La commission des lois a adopté, le 27 octobre 2021, avec modifications, sur le rapport de Philippe Bas (Les Républicains – Manche), la proposition de loi constitutionnelle n° 795 (2020‑2021) présentée par Jean‑Pierre Sueur (Socialiste, écologiste et républicain – Loiret) et plusieurs de ses collègues, garantissant le respect des principes de la démocratie représentative et de l'État de droit en cas de législation par ordonnance.
Ce texte, ainsi amendé, permet de rétablir l’esprit de la Constitution, et un meilleur équilibre des pouvoirs entre l’Exécutif et le Parlement.
Il revient ainsi sur le revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel des 28 mai et 3 juillet 2020 par lequel celui‑ci se reconnaît compétent, une fois le délai d’habilitation expiré, pour examiner par voie de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) les dispositions des ordonnances non ratifiées intervenant dans le domaine de la loi.
Approuvant pleinement la démarche de Jean-Pierre Sueur et de ses collègues, la commission a estimé que ce revirement posait un problème de principe. Cette nouvelle jurisprudence contredit en effet la volonté du Constituant de 2008 de prohiber les ratifications implicites. Elle constitue une restriction symbolique mais forte des prérogatives du Parlement, seul compétent en vertu de l’article 24 de la Constitution pour voter la loi.
À l’initiative de son rapporteur, la commission a donc voulu modifier l’article 38 de la Constitution pour rétablir l’équilibre des pouvoirs et assurer un meilleur contrôle parlementaire .
"La législation par ordonnances se banalise : alors que 14 ordonnances étaient publiées chaque année entre 1984 et 2007, ce chiffre n’a cessé d’augmenter pour atteindre 64 ordonnances par an depuis 2017. Or, seulement 18 % des ordonnances publiées au cours du quinquennat actuel ont été ratifiées par le Parlement", a souligné Philippe Bas. "Si le Gouvernement doit avoir des moyens d’action, une telle mise à l’écart du Parlement n’est pas acceptable en démocratie. Il est temps de mieux encadrer le recours aux ordonnances."
La commission a donc voulu que les demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances se conforment, sauf exceptions, à l’exécution du programme politique sur lequel il a engagé sa responsabilité. Elle a aussi mis fin à l’insécurité juridique actuelle sur le statut des ordonnances en prévoyant leur ratification expresse sous peine de caducité dans les dix-huit mois de leur publication.
"Les dispositions adoptées par la commission s’inscrivent dans la continuité du rapport publié le 24 janvier 2018 par le groupe de travail pluraliste du Sénat sur la révision constitutionnelle, présidé par Gérard Larcher, Président du Sénat", a relevé François‑Noël Buffet (Les Républicains – Rhône), président de la commission des lois. "Elles entendent redonner au Parlement toute sa marge d’action dans le processus législatif et confortent ainsi la démarche initiée par le groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, dont Pascale Gruny (Les Républicains – Aisne) est rapporteur, qui souhaite inciter à la ratification expresse des ordonnances".
Le texte de la commission sera examiné en séance publique le jeudi 4 novembre prochain.
Consulter l’Essentiel (http://www.senat.fr/lessentiel/ppl20-795.pdf)
M. François-Noël Buffet (Les Républicains – Rhône) est président de la commission des lois. M. Philippe Bas (Les Républicains – Manche) est rapporteur de la proposition de loi constitutionnelle. |
Clothilde Labatie
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