projet de loi de finances pour 2002 - Tome XIII : Francophonie

LEGENDRE (Jacques)

AVIS 88 - TOME XIII (2001-2002) - commission des affaires culturelles

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Table des matières




N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XIII

FRANCOPHONIE

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Xavier Darcos, Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; MM. Jean Arthuis, François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernard Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean François-Poncet, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 3262 , 3320 à 3325 et T.A. 721

Sénat
: 86 et 87 (annexe n° 1 ) (2001-2002)


Lois de finances .

Francophonie :

business (in english) as usual

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Chaque année nous examinons un budget qui témoigne d'un certain effort financier de l'Etat en faveur de la francophonie.

Mais pour quel résultat ?

Cet effort répété, répétitif, pour ne pas dire routinier n'est pas mis au service d'un élan, d'une volonté. Chaque année nous dénonçons des abandons, des reculs, des renoncements.

On condescend à nous rassurer, à expliquer que l'essentiel n'est pas en cause, que la bonne volonté existe. Mais l'usage international du français continue à reculer. L'anglais ne cesse de progresser au sein des entreprises et même de l'armée !

Le français est la langue de la République. Personne ne le remet en cause. Mais une traduction coûte cher. Alors pourquoi ne pas accepter un demi-recul qui est une capitulation supplémentaire. Il y a toujours pour cela de bons arguments économiques et financiers.

En 2001, année qui devait être celle du Sommet de Beyrouth, le gouvernement français, qui exprime sincèrement son attachement à la langue française, se résigne à l'abandon dans l'affaire des brevets et officialise l'anglais comme langue des transactions financières de la bourse de Paris à l'occasion d'un texte d'apparence anodine (la loi MURCEF) obligeant votre rapporteur à déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.

En fait tout se passe comme si une large partie des élites politiques, administratives, économiques de notre pays n'avait plus confiance en l'avenir de leur langue.

Certains de nos meilleurs écrivains s'inquiètent de ces revirements et multiplient des mises en garde.

C'est Erik Orsenna, qui déclare dans le Figaro Madame d'octobre 2001 : « J'entends dire, et de plus en plus d'ailleurs, avec l'anglais parlé par tous, on va économiser sur les traductions. Ça me rend fou ! L'Europe, c'est le minimum d'étendue avec le maximum de diversité, voilà notre richesse... »

C'est Alain Decaux qui, par deux fois, nous met en garde. Dans le Figaro du 10 décembre 1999, il proclame : « Ma patrie, c'est ma langue » et il s'inquiète : « Une France désabusée, voilà qui pourrait comporter dans cinquante ans un résultat qui déjà semble se profiler : les organes d'une francophonie folle délibèreraient indéfiniment entre eux -mais personne n'y parlerait plus français ».

Et le 17 octobre 2001, dans Le Monde, il renouvelle son appel et proclame « la survie du français, cause nationale » en s'interrogeant à nouveau publiquement : « Le français se trouvera-t-il un jour dans la situation de ces langues indiennes d'Amérique dont Chateaubriand disait que seuls les vieux perroquets de l'Orénoque en avaient gardé le souvenir » ?

Pour nous, pour notre culture, notre pays, la question est essentielle.

En refusant cette année les crédits de la francophonie, nous marquons notre volonté de ne pas céder à l'engourdissement, à la bureaucratisation qui guette. Parce qu'il s'agit de notre langue, de notre culture, mais aussi de la langue de ceux qui ont, avec nous, le français en partage, et qui, comme nous, croient à la nécessaire diversité culturelle, nous devons exiger avec force que la francophonie retrouve l'imagination, l'élan, la détermination qui assureront son avenir.

L'organisation gouvernementale de la francophonie s'articule entre deux pôles principaux, qui s'appuient chacun sur une administration différente.

La francophonie intérieure regroupe les actions qui concourent à la diffusion, à l'emploi, et à l'enrichissement de la langue française, et en particulier à l'application de la loi Toubon relative à la langue française. Ces questions relèvent du champ de réflexion du conseil supérieur de la langue française, placé auprès du Premier ministre. Les missions qui s'y rapportent sont du ressort du ministère de la culture et de la communication, et plus particulièrement de la délégation générale à la langue française et aux langues de France.

La francophonie extérieure comprend les actions qui tendent au rayonnement de la francophonie dans le monde, champ de réflexion par excellence du Haut conseil de la francophonie, présidé par le Président de la République qui en nomme les membres. Elle s'attache également à la politique de coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone. Ces actions relèvent du ministre des affaires étrangères, qui délègue cette compétence au ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

I. L'ACTION INTERNATIONALE DE LA FRANCE EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE

Même si plusieurs ministères, et en particulier le ministère de l'Education nationale, apportent leur participation à l'action internationale en faveur de la francophonie, celle-ci relève cependant, pour l'essentiel, du ministère des affaires étrangères, et plus particulièrement de deux de ses services.

La direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) est née de la fusion de l'ancienne Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères, et de la Direction du développement du ministère de la coopération. Elle a pour mission de mettre en oeuvre l'action culturelle de la France, et comporte une Direction de la coopération culturelle et du français, chargée, au plan bilatéral, à la fois de la promotion de la langue française et de la diffusion de la culture française. Au sein de cette direction, la sous-direction du français est plus particulièrement chargée des programmes et projets consacrés à l'enseignement et à l'emploi de la langue française.

Le poids financier des actions bilatérales conduites par la France en faveur de la francophonie est très difficile à évaluer. Selon les critères d'élection que l'on applique, il peut varier entre 1 et plusieurs milliards de francs. Ceux-ci correspondent notamment à la gestion des 440 établissements scolaires français à l'étranger, à l'animation du réseau des 162 établissements culturels et des alliances françaises répartis partout dans le monde, ainsi qu'à la politique d'octroi de bourses. Ceux-ci font l'objet d'une étude détaillée dans le rapport pour avis de notre collègue Mme Danièle Pourtaud, sur les crédits des relations culturelles extérieures.

Le service des affaires francophones est désormais le seul pôle administratif chargé du suivi de l'action multilatérale en faveur de la francophonie. A ce titre, il est plus particulièrement chargé d'assurer la préparation et le suivi des instances politiques de la francophonie, les relations avec les cinq « opérateurs » de la francophonie et la coordination avec l'ensemble des services officiels de la langue française.

A. LE FINANCEMENT DES ACTIONS RELEVANT DU SERVICE DES AFFAIRES FRANCOPHONES

Le service des affaires francophones est chargé de l'exécution des décisions prises à l'occasion des conférences des chefs d'Etat et de gouvernement dont les crédits transitent par le Fonds multilatéral unique.

Il dispose en outre d'une enveloppe de crédits destinés à apporter un appui financier à diverses associations oeuvrant en faveur de la francophonie.

1. Les subventions versées aux associations oeuvrant en faveur de la francophonie

Les subventions versées aux associations se sont élevées, en 2000 et en 2001, à environ 8,1 millions de francs.

L'enveloppe budgétaire qui leur est consacrée n'est plus que de 580 166 euros (3,8 millions de francs) dans le projet de budget pour 2002. Cette contraction n'est cependant qu'apparente. Elle résulte de la décision de regrouper au sein du Fonds multilatéral unique l'ensemble des crédits budgétaires consacrés à l'Agence universitaire de la francophonie, en y intégrant les deux enveloppes budgétaires qui faisaient encore l'objet d'une imputation distincte :

- les 2,8 millions de francs correspondant au loyer des locaux parisiens de l'Agence ;

- les 1,5 million de francs consacrés au financement du Fonds international de coopération universitaire (FICU).

Par-delà cette opération purement comptable, les crédits consacrés à l'appui aux associations sont, dans le projet de budget 2002, reconduits au même niveau qu'en 2001. C'est le cas, en particulier de la subvention versée à l'Assemblée parlementaire de la francophonie qui disposera en 2002, comme en 2001, d'un budget de 850 000 francs (130 000 euros).

2. La participation française au financement des opérateurs de la francophonie : les incertitudes liées à l'annulation du sommet de Beyrouth.

Le financement de quatre des opérateurs de la francophonie que sont l'Agence de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie, l'Assemblée internationale des maires francophones et l'université Senghor d'Alexandrie est assuré par le Fonds multilatéral unique qui, comme son nom l'indique, regroupe les contributions des différents Etats membres de la francophonie.

Le montant de ces contribution est arrêté, pour un biennum , c'est-à-dire pour deux années, à l'occasion des conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant en commun l'usage de la langue française.

Le sommet de Hanoï en 1997 avait ainsi défini le montant des engagements pris par les Etats pour les années 1998 et 1999 et le sommet de Moncton, en 1999, pour les années 2000 et 2001.

Il appartenait au sommet de Beyrouth, prévu pour le mois d'octobre dernier et à la conférence ministérielle qui devait le suivre, d'arrêter le montant des contributions de la France et de ses partenaires pour les exercices budgétaires 2002 et 2003.

Son report contrarie ce calendrier, et il faudra attendre la tenue de la conférence ministérielle, qui pourrait se tenir à Paris, dans les mois à venir, pour prendre les décisions qui s'imposent.

Il est donc impossible à votre rapporteur, en l'état actuel des choses, de vous préciser le montant de la contribution française au fonds multilatéral unique pour 2002. Au cours de son audition, le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a indiqué à votre commission que son montant serait, à tout le moins, égal à celui des deux précédents exercices . Votre rapporteur constate en effet que, si l'on met à part l'effet optique résultant du transfert évoqué plus haut, le projet de budget pour 2002 reconduit les crédits consacrés par le ministre des affaires étrangères au Fonds multilatéral unique au niveau qu'il avait atteint en 2001, soit 36,8 millions d'euros.

Le tableau ci-après indique, à titre indicatif, la répartition de cette enveloppe budgétaire entre les différents opérateurs de la francophonie en 2000 et 2001.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DU SERVICE DES AFFAIRES FRANCOPHONES ENTRE LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE

(en millions de francs)

(en millions d'euros)

2001 : affectation crédits

service des affaires francophones

Montant

Agence de la francophonie (AIF)

98,3

(14,99)

Agence universitaire de la francophonie (AUF)

118,5

(18,07)

Association internationale des maires de villes francophones (AIMF)

9

(1,37)

Université Senghor

11,5

(1,75)

Total

237,3

(36,18)

La volonté de renforcer les programmes en faveur de la promotion de l'Etat de droit et de la démocratie pourrait conduire, en 2002 et 2003, à renforcer le montant des crédits affectés à l'Agence de la francophonie, pour un montant qui n'est, semble-t-il pas encore arrêté.

Le transfert au Fonds multilatéral unique (FMU) des enveloppes financières qui faisaient l'objet d'une imputation budgétaire distincte, provoquera en outre une augmentation purement optique des crédits consacrés à l'Agence universitaire de la francophonie.

3. La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale

La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale s'est élevée à 760 millions de francs (116 millions d'euros) en 2001.

Elle transite, pour une large proportion par le Fonds multilatéral unique, sans exclure l'existence d'autres mécanismes de financement particuliers.

a) La part prépondérante de la contribution française dans le fonds multilatéral unique

Le report du sommet de Beyrouth ne permet pas de connaître avec précision les montants qu'atteindront, lors du prochain biennum, l'enveloppe globale annuelle du Fonds multilatéral unique et le montant de la contribution française.

On récapitulera cependant à titre indicatif les données afférentes aux trois derniers biennums.

Le tableau ci-dessous présente l'évolution globale des enveloppes budgétaires affectées au Fonds multilatéral unique pour les trois derniers biennums, ainsi que la répartition de ces crédits entre les différents opérateurs de la francophonie. Il fait apparaître une progression de 21 % entre le biennum 1996-1997 et le biennum 1998-1999 suivie d'une légère contraction de 3 % pour le biennum 2000-2001. La progression des crédits sur les six dernières années a principalement profité à l'Agence internationale de la francophonie dont les crédits sont passés de 142,5 à 194 millions de francs soit une progression de 36 %.

ENVELOPPES BUDGETAIRES ANNUELLES DU FMU

Affectation

Biennum 1996-1997

Biennum 1998-1999

Biennum 2000-2001

Agence de la francophonie

142,5

(21,72)

205,6

(31,34)

194

(29,58)

Agence universitaire de la francophonie

144,9

(22,09)

144,8

(22,07)

146,1

(22,27)

Université Senghor

13,8

(2,10)

12,4

(1,89)

12,1

(1,84)

Association internationale des maires de villes francophones

12

(1,83)

14,1

( 2,15)

14,1

(2,15)

TOTAL FMU

313,2

(47,75)

377

(57,47)

366,3

(55,84)

(en millions de francs)

(en millions d'euros)

La France est son premier bailleur de fonds, et sa contribution, d'un montant de 283,5 millions de francs, a représenté au cours du biennum 2000-2001, plus de 77 % du financement du Fonds multilatéral unique, devant les contribution du Canada (17 %) et celle de la Communauté française de Belgique (4 %).

Le tableau ci-dessous présente l'évolution de la contribution française et sa répartition entre les opérateurs de la francophonie. Elle permet de vérifier que la progression de 40 millions de francs de la contribution française entre 1996-1997 et 1998-1999 s'est concentrée sur l'Agence internationale de la francophonie ; la progression plus modeste de 2,5 millions de francs entre le biennum 1998-1999 et le biennum 2000-2001 a bénéficié en revanche à l'Agence universitaire de la francophonie.

CONTRIBUTIONS ANNUELLES DE LA FRANCE AU FMU

(en millions de francs)

(en millions d'euros)

Affectation

Biennum 1996-1997

Biennum 1998-1999

Biennum 2000-2001

AIF

82

(12,50)

122,5

(18,68)

122,5

(18,68)

AUF

135

(20,58)

135

(20,58)

137,5

(20,96)

Senghor

11,5

(1,75)

11,5

(1,75)

11,5

(1,75)

AIMF

12

(1,83)

12

(1,83)

12

(1,83)

TOTAL FMU

240,5

(36,66)

281

(42,84)

283,5

(43,22)

b) Les crédits de la francophonie multilatérale hors FMU

D'autres financements destinés aux opérateurs de la francophonie ne transitent pas par le Fonds multilatéral unique.

Il s'agit, en premier lieu de la contribution du ministère des affaires étrangères au financement de TV5 qui passe de 337 à 384,7 millions de francs (51,3 à 58,6 millions d'euros) en hausse de 14 %.

D'autres crédits, de moindre montant sont destinés à assurer le financement de :

- la contribution statutaire de 70 millions de francs (10,6 millions d'euros) versée par la France à l'Agence internationale de la francophonie, à laquelle s'ajoute la prise en charge à hauteur de 1,15 million de francs (176 000 euros) de l'Ecole de la francophonie à Bordeaux ;

- la subvention de 8 millions de francs (1,2 million d'euros) destinée aux programmes et au fonctionnement des deux conférences ministérielles spécialisées de la francophonie, la conférence des ministres de la jeunesse et des sports et la conférence des ministres de l'éducation (CONFEJES et CONFEMEN).

- la subvention de 4,13 millions de francs (0,63 million d'euros) au comité international des jeux de la francophonie.

B. L'ACTION DE LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE : LE RÔLE CENTRAL DES SOMMETS

Le report du sommet de Beyrouth et ses conséquences immédiates démontrent, a contrario, à quel point les « sommets » de la francophonie jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement de la francophonie multilatérale, qu'il s'agisse de fixer les grandes orientations, ou de déterminer les moyens dont disposent les opérateurs de la francophonie qui sont chargés de la mise en oeuvre de ses décisions.

1. Les sommets de la francophonie

Les « Conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage », initialement appelées sommets francophones, constituent l'instance de décision suprême de la francophonie.

Elle s'appuient sur la Conférence ministérielle de la francophonie (CMF) , qui est composée des ministres des affaires étrangères ou de la francophonie et qui doit veiller à l'exécution des décisions prises par les sommets, ainsi que sur le Conseil permanent de la francophonie (CPF), composé des représentants des chefs d'Etat et de gouvernement, qui est plus particulièrement chargé de la préparation et du suivi des sommets.

Ces organes se réunissent tous les deux ans .

a) Le rôle des sommets dans l'émergence d'une francophonie politique

Des réunions entre les chefs d'Etat francophones se sont régulièrement tenues dès les années soixante. Toutefois, la pratique ne s'en est institutionnalisée que dans le courant des années quatre-vingt.

Elles ont permis à la francophonie de se doter progressivement des institutions nécessaires à son action et d'enrichir sa vocation, d'abord essentiellement linguistique et culturelle, par une dimension politique fortement axée sur l'approfondissement de la démocratie et le respect des droits et libertés.

Le premier sommet, qui s'est tenu à Paris et à Versailles en février 1986 , a réuni 41 chefs d'Etat et de gouvernement qui ont adopté 28 résolutions.

Le deuxième sommet, organisé en octobre 1987, arrêta la liste des secteurs prioritaires de la francophonie, décida l'institutionnalisation des sommets, ainsi que la création d'une université francophone et d'un centre d'échanges multinationaux d'actualités francophones.

C'est au cours du sommet de Dakar, en 1989 , que la francophonie a commencé de porter une attention particulière à la nécessité d'une démocratisation des régimes politiques, en apportant son soutien aux processus de nature à favoriser l'Etat de droit, la démocratie, et les droits de l'homme.

Le sommet de Chaillot, en novembre 1991 , qui regroupa une cinquantaine de pays, décida la création de nouvelles institutions et confirma l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) dans son rôle d'opérateur principal et de secrétariat des instances de la francophonie.

Le sommet tenu à l'Ile Maurice en octobre 1993 insista sur la place de l'économie dans la culture des peuples et définit les paramètres d'une coopération économique entre les pays membres de la francophonie. Jouant ainsi un rôle précurseur dans la lutte contre l'uniformisation culturelle, il adopta une résolution sur « l'exception culturelle ». Il insista sur les liens qui unissent démocratie et développement. Il remplaça en outre l'appellation de « sommet » par celle de « conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage ».

Souhaitant renforcer la dimension politique de la francophonie sur la scène internationale, la conférence de Cotonou, en décembre 1995 , décida la création d'un poste de secrétaire général de la francophonie , transforma l'agence de coopération culturelle et technique (ACCT) en Agence de la francophonie , ou agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) avec à sa tête un administrateur général et révisa la charte de l'ACCT pour l'ériger en charte de la francophonie. Sa résolution finale invitait, en outre, les pays membres à ratifier les conventions des Nations Unis relatives aux droits de l'homme, et celles, spécifiques, portant sur les femmes et sur les enfants.

La septième conférence, organisée en 1997 à Hanoï , marqua l'ouverture de la francophonie au continent asiatique et conféra à la francophonie sa pleine dimension politique en l'érigeant en organisation internationale à part entière.

Elle reconnut également à l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) le rôle d'Assemblée consultative de la francophonie.

Les représentants des 49 Etats et gouvernements membres élurent pour quatre ans M. Boutros-Ghali au poste de secrétaire général de la francophonie et travaillèrent sur le thème de la prévention des conflits et du respect des droits de la personne.

Enfin, le huitième sommet, qui réunissait 52 chefs d'Etat et de gouvernement de pays membres ou de pays observateurs, s'est tenu à Moncton , au Canada en septembre 1999 .

b) Le tournant des derniers sommets
(1) Le sommet de Hanoï : une grande réforme institutionnelle

Les principales réformes apportées par le sommet de Hanoï ont été la nomination d'un secrétaire général de la francophonie, le renforcement du conseil permanent de la francophonie, et la réforme de l'agence de la francophonie.

* Le secrétaire général de la francophonie est élu pour quatre ans par les chefs d'Etat et de gouvernement auxquels il rend compte ; il préside le conseil permanent de la francophonie ; il est le porte-parole politique et le représentant officiel de la francophonie sur la scène internationale, et le plus haut responsable de l'agence de la francophonie (AIF).

Dès sa nomination, M. Boutros-Ghali s'est attaché à promouvoir l'image de la francophonie, à multiplier les échanges avec d'autres organisations internationales, et à rapprocher la francophonie d'autres aires linguistiques, en particulier l'arabophonie, la lusophonie et l'hispanophonie, dans le cadre d'une défense commune de la diversité culturelle et linguistique.

Il a également encouragé la francophonie à accompagner les processus électoraux dans l'espace francophone par le biais de missions d'observation conduites par la francophonie à titre exclusif ou mises en place conjointement avec les Nations Unies, l'Organisation de l'Unité africaine, le Commonwealth ou la Ligue des Etats arabes.

Enfin, il a également permis à la francophonie de contribuer à la recherche de solutions dans des situations de crise : participation de M. Lebatt, ancien ministre des affaires étrangères de Mauritanie, en qualité d'observateur aux pourparlers d'Arusha, au Burundi (à partir de janvier 2000) ; mission d'information en Côte d'Ivoire du président Zinsou et de M. Stéphane Tagrov, ambassadeur de Bulgarie en France (en octobre 2000) ; mission de M. Ide Oumarou, ancien secrétaire général de l'OUA, au Togo en juillet 2000 ; mission d'information en Haïti de M. Ridha Bouabid, directeur de la représentation permanente de l'organisation internationale de la francophonie à l'ONU, à l'occasion du second tour des élections législatives en juillet 2000 ; mission d'écoute et d'information d'André Salifou, ancien ministre des affaires étrangères du Niger aux Comores, à compter de 2000 ; mission d'écoute d'information et de bonne volonté de M. Alioune Séna, ancien ambassadeur du Sénégal en Centrafrique en 1999 et en 2000.

C'est également sous la responsabilité du secrétaire général de la francophonie que se sont déroulées l'évaluation de l'Agence universitaire de la francophonie en 1999 puis celles de l'Université Senghor d'Alexandrie et de l'Agence intergouvernementale.

* Le conseil permanent de la francophonie (CPF) est désormais composé des représentants personnels de tous les chefs d'Etat et de gouvernement et non plus seulement de 18 d'entre eux comme auparavant. Cette réforme a contribué à asseoir le caractère représentatif de cette instance.

En outre, c'est le conseil permanent de la francophonie qui, tout en conservant sa mission initiale de préparation et de suivi des sommets, siège comme conseil d'administration de l'agence. Auparavant, c'était la conférence ministérielle qui remplissait ce rôle mais ses réunions n'étaient pas assez fréquentes pour assurer un fonctionnement satisfaisant.

* L'agence internationale de la francophonie a fait l'objet d'une réorganisation visant à accroître son efficacité tout en diminuant ses coûts de fonctionnement. Ce projet de réforme a été adopté par la Conférence ministérielle de la francophonie qui s'est tenue à Bucarest les 4 et 5 décembre 1999. Il vise pour l'essentiel à supprimer l'échelon des directions générales pour lui substituer celui des directions (10 directions fonctionnelles et 2 de gestion).

L'organigramme adopté au terme de cette réforme répond à une volonté de simplifier la hiérarchie, et s'est efforcé de réduire le nombre de directions en s'attachant à faire correspondre un bloc de compétences à chaque unité de gestion, avec une attention particulière portée aux directions de pilotage, d'administration et de contrôle de gestion.

* L'Assemblée internationale des parlementaires de langue française a été reconnue dans la charte de la francophonie, comme l'Assemblée consultative de la francophonie .

(2) Le plan d'action de Moncton

Le sommet de Moncton n'a souhaité prendre aucune décision institutionnelle, après les avancées réalisées aux deux sommets précédents ; il a cependant permis d'engager la réforme de l'agence universitaire de la francophonie et d'engager un processus d'évaluation qui doit être étendu à l'ensemble des opérateurs de la francophonie.

Revenant sur le thème de la diversité culturelle , il a décidé de mettre en place un processus de concertation entre pays francophones pour accompagner l'ouverture du cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle. Il a en outre retenu le dialogue des cultures comme thème pour le sommet de Beyrouth.

Le sommet de Moncton a été également l'occasion de réaffirmer les exigences posées par l'organisation internationale de la francophonie en matière de respect des droits de l'homme et de défense de la démocratie . Sur proposition de la France, les membres de la francophonie ont décidé d'organiser l'année suivante un symposium permettant de tracer le bilan des pratiques de la démocratie et des droits de l'homme dans les pays membres. La Conférence ministérielle qui s'est tenue en nombre 1999 à Paris, a précisé que ce symposium ne devrait pas se limiter à un simple constat mais devrait aboutir à des propositions concrètes.

(3) La déclaration de Bamako : un texte fondateur

Ce symposium qui réunissait les ministres et chefs de délégation des pays de la francophonie, s'est tenu au mois de novembre 2000 à Bamako .

Il s'est conclu par l'adoption d'une déclaration qui marque un véritable tournant dans l'engagement de la francophonie en faveur de la démocratie. Par les objectifs qu'il se fixe, les engagements qu'il prend, et les mesures qu'il envisage, il prend la valeur d'un véritable texte fondateur.

Partant du constat que le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone au cours de ces dix dernières années, comporte des acquis indéniables, mais qu'il présente aussi des insuffisances et des échecs, les délégués des Etats et gouvernements membres de la francophonie se sont engagés dans cette déclaration à consolider l'Etat de droit, à tenir des élections libres, fiables et transparentes, et à promouvoir une véritable culture démocratique, ainsi que le respect des droits de l'homme.

Les principes fondamentaux autour desquels se rejoignent les membres de la francophonie apportent un témoignage très positif des résultats auxquels peut parvenir le dialogue mené au sein des enceintes francophones. Le fait que des représentants d'Etat et de gouvernements, provenant d'horizons politiques, géographiques et culturels différents puissent cependant se retrouver autour d'une conception commune de la démocratie constitue, au regard de l'histoire, une avancée dont on n'a peut-être pas encore suffisamment mesuré l'importance.

La déclaration de Bamako proclame en effet que « Francophonie et démocratie sont indissociables » et que « la francophonie fait de l'engagement démocratique une priorité ».

Elle décrit la démocratie comme un système de valeurs universelles , fondé sur la reconnaissance du caractère inaliénable de la dignité et de l'égale valeur des êtres humains.

Si elle proclame qu' « il n'y a pas de mode d'organisation unique de la démocratie » et que celle-ci doit s'inscrire dans les réalités spécifiques de chaque peuple, elle n'en manque pas moins un consensus autour d'un certain nombre de traits constitutifs des régimes démocratiques :

- l'Etat de droit , qui implique la soumission de l'ensemble des institutions à la loi, la séparation des pouvoirs, le libre exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'égalité devant la loi ;

- la tenue, à intervalles réguliers d' élections libres, fiables et transparentes , l'absence de modifications arbitraires du régime électoral ;

- le pluralisme des partis politiques , égaux en droit et libres dans leur expression, complété par un statut de l'opposition exclusif de tout ostracisme ;

- une pratique du dialogue à tous les niveaux entre citoyens comme entre partenaires sociaux, entre partis politiques, ou encore dans les relations entre l'Etat et la société civile.

L'engagement de la francophonie en faveur de la démocratie s'appuie en outre sur l'expression d'un certain nombre de convictions communes :

- que la démocratie est le régime qui favorise le mieux la stabilité à long terme et la sécurité juridique ;

- que le climat de liberté qu'elle suscite favorise la mobilisation volontaire de la population en faveur du développement ;

- que les principes démocratiques doivent également imprégner les relations internationales ;

- que, pour préserver la démocratie, la francophonie doit condamner les coups d'Etat, et tout autre forme de prise du pouvoir par la violence, par les armes, ou par quelque autre moyen illégal.

Le programme d'action , annexé à la déclaration de Bamako, devait formellement être adopté lors du sommet de Beyrouth ; le report de ce dernier ne doit cependant pas distraire la francophonie des efforts destinés à sa mise en oeuvre. Ce programme décline une série de mesures qui s'organisent autour de quatre objectifs.

Le premier de ces objectifs est la consolidation de l'Etat de droit . Il passe par un renforcement des institutions de l'Etat de droit et de garanties apportées à leur indépendance. Il porte, à ce titre, une attention particulière au renouveau de l'institution parlementaire, à l'indépendance de la magistrature et à la liberté du barreau ainsi qu'à l'impartialité et à l'efficience des organes de contrôle. Doivent entrer, dans ce cadre, des missions de perfectionnement à l'intention des acteurs locaux, la réorganisation des services de documentation des Parlements, et des actions de coopération interparlementaire.

Le second de ces objectifs est la « tenue d'élections libres, fiables et transparentes » . Il passe par l'établissement d'un état-civil et de listes électorales fiables, par la formation du personnel électoral, et par un appui public au financement des campagnes électorales.

Le troisième objectif est de parvenir à une « vie politique apaisée » , ce qui suppose un large consensus national autour de l'adoption des textes fondamentaux régissant la vie publique, une participation de tous les partis politiques à la vie politique nationale et locale, la mise en place d'une démocratie locale, des modes pacifiques de règlement des différends, la prise en compte des autorités morales traditionnelles et des représentants de la société civile, et le respect de la liberté de la presse.

Le quatrième et dernier volet a trait à la « promotion d'une culture démocratique intériorisée » . Il préconise la ratification des principaux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme, l'adoption des mesures permettant de poursuivre et sanctionner les auteurs de violations graves de ces droits, et l'instauration de mesures appropriées en faveur du respect des minorités.

Enfin, la francophonie s'est dotée, avec la déclaration de Bamako, d'un texte normatif précisant les procédures à engager en cas de crise de la démocratie ou de violations graves des droits de l'homme . Suivant la gravité des faits, les mesures suivantes sont envisagées ;

- l'envoi, par le secrétaire général, de facilitateurs ou d'observateurs judiciaires ;

- une condamnation publique par le conseil permanent de la francophonie exigeant le rétablissement de l'ordre constitutionnel ou l'arrêt des violations des droits ;

- après que sont connus les résultats de la mission d'information envoyée par le secrétaire général, la conférence ministérielle peut, en outre, prendre une série de sanctions qui vont jusqu'à la « suspension du pays concerné » . Celle-ci est décidée, en particulier, en cas de coup d'Etat militaire dirigé contre un régime issu d'élections démocratiques.

Cette dernière décision avait été vivement souhaitée par l'Assemblée parlementaire de la francophonie, qui a eu a coeur de la mettre en pratique, non sans un courage politique qui n'a sans doute pas été suffisamment remarqué.

C'est ainsi qu'elle a prononcé la suspension des sections de la République démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, des Comores, du Rwanda et de la Côte d'Ivoire. Il est à noter que ces sections ont été suspendues à titre provisoire, et que leur réintégration est de droit en cas d'élections libres et transparentes. Ainsi, la section du Niger est-elle redevenue membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie après les dernières élections législatives, tout comme celle de la Côte d'Ivoire, réintégrée en juillet 2001.

Il faut rappeler qu'avant même la tenue du symposium de Bamako, l'Assemblée parlementaire de la francophonie avait adopté une recommandation proposant que les dirigeants des pays parvenus au pouvoir en renversant par la force les institutions, ne soient plus invités aux sommets de la francophonie. L'Assemblée parlementaire de la francophonie a donc joué, en ce domaine, un rôle précurseur qu'il convient de souligner.

(4) Le report du sommet de Beyrouth

Le prochain sommet de la francophonie devait se tenir à Beyrouth en octobre 2001. Les événements dramatiques du mois de septembre, et la dégradation de la situation au Moyen-Orient ont conduit à en décider le report.

Cette décision est compréhensible. Elle est sans doute raisonnable. Mais comment ne pas éprouver, cependant, une pointe de regret, alors que le thème central autour duquel devaient s'organiser les débats -le « dialogue entre les cultures » - prend dans le contexte international présent une troublante actualité ?

La réunion à Beyrouth, de chefs d'Etat et de gouvernement démontrant, par leur participation, la possibilité d'un dialogue entre des peuples issus d'horizons différents, n'aurait-elle pas constitué la plus belle des réfutations que la francophonie pouvait opposer aux tenants du « choc des civilisations » ? La prudence l'a emporté, il faut s'y rallier, au moins par raison, bien persuadé, au demeurant que le « dialogue entre les cultures » restera, et sans doute pour longtemps, un des enjeux cruciaux qui décidera de la paix ou de la guerre dans le siècle qui s'ouvre devant nous, dans toute sa nouveauté saisissante.

Le sommet de Beyrouth devait être en outre l'occasion de confirmer les principes adoptés lors du symposium de Bamako, en faveur de l'enracinement de la démocratie, ou lors de la Conférence des ministres de la culture de Cotonou, en juin 2000, relatif à la promotion de la diversité culturelle. Le sommet devait en outre faire le point sur la réforme institutionnelle engagée en 1997 à Hanoï, et adopter un plan d'action précisant les objectifs de la programmation des opérateurs de la francophonie pour le biennum 2002-2003. Enfin, il devait procéder à l'élection du secrétaire général de la francophonie.

A l'occasion de son audition devant la commission, votre rapporteur a interrogé le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur les conséquences pratiques du report du sommet de Beyrouth.

D'après les réponses qui lui ont été apportées, le report du sommet de Beyrouth ne devrait pas avoir d'incidences sur le développement de la francophonie multilatérale ni sur la programmation de ses opérateurs ; celle-ci sera adoptée, comme pour chaque biennum, par une conférence ministérielle qui doit se tenir à Paris dans les prochaines semaines ; cette conférence prorogera également le mandat du secrétaire général de la francophonie jusqu'à la tenue du prochain sommet. Celui-ci doit se tenir à Ouagadougou, à la date qu'auront fixée les chefs d'Etat mais qui pourrait avoir lieu à la fin de 2003 ou au printemps 2004.

Le ministre délégué a indiqué, en outre, qu'une réflexion était actuellement en cours sur une éventuelle modification de la programmation de la francophonie : alors que celle-ci s'effectue actuellement sur une base biennale, elle pourrait en effet porter à l'avenir sur une période de quatre ans, ponctuée, à mi-parcours, par des rapports d'évaluation qui permettraient, le cas échéant, d'opérer les ajustements nécessaires.

Quant aux conclusions de la conférence de Bamako, qui devaient être confirmées par les chefs d'Etat et de gouvernement, elles n'en continueront pas moins d'inspirer l'action de la francophonie.

2. Les opérateurs de la francophonie

Les opérateurs de la francophonie sont au nombre de cinq. Ils font l'objet d'un financement international. Quatre d'entre eux sont financés par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique : l'Agence de la francophonie, l'Agence universitaire de la francophonie, l'Université Senghor d'Alexandrie et l'Association des maires et responsables de capitales et métropoles francophones. Le cinquième, TV5, fait l'objet d'un financement distinct.

a) L'Agence de la francophonie

Créée par la Convention de Niamey du 20 mars 1970, l'Agence internationale de la francophonie dont on vient de célébrer le 30è anniversaire est l'unique opérateur intergouvernemental de l'organisation internationale de la francophonie. Elle regroupe aujourd'hui 49 Etats et gouvernements. Son siège est implanté à Paris, mais elle dispose également de deux organes subsidiaires : l'institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation installé à Bordeaux, et l'institut de l'énergie et de l'environnement, situé au Québec.

ÉVOLUTION DU BUDGET DE L'AGENCE
AU COURS DES QUATRE DERNIÈRES ANNÉES

(en millions de francs)

(en million d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

RECETTES

dont

378,71

(57,73)

390,77

(59,57)

415,01

(63,27)

421,13

(64,20)

Contributions statutaires

155,71

(23,74)

160,77

(24,51)

164,79

(25,12)

168,9

(25,75)

Contributions FMU

199

(30,34)

199

(30,34)

207

(31,56)

207

(31,56)

Autres ressources

24

(3,66)

31

(4,73)

43,23

(6,59)

45,23

(6,90)

DEPENSES

dont

378,71

(57,73)

390,77

(59,57)

450,85

(68,73)

455,43

(69,43)

Secrétariat général

20,10

(3,06)

20,40

(3,11)

23,65

(3,61)

24,40

(3,72)

Fonctionnement

94,86

(14,46)

97,2

(14,82)

117,06

(17,85)

120,97

(18,44)

Programmation

263,75

(40,21)

272,65

(41,57)

310,04

(47,27)

310,04

(47,27)

SOLDE

0

0

-34,84

(-5,31)

- 34,3

(-5,23)

Il n'est pas possible d'établir un budget prévisionnel de l'Agence pour le biennum 2002-2003 en raison du report du sommet de Beyrouth.

Au cours de son audition, le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a indiqué toutefois que la France devrait, au cours de la conférence ministérielle budgétaire de Paris, reconduire sa contribution au niveau qu'elle a atteint au cours du biennum 2000-2001 ajoutant cependant qu'il serait utile de renforcer au cours du prochain biennum les concours apportés aux programmes conduits par l'agence internationale de la francophonie en faveur de l'état de droit et de la démocratie de façon à répondre aux attentes légitimes suscitées par le symposium de Bamako.

Deux programmes conduits par l'Agence méritent une mention particulière.

• Le fonds francophone des inforoutes a été lancé en 1997, par le sommet de Hanoï.

Il poursuit un objectif linguistique et culturel en améliorant la présence du français sur les réseaux de l'internet, et un objectif de développement à travers la démocratisation de l'accès à l'internet dans les pays du sud francophones.

Logé à l'agence de la francophonie, mais disposant d'une large autonomie, le fonds est administré par un gestionnaire placé sous l'autorité d'un comité directeur composé des représentants des 12 Etats bailleurs de fonds (dont quatre Etats africains : le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Gabon et le Sénégal).

Le fonds procède par appel d'offres. Les décisions de financement, plafonnées à 200 000 F (30 500 euros), ne peuvent excéder 70 % du montant total des projets. Elles sont arrêtées par le comité directeur, après avis des comités d'experts. Le fonds a déjà lancé sept appels à proposition et accepté de financer 118 projets sur les 726 dossiers examinés. Il dispose d'un budget prévisionnel de 40 millions de francs par an .

Les engagements pris par la France au sommet d'Hanoï pour les exercices 1998 et 1999 s'élèvent à 21,5 millions de francs (3,3 millions d'euros). Ils ont été portés à 23 millions de francs pour les exercices 1998 et 1999 mais, les versements restent, en pratique, inférieurs d'un tiers à ce montant, en raison des retards pris par certains ministères dans le règlement de leur participation. Il est à souhaiter que la situation de ces décaissements s'améliore car les premières évaluations de projets conduites en marge de la conférence de Bamako en février 2000 semblaient encourageantes, même si l'on constate un certain tassement du nombre de dossiers , et plus encore des financements, en particulier pour 2001.

RÉCAPITULATIF FFI

(en millions de francs)

(en millions d'euros)

Appel d'offre

Nombre de dossiers présentés

Nombre de dossiers financés

Montant du financement

1 er et 2è - 1998

n.c.

45

20,7
(3,16)

3è - 1999

n.c.

18

9,2
(1,40)

4è - 1999

120

16

8,5
(1,30 €)

5è - 2000

102

17

7,5
(1,14)

6è - 2000

89

14

7,5
(1,14)

7è - 2001

76

8

3,3
(0,50)

TOTAL

726

118

56,7
(8,64)

• Le plan de relance du français dans les organisations internationales, également lancé en 1997 au sommet de Hanoï est géré par l'Agence de la francophonie. La France en est le principal contributeur, et y a consacré 24 millions de francs (3,66 millions d'euros) en 2000 et 2001.

Il est destiné à renforcer la présence des francophones et de la langue française dans les enceintes internationales et comprend quatre volets principaux :

(1) Le programme des jeunes experts associés

Le programme des jeunes experts associés qui absorbe à lui seul 15 millions de francs a pour objet de placer, chaque année, au sein des organisations internationales, pour une durée de deux ans, une vingtaine de jeunes experts ressortissants des pays francophones, à des postes jugés stratégiques pour la francophonie, avec l'espoir de les voir ensuite recrutés directement par les organisations internationales. Le placement des jeunes experts n'a véritablement pu commencer qu'en 1999, et à ce jour seuls une quarantaine d'experts ont été mis à disposition. Majoritairement issus du continent africain, ils occupent principalement des postes à l'Organisation des Nations Unies, et dans ses agences spécialisées.

(2) La formation à la fonction publique internationale

Cette formation est un programme destiné à apporter à ses auditeurs une bonne connaissance du fonctionnement des organisations internationales afin de faciliter leur accès à des emplois dans la fonction publique internationale. Il est ouvert chaque année à une quinzaine de jeunes cadres des secteurs publics et privés des pays francophones, en particulier à des ressortissants francophones des pays d'Europe Centrale et orientale. Les auditeurs dont la formation est validée viennent alimenter le vivier des jeunes experts francophones.

Ce programme arrive à sa quatrième édition en 2001-2002 et donne apparemment d'excellentes résultats.

(3) Le fonds d'aide à la traduction et à l'interprétation simultanée (FATI)

Ce fonds est ouvert en priorité aux organisations non gouvernementales qui organisent des réunions sur des thèmes d'intérêt général, en leur apportant une aide au financement des frais d'interprétation ou de traduction. Lors du dernier biennum, les soutiens se sont principalement portés sur des réunions relatives au déminage, à la traçabilité des armes légères, et à des colloques juridiques.

(4) Le soutien à la concertation francophone

Le soutien à la concertation francophone permet, en assurant la prise en charge des délégués francophones des pays du Sud, d'assurer une présence des membres de la francophonie dans des réunions internationales où il importe que celle-ci soit représentée.

b) L'Agence universitaire de la francophonie

L'Agence universitaire de la francophonie est issue de l'ancienne association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF-UREF) fondée à Montréal en 1961 en vue de développer les échanges et la solidarité entre les universités de langue française. D'une quarantaine de membres en 1961, elle est passée à 403 membres en 2000 répartis sur le territoire des différents pays de l'organisation internationale de la francophonie. Il convient d'y ajouter encore les 353 départements d'études françaises d'établissements universitaires du monde entier.

D'abord simple association de recteurs et de présidents d'universités, elle a été érigée en 1989, au sommet de Dakar, en opérateur direct de l'organisation de la francophonie, statut qui a ensuite été confirmé dans la charte de la francophonie adoptée au sommet de Hanoï en 1997.

Son siège est établi à Montréal, et elle dispose de services centraux à Paris, et de 13 bureaux régionaux. Elle emploie 380 personnes, dont une cinquantaine à Paris et une trentaine à Montréal.

L'Agence universitaire de la francophonie est la première des institutions de la francophonie à avoir fait l'objet d'une évaluation externe , prélude à sa réforme et à son recentrage sur ses missions essentielles. Cette évaluation a été décidée dès le sommet de Hanoï, puis lancée par le secrétaire général de la francophonie à l'occasion de la conférence ministérielle de Bucarest, en décembre 1998. Les résultats en ont été communiqués aux membres de l'organisation internationale de la francophonie en juillet 1999.

L'évaluation de l'Agence a rapidement débouché sur une réforme en profondeur inscrite dans le plan d'action de Moncton. La nomination d'un nouveau recteur, Mme Michèle Gendreau-Massaloux, le 30 octobre 1999 a permis d'engager une première série de restructurations de fonctionnement de l'opérateur.

Le conseil d'administration qui s'est tenu à Montréal en février 2000 a décidé une première réorientation de l'agence vers ses champs d'action prioritaires. Pilotée par une commission consultative, celle-ci s'est traduite par une réforme des statuts, des programmes et de la gestion de l'Agence .

* Les nouveaux statuts ont reçu l'accord du conseil permanent et de la conférence ministérielle de la francophonie (CMF) de N'Djamena en février 2001 et ont été ensuite adoptés par l'Assemblée générale extraordinaire de l'Agence universitaire de la francophonie qui s'est réunie les 18 et 19 mai 2001 à Québec.

Ils confortent l'identité universitaire de l'Agence universitaire de la francophonie en clarifiant ses principes de fonctionnement et ses missions académiques, en confirmant le caractère universitaire de ses adhérents, et en renforçant le rôle de son conseil scientifique.

Ils clarifient par ailleurs le rôle d'opérateur de l'Agence universitaire de la francophonie et ses rapports avec l'Organisation internationale de la Francophonie et avec les Etats et gouvernements contributeurs. Ce nouveau partenariat se traduit par une représentation mieux équilibrée des Etats et gouvernements au sein d'un conseil d'administration restreint où ils disposent de 11 sièges sur 26, les 15 autres étant attribués aux universitaires. Au sein des organes de gestion, commission des finances et comité de gestion du nouveau fonds universitaire unique, ces deux groupes sont à parité

* La réforme des programmes a pour objet de recentrer l'Agence universitaire de la francophonie autour de quelques grandes orientations : le partage des savoirs, des savoir-faire et des technologies, le développement d'une philosophie des réseaux et le pari fait sur les nouvelles technologies. Depuis 2001, il a, en outre, été possible d'élaborer la programmation à partir des demandes universitaires locales.

* La réforme de la gestion de l'Agence universitaire de la francophonie s'est appuyée sur les conclusions d'un rapport d'audit réalisé au printemps 2000, et s'est traduite à la fois par une remise en ordre des services centraux assurant un meilleur équilibre entre le siège de l'association à Montréal et le rectorat de l'Agence à Paris, et par une déconcentration plus poussée au bénéfice des dix bureaux régionaux : ceux-ci assurent dorénavant 75 % des actions de programme.

L'ensemble des moyens budgétaires gérés par l'Agence universitaire de la francophonie et consacrés aux programmes sont dorénavant regroupés sur un fonds unique, intitulé Fonds universitaire de coopération et de développement. Le déficit de trésorerie, qui a considérablement diminué cette année, serait en voie de résorption.

Le financement accordé à l'Agence universitaire de la francophonie par la France, pour la mise en oeuvre de ses programmes, s'est élevé en 2001 à 137,5 millions de francs et représente 79 % des contributions gouvernementales et 73 % de l'ensemble de ses ressources.

c) L'Université Senghor d'Alexandrie

L'Université francophone d'Alexandrie est un établissement d'enseignement supérieur, créé en 1989, dont la vocation est la formation de spécialistes de haut niveau dans quatre disciplines-clefs du développement africain : administration-gestion, nutrition-santé, gestion de l'environnement et gestion du patrimoine culturel. L'enseignement se déroule sur deux ans , avec un stage en situation de trois mois. Les candidats sont sélectionnés sur dossier, puis par voie de concours. A l'issue de deux années de formation, ils obtiennent un diplôme de troisième cycle, le diplôme d'études professionnelles approfondies, reconnu par le conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur.

Une évaluation externe de l'Université a été lancée par le secrétaire général de la francophonie, le 16 novembre 2000 et ses conclusions en ont été communiquées au conseil permanent de la francophonie de mars 2001.

Les quatre experts, un Camerounais, une Québécoise, un Ivoirien et un Français, ont considéré que l'Université est un établissement d'enseignement supérieur de qualité, qui remplit convenablement sa mission de formation, et répond à un besoin réel. Ils ont plus particulièrement apprécié la neutralité de sa procédure de sélection, sa capacité à développer chez ses auditeurs le sens de l'initiative individuelle et de l'intérêt général, ainsi qu'un sentiment d'appartenance à l'institution.

Ils ont toutefois formulé des critiques sévères sur les insuffisances de la gestion et de l'administration, déjà dénoncées par le commissaire aux comptes du Fonds multilatéral unique en avril 2000 ; sur le caractère inapplicable des statuts ; sur des déséquilibres de fonctionnement qui tiennent à une concentration excessive du pouvoir de décisions entre les mains du seul recteur ; et enfin à une dérive des coûts d'autant plus choquante que depuis 1992, le nombre d'étudiants a été ramené à 40 par an.

Ces critiques rejoignent les observations formulées par votre rapporteur dans son précédent rapport pour avis.

Il tient à rappeler que la France, dont les contributions s'élèvent à 11,5 millions de francs (1,75 million d'euros), regroupés depuis 2001 sur le Fonds multilatéral unique, reste de loin le principal contributeur de l'université. Le Canada prend en charge la mise à disposition d'un directeur de département, et le Québec, le coût de quelques sessions de conférence, pour un montant total de 2,3 millions de francs (0,35 million d'euros).

Au regard de ce budget plutôt conséquent, le nombre des auditeurs paraît assez réduit, particulièrement depuis la décision prise par le recteur en 1994 de ne plus assurer la formation que d'une seule promotion tous les deux ans.

EFFECTIFS DES DEUX DERNIÈRES PROMOTIONS DE L'UNIVERSITÉ SENGHOR

 

Section administration

gestion

Section

Gestion

environnement

Section

Nutrition

Santé

Section

Gestion du patrimoine culturel

Total

6è promotion 1997-1999

32

26

16

12

86

7è promotion 1999-2001

26

25

11

17

79

Si, dans une approche très globale on rapproche le budget de fonctionnement de l'université et l'effectif des promotions d'étudiants qu'il forme, on obtient une dépense par étudiant de plus de 186 000 francs pour l'année universitaire 1999-2000.

A titre de comparaison, le ministère de l'éducation nationale évalue, en France, la dépense globale financée par l'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et les ménages à 41 200 francs en moyenne par étudiant universitaire (IUT et écoles d'ingénieurs universitaires non compris) : 55 900 francs en moyenne par étudiant des IUT ; et à 77 800 francs en moyenne, par élève des écoles d'ingénieurs universitaires.

La dépense moyenne occasionnée par un auditeur de l'université Senghor représente quatre fois et demi la dépense moyenne occasionnée par un étudiant universitaire, et deux fois et demi la dépense moyenne occasionnée par un élève des écoles d'ingénieurs.

Le taux d'encadrement est d'ailleurs exceptionnel, puisque les 80 auditeurs de la dernière promotion bénéficient d'un corps professoral constitué de 8 professeurs résidant à l'université, d'une vingtaine de professeurs associés, et d'une quarantaine d'experts.

Ces constatations avaient conduit votre rapporteur à souhaiter, en particulier, le retour à un recrutement annuel , de façon à augmenter l'offre de formation.

Le gouvernement indique qu'un comité de suivi de cette évaluation est en cours de constitution et devra élaborer des propositions de réforme qui seront soumises au conseil permanent de la francophonie avant transmission au conseil d'administration de l'université Senghor.

d) L'Association internationale des maires et responsables de capitales et métropoles francophones (AIMF)

L'Association internationale des maires et responsables des capitales et métropoles francophones (AIMF) a été créée le 1 er mai 1979 à Québec afin de promouvoir entre ses membres, grâce à l'usage commun de la langue française, une coopération dans tous les domaines de l'activité municipale.

Opérateur associé de la francophonie depuis le sommet de Maurice en 1993, elle est devenue opérateur de plein exercice lors du sommet de Cotonou en 1995.

Elle rassemble aujourd'hui les responsables de 99 capitales ou métropoles francophones provenant de 44 Etats, et a accueilli quatre nouveaux membres lors de sa dernière assemblée générale : Zahlé, Mopti, Sikasso et Siem Réap.

L'AIMF intervient dans les villes partenaires en mettant à leur disposition les experts dont disposent, le cas échéant, les autres membres, de façon à contenir autant que possible son coût d'intervention. Ses réalisations les plus significatives portent sur la modernisation de la gestion des collectivités locales dans déjà plus de trente villes, grâce à l'élaboration de programmes d'informatisation et à la formation du personnel appelé à les mettre en oeuvre. Ces actions touchent, par exemple, à la tenue de l'état civil, au service de la paie et de la comptabilité, à la gestion en personnel, à la perception des taxes municipales, ou à la gestion des stocks et du parc roulant. Elle intervient également en matière d'alimentation en eau potable, de voirie, d'élimination des déchets, de construction de marchés ou de centres de santé.

Le budget de l'AIMF est présenté en deux sections :

- la première, consacrée au fonctionnement de l'association, s'est élevée à 9,275 millions de francs (1,4 million d'euros). Elle est financée pour l'essentiel par les cotisations des membres de l'association (1,5 million de francs - 0,23 million d'euros) et par une subvention d'équilibre de la mairie de Paris (7,4 millions de francs - 1,13 million d'euros).

- la seconde, consacrée au financement des actions de coopération, s'est élevé à 20,5 millions de francs (3,13 millions d'euros). Elle est financée à hauteur de 15 millions de francs par la contribution que l'AIMF perçoit en sa qualité d'opérateur de la francophonie, et à hauteur de 8,3 millions de francs (1,27 million d'euros), par des contributions spécifiques versées par des villes membres ou des organismes publics. La contribution que s'est engagée à lui verser la France, par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique, s'élève à 12 millions de francs.

e) TV5

La chaîne francophone par satellite a été créée en janvier 1984 par l'association des trois chaînes publiques françaises, de la Radio-Télévision belge de la communauté française et de la société de radiodiffusion et de télévision, et complétée par le lancement en 1988 de TV5 Québec-Canada. Elle jouit d'un statut réellement international par sa diffusion et la participation de cinq gouvernements et de deux chaînes à sa gestion, à son financement et à ses programmes.

Votre rapporteur s'était alarmé, l'année dernière, du bilan très décevant que l'on pouvait tirer de la diffusion de TV5 sur le continent américain. Il considérait en effet comme un échec inacceptable le fait que TV5 Amérique ne touche que 6 000 foyers en réception directe aux Etats-Unis.

Il avait pris note que la Conférence ministérielle de Vevey, en octobre 2000, avait décidé le principe d'une réforme globale du dispositif de TV5. Relevant que celle-ci ne s'était cependant pas prononcée sur l'avenir de TV5 Amérique, il avait adressé au Gouvernement français une ferme invitation à accentuer sa pression auprès de ses partenaires pour sortir de cette impasse.

Il se félicite donc des conséquences de l'accord intervenu en juin 2001 qui a permis la reprise en main, par le pôle parisien, de tous les signaux TV5 -à l'exception du signal TV5 Québec-Canada dont la gestion est maintenue à Montréal.

Cette réforme entraîne une modification de la clef de répartition des financements entre les différents partenaires. La part financée par la France passe de 67  % à 71  % du budget consolidé qui s'établit ainsi :

- 60,48 millions d'euros (396,7 millions de francs) à la charge de la France (71 %) ;

- 16,51 millions d'euros (108,3 millions de francs) à la charge des pays partenaires (19,4 %) ;

- 8,16 millions d'euros (53,5 millions de francs) assurés par les ressources propres (9,6 %).

Si la réforme des structures s'était appliquée en année pleine, le budget consolidé de TV5 Monde aurait été de 80,01 millions d'euros (524,8 millions de francs) et la France en aurait assuré les trois quarts (75,6 %).

Votre rapporteur considère que ce nouvel effort que consent notre pays doit rendre le gouvernement français particulièrement vigilant aux moyens qui seront mis en oeuvre pour réussir la pénétration du marché télévisuel des Etats-Unis, tout en améliorant la présence de TV5 en Amérique Latine.

3. L'Assemblée parlementaire de la francophonie

L'Assemblée parlementaire de la francophonie constitue un des éléments fondamentaux de l'architecture institutionnelle de la francophonie multilatérale.

Créée à Luxembourg en 1967, sous la forme d'une Association internationale des parlementaires de langue française, elle réunissait, alors, les délégués de 23 sections issues de Parlements d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, d'Europe et d'Océanie.

Elle a préconisé, dès sa création, la mise en place d'une institution gouvernementale de la francophonie, et cette suggestion a donné naissance, en 1970, à l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue depuis l'Agence intergouvernementale de la francophonie (APF).

C'est lors de la XVIIe Assemblée générale de Paris, en juillet 1989, que l'Association est devenue l'Assemblée internationale des Parlements de langue française, affirmant ainsi sa vocation à être l'organisation interparlementaire des pays de la francophonie, comme l'avait reconnu le sommet de Dakar en mai 1989.

Lors du sommet de Maurice en octobre 1993 , les chefs d'Etat et de gouvernement, après avoir réaffirmé la place éminente de l'institution parlementaire au coeur de la démocratie représentative et de l'Etat de droit, ont considéré que l'AIPLF, seule organisation interparlementaire de la francophonie constituait le lien démocratique entre les gouvernements et les peuples de la francophonie.

En conséquence, ils ont décidé de reconnaître l'AIPLF, comme l'assemblée consultative de la francophonie, ce qu'a confirmé la charte de la francophonie adoptée à Hanoï en novembre 1997.

Pour se mettre en conformité avec la charte, l'assemblée a décidé lors de sa session ordinaire d'Abidjan en juillet 1998 d'adopter le nom d'assemblée parlementaire de la francophonie (APF).

Elle développe une coopération interparlementaire qui est articulée autour de plusieurs programmes réalisés en partenariat avec l'Agence de la francophonie, et qui ont pour objet l'organisation de :

- missions d'observation d'élections ;

- séminaires parlementaires ;

- missions d'information et de bons offices ;

- stages destinés à des fonctionnaires d'Europe du Sud et d'Europe centrale ; ceux-ci sont organisés chaque année dans le cadre de formations dispensées par l'Institut international d'administration publique de Paris.

L'Assemblée est également le maître d'oeuvre du programme d'appui aux services documentaires des Parlements du Sud (PARDOC) décidé en 1991, sur sa proposition, par le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de Chaillot.

Depuis son lancement ce programme a bénéficié au Bénin, au Burkina Faso, au Gabon, au Mali, au Sénégal, au Congo, au Liban, au Centre-afrique, à l'Égypte, à Madagascar, à la Mauritanie, à la Roumanie, au Vietnam, à la Guinée, à Tahiti, au Togo, à la Bulgarie, à l'Albanie, au Burundi, au Cameroun, au Cambodge, aux Comores, à la Côte-d'Ivoire, à Djibouti, au Laos, à la Moldavie, au Niger, au Tchad et à Vanuatu.

En outre, dans le cadre du fonds francophone des inforoutes créé après le sommet de Hanoï, l'Assemblée parlementaire de la francophonie a confié au programme PARDOC la mise en oeuvre d'un programme visant à doter les parlementaires du Sud de leur site et a facilité leur connexion à internet. Ce projet a bénéficié à huit parlements francophones désignés par le bureau de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

4. Les jeux de la francophonie

Les jeux de la francophonie ont vu le jour à Québec en 1987 à l'instigation des ministres francophones de la jeunesse et des sports. Ils sont organisés tous les 4 ans dans un pays différent. Leur originalité est d'allier le sport et la culture.

Succédant aux Jeux de Madagascar, en 1997, les quatrièmes jeux de la francophonie se sont déroulés du 14 au 21 juillet 2001 à Ottawa Hall, au Canada.

Ils ont accueilli 51 délégations et plus de 3000 participants, ce qui constitue un succès sans précédent. La France avait envoyé 250 représentants dont 180 sportifs et 21 artistes.

Le budget des Jeux de la Francophonie, préparé et mis en oeuvre par le comité international des jeux de la francophonie, fait l'objet d'un financement spécifique alimenté exclusivement par le pays-hôte quand il s'agit d'un pays du Nord et pris en charge pour moitié par les pays bailleurs de fonds, lorsqu'il s'agit d'un pays du Sud, ce qui sera le cas des prochaines jeux de Niamey en 2005.

Le budget prévisionnel est d'environ 54 millions de francs (8,23 millions d'euros) , dont 27 millions de francs (4,12 millions d'euros) seront à la charge des bailleurs de fonds suivant la clé de répartition en usage depuis les Jeux de Madagascar. La France, en complément de son aide bilatérale au Niger, a ainsi prévu un financement de 15,7 millions de francs (2,4 millions d'euros).

II. LA DÉFENSE DE LA FRANCOPHONIE EN FRANCE ET DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Dans une allocution qu'il a prononcée devant le Sénat, le 3 mai 2000, M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de la francophonie, a rappelé que la langue française serait d'autant plus respectée qu'elle jouirait, en France d'un statut respectable, et a invité nos concitoyens à faire preuve de « civisme francophone ».

On ne saurait exprimer mieux le caractère indissociable de la défense de la francophonie extérieur et du combat pour la langue française en France, dans la vie quotidienne, dans le monde des affaires, et dans les différents aspects de la culture et de la science.

Or, beaucoup de nos compatriotes ne donnent malheureusement pas l'impression d'avoir compris le sens de ce combat pour la francophonie.

L'application inégale de la « loi Toubon » donne trop d'exemples d'une certaine indifférence à l'égard de la défense du français et de l'usage de notre langue, d'autant plus grave qu'elle est souvent le fait des « élites » économiques, financières, administratives, scientifiques, voire culturelles.

La défense de la place de notre langue dans les institutions internationales, et particulièrement dans les institutions européennes, requiert aussi une attention vigilante et des réactions vigoureuses, car le plurilinguisme et, à travers lui, le pluralisme du monde, font l'objet d'un travail de sape régulier, jusque dans des domaines où il semblait le mieux et le plus traditionnellement implanté.

A. LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA LANGUE FRANÇAISE EN FRANCE

La politique en faveur de la langue française doit poursuivre le double objectif d'assurer l'emploi de la langue française en France et de conserver au français son rôle de langue de communication internationale. Sa mise en oeuvre et son suivi sont assurés par la Délégation générale à la langue française.

1. La regrettable dispersion des missions de la DGLF

La délégation générale à la langue française est traditionnellement chargée de la défense de la langue française en France, et de celle de son statut de langue internationale dans les organisations internationales. Ces deux missions paraissent à votre rapporteur suffisamment stratégiques et absorbantes pour qu'on ne charge pas en outre la DGLF de la préservation des langues régionales, qui est, au demeurant, un objectif parfaitement légitime, mais qui ne se saurait en aucun cas se situer sur le même plan.

A cet égard, il ne peut que s'opposer vigoureusement à cette dispersion des missions de la DGLF, commencée il y a quatre ans, et qu'est venue consacrer la modification de sa dénomination par le décret n° 2001-950 du 16 octobre 2001. Dorénavant intitulée « délégation générale à la langue française et aux langues de France » -DGLFLF-, celle-ci se voit assigner comme mission supplémentaire, de contribuer « à préserver et valoriser les langues de France ».

a) Le caractère stratégique des missions traditionnelles de la délégation

La DGLF assure traditionnellement le secrétariat du conseil supérieur de la langue française, placé auprès du Premier ministre.

Elle est en outre chargée :

- du suivi de l'application de la loi du 4 août 1994 dite « loi Toubon » sur l'emploi de la langue française ; à ce titre, elle rédige un rapport annuel au gouvernement et au Parlement sur l'application de la loi ;

- de la promotion du plurilinguisme dans les services publics , et du contrôle de l'usage du français par les agents publics ;

- de l'enrichissement de la langue française , par le contrôle qu'elle exerce sur les dix-huit commissions spécialisées de terminologie, placées chacune sous la tutelle d'un ministère ; elle assure en outre le secrétariat de la commission générale de terminologie et de néologie qui examine les propositions des commissions spécialisées et transmet les termes retenus au Journal officiel, après accord de l'Académie française et du ministre intéressé ;

- de la défense de la place du français dans les domaines scientifique, technique et économique ; à ce titre, elle a mis en place, en 1996, un dispositif de soutien à l'interprétation simultanée dans les colloques internationaux qui se tiennent en France, et apporte son soutien pour la création ou le développement de revues de synthèse dans les sciences exactes ;

- des actions de sensibilisation à la défense de la langue française orientées vers des milieux spécifiques, mais aussi vers le grand public à travers une manifestation comme « le français on l'aime ».

Depuis quatre ans, elle participe en outre au programme d'action gouvernemental pour l'entrée de la France dans la société de l'information, en veillant à ce qu'aucun obstacle technique ne freine la présence du français sur les nouveaux supports. Elle veille également à la bonne application de la circulaire du Premier ministre du 7 octobre 1999 qui rappelle que la traduction éventuelle des sites de l'internet des administrations et des établissements publics de l'Etat doit se faire dans au moins deux langues autres que le français.

Sa seconde priorité porte sur la défense du français et du plurilinguisme dans les organisations internationales, et tout spécialement dans l'Union européenne.

Ces missions revêtent un caractère stratégique pour notre pays.

b) La confusion des enjeux

Votre rapporteur s'était déjà alarmé, l'an dernier, des conséquences d'une extension des missions de la délégation qui la conduit à s'occuper, de plus en plus, de la sauvegarde et de la valorisation des langues de France.

Alors que la défense de la place du français sur notre territoire comme dans les institutions européennes et internationales demande de notre part une vigilance et une vigueur accrues, cette dispersion des objectifs et des énergies lui paraît particulièrement préoccupante.

Enfin, quelque légitime que soit l'attention que l'on doit porter à nos langues régionales, qui appartiennent en effet à notre patrimoine, il ne lui paraît pas opportun de placer leur défense sur le même plan que la défense du français, dont le statut international et le caractère universel ne peuvent qu'en sortir affaiblis.

L'analyse des effectifs et des crédits de la DGLF semble devoir confirmer ses craintes.

Les effectifs de la DGLF, qui compte 23 agents permanents et 7 vacataires à temps complet, n'ont pas été renforcés, et ne semblent pas devoir l'être dans un proche avenir.

Pour réaliser ses missions, la DGLF dispose de trois enveloppes de crédits :

- des crédits de fonctionnement (imputés sur les chapitres 34-97-67 et 34-97-66) qui se sont élevés à 248 273 euros (1 628 567 francs) en 2001 ;

- des crédits d'intervention (chapitre 42-20-80) qui se sont élevés à 1 432 669 euros (9 397 692 francs) en 2001 ;

- des crédits déconcentrés (chapitre 43-30-20) qui se sont élevés à 304 898 euros (2 millions de francs) en 2001.

Le ministère de la culture a indiqué à votre rapporteur que les enveloppes de crédits d'intervention et de crédits de fonctionnement pour 2002 ne lui avaient, à ce jour, pas encore été notifiées, mais qu'il espérait, toutefois, une reconduction de ces dotations.

En revanche, le projet de budget pour 2002 prévoit une mesure nouvelle de 106 706 euros (700 000 francs) de crédits déconcentrés, au titre de « l'enveloppe pour les langues régionales notifiée aux directions régionales d'action culturelle sous forme globalisée ».

Ce même chapitre budgétaire avait déjà bénéficié, en 2001, d'une mesure nouvelle de deux millions de francs.

Votre rapporteur ne saurait approuver cette évolution des attributions de la DGLF, dans laquelle il voit une inquiétante dérive, car celle-ci ne dispose pas des moyens supplémentaires lui permettant de mener à bien de nouvelles missions, tout en poursuivant sa nécessaire action en faveur de la langue française.

2. Le bilan de la loi Toubon

Six ans après son entrée en vigueur, la loi du 4 août 1994 permet en particulier d'assurer la protection du consommateur dans des conditions satisfaisantes en apparence.

Deux circulaires sont venues rappeler le contenu des obligations qu'elle crées :

- une circulaire du Premier ministre du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des services des établissements publics de l'Etat rappelle que l'usage du français pour la rédaction des pages internet constitue une obligation légale, et que le recours à des traductions en langues étrangères doit se faire en au moins deux langues autres que le français ;

- deux circulaires signées le 28 septembre 1999 par le ministre de l'équipement, des transports et du logement, et la ministre de la culture concernent les transports et le tourisme. La première rappelle que l'obligation d'emploi du français s'applique sur tout le territoire français aux transporteurs et gestionnaires d'infrastructures de transport qu'ils soient publics ou privés. La seconde concerne l'emploi du français par les agents publics, en particulier dans leurs relations avec l'Union européenne.

a) L'information des consommateurs

Les dispositions relatives à la protection du consommateur sont dans l'ensemble bien appliquées, grâce à l'action des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la direction des douanes et des droits indirects (DG-DDI) et à la vigilance des associations agréées de défense et de promotion de la langue française.

L'année 2000 est toutefois marquée par un recul du nombre de contrôles effectués par les services de la DGCCRF. Le nombre de ses interventions, passé de 7 824 en 1998 à 9 573 en 1999, est retombé à 6 584 en 2000. Cette évolution s'explique par les différentes crises en matière de sécurité alimentaire qui ont fortement mobilisé ses agents. La progression de la proportion des infractions à la loi connaît en parallèle une légère progression qui montre que la vigilance ne doit pas se relâcher.

Le rapport de la DGLF insiste particulièrement sur les interactions de plus en plus fortes entre les dispositions de la loi Toubon relatives à la protection des consommateurs d'une part, et la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes et les articles du traité de l'Union sur la libre circulation, de l'autre.

En effet, alors que la réglementation française impose explicitement un étiquetage en langue française des produits vendus en France, le droit communautaire et en particulier l'article 14 de la directive 79/112 modifiée par la directive 97/4 n'impose que l'étiquetage « dans une langue facilement comprise par le consommateur ».

Or, saisie d'une question préjudicielle par la Cour d'appel de Lyon, sur la compatibilité de ces dispositions respectives, la Cour de Justice des communautés européennes, s'appuyant sur une jurisprudence récente, a répondu que les articles 30 du Traité et 14 de la directive 79/112 s'opposent à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires, sans retenir la possibilité qu'une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l'information de l'acheteur soit assurée par d'autres mesures ».

Votre rapporteur tient à exprimer ici sa très vive préoccupation, et souhaite qu'une réflexion soit entamée pour éviter que la jurisprudence européenne ne permette de contourner le respect des dispositions de la loi Toubon, et en particulier de son article 2 qui résulte de la volonté expresse de la représentation nationale.

Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative
à l'emploi de la langue française

Article 2 « Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garanties d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances l'emploi de la langue française est obligatoire ».

Il regrette que les autorités françaises ne fassent pas preuve de toute la détermination nécessaire dans la défense de notre langue en ce domaine comme elle en ont fourni une nouvelle preuve à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif aux « mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ».

L'article 14 du projet de loi initial comporte une disposition autorisant les émetteurs de titres de capital et de titres de créances à établir leur note d'information au titre de l'appel public à l'épargne dans une langue usuelle en matière financière , ajoutant que si cette langue n'était pas le français, le prospectus doit être accompagné d'un résumé en français.

Ce dispositif était particulièrement choquant puisqu'il revenait à présenter en quelque sorte, le recours à la « langue usuelle en matière financière » -l'anglais pour ne pas le nommer- comme la règle, le recours au français n'étant que l'exception.

l'Assemblée nationale, par une rédaction astucieuse, a corrigé le caractère trop flagrant de cet abandon. La rédaction qu'elle a adoptée prévoit en effet que ce document est rédigé en français, mais assortit aussitôt ce principe d'une exception autorisant précisément ce recours à cette fameuse langue usuelle. Il ne s'agit là que d'un ajustement cosmétique qui ne saurait aucunement satisfaire votre rapporteur.

Aussi celui-ci avait-il cosigné un amendement prévoyant que ces notices d'information devaient être rédigées en français, tout en acceptant qu'elles puissent être accompagnées d'un résumé dans une langue usuelle en matière financière.

Il avait cependant accepté de se rallier au dispositif proposé par la commission des finances du Sénat. Celui-ci pose le principe d'un recours à la langue française et n'autorise de dérogation à cette règle que pour des produits très techniques, qui ne peuvent s'adresser qu'à des investisseurs professionnels.

Il avait cependant tenu à indiquer que cette position se situait à l'extrême limite des concessions possibles et que, si l'Assemblée nationale revenait sur ce texte, il saisirait le Conseil constitutionnel.

Ce recours va être déposé.

b) La protection des salariés et les pratiques linguistiques des entreprises

Les informations dont dispose la DGLF sur l'application de l'obligation d'emploi de la langue française dans les contrats de travail, le règlement intérieur, les conventions et accords collectifs de travail sont très partielles. Elles ne permettent pas de connaître l'état réel de la situation, notamment pour ce qui concerne les documents comportant des dispositions dont la connaissance est nécessaire au salarié pour l'exécution de son travail.

Le suivi des offres d'emploi dans la presse est plus aisé. Si les manquements sont rares, de nombreuses annonces rédigées en langue étrangère contournent en réalité la loi , par exemple en ne faisant pas figurer explicitement le pays dans lequel l'emploi est à pourvoir. En outre, quelques annonces, bien que rédigées en français, portent mention de l'exigence de l'anglais comme langue maternelle, ce qui pourrait constituer, selon les services du ministère de l'emploi et de la solidarité, une discrimination en raison de l'origine.

De façon plus choquante encore, il apparaît que de plus en plus de grandes sociétés françaises ou ayant un établissement en France font de l'anglais leur langue de travail, dans leurs relations commerciales avec leurs clients ou fournisseurs étrangers, mais aussi parfois dans leur fonctionnement interne. La dimension culturelle de ce choix linguistique est rarement prise en compte, ce qui risque de susciter des dysfonctionnements dans l'entreprise, mais aussi une démotivation des salariés.

Il s'agit certainement d'un domaine dans lequel il conviendrait que la DGLF renforçât sa vigilance, en développant sa collaboration avec les services de l'inspection du travail.

c) Les domaines scientifiques et techniques

Les revues et les publications publiées par des personnes publiques respectent en règle générale l'obligation consistant à disposer au moins d'un résumé en français des contributions rédigées en langue étrangère.

En ce qui concerne les manifestations et colloques internationaux organisés en France par des personnes françaises, des difficultés persistent pour assurer la présence minimale du français qu'impose la loi. Les associations agréées de promotion de la langue française se mobilisent de plus en plus sur cette question et, pour la première fois, une condamnation a été prononcée à l'encontre d'un établissement d'enseignement supérieur qui n'avait pas mis à la disposition des participants à une manifestation qu'il organisait une version française des documents de présentation des programmes et des bulletins d'inscription.

B. LA DÉFENSE DU FRANÇAIS DANS LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

1. Le français doit conserver son rang au sein de l'Union européenne

Votre rapporteur tient à insister sur l'absolue nécessité de ne pas se résigner au recul du français dans les institutions européennes : la consolidation de son rôle comme langue officielle et plus encore comme langue de travail de l'Union est en effet la condition impérative du maintien d'une vision pluraliste de l'Europe. Ajoutons que si son usage au sein de l'Union venait à s'estomper, le français perdrait un des fondements importants de son influence dans les autres organisations internationales et sur la scène mondiale.

a) L'érosion de l'usage du français comme langue

Or le rapport présenté par la DGLF montre que si le statut et la place du français restent solides dans les réunions formelles et les textes officiels de l'Union, son rôle comme langue de travail tend à s'éroder : on déplore en particulier une diminution de son usage comme langue de première rédaction des documents de travail. Les administrations françaises relèvent d'ailleurs que les documents de travail que leur envoient la commission ou le conseil sont souvent rédigés en langue anglaise ; que les documents que les institutions communautaires remettent avant ou pendant les réunions ne sont pas toujours disponibles en français ou le sont plus tardivement que la version anglaise.

Ces retards qui s'expliquent en partie par une saturation des services de traduction, ont, semble-t-il, commencé de se réduire, grâce à une réorganisation des services et à une augmentation des postes de la division française. Il convient de ne pas relâcher notre vigilance en ce domaine, car des retards trop fréquents dans la parution des documents en français ne pourraient qu'ancrer davantage l'habitude chez leurs utilisateurs de recourir systématiquement à la version anglaise disponible immédiatement.

La perspective d'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale constitue un des enjeux majeurs pour le statut de notre langue. Même si deux de ces Etats, la Roumanie et la Bulgarie, sont membres de la francophonie multilatérale, et si quatre (la Pologne, la Lituanie, la République tchèque et la Slovénie) ont un statut d'observateur, l'élargissement risque de se traduire par un nouveau recul du français.

b) La nécessité d'un rééquilibrage dans les négociations relatives à l'élargissement

Le fait que les négociations relatives à l'élargissement se déroulent, pour l'essentiel, en anglais, à l'image des programmes PHARE et TACIS, n'est pas étranger à cette situation.

Votre rapporteur souhaite que le gouvernement incite la commission à rééquilibrer sa politique linguistique, en ce domaine, de façon à éviter que les pays candidats à l'élargissement ne perçoivent l'Europe comme anglophone. Il est inadmissible que des pays de tradition francophone, comme la Roumanie et la Bulgarie, soient contraints de travailler en anglais avec les services de la commission.

c) Un exemple choquant : le monopole de l'anglais dans les procédures d'EuropeAid

Les modalités d'organisation du Service EuropeAid , chargé de centraliser la mise en oeuvre de l'aide extérieure de la commission viennent fournir une nouvelle illustration de la facilité avec laquelle certains services de la commission sont tentés de céder au « tout anglais », en violation des principes même de la construction européenne. Créé le 1 er janvier 2001, par décision de la commission dans le cadre de la réforme de la gestion de l'aide extérieure, l'Office de coopération EuropeAid est chargé de la mise en oeuvre de l'ensemble des instruments d'aide extérieure de la commission financés à partir du budget communautaire et des Fonds européens de développement , à l'exception toutefois des instruments de pré-adhésion, des activités humanitaires, et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Or, non seulement le document qui décrit la procédure d'établissement du contrat d'aide passé entre l'autorité européenne et le consultant est rédigé exclusivement en anglais, mais il précise en outre à l'article 9 que :

« The language of the contract and of all written communications between the consultant and the Contracting Authority and/or the project Manager shall be English ».

Ce qui signifie en bon français que l'anglais est la langue dans laquelle devront être rédigés non seulement le contrat mais tous les échanges écrits entre l'autorité européenne et le consultant.

Autrement dit, nul n'est censé ignorer l'anglais s'il souhaite obtenir une aide financière de l'Union européenne.

Votre rapporteur attend du Gouvernement français qu'il intervienne rapidement auprès de la commission européenne pour rectifier ce dispositif qu'il juge choquant et qui constitue un signe alarmant d'une volonté rampante d'imposer l'anglais comme langue des relations internationales de l'Europe .

2. La réforme du brevet européen

Créée par la Convention de Munich du 5 octobre 1973, le « brevet européen » n'est pas un instrument de protection communautaire. Contrairement au projet de « brevet communautaire » actuellement en discussion, et qui viendrait se greffer en quelque sorte sur le brevet européen, il relève du droit conventionnel classique entre Etats et réunit des pays qui ne sont d'ailleurs pas tous membres de l'Union européenne.

La convention de Munich a institué une organisation européenne des brevets, un office européen des brevets, et une procédure unique de délivrance à l'issue de laquelle le brevet européen prend la valeur d'un brevet national dans chacun des pays contractants, et est soumis aux règles nationales en vigueur sur le territoire de ces derniers.

Ses langues officielles sont l'allemand, l'anglais et le français (article 4). Celles-ci sont dotées d'un statut privilégié : les demandes de brevet doivent être déposées dans une de ces trois langues, qui devient par la suite la langue de procédure et la langue dans laquelle est publié le fascicule du brevet.

Ces fascicules comportent obligatoirement une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l'Office européen des brevets (article 14 alinéa 7) sachant que ces revendications constituent le coeur du dispositif de protection, puisque ce sont elles qui déterminent l'étendue de la protection (article 69), la description et les dessins ne servant qu'à interpréter les revendications.

L'organisation européenne des brevets permet :

- aux demandeurs ou aux titulaires de brevets français francophones de déposer leur demande en français sans être obligé d'y joindre une traduction ;

- aux entreprises françaises ou francophones de disposer soit de fascicules complets en français pour les brevets délivrés en français, soit de la traduction en français des revendications des brevets délivrés en allemand ou en anglais.

Une disposition de la Convention, l'article 65, ouvre la possibilité pour les Etats de renforcer leurs exigences en matière de traduction. Il les autorise en effet à prescrire que le texte des brevets qui ne sont pas rédigés dans leur langue officielle est réputé sans effet sur leur territoire si une traduction n'est pas produite dans un délai de trois mois. Cette faculté est ouverte aux Etat dont les langues ont le statut de langues officielles de l'Office comme aux autres.

La plupart des Etats ont fait jouer cette clause, et la France également (article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle).

Toutefois, la volonté de réduire le coût du brevet européen, sensiblement supérieur au coût des brevets octroyés par les principaux partenaires commerciaux de l'Europe a conduit à la rédaction d'un accord consistant dans une renonciation aux exigences de traduction prévues à l'article 65 précité.

Cet accord a été proposé à la signature des Etats membres à la conférence intergouvernementale de Londres les 15 et 16 octobre 2000.

CONTENU DE L'ACCORD SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 65 DE LA CONVENTION SUR LA DÉLIVRANCE DE BREVETS EUROPÉEN

Les Etats parties à l'accord sont convenus des dispositions suivantes :

1. Les Etats ayant une langue officielle en commun avec les trois langues officielles de l'Office européen des brevets renoncent aux exigences de traduction de l'article 65 ; les autres Etats y renoncent si le brevet est délivré ou traduit dans une de ces trois langues à leur choix, mais conservent la possibilité d'exiger une traduction des revendications.

2. En cas de litige, le titulaire du brevet fournit à ses frais une traduction complète du brevet au contrefacteur présumé et au juge.

3. La signature de l'accord est ouverte jusqu'au 30 juin 2001.

4. L'accord ne peut entrer en vigueur que si huit Etats parties y ont adhéré, dont l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Le projet d'accord a suscité une vive inquiétude et votre rapporteur avait tenu à rappeler les inconvénients d'un texte qui prévoit que des titres juridiques, partiellement rédigés dans une langue étrangère, pourront créer, en France, des droits et des obligations.

Confronté à cette préoccupation largement partagée, le secrétaire d'Etat à l'industrie a confié une mission de concertation à M. Georges Vianes qui a conclu à l'adoption de cet accord, estimant en outre que celui-ci, « loin de représenter un abandon de la position de la France et de la langue française dans le système du brevet européen, la renforce ». Votre rapporteur ne partage évidemment pas cette vision optimiste.

Il relève que notre collègue, M. Francis Grignon 1( * ) , dans un rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat, a également conclu à la nécessité de signer cet accord, mais en insistant sur un certain nombre de mesures d'accompagnement nécessaires.

MESURES D'ACCOMPAGNEMENT JUGÉES NÉCESSAIRES PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES EN VUE DE LA SIGNATURE PAR LA FRANCE DE L'ACCORD DE LONDRES

Veille technologique : traduire en français, sur le budget de l'INPI 2( * ) , comme cela est envisagé, les revendications et un résumé « signifiant » des demandes, à la publication. Les traductions seraient disponibles sur le site internet de l'Institut national de la propriété industrielle, dont la base de données peut être interrogée en langage naturel ;

Sécurité juridique : prévoir, comme c'est le cas dans le projet de règlement sur le brevet communautaire, qu'un contrefacteur présumé qui n'a pu avoir à sa disposition le texte du brevet traduit en français est présumé ne pas porter atteinte au brevet et que les dommages et intérêts (ou la confiscation éventuelle des profits) ne pourraient intervenir qu'après cette mise à disposition d'un texte en français ;

Traducteurs et conseils : le changement de régime n'entrerait pas en vigueur avant, au bas mot, deux ans. L'Etat doit impérativement utiliser ce délai pour :

- orienter les traductions visées au sur des professionnels français : traducteurs pour les traductions, conseils pour l'élaboration du résumé. Ceci implique un effort considérable d'organisation de ces professions (possible, peut être, via un groupement d'intérêt économique de chacune d'entre elles et la mise en place, à l'Institut national de la propriété industrielle, de procédures d'octroi de ces marchés à la fois transparentes et accessibles à d'autres prestataires que les grands cabinets étrangers qui risquent de « capter » ce marché si les professionnels français ne font pas cet effort d'organisation. Cette solution est plus difficile à mettre en oeuvre, notamment pour l'élaboration du résumé, que la simple sous-traitance à une société étrangère 3( * ) , mais elle est, de loin, préférable. Elle implique toutefois que les professionnels jouent le jeu de la mise en oeuvre d'un accord qu'ils ont radicalement défendu ;

- prévoir des aides spécifiques pour les traducteurs en brevets dans le cas probable où la mesure ci-dessus et l'accroissement du nombre de dépôts ne suffiraient pas à maintenir leur volume actuel d'activité.

Votre rapporteur ne peut cependant se féliciter de la signature par la France de l'accord de Londres, le 29 juin 2001, mais souhaite que, à tout le moins, le Gouvernement prête toute l'attention nécessaire aux mesures d'accompagnement préconisées par la commission des affaires économiques du Sénat.

Il relève que la signature de cet accord a été accompagnée d'une déclaration précisant que la France avait l'intention d'accompagner la mise en oeuvre de l'accord de dispositions nationales lui permettant de prendre à sa charge la traduction intégrale des brevets qui ne seront pas rédigés en français.

3. L'année européenne des langues

Etablie par décision conjointe du Parlement européen et du Conseil de l'Europe, l'année européenne des langues a été officiellement lancée à Lund, sous présidence suédoise les 18-20 février 2001. Son but est de célébrer la diversité linguistique européenne et de promouvoir l'apprentissage des langues.

Organisée à des fins d'encouragement et d'information, destinée au grand public, elle couvre les onze langues officielles de la Communauté, l'irlandais et le luxembourgeois ainsi que les langues régionales désignées par les Etats membres.

Les principaux objectifs sont :

- de mieux sensibiliser la population à l'importance de la richesse linguistique et culturelle et d'encourager le multilinguisme ;

- de mettre en évidence les avantages que procurent, à des fins personnelles ou professionnelles, des compétences dans plusieurs langues ;

- d'encourager l'apprentissage des langues tout au long de la vie, la diversité des méthodes et outils qui viennent en soutien à cet enseignement.

Les actions communes ont porté essentiellement sur le lancement d'une campagne d'information par les services de la communication. Le reste des actions a fait l'objet d'un appel à proposition au niveau de chaque Etat membre et d'une sélection. Dans chaque pays, un service national de coordination a assuré la mise en oeuvre des manifestations et activités. L'enveloppe financière prévue pour le financement communautaire des projets a été fixée à 8 millions d'euros pour la période qui s'étend jusqu'au 31 décembre 2001.

Plusieurs manifestations ont été organisées en France :

- Le salon Expolangues (31 janvier/4 février 2001) lors duquel des rencontres, débats et conférences ont été organisés pour sensibiliser le public au plurilinguisme ;

- la manifestation nationale de lancement (4 avril 2001), le « bal des langues », à laquelle étaient invités quatre cents personnes dont quatre vingt dix jeunes lycéens en provenance de toute l'Union européenne ;

- les états généraux du multilinguisme (26 septembre 2001) qui ont réuni au Collège de France des responsables de politique éducative en provenance de 41 pays du Conseil de l'Europe ainsi que des acteurs des sphères économique, culturelle et médiatique.

La France, qui a fait de la promotion du plurilinguisme un des axes prioritaires de sa politique linguistique, ne peut que tirer profit de ces actions, qui encouragent la généralisation de l'apprentissage de deux langues vivantes au sein des systèmes éducatifs.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mercredi 14 novembre 2001 , sous la présidence de M. Jacques Valade, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits de la francophonie inscrits au projet de loi de finances pour 2002 .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois a déclaré partager l'analyse du rapporteur pour avis et a indiqué qu'il s'associait à sa proposition de refuser de voter les crédits de la francophonie. Il a estimé que le Gouvernement n'avait pas su arrêter une position claire, qu'il s'agisse de la rectification des missions de la délégation générale à la langue française et des langues de France, ou de l'action en faveur de l'audiovisuel extérieur.

Même si la francophonie ne rencontre officiellement que des soutiens, il a cependant douté que sa défense, pourtant vitale, soit réellement prise en considération. Jugeant substantiel l'effort financier consenti par la France, à travers le fonds multilatéral unique, il a cependant déploré que la définition des programmes et l'utilisation de ces crédits restent dans un certain flou. Il a également regretté la fréquence des discordances de vues dans la définition des orientations de la francophonie, et la difficulté que rencontre celle-ci à articuler ses actions nationales et son action multilatérale.

Il a déploré enfin que, malgré la volonté, exprimée au sommet de Moncton, de procéder à la rénovation du fonctionnement des opérateurs de la francophonie, et malgré les efforts accomplis par le service des affaires francophones, l'utilisation des crédits soit toujours aussi mal appréhendée et a jugé urgent d'adresser un rappel à l'ordre.

M. Bernard Fournier a déclaré s'associer aux conclusions du rapporteur pour avis, et a déploré qu'à l'aéroport Charles-de-Gaulle certaines compagnies aériennes ne diffusent pas d'annonces en français.

M. Serge Lagauche a regretté la proposition formulée par le rapporteur pour avis de rejeter les crédits de la francophonie, qu'il a attribuée à une réaction d'humeur. Il a estimé que les difficultés rencontrées par la langue française pour défendre sa place s'expliquaient essentiellement par la primauté économique d'une autre sphère linguistique et ne pouvaient être imputées au Gouvernement, que l'on ne peut tenir responsable que de crédits qu'il affecte à la défense du cinéma ou au réseau des écoles françaises à l'étranger. Refusant de croire que la proposition du rapporteur pour avis pouvait se rattacher au prochain contexte électoral, il l'a appelé à renoncer à cette attitude de rejet.

M. René-Pierre Signé a jugé excessives et contradictoires les critiques formulées par le rapporteur pour avis, s'étonnant de ce qu'il puisse se féliciter des discours positifs tenus par le Gouvernement et du caractère non négligeable des crédits consacrés à la francophonie, et, dans le même temps dénoncer un abandon de la défense de la langue française.

Il a estimé qu'un rejet des crédits de la francophonie traduirait, plus qu'une réaction d'humeur, une prise de position politique et polémique à laquelle le groupe socialiste ne s'associerait pas. Il s'est en outre étonné de ce que les libéraux, qui sont les plus prompts à se rallier à la mondialisation, s'étonnent du recul de la francophonie et de la langue française.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis , après avoir indiqué qu'il rejoignait les analyses de M. Louis Duvernois, a apporté les précisions suivantes :

- l'usage du français n'est en effet pas toujours respecté dans les aéroports français, et il a d'ailleurs fallu, récemment, une démarche vigoureuse, pour mettre fin à une règle qui imposait l'usage de l'anglais aux contrôleurs aériens, même dans leurs échanges avec des pilotes d'avions français ou francophones ; cet exemple, parmi d'autres, illustre les contradictions qui existent dans l'attitude des pouvoirs publics ;

- il présente depuis neuf ans le rapport sur les crédits de la francophonie, et, sensible à l'effort financier non négligeable dont ceux-ci témoignent, il a toujours proposé un avis favorable à leur adoption ; l'an dernier toutefois, l'inquiétude que lui inspiraient certaines dérives l'ont conduit à ne recommander qu'un avis de sagesse ; cette année, l'aggravation d'un certain nombre de tendances, auxquelles, hélas, n'échappe aucun gouvernement, l'incite à lancer un avertissement plus ferme ;

- l'action menée par le ministre délégué à la coopération et à la francophonie est digne de respect, et la sympathie de la ministre de la culture pour la défense de la langue française est bien connue ; il est cependant regrettable que, dans les arbitrages gouvernementaux, le poids des arguments techniques et économiques l'emporte trop souvent ;

- par delà le budget, c'est la contradiction, qui traverse d'ailleurs l'ensemble du monde politique, entre l'action en faveur de la francophonie et les abandons en matière d'utilisation de la langue française, qui doit être sanctionnée ;

- la défense par les flamands de la langue flamande, et par les catalans de la langue catalane, montre les résultats que peut obtenir une volonté politique ferme ;

- une politique économique libérale n'implique pas pour autant l'abandon de la défense de sa langue, comme le montre par exemple le souci des Etats-Unis d'Amérique de se prémunir contre les avancées de l'espagnol dans leurs états du sud.

Mme Danièle Pourtaud a relevé les propos tenus par le rapporteur pour avis sur la défense de la langue catalane et de la langue flamande, estimant qu'ils contrastaient avec les positions défendues au Sénat à propos de la langue corse.

Suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a émis ensuite un avis défavorable à l'adoption des crédits de la francophonie inscrits au projet de budget pour 2002 du ministère des affaires étrangères.

CONCLUSION

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1 « Stratégie du brevet d'invention » : rapport d'information n° 377 (2000-2001) de M. Francis Grignon au nom de la commission des affaires économiques.

2 Alimenté notamment par les taxes de maintien en vigueur des brevets valables en France.

3 Du type de Derwaent, pour l'élaboration du résumé.


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