III. LES MESURES RELATIVES AUX RESSOURCES

A. LE FINANCEMENT DES 35 HEURES EN 2002 : DE PIRE EN PIRE !

Dans son avis portant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le rapporteur de l'époque, notre collègue Jacques Oudin, écrivait qu'il fallait probablement « s'attendre à voir se renouveler l'année prochaine un même exercice de tentative de bouclage équilibriste du FOREC ». Il avait malheureusement raison. Le financement des 35 heures revient ainsi à jouer des affectations de recettes, avec des tuyauteries « branchées » et « débranchées » au gré des besoins du moment.

1. Combler un déficit prévisionnel de 2,76 milliards d'euros en 2002 (articles 6 et 6 bis)

Avant l'impact des mesures nouvelles proposées par le présent projet de loi de financement, le solde du FOREC prévu pour 2002 s'établit à 2,76 milliards d'euros (18,10 milliards de francs), les recettes du fonds ne couvrant pas l'ensemble de ses dépenses.

Le présent projet de loi évalue en effet à 15,5 milliards d'euros (101,67 milliards de francs) le coût de la réduction du temps de travail en 2002, après 14,5 milliards d'euros (95,11 milliards de francs) en 2001, une fois entrées en vigueur les mesures destinées à assurer l'équilibre financier du FOREC au cours du présent exercice, soit une augmentation de 6,9 % (après + 27 % l'année dernière).

L' « équilibre » du fonds de financement en 2002 s'établirait donc comme suit :

Pour couvrir l'augmentation des dépenses, et compte tenu de la stagnation du produit des deux nouvelles impositions spécifiquement créées pour financer les 35 heures, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) 12 ( * ) et la contribution sociale sur le bénéfice des sociétés (CSB), l'article 6 du présent projet de loi de financement propose quatre mesures relatives aux recettes :

1°) le D du I de cet article 6 prend acte de ce que l'article 19 du projet de loi de finances pour 2002 propose de porter la part du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance affectée au FOREC à 30,56 % à compter du 1 er janvier 2002, le montant de recettes attendu à ce titre s'établissant à 1,4 milliard d'euros (9,18 milliards de francs) ; il convient de rappeler que la part de cette taxe affectée au FOREC avait été fixée à 14,1 % par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, puis relevée à 24,7 % pour cette même année 2001 par le présent projet de loi de financement ;

2°) le même article 6 propose deux nouvelles affectations de recettes au FOREC pour 2002 : son II prévoit le transfert, en provenance de la CNAMTS, le produit de la cotisation additionnelle sur les contrats d'assurance des véhicules terrestres à moteur, soit une recette d'environ 900 millions d'euros (5,90 milliards de francs) 13 ( * ) ; son V vise à transférer du FSV vers le FOREC le produit de la taxe sur les contributions des employeurs au bénéfice des salariés pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance, soit un montant de 438 millions d'euros (2,87 milliards de francs) ;

3°) une nouvelle modification de la répartition du produit des droits de consommation sur les tabacs manufacturés : en effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait affecté au FOREC 97 % du produit de ce droit de consommation, initialement réparti entre le budget de l'Etat et la CNAMTS, cette dernière ne se voyant dès lors plus verser, en 2001, que 2,61 % de cette recette ; or, le présent projet de loi de financement, dans le IV de son article 6, propose de réduire la part affectée au FOREC, de 97 % à 90,77 %, et, par conséquent, d'accroître celle qui est versée à la CNAMTS, de 2,61 % à 8,84 % 14 ( * ) ; il s'agit d'éviter que le FOREC ne se trouve en situation de « suréquilibre » en 2002 !

Cette dernière disposition est sans doute la meilleure illustration, d'une part, des « acrobaties financières » auxquelles se livre, année après année, le gouvernement pour assurer le « bouclage » financier du « monstre » qu'il a engendré, et, d'autre part, du mépris qu'il manifeste non seulement pour le principe d'autonomie des branches de la sécurité sociale mais, plus généralement, pour la clarté des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, ainsi qu'au sein de celle-ci.

Le 25 octobre dernier, au cours de la première lecture du présent projet de loi de financement, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de M. Alfred Recours, un article 6 bis majorant les minima de perception applicables aux cigarettes de 9 %, désormais fixés à 90 euros (590,36 francs) pour les cigarettes blondes et à 87 euros (570,68 francs) pour les cigarettes brunes. Cette distinction sera donc maintenue l'année prochaine, mais devrait disparaître l'année suivante au regard de la réglementation communautaire.

Le minimum de perception applicable aux tabacs à rouler est également augmenté, étant fixé à 45 euros (295,18 francs), de même dans le cas des cigares, soit 55 euros (360,78 francs).

Il convient de préciser que, plus généralement, le relèvement de 9 % du prix des tabacs vise à compenser partiellement, en montant, le transfert au régime général d'une partie des droits de consommation sur les tabacs.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale avait également adopté, après l'article 6, un amendement de M. Alfred Recours tendant à créer une contribution assise sur la valeur ajoutée des entreprises, dont le produit aurait été affecté au FOREC, cet amendement ayant été présenté comme « l'amorce d'une véritable réforme du financement de la sécurité sociale » !

Toutefois, au cours d'une seconde délibération, le gouvernement a obtenu de l'Assemblée nationale qu'elle supprime finalement ce nouvel article, rappelant que cette mesure aurait élargi l'assiette des cotisations à d'autres éléments que les rémunérations et que son effet sur l'emploi n'était en rien garanti.

Votre rapporteur pour avis ne peut que s'étonner de la précipitation de la « majorité plurielle » à adopter des dispositions aux conséquences aussi lourdes, et aux effets néfastes potentiels considérables, sans la moindre étude préalable ni concertation. En effet, la mesure proposée entraînerait très probablement une fuite de capitaux et une régression de l'innovation consécutive à de moindres perspectives de profit.

* 12 Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 décembre 2000, a annulé une disposition du projet de loi de finances rectificative pour 2000 qui prévoyait d'étendre l'assiette de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie. Cette mesure aurait permis, selon le gouvernement, de doubler le rendement de cette taxe.

* 13 Le statut de ce prélèvement est adapté à cette occasion pour en faire une imposition de toute nature.

* 14 Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, continuera de bénéficier de 0,39 % du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés.

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