à terre.
Le régime en matière de conditions d'entrée et de
séjour des étrangers étant obsolète et
inadapté au contexte de l'immigration dans cette collectivité,
l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte
,
entrée en vigueur le 1er mai 2001, a prévu la mise en place de
procédures de maintien en zone d'attente, d'expulsion et d'interdiction
du territoire ainsi qu'un arsenal de sanctions pénales. Le décret
n° 2001-635 du 17 juillet 2001 pris en application a précisé
les conditions d'admission et de délivrance des titres de séjour,
ainsi que celles des procédures de sanction administrative des
transporteurs, de placement en zone d'attente ou en centre de rétention
administrative et d'expulsion.
En outre, s'agissant du droit d'asile,
l'ordonnance n° 2000-370 du 26
avril 2000 relative au droit d'asile
en Polynésie française,
dans les îles Wallis-et-Futuna, à Mayotte et dans les Terres
australes et antarctiques françaises a aligné sur le droit commun
le droit applicable dans les collectivités d'outre-mer
concernées. La loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile s'y
applique désormais, y compris dans ses dispositions les plus
récentes relatives au séjour des demandeurs d'asile et au recours
à l'asile territorial.
Enfin, les pouvoirs publics s'efforcent de lutter contre l'important trafic de
faux documents par la réforme de l'état civil et la
création de fichiers, la mise en place de la carte nationale
d'identité sécurisée, la sécurisation du passeport
et des titres de séjour délivrés aux étrangers
étant prévue à l'automne 2001.
Plus fondamentalement, votre rapporteur renouvelle son souhait de mise en place
de programmes d'aide sanitaire en direction de l'île d'Anjouan, afin de
freiner l'exode massif de ses habitants, et notamment des plus jeunes, vers
Mayotte.
5. ...qui nécessite une coopération régionale renforcée
L'intégration des DOM dans un ensemble régional répond en premier lieu à une exigence humanitaire et politique, l'immigration clandestine, manifestation de la pauvreté des Etats voisins, perturbant un équilibre social déjà fragile. De plus, une coopération économique est également nécessaire, les DOM dépendant encore trop des échanges avec la métropole, et les échanges commerciaux avec les pays voisins étant encore extrêmement limités, à l'exception de la Réunion.
Part
des échanges commerciaux des DOM
avec leur environnement
régional en 2000
Guadeloupe avec la zone caraïbe
|
7,1 %
4,4 %
|
a) Les outils en matière de coopération régionale
La
loi d'orientation pour l'outre-mer
a ouvert de nouvelles
possibilités en matière d'action régionale.
- Ainsi, les articles 42 et 43 de la loi, qui s'appliquent respectivement au
département et à la région, ont permis une
déconcentration des décisions en matière de
coopération régionale, sans que soit modifiée la
responsabilité de la politique extérieure de la France, qui reste
confiée à l'Etat.
Chaque DOM peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la
conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération
régionale entre la France et les Etats voisins.
Dans les domaines de compétence de l'Etat, les présidents du
conseil général et du conseil régional pourront être
habilités à négocier des accords internationaux (en tant
que représentants de l'Etat, comme l'a souligné le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 7 décembre 2000), ou
être associés aux négociations (cette association
étant de droit s'agissant d'accords portant à la fois sur des
domaines de compétence de l'Etat, des départements ou des
régions).
Dans les domaines de compétence des départements et des
régions, les conseils peuvent demander aux autorités de la
République d'autoriser leur président à négocier et
à signer des accords internationaux.
En outre, les présidents des conseils généraux et
régionaux d'outre-mer pourront, à leur demande, participer, au
sein de la délégation française, aux négociations
relatives aux mesures spécifiques aux DOM, prévues par l'article
299§2 du traité d'Amsterdam.
Enfin, si les statuts des
organisations régionales
le permettent,
et
sous réserve de l'accord des autorités de la
République
,
les régions de Guadeloupe, de Martinique, de
Guyane et de la Réunion peuvent y participer en qualité de
membres associés
ou d'observateurs.
- De nouveaux moyens, non plus juridiques, mais financiers, sont ouverts aux
DOM. Succédant à la déconcentration du fonds
interministériel de coopération (FIC) en 1996, la loi
d'orientation a créé
quatre fonds de coopération
régionale
, un pour chaque DOM, qui succèdent au FIC,
destiné aux seules Antilles-Guyane, alimentés par des
crédits de l'Etat et pouvant également recevoir des dotations des
collectivités. Chaque fonds est géré par un comité
paritaire.
Le décret n° 2001-314 du 11 avril 2001 a permis leur mise en place
La dotation de ces fonds, inscrite au budget du secrétariat d'Etat
à l'outre-mer, s'élève à 762.245 euros pour
chacun
10(
*
)
.
La loi d'orientation institue également une
instance de concertation
dans la zone Antilles-Guyane
(dont l'initiative est due au Sénat en
première lecture).
b) Le bilan de la coopération régionale
§ dans la Caraïbe :
Créée en juillet 1994 par la convention de Carthagène en
réaction au projet américain de zone de libre-échange du
Canada à la Terre de Feu, l'Association des Etats de la Caraïbe
(AEC) regroupe 25 pays membres et trois
membres associés (dont la
France au titre des départements français d'Amérique
,
depuis le 20 février 1998). Elle couvre non seulement les Etats ou
territoires insulaires de la région, mais aussi les pays continentaux
riverains (à l'exception des Etats-Unis), soit au total un ensemble de
plus de 100 millions d'habitants.
L'AEC se définit comme « un organisme de consultation, de
concertation et de coopération ». Elle vise à favoriser
la libéralisation des échanges et à développer une
politique régionale en matière de tourisme, de protection de
l'environnement, de lutte contre les catastrophes naturelles, de transports,
d'éducation et de culture. Ont ainsi été signés un
protocole d'accord sur la création de la zone de tourisme durable de la
Caraïbe, ainsi qu'un accord de coopération régionale en
matière de catastrophes naturelles lors du deuxième sommet de
Saint-Domingue tenu les 16 et 17 avril 1999.
La France est généralement représentée à la
conférence ministérielle annuelle de l'organisation par l'un des
présidents des trois conseils régionaux des DFA. Cependant, lors
du sommet de Saint-Domingue, tenu en avril 1999, le président du conseil
régional de Guyane ne fut pas autorisé à signer la
déclaration finale relative au développement d'un tourisme
durable. En 1999, la France a donc été représentée
par la secrétaire d'Etat au tourisme Mme Michelle Demessine. La loi
d'orientation a réglé cette difficulté.
Interrogé par M. Robert Bret lors de son audition par la commission des
Lois à propos de la demande exprimée par le président de
la République en juillet dernier de retirer de l'ordre du jour de la
prochaine réunion de l'AEC la question de l'adhésion des
départements français d'Amérique à cet organisme en
tant que membres associés, M. Christian Paul, secrétaire d'Etat
à l'outre-mer, a déclaré ne pas comprendre cette position
et souhaité une évolution du président de la
République à ce sujet.
Le président de la République a cependant estimé
préférable que la République soit
représentée d'une seule voix, afin de conforter sa position sur
la scène internationale. Il a également estimé qu'il
serait réducteur pour les DOM de ne plus pouvoir s'exprimer au nom de la
France, mais seulement au nom de leur département respectif.
Le président de la République a en outre réaffirmé
sa position exprimée lors de sa visite à la Réunion le 18
mai dernier dans son discours de Champ fleuri, à savoir que dans les
organismes de coopération régionale, il appartenait aux
élus d'outre-mer, et non aux ministres, de représenter la France.
Enfin, il faut rappeler que la loi d'orientation pour l'outre-mer
prévoit que pour devenir membres associés des organismes
régionaux, les régions d'outre-mer doivent obtenir
l'accord
des autorités de la République
.
Par ailleurs, l'instance de concertation chargée de coordonner les
politiques conduites par l'Etat et les collectivités territoriales dans
la zone de la Caraïbe et les régions limitrophes des Etats
frontaliers de la Guyane s'est réunie pour la première fois le 24
avril 2001 à Basse-Terre (Guadeloupe), en présence de M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Il existe un risque d'isolement accru de ces régions dans leur
environnement régional, du fait de la création de la Zone de
libre-échange des Amériques (ZLEA), qui compte 34 pays et inclut
les 11 Antilles anglophones, Haïti et le Guyana et le Surinam.
§ En Guyane
La Guyane, du fait de sa proximité géographique avec le
Brésil et le Surinam et de la forte immigration clandestine en
provenance de ces pays, a compris l'intérêt d'une politique de
coopération régionale, notamment en matière d'immigration,
ainsi qu'il a été vu précédemment.
La coopération avec
le Brésil et l'Etat
fédéré de l'Amapa
, initiée en 1984, avant
d'être élargie par l'accord cadre de coopération
franco-brésilien du 28 mai 1996, prévoyant la mise en place de
réunions annuelles de coopération transfrontalière, a
été formalisée au cours des consultations de Brasilia de
septembre 1997 et de Cayenne de mars 1999.
Un projet de carte de circulation transfrontalière est à
l'étude. En outre ont été développées des
actions portant sur le développement des liaisons aériennes et
des infrastructures routières, avec une route reliant Cayenne à
Macapa, capitale de l'Amapa. Des contacts ont également
été pris pour développer les échanges commerciaux
et financiers, en particulier en faveur des PME, dans les secteurs de la
pêche et de l'industrie agro-alimentaire. Un projet est à
l'étude afin de développer le tourisme durable. Une autre
série d'actions concerne l'environnement, la recherche,
l'éducation, la culture et le sport.
Les relations avec le
Surinam
, relancées par la mise en place en
août 1997 d'un secrétariat permanent à la
coopération régionale Guyane-Surinam, se concentrent sur la
santé. Un accord de partenariat portant sur la réhabilitation de
l'hôpital d'Albina a ainsi été signé par M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, lors de sa
visite en Guyane et au Surinam en juin 2001. Il devrait permettre de limiter
l'attractivité de l'hôpital de Saint-Laurent du Maroni, dont
50 % des patients sont actuellement Surinamiens. Un programme de 0,46
million d'euros est en outre destiné à la lutte contre des
maladies telles que le paludisme.
§ Dans l'océan Indien
Cette coopération s'exerce principalement dans le cercle des cinq pays
membres de la
Commission de l'océan Indien
(COI)
créée en 1982 (Comores, Maurice, Madagascar, France, Seychelles).
La France, qui a rejoint la COI en 1986 au seul titre de la Réunion, y
est ordinairement représentée par le préfet de la
Réunion et par des élus du conseil général et du
conseil régional.
Les travaux concernent particulièrement le dialogue politique, le
maintien de la paix et de la sécurité régionale,
l'intégration économique, ainsi que la coopération
culturelle, par le biais de l'université de l'océan Indien
basée à la Réunion.
De nombreux programmes de coopération visent au développement des
échanges commerciaux, des capacités d'exploitation des ressources
halieutiques, de la formation, de la protection de l'environnement et notamment
des récifs coralliens, du tourisme régional, de la
coopération scientifique, en matière notamment de
météorologie.
La XVIIème session du conseil des ministres de la COI s'est tenue
à Tananarive le 21 février 2001. La France était
représentée par M. Charles Josselin, ministre
délégué à la coopération et à la
francophonie. A cette occasion, M. Wilfrid Bertile, Réunionnais, a
été nommé sur proposition de la France secrétaire
général de la COI.
Pour développer les échanges commerciaux intra-régionaux,
la COI a mis en place un programme régional intégré de
développement des échanges (PRIDE) en janvier 1994,
relancé en avril 1998. Financé par l'Union européenne
à hauteur de 9,3 millions d'euros pour 5 ans, il vise, par la
suppression des barrières réglementaires et tarifaires, à
la création à terme d'une zone de libre-échange. Les
conditions d'association de la Réunion à cette future zone, et
notamment la question de la compatibilité entre l'appartenance de la
Réunion à la Communauté européenne et son
adhésion à une zone préférentielle
extérieure sont à l'étude.
En outre,
l'Association des Pays Riverains de l'océan Indien pour la
Coopération régionale (IOR/ARC)
est la concrétisation
de l'idée, née en 1993, d'une Organisation regroupant des pays
riverains de l'océan Indien et rassemblant des zones telles que
l'Australie, l'Asie du Sud-Est, le sous-continent indien et l'Afrique australe
et orientale.
Elle vise à fonder un vaste regroupement économique auquel la
France a officiellement déposé sa candidature dès mars
1997. Cette demande a été rejetée en mars 1999 puis en
janvier 2000. Le Gouvernement poursuit ses efforts en vue d'une prochaine
participation.
S'agissant plus particulièrement de
Mayotte
, la loi du 11 juillet
2001 a cherché à favoriser son insertion régionale.
La situation est difficile, du fait de l'hostilité affichée par
la République islamique des Comores depuis son accession à
l'indépendance en 1975. Par ailleurs, Madagascar compte parmi l'un des
pays les plus pauvres au monde, ce qui ne favorise pas le développement
des échanges économiques.
Actuellement, la coopération avec les Comores est principalement
orientée en direction de la société civile, afin d'assurer
les services de base (infrastructures, eau, électricité et
santé publique).
L'accord de Fomboni II, signé le 17 février 2001 par le colonel
Azali Assoumani, chef de la junte militaire au pouvoir à Moroni depuis
avril 1999, le colonel Saïd Abeid, chef des séparatistes anjouanais
et l'opposition comorienne, sous l'égide de l'OUA, de l'Union
européenne et de l'organisation internationale de la francophonie,
devait mettre fin à la crise séparatiste d'Anjouan, en
créant un «
Nouvel ensemble comorien
».
En avril 2001, le président du conseil général de Mayotte,
M. Younoussa Bamana, avait ainsi rencontré le colonel Saïd
Abeid à Mayotte, tandis qu'une délégation du MEDEF se
rendait à Moroni afin de poser les jalons d'une coopération
économique régionale. Une mission du quai d'Orsay
s'était également rendue sur place afin d'adapter le dispositif
de coopération à la nouvelle donne politique.
Cependant, deux putschs sont depuis intervenus à Anjouan où la
situation est confuse
11(
*
)
. Par ailleurs, le
projet de Constitution des Comores, qui sera soumis à
référendum le 23 décembre prochain, prévoit
unilatéralement le retour de Mayotte au sein de l'Union des Comores.
La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoit cependant la
création d'une
instance de concertation
identique à celle
instaurée dans les Caraïbes par la loi d'orientation pour
l'outre-mer, la conférence de coopération régionale dans
l'océan Indien, et d'un fonds de coopération régionale.
Le conseil régional de la Réunion, par la déclaration de
Saint-Denis, a décidé d'une politique de coopération avec
les Comores axée sur le développement économique, les
énergies, les transports aériens et maritimes et les
échanges humains.
A Mayotte, une réunion intervenue à l'été 2001 a
décidé d'axer le développement sur l'eau, la santé,
le développement rural et l'animation sociale.
Tout cela reste cependant encore assez embryonnaire, mais une
coopération plus systématique entre la Réunion et Mayotte
doit concrétiser son ancrage dans la République.
La coopération régionale devrait connaître un large essor
dans les prochaines années, faute de quoi l'augmentation des moyens,
notamment en termes de police aux frontières, se
révèlerait purement illusoire.
6. Les questions relatives aux fonctions publiques d'Etat et territoriale
a) la question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires
En
application de la loi du 3 avril 1950, le
traitement servi aux
fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer (qu'ils soient
affectés depuis la métropole ou résidents permanents de la
collectivité) est affecté d'un coefficient multiplicateur
qui, fixé à 40 % en Guadeloupe, en Martinique et
en Guyane, atteint 53 % à la Réunion. Ce coefficient
est servi
sans limitation de durée et s'applique également aux
agents titulaires des fonctions publiques locales
.
De plus, une
indemnité d'éloignement
est servie si
l'affectation a donné lieu à un déplacement réel
des
fonctionnaires de l'Etat
. Les
résidents permanents n'en
bénéficient donc pas
. Au contraire du coefficient
multiplicateur, il s'agit d'un
élément temporaire
versé au taux plein sur la base d'une durée de service de quatre
ans (correspondant à un an de traitement indiciaire de base, 16 mois
pour la Guyane). En raison de la montée en charge progressive des
recrutements locaux, sa part dans le volume total des majorations ainsi que le
nombre d'attributaires n'a cessé de se réduire.
Les différents rapports élaborés à la demande du
Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi
d'orientation formulaient différentes propositions de réforme.
Considérant que le différentiel de prix effectivement
constaté entre les départements d'outre-mer et la
métropole, de l'ordre de 10 %, ne justifiait pas le maintien
des surrémunérations à leur niveau actuel, le rapport
établi par Mme Eliane Mossé
12(
*
)
proposait notamment la limitation des surrémunérations au double
du différentiel de prix, la suppression de la seule indemnité
d'éloignement, ou encore la suppression ou la réduction de
l'avantage fiscal relatif à l'impôt sur le revenu
13(
*
)
.
Le rapport de M. Bertrand Fragonard
14(
*
)
proposait pour sa part une réduction progressive du taux de majoration
applicable à la fois aux agents actuellement en fonction et aux
nouvelles embauches.
MM. Claude Lise et Michel Tamaya indiquant que le niveau de l'indemnité
d'éloignement ne leur semblait plus se justifier, avaient
préconisé un plafonnement de l'indemnité
d'éloignement attribuée aux agents de catégorie A, les
sommes ainsi économisées étant affectées à
un fonds spécifique d'aide à la création ou au
fonctionnement des PME.
M. Bernard Pêcheur évaluait en 1996
le coût global des
surrémunérations à près de 8 milliards de francs
par an, dont plus de 4 milliards de francs pour les 66.500 fonctionnaires
civils de l'Etat, soit 17,3 % de plus que le budget total du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2001.
Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs
années le coût exorbitant de ce régime de
surrémunérations des fonctionnaires dans les départements
d'outre-mer et tout particulièrement à la Réunion, ainsi
que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement
économique de ces départements.
M. Lionel Jospin, Premier ministre, avait cependant déclaré que
cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement, M.
Jean- Jack Queyranne, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer,
indiquant pour sa part que cette question, par ailleurs très sensible,
relevait du domaine réglementaire et non de la loi.
Le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer déposé par le
Gouvernement ne comprenait donc aucune disposition relative à cette
question. Cependant, l'Assemblée nationale a adopté en
première lecture un amendement proposé par M. Elie Hoarau, M.
Claude Hoarau et Mme Huguette Bello, députés de la
Réunion, prévoyant la
suppression par décret dans les
trois mois suivant la promulgation de la loi d'orientation des
indemnités d'éloignement
allouées aux fonctionnaires
de l'Etat affectés dans les départements d'outre-mer, le
Gouvernement s'en étant pour sa part remis à la sagesse de
l'Assemblée nationale. Cette disposition a ensuite été
votée conforme par le Sénat en première lecture.
Près d'un an après la promulgation de la loi, le décret
prévu n'est toujours pas paru
. Le secrétariat d'Etat à
l'outre-mer fait état de difficultés rencontrées pour le
pourvoi des postes à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles du
nord de la Guadeloupe et en Guyane, pour justifier ce retard.
Votre rapporteur ne peut donc que déplorer un tel retard
, en
soulignant que cette suppression avait également pour but de favoriser
les recrutements locaux, mais qu'une telle politique nécessite avant
tout que soient mises en place des formations performantes dans les
départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte.
Par ailleurs, on notera que c'est principalement l'application au traitement
d'un coefficient multiplicateur qui apparaît choquant, puisque
bénéficiant à tous, affectés depuis la
métropole ou résidents permanents, sans limitation de
durée. En effet, un tel système, destiné à
compenser la cherté de la vie outre-mer
15(
*
)
, induit des effets pervers, en incitant fortement les
jeunes à entrer dans la fonction publique, au détriment du
développement d'activités économiques privées.
b) l'importance du nombre des agents non titulaires des communes des départements d'outre-mer du fait de ces surrémunérations
Le
rapport Lise-Tamaya de juin 1999 indiquait que les agents non titulaires
représentaient 83 % des agents communaux de la Martinique et
80 % de ceux de la Réunion, la proportion des non titulaires sur la
totalité des agents des collectivités territoriales étant
de 57 % en Guadeloupe, 69 % à la Martinique, 71 % en
Guyane et 75 % à la Réunion. Or, la loi du 26 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale réserve les emplois permanents des collectivités
locales aux fonctionnaires.
Ce phénomène s'explique par le coût du recrutement de
fonctionnaires titulaires en raison de l'application de la
surrémunération par les collectivités locales.
A la suite du protocole d'accord sur la résorption de l'emploi
précaire dans les fonctions publiques du 10 juillet 2000, a
été votée la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative
à la résorption de l'emploi précaire et à la
modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de
travail dans la fonction publique territoriale.
S'agissant de la fonction publique territoriale, elle prévoit que les
agents recrutés entre 1984 et l'organisation du premier concours
d'accès au cadre d'emplois correspondant pourront se voir offrir une
titularisation sur titres. D'autre part, les agents non titulaires
recrutés postérieurement au 14 mai 1996 dans les cadres d'emplois
pour lesquels un concours a été organisé, pourront
bénéficier de concours réservés.
En outre, il est déjà possible d'intégrer des contractuels
sans concours dans les cadres d'emplois dotés de l'échelle de
rémunération la plus basse.
D'
éventuelles titularisations seraient coûteuses pour les
communes, compte tenu en particulier de l'existence de
surrémunérations
. Le surcoût pour les communes de la
seule Réunion d'une intégration dans la fonction publique
territoriale avec la surrémunération et l'étalement sur
quinze ans du rachat des cotisations de retraite serait de 646 millions de
francs par an (soit une augmentation de près de 60 % de la
masse salariale).
Le rapport de M. Bertrand Fragonard soulignait cette difficulté et
préconisait que le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer
précise que la régularisation éventuelle des agents
contractuels se ferait sans application des coefficients de majoration afin de
ne pas peser sur les finances locales, le rapport de MM. Claude Lise et Michel
Tamaya excluant expressément l'hypothèse d'une intégration
et préconisant la création par la loi de « statuts
d'agents territoriaux contractuels » dans lesquels seraient
intégrés les non titulaires en fonction aujourd'hui, mais qui ne
pourrait servir de cadre à de nouveaux recrutements.
Néanmoins, le Conseil d'Etat, dans un avis du 16 avril 1996, a
indiqué que les surrémunérations relevaient du
régime indemnitaire. En application de l'article 88 de la loi du 26
janvier 1984 précitée, les collectivités locales
pourraient donc décider de ne pas accorder la
surrémunération aux fonctionnaires territoriaux, ou de retenir un
taux inférieur à celui dont bénéficient les
fonctionnaires d'Etat.
Par ailleurs, l'article 35 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations permet de
recruter en contrat à durée indéterminée les agents
de catégorie C non titulaires des collectivités locales
travaillant dans l'entretien et la restauration administrative avant la
promulgation de cette loi.
Répondant à une question posée par votre rapporteur, M.
Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, avait
indiqué en novembre 2000 qu'une éventuelle campagne de
titularisation des agents contractuels ne serait pas compensée par
l'Etat, en dépit de son impact pour les finances des
collectivités locales.
Aucune solution n'a donc été apportée à ce
problème.
III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE
A la différence des territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon qui ont un statut d'association à l'Union européenne, les départements d'outre-mer sont pleinement intégrés à l'Union européenne, ce qui leur permet de bénéficier largement des crédits des fonds structurels européens, dont le montant a été substantiellement accru pour la période 2000- 2006.
1. Un cadre juridique spécifique précisé par l'article 299- 2 du traité d'Amsterdam
A
l'article 227-2 du Traité de Rome, qui ne concernait que les
départements d'outre-mer français, a été
substitué un nouvel article 299- 2, introduit par le Traité
d'Amsterdam. Sont reconnus désormais les
handicaps structurels
des
régions ultra-périphériques
que constituent les
départements d'outre-mer français, ainsi que les Açores,
Madère et les îles Canaries. Cet article autorise
expressément le Conseil des ministres européen à adopter
à la
majorité qualifiée
des « mesures
spécifiques » en faveur de ces régions, qui pourront
intervenir dans l'ensemble des matières couvertes par le Traité,
ces mesures ne devant cependant pas «
nuire à
l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique
communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques
communes
».
Ce nouvel article permet de consolider la position des départements
d'outre-mer mise à mal depuis quelques années par la
jurisprudence restrictive de la Cour de Justice des Communautés
Européennes, notamment au regard de la fiscalité
particulière pour le rhum et du régime de l'octroi de mer.
Le Conseil européen de Cologne (3 et 4 juin 1999) ayant invité la
Commission à présenter un rapport sur les mesures
destinées à mettre en oeuvre ce nouvel article, la Commission
européenne, après avoir sollicité les trois Etats
concernés, Espagne, Portugal et France, qui ont répondu par des
mémorandums publiés fin 1999, a rendu son rapport le 14 mars
2000. Accompagné d'un calendrier indicatif, il prévoit que les
thèmes prioritaires seront les productions traditionnelles, la relance
économique des régions ultra-périphériques, et la
coopération régionale.
Ce programme a connu une première application concrète en juillet
2000 avec la possibilité d'octroyer des aides au fonctionnement non
dégressives et non limitées dans le temps dans le cadre des aides
d'Etat à finalité régionale, cette dérogation
étant ouverte sur la seule justification de
l'ultrapériphicité.
Le traitement des autres dossiers ayant subi un retard important, ainsi que
l'avait déploré votre rapporteur dans son avis 2001, le Premier
ministre a adressé au président de la Commission une lettre lui
rappelant l'urgence de ces mesures. La Commission a alors adopté le
29 novembre 2000
cinq propositions de règlement, formellement
adoptées par le Conseil le 28 juin 2001, prévoyant en particulier
le
relèvement de la participation des fonds structurels à
l'investissement dans les petites et moyennes entreprises de 35 à
50 % du coût total exigible.
Par ailleurs, le
taux plafond d'intervention des fonds structurels a
été aligné à 85 % du coût total
éligible pour toutes les régions
ultrapériphériques
16(
*
)
,
qu'elles appartiennent ou non à des Etats membres couverts par les fonds
de cohésion. Cette disposition est très importante, puisque
l'attribution de crédits européens est soumise à un
principe d'additionnalité, les collectivités locales et l'Etat
devant également contribuer au financement des opérations
programmées. La détermination de ce taux de co-financement
conditionne donc fortement les taux de mobilisation des enveloppes
allouées.
Cependant,
la Commission paraît réticente à fonder sa
politique sur l'article 299 § 2
et fonder les mesures
spécifiques sur d'autres références juridiques comme
l'article 161 relatif aux fonds structurels ou l'article 37 concernant les
mesures agricoles.
Cette démarche
doit être dénoncée
avec
vigueur par les autorités françaises.
La question de la base
juridique n'est pas anodine, les décisions article 299 § 2
étant prises à la majorité après consultation du
Parlement européen, alors que celles relevant de l'article 161
nécessitent l'unanimité et l'avis conforme du Parlement
européen
. Il est cependant positif de constater que ces
règlements ont été adoptés sur la base commune des
articles 299§2, 161 et 37.
Il faut également protester contre l'affaiblissement du rôle du
Groupe interservices. La diminution de ses effectifs et le projet de
rattachement à la Direction générale en charge de l'action
régionale, loin de constituer une simple réforme administrative,
pourraient apparaître comme un retrait de l'engagement de la Commission
à l'égard du concept d'ultrapériphérie.
2. Une intégration à l'Union européenne largement bénéfique
Les
départements d'outre-mer bénéficient de régimes
d'aides spécifiques, essentiellement dans le cadre du programme
POSEIDOM
(programme d'options spécifiques à
l'éloignement et à l'insularité des DOM)
créé en 1989. Il comporte depuis 1991 un volet agricole (qui a
récemment fait l'objet d'une révision), ainsi qu'un volet
pêche introduit en 1993 et un volet environnement.
En outre, les départements d'outre-mer reçoivent d'importantes
dotations au titre des
fonds structurels européens
. A la suite de
la réforme décidée au sommet européen de Berlin (24
mars 1999), un regroupement des aides sur les régions les plus en retard
de développement a été décidé, le nombre
d'objectifs passant de 7 à 3. Les départements d'outre-mer
restent éligibles à «
l'objectif
1
»
17(
*
)
qui s'adresse aux
régions dans lesquelles le PIB par habitant est inférieur
à 75 % de la moyenne communautaire. Ils
bénéficient dans ce cadre de financements communautaires
regroupés dans le document unique de programmation (DOCUP), qui
rassemble les crédits émanant des Fonds européens de
développement régional - FEDER, Fonds social
européen - FSE, Fonds européen d'orientation et de garantie
agricole - FEOGA, et l'Instrument financier d'orientation pour la
pêche - IFOP.
Le montant global des fonds ainsi alloués aux départements
d'outre-mer, qui s'est élevé à près de
12
milliards de francs pour la période 1994-1999
, dont 44 %
pour la Réunion, 23 % pour la Guadeloupe, 22 %
pour la Martinique et 11 % pour la Guyane, a été
porté
pour la période 2000-2006 à plus de 22 milliards
de francs
(les programmes étant cependant prévus pour 7 ans
au lieu de 6 précédemment).
Le montant des crédits disponibles pour l'investissement dans les
départements d'outre-mer sera donc considérable.
3. La nécessité de veiller à une consommation optimale des crédits communautaires
Dans
certains cas, on constate des
difficultés à programmer les
opérations d'investissement et à mobiliser les crédits
correspondants, ce qui aboutit à une sous-consommation des
crédits communautaires
tout à fait regrettable, les fonds
structurels constituant un atout essentiel pour le développement
économique des départements d'outre-mer.
Ceci peut s'expliquer par le fait que les aides communautaires ne sont
versées, à l'exception d'un acompte de 5 à 10 %,
qu'après la réalisation des travaux. Elles impliquent donc, dans
un premier temps, un préfinancement des investissements. A ce principe
de préfinancement s'ajoute une lenteur des délais de
remboursement par les autorités communautaires atteignant parfois deux
ans. Ne sont ainsi souvent éligibles que les projets soutenus par de
grandes entreprises.
Les taux de consommation des crédits communautaires illustrent ces
difficultés : pour les départements d'outre-mer, une
sous-consommation importante des crédits communautaires a ainsi
été constatée sur la période 1994-1999, les fonds
n'ayant été engagés qu'à hauteur de 64,9 % et
payés à hauteur de 42,66 %.
Engagement des fonds structurels européens
allouées aux DOM pour la période 1994-1999
|
FEDER |
FSE |
FEOGA |
IFOP |
Total |
Guadeloupe |
50,9 % |
88, 8 % |
67,9 % |
7,51 % |
60,4 % |
Martinique |
43,2 % |
80,4 % |
50,5 % |
31,4 % |
53,8 % |
Réunion |
51,4 % |
100 % |
84,7 % |
39,4 % |
71,7 % |
Guyane |
66,7 % |
97,7 % |
70,1 % |
75 % |
73,9 % |
Total |
53,0 % |
91,7 % |
68,3 % |
38,3 % |
64,9 % |
Financement au titre des DOCUP pour 2000-2006
(en
millions
d'euros)
régions |
dotation globale DOCUP |
dont
dotation
|
Guadeloupe |
1.986,38 |
808,54 |
Guyane |
730,45 |
370,58 |
Martinique |
1.681,22 |
673,78 |
Réunion |
2.878,20 |
1.516,00 |
Total |
7.276,26 |
3.368,91 |
Source : secrétariat d'Etat à
l'outre-mer
Il est important de noter, en outre, que ces taux positifs de consommation des
crédits sont pour
la plupart obtenus grâce à des
reports de crédits non utilisés, ce qui fausse
l'appréciation.
De plus, au-delà des simples aspects quantitatifs, il importe avant
tout de veiller à la pertinence de l'utilisation qui est faite de ces
crédits communautaires.
Une circulaire du Premier ministre de mai 1998 avait prévu
l'instauration d'une cellule Europe dans chaque département, suivant
l'exemple de la Réunion. La
loi d'orientation sur l'outre-mer
consacre
dans la loi (à l'initiative de votre rapporteur),
l'existence dans chacun des départements d'outre-mer d'une
commission
18(
*
)
de suivi de
l'utilisation des fonds structurels européens
, instance de
concertation réunissant l'ensemble des partenaires
intéressés
19(
*
)
.
En outre, dans le cadre de l'Agenda 2000, la Commission européenne a
prévu un certain nombre de mécanismes destinés à
améliorer la gestion et la consommation des crédits
communautaires.
Ainsi, 4 % des crédits seront mis en réserve en
début de période et reversés à mi-parcours aux
programmes les plus performants. Par ailleurs, les engagements seront
effectués de façon annuelle au plus tard au 30 avril et la part
des engagements qui n'aura pas fait l'objet de paiement à la fin de la
deuxième année après celle de l'engagement sera
dégagée d'office par la Commission.
Enfin, il faut prendre conscience qu'un tel montant de fonds structurels ne
sera plus envisageable dans la perspective d'un élargissement à
25 membres de l'Union européenne et qu'une vingtaine de régions
devra alors sortir de l'objectif 1.
4. L'évolution du statut de PTOM de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
Les
collectivités territoriales de
Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon
, qui n'ont pas le statut de département
d'outre-mer, ne peuvent bénéficier des fonds structurels
européens.
Leur statut de
pays et territoires d'outre-mer (PTOM)
20(
*
)
associés à l'Union
européenne leur permet toutefois de bénéficier des aides
du Fonds européen de développement (FED), dont le montant est
sans commune mesure avec celui des fonds structurels
21(
*
)
.
La décision d'association du 25 juillet 1991, modifiée le 24
novembre 1997, est arrivée à expiration le 29 février
2000. En raison du retard pris par la Commission européenne, elle a
été prorogée d'un an, soit jusqu'au 28 février
2001.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a
annoncé lors de son audition par la commission des Lois que le Conseil
européen des affaires générales avait approuvé le
renouvellement du statut d'association des PTOM avec l'Union européenne
le 19 novembre dernier. La future association avec les PTOM pour la
période du 1
er
mars 2001 au 31 décembre 2007 reprend
en grande partie les orientations fixées par la déclaration
n° 36 concernant les PTOM et annexée à l'acte final du
traité d'Amsterdam.
Cette décision de l'Union européenne va entraîner une
augmentation substantielle des dotations européennes aux PTOM. Le
montant du
9
ème
FED
(2001-2007)
a ainsi
été fixé à 126,5 millions d'euros pour l'ensemble
des PTOM, soit une
augmentation de 20,4 %
par rapport au
8
ème
FED. Mayotte devrait ainsi recevoir 15,2 millions
d'euros, contre 10 auparavant, soit une augmentation de 52 %,
Saint-Pierre-et-Miquelon, obtenant 12,4 millions d'euros contre 4 auparavant,
soit plus de 3 fois plus, ce qui est considérable si on le rapporte au
nombre d'habitants (6.600).
Par ailleurs, sera de nouveau autorisé le régime de
transbordement, c'est-à-dire d'importations dans l'Union
européenne à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces opérations,
interdites en 2000 à la suite d'irrégularités, vont
permettre à nouveau au territoire de dédouaner et d'introduire
dans l'Union des produits de pays tiers et d'encaisser les droits de douanes au
bénéfice du budget de la collectivité.
IV. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES OU STATUTAIRES
1. Une revendication d'évolution institutionnelle
Les deux
missions d'information conduites en 1999-2000 par la commission des Lois afin
de préparer l'examen du projet de loi d'orientation pour
l'outre-mer
22(
*
)
, ont montré la
revendication par les départements français d'Amérique
d'un statut « cousu main ».
Ils considèrent en effet que le statut de département d'outre-mer
issu de la loi du 19 mars 1946 constitue un carcan juridique, en raison
notamment de l'interprétation restrictive donnée par le Conseil
constitutionnel de l'article 73 de la Constitution
23(
*
)
.
Les prémices sont à rechercher dans la déclaration de
Basse-Terre du 1
er
décembre 1999 par laquelle les
présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, Martinique, et
Guyane, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. Alfred Marie-Jeanne et
M. Antoine Karam, demandaient l'instauration d'un
régime
d'autonomie interne
en réclamant «
une modification
législative, voire constitutionnelle, visant à créer un
statut nouveau de région d'outre-mer
, dotée d'un
régime fiscal et social spécial, dans le cadre de la
République française et de l'Union
européenne »
.
Ce projet, qui emprunte sans le dire aux statuts de la Corse et de la
Polynésie française, mais également au texte sur
l'Assemblée unique dans les régions monodépartementales
d'outre-mer, déclaré non conforme à la Constitution en
1982, se réfère aussi, explicitement cette fois, aux statuts des
collectivités autonomes des Canaries, de Madère et des
Açores (qui font partie des régions
ultra-périphériques). Les régions d'outre-mer auraient la
possibilité de légiférer dans leurs domaines de
compétence (qui seraient considérablement étendus, l'Etat
ne conservant que la justice, la police, la santé, la défense et
la monnaie), et notamment en matière fiscale, sociale et de
contrôle de l'immigration.
A la suite du rapport de MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et
M. Michel Tamaya, député de la Réunion, de juin 1999,
« Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de
la responsabilité », a été votée la loi
d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000.
Cette loi a permis plusieurs avancées en matière
institutionnelle :
A été créé dans chaque département
d'outre-mer un congrès des élus départementaux et
régionaux, réunion des membres du conseil général
et du conseil régional, ainsi que des parlementaires,
chargé
de formuler des propositions d'évolution statutaire ou
d'aménagement de compétences
. La délibération
du congrès doit ensuite être adoptée par les deux
assemblées. Le Gouvernement pourra alors préparer un projet de
loi organisant la consultation des populations intéressées. Cette
évolution institutionnelle se fera donc à l'initiative des
collectivités et doit permettre un débat
différencié pour chaque DOM.
Le Sénat était opposé à une telle
création
, considérant que six des huit assemblées
locales concernées avaient émis un avis défavorable, que
la procédure envisagée serait particulièrement lourde,
risquant d'aboutir en fait à la création d'une troisième
assemblée locale au rôle ambigu. Le Conseil constitutionnel a
cependant, dans sa décision du 7 décembre 2000, validé
cette création, considérant que le congrès ne pouvait
être défini comme une troisième assemblée.
2. L'utilisation de la procédure du congrès
Six mois
après la promulgation de la loi d'orientation sur l'outre-mer la Guyane,
la Martinique et la Guadeloupe ont déjà réuni cette
assemblée.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a clairement
indiqué être favorable à une révision de la
Constitution, en particulier pour permettre la fusion des deux
assemblées, souhaitée par beaucoup dans les DOM, mais
rejetée par le conseil constitutionnel en 1982. De même, le
président de la République, lors de sa visite à la
Réunion, s'était dit favorable à une révision du
titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales.
a) Des réflexions très avancées en Guyane
A la
suite des émeutes de novembre 1996, une réflexion
réunissant élus locaux et représentants consulaires a
abouti à l'adoption à une large majorité (80 %) le 27
février 1999
par les assemblées régionale et
départementale de Guyane réunies en
« congrès » du «
pacte de
développement pour la Guyane
», qui
préconise
l'instauration d'une collectivité territoriale unique et d'un pouvoir
législatif et réglementaire local autonome.
Ce document, contesté par les deux députés (Mme Christiane
Taubira-Delannon, du parti Walwari, demandant d'abord un bilan de la
décentralisation et M. Léon Bertrand, RPR, étant dans un
premier temps favorable à la création d'un deuxième
département), a cependant inspiré des initiatives
ultérieures, telles que la déclaration de Basse-Terre, qui a
réuni le 1
er
décembre 1999 les trois présidents
des conseils régionaux des DFA.
S'est alors créé le Komité pou nou démaré la
Gwyane (KPNDLG), destiné à promouvoir le Pacte de
développement, qui regroupe des socio-professionnels, dont le syndicat
UTG (union des travailleurs guyanais) pro-indépendantiste, des
associations de quartier et de défense de la terre, ainsi que trois
grands partis de gauche : le Parti socialiste guyanais (PSG, non
affilié au PS), les Forces démocratiques de Guyane (FDG, le parti
du sénateur M. Georges Othily) et le Mouvement de
décolonisation et d'émancipation sociale (MDES).
Une période troublée s'est alors ouverte, avec les
échauffourées de mars 2000 en marge de la visite de l'ancien
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, M. Jean-Jack Queyranne, la
séquestration le 20 novembre 2000 du directeur du centre des
impôts de Cayenne et les émeutes les 27, 28 et 29 novembre 2000,
sur fond de débat statutaire, le Komité réclamant
l'application du pacte de développement.
Parallèlement, M. Georges Othily, sénateur de la Guyane, a
rédigé (mais non déposé) en mars 2000 une
proposition de loi « d'orientation pour le développement
réel et durable de la Guyane », s'inspirant du statut corse
défini par la loi du 13 mai 1991 ainsi qu'une proposition de loi
constitutionnelle sur le statut de la Guyane n° 197 (2000-2001) le 23
janvier 2001, prévoyant de transformer la Guyane en un « pays
d'outre-mer », dont l'Assemblée délibérante
serait habilitée à prendre des « lois du
pays », soumises au contrôle du Conseil constitutionnel avant
leur publication, et définissant une citoyenneté guyanaise
autorisant des discriminations positives.
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a invité les
élus et les partis à une table ronde à Paris le 18
décembre 2000, auxquels ont participé les trois parlementaires,
le président du conseil régional M. Antoine Karam, le
président du conseil général de l'époque M.
André Lecante (divers gauches) ainsi que les représentants des
maires et des principaux partis, dont le parti Walwari, à l'exception
des indépendantistes du MDES et du Komité.
A l'issue de cette table ronde, il a été précisé
que le processus d'évolution serait déterminé dans le
cadre de la LOOM et des institutions de la République. Lors de sa visite
en Guyane en janvier 2001, M. Christian Paul a rappelé qu'une
consultation de la population ne pourrait intervenir qu'après l'adoption
par le Parlement d'un projet de loi.
Au plan local, les élus engagés dans le processus de la table
ronde se sont réunis à plusieurs reprises afin de finaliser un
« avant-projet d'accord relatif à l'avenir de la
Guyane ». Les élus du PSG, du FDG, du MDES, du RPR et le
KPNDLG ont participé à ces discussions.
La première réunion du congrès
, tenue après
les élections de mars 2001,
le 29 juin 2001
sous la
présidence de M. Joseph Ho Ten You, nouveau président du conseil
général, a vu l'adoption à une très large
majorité (38 voix sur 50 pour, aucune voix contre) d'un avant-projet
portant sur l'organisation administrative et les compétences de la
« Collectivité Territoriale de la Guyane » dans le
cadre de la République et de l'Europe, qui s'inspire très
largement du pacte de développement de février 1999. Le parti
Walwari n'était représenté que par un observateur.
-
Le département et la région seraient supprimés au
profit d'une nouvelle « Collectivité Territoriale de
Guyane »
, composée d'une assemblée et d'un conseil
exécutif. Quatre districts seraient créés sur le
territoire de la Guyane.
- L'avant-projet confèrerait à l'assemblée de la
collectivité un
pouvoir d'initiative pour l'adaptation ou la
modification des textes à caractère législatif ou
réglementaire
afin de tenir compte des spécificités
locales. Enfin, s'inspirant des institutions de la Nouvelle-Calédonie,
l'avant-projet prévoirait également la possibilité pour
l'assemblée territoriale d'adopter des
lois de pays
dans des
activités ou domaines qui par leur nature seraient spécifiques
à la Guyane.
La mise en oeuvre de ce projet nécessiterait une
révision constitutionnelle.
Est également prévu un transfert significatif de
compétences :
- la collectivité territoriale de Guyane serait notamment
compétente en matière d'aménagement du territoire, le
domaine foncier de l'Etat étant transféré aux
collectivités, la fiscalité locale, la coopération
régionale, l'enseignement primaire et l'action sanitaire et
sociale ;
- seraient créées des
compétences partagées
s'agissant de
l'organisation administrative de la justice
et du droit
coutumier, de la sécurité publique (la collectivité
territoriale de Guyane, les districts et les communes étant
associés à la définition et à l'exécution de
la politique de
police
et de sécurité), de la
réglementation et du contrôle de l'
immigration
, de
l'enseignement du second degré et de l'enseignement supérieur.
Des mesures de rattrapage financier seraient prévues par une loi de
programmation. Le document prévoit également une consultation
populaire sur l'avenir institutionnel de la Guyane.
Le texte a ensuite été transmis au conseil général
et au conseil régional, qui l'ont adopté respectivement par 13
voix contre 19 et 25 voix pour et une abstention, les 30 et 20 juillet, puis
remis lors de sa visite à M. Christian Paul, secrétaire
d'Etat à l'outre-mer, le 18 septembre 2001.
M. Jacques Chirac, président de la République, a rencontré
le 26 octobre 2001 une délégation d'élus guyanais, et
leur aurait signifié son accord, tout en indiquant qu'il serait
nécessaire d'arrêter au préalable des règles
définissant de manière globale les dispositions
constitutionnelles rénovées pour l'outre-mer.
Le
16 novembre dernier, M. Christian Paul a transmis aux élus
guyanais les propositions du gouvernement
, acceptant le principe d'une
collectivité territoriale unique et de districts, ainsi que l'octroi
d'un pouvoir réglementaire. En outre, l'assemblée territoriale de
Guyane pourrait, dans ses domaines de compétences et à son
initiative, être autorisée par le Parlement à prendre,
pendant un délai déterminé, des mesures qui sont
normalement du domaine de la loi. Les délibérations
adoptées par l'assemblée de Guyane entreraient en vigueur
dès leur publication, mais un projet de loi de ratification devrait
être déposé avant une certaine date. Les dispositions qui,
dans ce cadre, ne seraient pas ratifiées par le Parlement, garderaient
valeur réglementaire et seraient soumises aux voies de recours devant la
juridiction administrative. La question du transfert du foncier de l'Etat
à la nouvelle collectivité et des mesures de rattrapage reste
cependant encore à débattre.
La prochaine étape serait la finalisation d'un accord politique avec le
gouvernement, puis le dépôt d'un projet de loi organisant la
consultation de la population guyanaise. Il est probable que l'aboutissement de
ce processus d'inspiration institutionnelle, qui
nécessiterait une
révision constitutionnelle
, ne pourra intervenir avant les
échéances électorales de 2002, contrairement aux souhaits
du Komité, le Gouvernement souhaitant dissocier clairement les
échéances présidentielles et institutionnelles.
Comme l'a rappelé M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer lors de son audition par la commission des Lois, M. Lionel Jospin,
Premier ministre, a, face aux maires des DOM-TOM réunis à
l'Hôtel de ville de Paris le 19 novembre 2000 à la veille de
l'ouverture du congrès de l'Association des maires de France (AMF),
posé des conditions à l'évolution des statuts des
départements français d'Amérique, à savoir
l'unité de la République, les liens avec l'Europe,
l'égalité des droits et une consultation préalable des
populations.
Rappelons que
le principe d'une consultation de la population
sur cet
accord politique
résulte de la loi d'orientation
, qui a introduit
un nouvel article L. 5916-1 du code général des
collectivités territoriales prévoyant que le Gouvernement peut
déposer un projet de loi organisant une consultation pour recueillir
l'avis de la population du département concerné au vu
« notamment » des propositions du congrès et des
délibérations du conseil général et du conseil
régional.
Le
Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2000-435 DC du
7
décembre 2000, a avalisé cette disposition
en
considérant que « les autorités de la République
sont, dans le cadre de la Constitution, habilitées à consulter
les
populations d'outre-mer
intéressées notamment sur
l'évolution statutaire de leur collectivité à
l'intérieur de la République », tout en posant comme
conditions que les autorités soient libres de définir
l'objet de la consultation, que le projet de loi organisant la consultation
satisfasse à la double exigence constitutionnelle de clarté et de
loyauté et que le législateur ne soit pas tenu par le
résultat de la consultation.
La Guyane étant particulièrement avancée en matière
de débat institutionnel,
votre rapporteur a donc tenu à
rencontrer les parlementaires guyanais
, M. Georges Othily, sénateur,
et Mme Christiane Taubira-Delannon, députée,
M. Léon Bertrand, député, n'ayant pour sa part
pas souhaité être reçu.
b) Les départements antillais
(1) la Guadeloupe
En
Guadeloupe
, le congrès s'est réuni le 18 juin 2001 et a
constaté un large accord sur l'opportunité d'une évolution
du statut de la Guadeloupe. Une résolution adoptée par 73
élus s'est prononcée pour la création d'une
« nouvelle collectivité de Guadeloupe, dans le cadre de la
République française et de l'Union européenne ».
Cette résolution préconise l'attribution de
« compétences élargies, un pouvoir local effectif,
renforcé notamment par la capacité de légiférer
dans ses domaines de compétences et instaurant de nouveaux rapports avec
l'Union européenne ».
Une «
commission de synthèse pour un projet
guadeloupéen
» composée de 22 membres issus des
deux assemblées locales a été chargée
d'élaborer un projet définitif qui devrait être soumis au
congrès le 18 décembre prochain, selon Mme Lucette
Michaux-Chevry, présidente du conseil régional.
(2) La Martinique
En
Martinique
, la première réunion du congrès s'est tenue
le 12 juin 2001, sous la présidence de M. Claude Lise (PPM,
apparenté PS), ferme partisan de l'autonomie. Une
commission ad
hoc
composée de 20 membres (10 conseillers généraux et
10 conseillers régionaux) et élargie aux parlementaires a
également été chargée de l'élaboration d'un
projet de statut. En juillet 2001, la troisième réunion n'avait
toujours pas réussi à dégager de consensus.
Il semble cependant que l'accord des populations guadeloupéennes, et
surtout martiniquaises quant à une réforme de leur statut ne soit
pas acquis.
3. L'attachement de la Réunion au statut de DOM
Au
contraire des départements français d'Amérique, la
Réunion souhaite conserver son statut de département
d'outre-mer
. La loi d'orientation a logiquement consacré cette
divergence d'approche, en reconnaissant, dans son article 1
er
« l'attachement des Réunionnais à ce que
l'organisation de leur île s'inscrive dans le droit
commun
».
Le débat institutionnel se concentrait essentiellement sur
l'opportunité de scinder la Réunion en deux départements.
Le projet de loi d'orientation prévoyait la
bidépartementalisation de la Réunion, à laquelle le
Sénat s'était opposé
, constatant l'avis
défavorable du conseil régional comme du conseil
général et l'hostilité de la population
réunionnaise consultée par sondages. En lecture
définitive, les élus réunionnais, reconnaissant
l'inconstitutionnalité des importantes modifications effectuées
en nouvelle lecture, avaient suscité la suppression de ces dispositions,
renvoyant le projet de bidépartementalisation au dépôt
d'une proposition de loi.
Les élections municipales de mars 2001 ayant vu la défaite de la
gauche favorable à ce thème, M. Christian Paul, secrétaire
d'Etat à l'outre-mer, a indiqué lors de son déplacement
à la Réunion en mai dernier qu'un consensus préalable de
la population serait nécessaire.
Cependant, l'article sur la bidépartementalisation ayant
été finalement retiré du projet de loi, la Réunion
était de facto maintenue dans le champ des régions
monodépartementales d'outre-mer et à ce titre dotée d'un
congrès. Afin de bien marquer le refus de la population et des
élus de toute évolution statutaire et la volonté de
maintenir la Réunion dans le droit commun, le sénateur Edmond
Lauret présenta en mai 2001 lors de la discussion au Sénat d'un
projet de loi d'habilitation
24(
*
)
concernant
l'outre-mer un
amendement
revenant sur la loi d'orientation pour
l'outre-mer afin de
limiter l'institution du congrès aux seules
régions françaises d'Amérique
, qui a été
adopté conforme par l'Assemblée nationale.
La situation de la Réunion doit donc être nettement
distinguée de celle des départements français
d'Amérique
. M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a d'ailleurs déclaré lors de son audition avoir pris
acte de la volonté des Réunionnais de conserver leur statut.
4. Le nouveau statut de Mayotte
Mayotte,
seule île des Comores à avoir souhaité rester au sein de la
République française en 1974, vivait depuis 24 ans avec un statut
provisoire issu de la loi du 24 décembre 1976.
A la suite du rapport des préfets Bonnelle et Boisadam visant à
une évolution progressive du statut actuel de collectivité
territoriale vers celui de département d'outre-mer, conformément
aux souhaits des élus locaux, les discussions avec les principales
formations politiques, les élus et les représentants de la
société civile, aboutissaient à l'élaboration d'un
« document d'orientation » signé au mois
d'août 1999 par les représentants de l'ensemble de formations
politiques mahoraises, mais non par le député et le
sénateur représentant la collectivité territoriale de
Mayotte.
Sur cette base,
l'accord de Paris a été signé le 27
janvier 2000
par le président du conseil général, les
représentants des principaux partis politiques représentés
au conseil général et le secrétaire d'Etat à
l'outre-mer. Consulté sur cet accord,
l'électorat mahorais
s'est prononcé à 73 % en sa faveur le 2 juillet 2000
(le taux de participation ayant atteint 70 %).
Aux termes de l'accord, Mayotte passe du statut de
« collectivité territoriale » à celui de
« collectivité départementale ».
Cet
accord a suivi de base au projet de loi relatif à Mayotte discuté
au printemps 2001 et finalement promulgué le 11 juillet 2001. Si le
statut de département d'outre-mer, auquel aspirent les Mahorais, ne
parait pas envisageable à l'heure actuelle, l'adjectif
« départementale » accolé à la
collectivité vise à faciliter la transition à terme vers
le statut de département.
L'article 1er reconnaît tout d'abord que Mayotte fait partie de la
République et ne peut cesser d'y appartenir sans l'accord de sa
population.
La loi vise essentiellement à appliquer la décentralisation
à Mayotte, c'est-à-dire la loi du 2 mars 1982 pour les grands
principes régissant l'organisation administrative, l'extension des lois
de 1983 relatives à la répartition des compétences
n'étant pas possible en raison de la structure financière des
collectivités mahoraises.
Cette réforme se caractérise par son caractère progressif,
afin d'éviter de plaquer brutalement une organisation inadaptée
à la réalité mahoraise.
L'exécutif de la collectivité, actuellement, le préfet,
est transféré en 2004 au président du conseil
général, une tutelle allégée a priori du
préfet sur les actes de la collectivité départementale
perdurant cependant jusqu'en 2007.
Mayotte, pour laquelle un effort sensible d'actualisation et de modernisation
du droit applicable a été mené notamment par le biais
d'ordonnances, demeure soumise au principe de spécialité
législative, de nombreux domaines étant cependant régis
par le régime de l'assimilation législative : la
nationalité, l'état et la capacité des personnes, le droit
patrimonial de la famille, le droit pénal et la procédure
pénale, la procédure administrative contentieuse et non
contentieuse, les postes et télécommunications. L'identité
législative sera progressivement instaurée, avec l'objectif de la
généraliser en 2010.
Sont également prévues des dispositions visant au
développement économique par la création d'un fonds
mahorais de développement, d'une agence de développement, de
chambres consulaires, l'aménagement foncier étant
aménagé avec l'instauration d'un cadastre et le code de
l'urbanisme applicable à Mayotte modernisé. La fin du
régime fiscal spécifique à Mayotte doit intervenir au
1
er
janvier 2007. Une fiscalité locale sera progressivement
instaurée, l'Etat continuant à aider les collectivités
locales en matière d'enseignement primaire et
préélémentaire.
De timides dispositions traitent également du statut civil de droit
local, afin de préciser les modalités de la renonciation à
ce statut, ainsi que pour clarifier les conflits de statuts.
Une réforme de la justice cadiale est cependant initiée, puisque
le tribunal de droit commun est rendu compétent en matière de
droit personnel, les cadis siégeant en tant qu'assesseurs. Une
commission a été créée afin de
réfléchir à une évolution possible du statut
personnel.
De plus, des ordonnances devraient être prises avant le 31
décembre 2002 en matière notamment de réforme du statut
des cadis, de modernisation du régime communal, les projets de loi de
ratification des ordonnances devant être déposés sur le
bureau du Parlement avant le 30 juin 2003.
Une
clause de rendez-vous, fixée en 2010
, prévoit que le
Gouvernement et les principales forces politiques de Mayotte feront ensemble le
bilan de l'application de ce nouveau statut.
Le conseil
général pourrait alors proposer au Gouvernement de nouvelles
évolutions institutionnelles pour la collectivité
départementale de Mayotte
.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour 2002.
1
Loi n° 2000-1207 du 13
décembre
2000 d'orientation pour l'outre-mer
2
Hormis le financement du dispositif d'exonérations de
cotisations sociales qui relève du ministère de l'emploi et de la
solidarité.
3
Loi n° 2001-606 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte
4
prévue par l'ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000
fixant les règles de détermination des nom et prénoms des
personnes de statut civil de droit local applicable à Mayotte
5
en application de la loi n° 2001-503 du 12 juin 2001 portant
habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer
6
Cette créance résulte de la différence de
niveau entre le montant du RMI outre-mer et celui du RMI métropolitain.
Elle est affectée aux crédits d'insertion ainsi qu'à la
ligne budgétaire unique (LBU) qui permet de financer le logement dans
les départements d'outre-mer. Elle disparaît avec le
relèvement du RMI DOMien sur celui de la métropole.
7
Cette zone fait partie du domaine maritime de l'Etat. En
Martinique et en Guadeloupe, la loi du 30 décembre 1996 relative
à la zone des cinquante pas géométriques a prévu la
création d'une Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de
cette zone qui donne un avis sur les cessions à titre gratuit de
terrains à des communes ou organismes d'habitat social ainsi que sur les
cessions à titre onéreux aux occupants sans titre
installés avant le 1
er
janvier 1995.
8
créé en 1971 pour tenir compte de la situation
particulière de l'outre-mer, et modifié par la loi du
28 octobre 1997 portant réforme du service national
9
calculé à partir du ratio, pour une année
donnée, entre le nombre d'affaires jugées sur l'année et
le nombre de dossiers en stock dans la juridiction.
10
Par ailleurs existent d'autres moyens financiers, notamment le
fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels pour l'outre-mer (6
millions de francs), les enveloppes d'action des ambassades et des fonds de
l'administration centrale du ministère des Affaires
étrangères, les programmes d'intégration régionale
(PIR) de l'Union européenne (le VIIIème PIR actuellement en
vigueur pour la Caraïbe s'élève pour le secteur de la
coopération régionale à 90 millions de francs pour une
période de 5 ans), l'initiative communautaire Interreg III (entre 110 et
160 millions de francs sur six ans pour les 4 DOM), ainsi que les
crédits de l'Agence française de développement pour
contribuer au développement d'Etats appartenant à la zone de
solidarité prioritaire (ZSP).
11
Echec le 25 septembre 2001 du coup d'Etat perpétré
à Anjouan la veille pour chasser Mohamed Bacar, qui avait lui-même
pris le pouvoir le 9 août en renversant le lieutenant colonel Saïd
Abeid Abdérémane.
12
Quel développement pour les départements
d'outre-mer ?
13
Les habitants des DOM bénéficient d'un abattement
de 30 % de l'impôt sur le revenu, cet abattement étant
porté à 40 % en Guyane. Les fonctionnaires liquidant
leur retraite à la Réunion bénéficient d'une
majoration, qu'ils y aient ou non travaillé. Des congés
bonifiés sont également prévus.
14
Les départements d'outre-mer : un pacte pour
l'emploi.
15
alors même que jusqu'à une période
récente le montant des prestations sociales outre-mer était
inférieur au montant métropolitain
16
Les règlements de 1988 prévoyaient que dans les
régions d'objectif 1, le cofinancement communautaire ne pouvait
excéder 75 % du coût total du projet et qu'il devait
représenter au moins 50 % des dépenses publiques
occasionnées par ce projet. Dans les règlements de 1993, le taux
de financement était porté de manière exceptionnelle
à 80 % dans les régions bénéficiaires du fonds
de cohésion et même jusqu'à 85 % dans certaines
régions ultra périphériques.
17
« promouvoir le développement et l'ajustement
structurel des régions en retard de développement »
18
Le comité de suivi existant actuellement dans chaque
région est prévu par une simple circulaire ministérielle
du 3 janvier 2000 prise en application d'un règlement communautaire CE
n° 11260-1999 du Conseil du 21 juin 1999. Il publie d'ores et
déjà un rapport annuel sur la consommation des crédits
européens.
19
Cette nouvelle commission, co-présidée par le
préfet, le président du conseil régional et le
président du conseil général, aurait en outre
été composée des parlementaires de la région, d'un
représentant de l'association des maires, de représentants des
chambres consulaires, de représentants des services techniques,
l'Assemblée nationale ayant ajouté à cette composition un
représentant du conseil économique et social régional
ainsi qu'un représentant du conseil de la culture, de l'éducation
et de l'environnement.
20
Régi par la quatrième partie du traité de
Rome (articles 131 à 136)
21
Les PTOM français ont reçu durant la période
1994- 1999 50 millions d'euros soit environ 330 millions de francs,
à comparer avec les 12 milliards de francs reçus par les quatre
départements d'outre-mer français.
22
L'une de douze jours menée par M. le président
Larché en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi qu'une autre
à Mayotte et à la Réunion, conduite par M. José
Balarello.
23
Conseil constitutionnel DC n° 82-147 du 2 décembre
1982 : Les mesures d'adaptation « ne sauraient avoir pour effet
de conférer aux départements d'outre-mer une organisation
particulière, prévue à l'article 74 de la Constitution
pour les seuls territoires d'outre-mer. »
24
Loi n° 2001-503 du 12 juin 2001 portant habilitation du
gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives
nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer.