VII. LES TRIBUNAUX DE COMMERCE, UNE RÉFORME EN COURS
Votre rapporteur souhaite également faire le point sur la réforme des tribunaux de commerce annoncée par le Gouvernement le 14 octobre 1998 149( * ) . Cette annonce avait eu des conséquences négatives sur l'organisation des juridictions, un tiers des juges consulaires ayant démissionné au début de l'année 2000, entraînant un surcroît de travail pour un certain nombre de tribunaux de grande instance qui ont dû gérer le contentieux commercial.
A. LES GRANDES LIGNES DE LA RÉFORME DEPUIS SON ADOPTION À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La
réforme des tribunaux de commerce se décompose en trois projets
de loi, déposés le 18 juillet 2000,
déclarés en
urgence
et adoptés en première lecture à
l'Assemblée nationale le 29 mars 2001, après
trois jours
de débats en
séance
publique.
Le premier projet de loi ordinaire relatif aux tribunaux de
commerce
150(
*
)
,
adopté par les députés, a pour objet principal
d'introduire
la mixité
, c'est-à-dire l'association de
magistrats du corps judiciaire et de juges élus dans certaines
formations de jugement des tribunaux de commerce, ainsi qu'
un nouveau
statut des juges consulaires
(limitation de leur mandat à quatre
ans, élection au premier degré, renforcement des règles
déontologiques et disciplinaires).
Le champ des compétences des chambres mixtes
composées
d'un magistrat du corps judiciaire, président
, et de
deux
juges élus
a constitué le
principal point d'achoppement
des débats parlementaires à l'Assemblée nationale.
Le
projet de loi initial leur attribuait une compétence étendue aux
procédures collectives, au droit de la concurrence, ainsi qu'au droit
des sociétés.
La proposition de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, fin
janvier 2001, d'élargir ce domaine de compétence en y
intégrant le contentieux bancaire a provoqué
la suspension de
l'activité des juridictions consulaires
151(
*
)
durant cinq semaines
, ce qui a
conduit les députés à accepter un amendement de compromis
du Gouvernement limitant aux
seules procédures
collectives
152(
*
)
(redressement et liquidation judiciaires) la compétence future des
chambres mixtes, les autres formations de jugement purement consulaires
continuant de traiter du reste du contentieux.
Le deuxième projet de loi organique
153(
*
)
permettant, à titre de
réciprocité, la participation temporaire de certains juges
consulaires aux formations de jugement des cours d'appel compétentes
dans les matières relevant des tribunaux de commerce a été
adopté à l'Assemblée nationale sans modification
substantielle.
Le troisième projet de loi connexe
modifiant la loi n°85-99
du 25 janvier 1985 relative aux
administrateurs judiciaires,
mandataires de justice et experts en diagnostic d'entreprise
154(
*
)
,
adopté par les
députés, vise à améliorer l'organisation de ces
professions en supprimant leur monopole, tout en encadrant plus strictement
leurs obligations déontologiques et disciplinaires.
B. LA REFONTE DE LA CARTE DES TRIBUNAUX DE COMMERCE, UNE RÉFORME EN ATTENTE
En
parallèle,
une refonte de la carte judiciaire
a été
engagée au début de l'année 1998.
36 tribunaux de
commerce
155(
*
)
ont
été supprimés au sein de six cours d'appel. La nombre
total de ces tribunaux est donc passé de 227 à 191. Un
décret
aurait dû être publié
au cours de
l'année 2001 pour arrêter
la nouvelle carte des tribunaux de
commerce
.
La suppression de 18 autres tribunaux de commerce envisagée en 1999
n'est
toujours pas intervenue
. En outre, il apparaît regrettable
que, comme en 2001, aucune mesure nouvelle n'ait été inscrite
dans le projet de loi de finances pour 2002.
C. LE CALENDRIER DE LA RÉFORME
Le
Gouvernement, qui l'avait exclu dans un premier temps, a annoncé que ces
trois textes devraient être examinés par le Sénat au
début de l'année 2002. Il a en outre annoncé qu'un projet
de loi relatif à la
prévention des difficultés des
entreprises
et aux procédures de redressement et de liquidation
judiciaires pourrait être soumis au Conseil des ministres très
prochainement, dans lequel pourrait être envisagée l'institution
d'une procédure de liquidation simplifiée et
accélérée spécialement adaptée aux petites
entreprises
156(
*
)
.
Outre la mise en place d'un groupe de travail, chargé d'adapter la
rémunération des greffiers de tribunal de commerce à la
réalité de leurs missions au regard du contexte
créé par l'émergence des nouvelles technologies, la Garde
des Sceaux a également annoncé qu'un
projet de loi et un
projet de décret
relatifs respectivement à la discipline et
au contrôle des greffiers des tribunaux de commerce étaient en
cours d'élaboration. Il s'agirait d'harmoniser le régime
applicable aux greffiers des tribunaux de commerce avec celui des autres
professions judiciaires et juridiques.
D. LES MOYENS AFFECTÉS À LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME
Les
besoins en magistrats induits
par cette réforme ont
été évalués au total à 230 emplois
supplémentaires
157(
*
)
,
ce qui ne fera qu'amplifier
le manque de moyens
qui caractérise
l'institution judiciaire. Toutefois,
ce solde est susceptible
d'évoluer
en fonction des modifications qui seront apportées
aux textes au cours de la navette.
De plus, la Chancellerie a décidé, dans l'attente de
l'aboutissement de cette réforme, d'affecter les emplois
déjà pourvus au renforcement des tribunaux de grande instance. Il
existe donc
un risque de pérennisation de ces affectations
temporaires
au sein des juridictions les plus encombrées,
réduisant mécaniquement les créations d'emplois effectives
destinées à l'application de la réforme des tribunaux de
commerce.
Soulignons enfin qu'à ce jour, sur 230 emplois créés,
101 n'ont pas encore été localisés, illustrant les
difficultés actuelles de la Chancellerie à évaluer
finement les besoins
.
*
Sous le bénéfice de l'ensemble des ces observations, votre commission des Lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.