I. LES CRÉDITS DE L'ENVIRONNEMENT : L'ÉVOLUTION D'UN BUDGET HORS NORMES
Comme chaque année, l'évaluation du taux de progression des crédits du ministère de l'environnement s'avère un exercice délicat : les crédits inscrits au fascicule budgétaire doivent être complétés par les ressources tirées du « fonds national solidarité pour l'eau » (FNSE), puis corrigés des variations liées aux changements de périmètres du ministère. Il faut, cette année, anticiper en outre l'effet des mesures , annoncées par le Premier ministre, au lendemain de la catastrophe de Toulouse , et qui ont pris la forme d'amendements à l'occasion de l'examen, par l'Assemblée nationale, du projet de loi de finances.
A. LA PROGRESSION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT : UNE APPRÉCIATION TOUJOURS DÉLICATE
Les
crédits
inscrits au projet de budget pour 2002 du
ministère de l'environnement
s'élèvent à
plus de
761 millions d'euros
(près de 5 milliards
de francs), en progression de 6,3 % par rapport aux crédits
votés en 2001.
A ces crédits s'ajoutent les montants reçus au titre du
«
fonds national de solidarité pour l'eau
»
(FNSE), évalués pour 2002 à
83 millions
d'euros
(544 millions de francs), en hausse de 7 % par
rapport à 2001.
C'est donc d'une enveloppe globale de 844 millions d'euros
(5,5 milliards de francs) que disposera en 2002 le ministère
de l'environnement pour conduire ses missions.
Sa
progression de 6,3 %
est très largement
supérieure à la norme de progression de 2,2 %
affichée pour l'ensemble des budgets civils de l'Etat en 2002. Il
s'agit de la deuxième plus forte hausse de l'ensemble des fascicules
budgétaires derrière l'aménagement du territoire, qui
relève d'ailleurs du même ministre.
Cette progression résulte, en partie, de quelques
modifications dans
le périmètre
du ministère, la plus importante
résultant du transfert, en provenance du ministère de la
santé et de la solidarité, des crédits de l'ancien
office de protection des rayons ionisants
(OPRI), pour un peu plus de
14 millions d'euros (92 millions de francs).
A
périmètre constant
, l'augmentation du budget ne serait plus
que de
4 %
.
Toutefois, ces taux de progression ne prennent pas en compte l'effet des
amendements gouvernementaux adoptés par l'Assemblée nationale.
Le Premier ministre a en effet annoncé, à la suite de
l'explosion de l'usine AZF à Toulouse
, en septembre 2001, un
certain nombre de
mesures
qui ont trouvé leur traduction
budgétaire sous la forme
d'amendements
déposés par
le Gouvernement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances
pour 2002 en première lecture à l'Assemblée nationale. Ces
mesures consistent pour l'essentiel en la création d'une centaine de
postes supplémentaires dans les directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), en un accroissement
des moyens de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques
(INERIS) et en un renforcement des commissions locales sur les risques
technologiques. Elles dépassent les 8 millions d'euros, et
porteraient donc la progression affichée au ministère de
l'environnement à
7,4 %.
Cette impossibilité de résumer en un chiffre l'évolution
du budget du ministère de l'environnement n'est pas nouvelle, tant ont
été nombreux, ces dernières années, les
bouleversements qui ont affecté le périmètre et
l'organisation du ministère, aux dépens d'une gestion saine et
maîtrisée : la progression des enveloppes budgétaires
consenties au ministère depuis cinq ans est en effet aussi remarquable
que la chute concomitante du taux de consommation des crédits. Celle-ci
vide l'autorisation parlementaire d'une partie de sa pertinence.
B. LES CINQ DERNIERS EXERCICES : UNE BOULIMIE BUDGÉTAIRE
Le
ministère de l'environnement se pique d'avoir construit, en cinq
exercices budgétaires, «
un véritable service public
de l'environnement à la hauteur des attentes des
citoyens
».
Cette progression ne s'est cependant pas effectuée, de l'avis de votre
rapporteur, par une progression régulière et
équilibrée, mais par des annexions brusques et insuffisamment
maîtrisées.
Le budget du ministère de l'environnement s'établissait,
en
1997 et
1998
, à un peu plus de
1,8 milliard de
francs
(soit entre 285 et 290 millions d'euros).
En 1999
, la création de la taxe générale sur les
activités polluantes (TGAP) et l'inscription, au budget du
ministère, du montant estimé des anciennes taxes affectées
à
l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie
(ADEME), pour un montant de près de
1,7 milliards de francs
(260 millions d'euros) a
provoqué, avec l'appoint de 333 millions de francs de mesures
nouvelles, et un transfert de 167 millions de francs du ministère
de l'industrie, le
doublement de l'enveloppe budgétaire
du
ministère. Celui-ci a dépassé les
3,9 milliards de
francs
.
En 2000
, le budget du ministère proprement dit, n'a connu
« qu'une »
progression de 8,6 %
, due en
particulier à la forte hausse des crédits affectés au
fonctionnement des services
. Ceux-ci sont passés de
1 milliard de francs en 1999 à 1,26 milliard de francs en
2000, soit une hausse de 26 % due, notamment, à la création
d'une
nouvelle direction des études économiques
et de
l'
évaluation environnementale (D4E)
. Mais cette progression
« modeste », au regard des ambitions formulées par
la ministre de créer un ministère à part entière, a
été compensée par la création d'un compte
spécial du trésor, le «
Fonds national de
solidarité sur l'eau
» (FNSE) géré par le
ministère de l'environnement et doté de
500 millions de
francs
(76,25 millions d'euros).
En 2001
, le rattachement au budget du ministère de
l'environnement de
l'Institut de protection et de sûreté
nucléaire
(IPSN), et de sa dotation, qui s'élevait à
1,33 milliard de francs
a provoqué un nouveau gonflement de
son enveloppe budgétaire. Celui-ci a été, en grande partie
compensée par la
contraction très brutale des dotations
budgétaires de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie
(ADEME) qui ont été ramenées de
1,7 milliard de francs en 2000 à 492 millions de francs en
2001. Par le jeu contraire de ces deux profonds à-coup, le
ministère arrivait à afficher ainsi un taux de progression de
9 % presque raisonnable...
Ces évolutions erratiques, et les dysfonctionnements qu'elles ont
entraînés, dont la gestion de l'ADEME fournit la plus marquante
mais non l'unique illustration, ont-elles réellement permis de
« répondre aux attentes des citoyens »,
ou
n'avaient-elles pas plutôt pour objet de satisfaire l'ambition d'un
ministre soucieux
« de se doter d'une administration à part
entière »
?
ÉVOLUTION DES CRÉDITS VOTÉS AU
BUDGET DE
L'ENVIRONNEMENT (1997-2002)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Budget
|
|
|
|
|
|
|
- en millions d'euros |
285 |
288 |
603 |
655 |
716 |
769 |
Evolution en % |
6,3 % |
0,9 % |
110 % |
8,6 % |
9 % |
7,4 % |
Fonds de concours du compte d'affectation spéciale (en millions d'euros) |
17 |
17 |
38 |
76 |
76 |
83 |
TOTAL (en millions d'euros) |
302 |
305 |
641 |
732 |
784 |
852 |
C. LA BAISSE CONCOMITANTE DU TAUX DE CONSOMMATION DES CRÉDITS
Les
crédits mis à la disposition du ministère de
l'environnement ont pratiquement triplé depuis cinq ans. Même en
faisant abstraction des modifications de son périmètre, cette
inflation des crédits s'est révélée excéder
la capacité du ministère à consommer effectivement la
masse budgétaire qui lui était attribuée.
Dans son dernier rapport, votre rapporteur s'était alarmé des
deux évolutions conjointes qu'il avait constatées :
- une
augmentation exponentielle des reports de crédits
,
tout au long des derniers exercices budgétaires ; s'appuyant sur
les données fournies par le ministère, il avait en effet
évalué que ceux-ci étaient passés de
244 millions de francs à la fin 1997,
à 412 millions de francs à la fin 1998, et
à 1 519 millions de francs à la fin de 1999 ;
- une
dégradation parallèle du taux de consommation des
crédits de paiement
imputable, en partie seulement, au
problème aigu de l'ADEME.
Ces constatations ont été confirmées par la Cour des
comptes, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances
pour 2000.
La Cour des comptes estime en effet que le taux de consommation des
crédits du ministère est tombé de 85 %
en 1997, à 77 % en 1998, puis
à 62 % en 1999. Cette situation a continué de
s'aggraver, puisque
le ministère a consommé moins de la
moitié de ses crédits en 2000
. La Cour évalue
à 47 % le taux de consommation des crédits proprement
dits, et à 46 % le taux global de consommation du budget
général, consolidé avec le fonds national de
solidarité pour l'eau (FNSE).
La Cour des comptes relève que la faiblesse du taux de consommation
en 2000 tient, certes pour beaucoup, aux
subventions de
l'ADEME
: les versements n'ont en effet porté que
sur 77,75 millions d'euros (510 millions de francs) sur un total
de 424,11 millions d'euros (2 782 millions de francs) de
crédits disponibles. Elle note cependant que les taux de consommation
sont inférieurs à 80 % pour la plupart des
autres
chapitres du budget
de l'environnement. Elle en conclut, pour reprendre ses
propres mots, qu'«
il s'agit d'un phénomène
très général que le ministère est bien en peine
d'expliquer
».
Elle souligne d'ailleurs que la
consommation des crédits du FNSE a
été encore plus faible
. Le taux de consommation global est
de 29 % et il est seulement de 4 % pour les crédits
d'équipement. Elle note que les dépenses sont
particulièrement faibles pour les mesures nouvelles, qui
n'étaient pas financées, auparavant, par le ministère,
à travers notamment les fonds de concours des agences de bassin.
Elle s'interroge «
sur l'affectation des
prélèvements sur les agences à un compte spécial du
Trésor, plutôt qu'au budget général (pas
spécialement en faveur de l'environnement) où ils auraient pu
financer des dépenses plus urgentes
».
La Cour relève en outre que les crédits votés par le
Parlement en loi de finances initiale pour 2000 (656 millions d'euros
soit 4 300 millions de francs) ont été fortement
majorés en cours d'exercice par des
reports de l'exercice 1999
qui ont atteint 242,5 millions d'euros
(1 591 millions de
francs),
soit 37 % de la dotation initiale
. En outre, la
dotation du ministère de l'environnement a été encore
abondée par les
lois de finances rectificatives
à hauteur
de 53 millions d'euros (347 millions de francs) dont
181 millions de francs en décembre, parfois alors même que
ces crédits avaient été annulés sur les mêmes
chapitres. La Cour relève qu'il n'était d'ailleurs pas possible
d'utiliser en 2000 certains crédits votés en collectif
budgétaire, et que la loi de finances rectificative de décembre,
par le jeu des reports sur l'exercice suivant a servi en fait «
de
substitut à la loi de finances initiale de 2001, en réparant
les oublis du projet de loi de finances
».
Au total, d'après la Cour des comptes, les crédits disponibles du
ministère se sont élevés, en 2000, à
978,7 millions d'euros (6 420 millions de francs), en
augmentation de 50 % par rapport à 1999.
Ces considérations conduisent votre rapporteur à s'interroger
sur le sens et la portée de l'autorisation parlementaire
puisque :
- un
taux de consommation des crédits de 50 %
traduit une déconnexion entre le montant du budget voté par le
Parlement et le montant des dépenses effectuées par le
ministère sur un exercice budgétaire donné ;
- l'ampleur des reports de crédits de l'exercice
précédent (37 %) traduit, à son tour, un
décalage profond entre le montant de l'autorisation budgétaire
votée par le Parlement et le volume des crédits effectivement
disponibles.