Un an après la conclusion de l’accord de commerce et de coopération, qui a évité à la filière pêche le drame d’un "no deal" sans transition, le modèle français de pêche côtière et artisanale est victime de l’application défaillante de l’accord. 20 % des licences de pêche demandées par la France pour la bande côtière des 6-12 milles de la Grande-Bretagne, de Jersey et de Guernesey, n’ont pas été octroyées par les Britanniques, 74 de nos pêcheurs n’ayant toujours pas obtenu satisfaction.
Dans ce contexte, la commission des affaires européennes du Sénat et sa commission des affaires économiques ont adopté le rapport de M. Alain Cadec, président de la section "pêche et produits de la mer", rattaché au groupe d'études "agriculture et alimentation", qui réclame l’octroi des licences encore non attribuées, auxquelles ont droit nos pêcheurs, et propose des solutions pour sécuriser à moyen terme leur accès aux eaux britanniques et explorer à long terme de nouvelles opportunités pour nos pêcheurs.
Le rapport demande également à la Commission européenne, sous le contrôle des scientifiques, un report au moins partiel et temporaire des réductions programmées de notre effort de pêche sur nos propres eaux. Plutôt qu’un plan de sortie de flotte consécutif au Brexit, il propose un plan de modernisation de la flotte et de l’aval (sécurité à bord, économies d’énergie, sélectivité des engins de pêche, transition écologique du mareyage…), afin de mieux valoriser les ressources dont nous disposons.
Pour Alain Cadec, rapporteur, "l’enjeu n’est pas d’augmenter notre effort de pêche, mais simplement de le stabiliser. La Commission européenne ne semble pas mécontente de la baisse de l’effort de pêche au nom de la préservation de la ressource, qui est pourtant gérée plus durablement aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Ne semblant tenir aucun compte de la passe difficile traversée par les pêcheurs – Covid-19, Brexit –, la Commission a d’ailleurs proposé une nouvelle baisse des totaux admissibles de capture (TAC) dans les eaux communautaires, avec par exemple -36 % sur la sole dans le golfe de Gascogne. Alors que deux tiers des produits de la mer dans nos assiettes sont déjà issus de l’importation, que notre flotte a déjà été considérablement réduite ces dernières années, et que les Chinois sillonnent les mers avec leurs bateaux-usines, il faut à mon sens éviter le spectre de la "durabilité dans un seul pays"".
Selon Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, "on devrait s’inquiéter davantage du grand saut dans l’inconnu de l’après-juin 2026, car la perspective de renégociations annuelles des quotas dans les eaux britanniques empêchera les pêcheurs de se projeter à moyen terme et de procéder aux investissements nécessaires".
Pour Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, "la résolution de ce conflit passera nécessairement par son européanisation, car l’accord est euro-britannique et non franco-britannique. Cela implique toutefois de la part de l’UE un effort pour penser le problème à une échelle plus "micro", en ne réduisant pas la pêche à son poids dans l’économie globale car, derrière les chiffres, il y a un modèle de pêche, des familles et des territoires".
La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines). Le groupe d’études "Pêche et produits de la mer", rattaché à cette commission, est présidé par M. Alain Cadec (Les Républicains – Côtes-d’Armor). La commission des affaires européennes est présidée par M. Jean-François Rapin (Les Républicains – Pas-de-Calais). |
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