Service des Commissions - Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées
M. CHARLES JOSSELIN PRESENTE DEVANT LES SENATEURS LE BUDGET DE LA COOPERATION POUR 1998
Paris, le 22 octobre 1997 |
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. Xavier de Villepin, président, a entendu le mardi 21 octobre 1997 M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat chargé de la coopération.
M. Charles Josselin a d'abord souligné que le projet de budget de la coopération pour 1998 permettait de préserver les moyens d'intervention de son administration tout en dégageant quelques marges de manoeuvre. Il a précisé par ailleurs que ses responsabilités s'étendaient à d'autres domaines que la coopération et notamment à la francophonie dont le budget total, soit 620 millions de francs, était financé à hauteur de 210 millions de francs par le secrétariat d'Etat à la coopération.
Le secrétaire d'Etat à la coopération a observé ensuite que l'évolution de la dotation dévolue à la coopération, dont le montant s'élevait à 6,5 milliards de francs, en baisse de 3,5 % par rapport au budget voté en 1997, s'expliquait en totalité par la réduction des besoins en financement des pays de la zone franc. En outre, d'après le secrétaire d'Etat, la suppression de 235 postes d'assistance technique civile avait pour contrepartie une progression des crédits du fonds d'aide et de coopération (FAC) ; de même, la baisse des effectifs d'assistance militaire technique de 714 à 644 assistants permettrait une augmentation des crédits de formation de stagiaires militaires étrangers en France mais surtout en Afrique, en particulier dans le cadre d'écoles installées sur une base régionale.
M. Charles Josselin a enfin cité parmi les priorités de la coopération française l'appui institutionnel, la reconquête par les pays africains de leur souveraineté économique, le développement humain (notamment l'enseignement de base et l'accès aux soins de santé primaires), le développement durable et le renforcement de la concertation avec les collectivités locales, les associations de solidarité et l'ensemble des administrations publiques intéressées par l'aide publique au développement.
A la suite de l'exposé du secrétaire d'Etat à la coopération, un large débat s'est instauré entre les commissaires.
Mme Paulette Brisepierre a d'abord souhaité connaître l'état de la réflexion conduite par le gouvernement sur la réforme des structures de notre coopération et notamment sur l'avenir de la Caisse française de développement (CFD). Elle s'est inquiétée par ailleurs des mesures envisagées pour encourager le volontariat en coopération à la suite de la suppression de l'obligation du service national. Enfin, elle s'est demandée si la déflation des effectifs de l'assistance technique pouvait se poursuivre sans dommages pour notre coopération.
M. Daniel Goulet, après avoir évoqué les travaux des assises nationales de la coopération, a souligné la nécessité d'inscrire notre action en matière de développement dans une perspective durable. Il a souhaité savoir si le Parlement serait associé à la réflexion sur la réforme de notre coopération. Il s'est demandé en outre quelles étaient les positions respectives de la présidence de la République et du gouvernement sur les changements envisagés.
Mme Monique Cerisier ben Guiga s'est interrogée sur la multiplicité des instances dévolues à la francophonie alors même que certaines personnes isolées oeuvraient, sans réel soutien, au rayonnement de notre langue dans le monde. Elle a souhaité par ailleurs que les concepts de coopération et d'assistance soient mieux distingués et que l'aide ne soit pas seulement dispensée aux pays les plus favorisés mais aussi aux Etats les mieux à même d'employer utilement l'aide française.
M. Jacques Habert, après avoir rappelé la baisse des crédits de la coopération, s'est étonné de la progression des moyens accordés à la Caisse française de développement. Il s'est interrogé par ailleurs sur la concertation sur place entre les missions de coopération et les agences de la CFD. Enfin, il a attiré l'attention du ministre sur la nécessaire pérennité du soutien accordé par notre gouvernement aux écoles françaises.
M. André Dulait a demandé des éclaircissements sur l'amélioration de la situation économique des pays africains et sur le bilan de la dévaluation du franc CFA.
M. Pierre Biarnès a rappelé l'inquiétude que lui inspirait la contraction régulière de nos effectifs d'assistants techniques alors même que leur présence apparaissait indispensable pour encadrer notre aide. Il s'est interrogé sur l'avenir du secrétariat d'Etat à la coopération.
M. Marcel Debarge, après avoir évoqué la place fluctuante de la coopération dans les structures gouvernementales successives, a souligné son attachement à la pérennité d'une institution dont la vocation toutefois devait s'élargir à l'ensemble des pays en développement. Il s'est interrogé sur la position française au regard des récentes initiatives américaines sur le continent africain. Il a par ailleurs souhaité obtenir des précisions sur le rôle des organisations non gouvernementales dans le domaine de l'aide au développement.
M. Xavier de Villepin, président, a souhaité connaître le sentiment du secrétaire d'Etat sur les relations sur le terrain entre nos représentations diplomatiques et les missions de coopération. Il a demandé des éclaircissements sur les conditions de financement de l'hôpital de campagne mis en place au Congo à la suite des événements récents intervenus dans ce pays. Enfin, après avoir souligné la complexité des structures institutionnelles liées à la francophonie, il s'est interrogé sur l'unité de la communauté des pays francophones notamment au sein des Nations unies et sur la désignation, à l'occasion du sommet de Hanoi, d'un secrétaire général pour la francophonie.
En réponse aux questions des commissaires, M. Charles Josselin a apporté les précisions suivantes :
- la France restait l'un des premiers bailleurs de fonds des pays en développement, même si la part consacrée à l'aide au développement, après avoir représenté près de 0,70 % du PNB français, se situait désormais légèrement au-dessus de 0,50 % ;
- les ONG françaises, particulièrement actives dans le domaine humanitaire, apparaissaient en matière d'aide au développement moins présentes que les associations des pays de l'Europe du nord ;
- en deçà d'un certain seuil, la réduction des effectifs de l'assistance technique civile changerait la nature de notre coopération ; toutefois, pour 1998, les réductions portaient principalement sur des postes d'enseignants dits de substitution ;
- les crédits de bourses civiles devaient être préservés, ceux des bourses militaires substantiellement augmentés (14 %), afin de favoriser la formation, dans un cadre francophone, des futures élites africaines, aujourd'hui de plus en plus attirées par les universités américaines ;
- la conjoncture économique des pays africains s'était globalement améliorée (ainsi, sur les 33 pays les moins avancés du continent, 19 devaient connaître en 1997 une croissance de 4 % supérieure à l'augmentation de leur démographie) ; en revanche la situation sociale dans de nombreux Etats avait tendance à se dégrader ;
- la politique de coopération devait constituer l'une des composantes de notre diplomatie et s'ouvrir à l'ensemble des pays en développement, en Afrique et ailleurs ; les grandes lignes d'une réorganisation des structures dévolues à la coopération feraient l'objet d'une communication en conseil des ministres à la fin du mois de novembre ; une concertation pourrait s'établir par la suite avec le Parlement pour préciser les modalités de mise en oeuvre de cette réforme ;
- dans le cadre des changements envisagés, la réflexion portait, en particulier, sur les liens entre la direction du développement du secrétariat d'Etat à la coopération et la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères, sur la mise en place d'instruments d'évaluation de la politique de coopération, et également sur l'élargissement du champ de la coopération, même si l'Afrique resterait en tout état de cause un partenaire privilégié ;
- la réforme retiendrait davantage le principe d'une réorganisation que d'une fusion ; l'identité de la coopération serait préservée à travers le renforcement des capacités de conception, d'évaluation et de contrôle des missions de coopération tandis que la mise en oeuvre opérationnelle, pour laquelle la Caisse française de développement avait tout son rôle à jouer, pourrait relever d'une structure séparée ;
- la coordination sur place entre les ambassadeurs et les chefs de mission s'organisait dans de bonnes conditions, la coopération devant désormais s'inscrire davantage dans un cadre régional ;
- l'unité aéromobile médicale destinée au Congo reposait sur un financement du ministère des affaires étrangères au titre du fonds d'urgence humanitaire dont le secrétaire d'Etat à la coopération a la maîtrise ;
- dans le cadre du sommet de la francophonie à Hanoï, la candidature de M. Boutros Boutros Ghali comme secrétaire général devrait rallier les suffrages de l'ensemble des Etats membres du mouvement ;
- la France devait enfin s'attacher à faire davantage valoir son action dans le cadre des instances multilatérales, à la fois au niveau européen, notre pays fournissant le quart de la dotation du Fonds européen de développement, et également au niveau des Nations unies et des institutions financières internationales.
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M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat chargé de la coopération, a ensuite répondu aux questions de Mme Paulette Brisepierre et de MM. Marcel Debarge, Jacques Habert et Xavier de Villepin, président, sur la situation au Congo Brazzaville ainsi que sur l'évolution récente de plusieurs pays africains, notamment le Cameroun et le Kenya.