Mardi 5 mai, la commission des affaires économiques du Sénat a auditionné en visioconférence Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, pour faire le point sur l’action de la banque publique en matière de soutien à la trésorerie et à l’investissement des entreprises durant la crise sanitaire et, plus largement, sur le rôle qu’elle entend jouer dans la relance de l’économie.

Parallèlement au traitement de 80 000 appels durant les quinze premiers jours de la crise, la banque a élaboré un Prêt Rebond aux côtés des régions (accordé à hauteur de 250 millions d’euros à ce jour) et mis en œuvre les prêts garantis à 90 % par l’État (PGE). "Ces derniers ont été demandés pour un montant de 83 milliards d’euros et accordés à hauteur de 57 milliards d’euros ; 350 000 entreprises en ont bénéficié, dont 90 % sont des TPE", a indiqué le directeur général. Les critères d’accès aux PGE ont par ailleurs été assouplis dans le sens demandé par les sénateurs, puisque désormais les entreprises aux fonds propres négatifs ou considérées comme étant en difficulté y sont éligibles. Seules celles en cessation de paiement au 31 décembre 2019 ne peuvent y prétendre.

Pour la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, "le rôle de Bpifrance est double, aux côtés des territoires, en particulier les régions. D’une part, mettre en œuvre le plan de soutien à la trésorerie des entreprises afin qu’elles traversent cette crise inédite. À cet égard, nous nous félicitons que les remontées d’information du terrain aient permis l’assouplissement des critères d’accès aux PGE. D’autre part, être un acteur du financement de la relance, en mettant l’accent sur les capacités d’investissement des entreprises, quel que soit le secteur. Notre capacité à rebondir après cette crise dépendra, entre autres, de cet effort public : c’est maintenant qu’il faut accompagner le financement des transformations auxquelles nos entreprises font face. Bpifrance doit être à l’avant-poste de la relance".

Selon le directeur général, alors que 2 à 3 milliards d’euros de nouveaux prêts sont garantis chaque jour, la barre des 100 milliards d’euros de prêts garantis par l’État devrait être atteinte avant la fin de l’année. Au total, le coût budgétaire pour l’État, dans l’hypothèse de 10 % de non-remboursements, devrait atteindre environ 9 milliards d’euros. Il a ainsi noté que "dans une crise cataclysmique mais éphémère, il n’y a que le budget de l’État qui peut aider" à soutenir la trésorerie.

M. Dufourcq a également souligné qu’en la matière, le réseau bancaire avait fait preuve de réactivité, les banques acceptant "de mettre à la disposition de la solidarité nationale la totalité de leurs agences, soit 17 000, et de garder sur leurs fonds propres 10 % du risque". Interrogé sur la méthode de calcul du taux de refus des banques, annoncé aux alentours de 3 %, il a confirmé qu’un prêt octroyé pour un montant inférieur à celui demandé n’était pas considéré comme un refus, ce qui peut amoindrir ce taux ; il a par ailleurs rappelé qu’en tout état de cause, demander une caution personnelle à l’entrepreneur était interdit.

Il a déclaré n’être "pas convaincu par l’idée d’un guichet général", c’est-à-dire un passage de la garantie de l’État de 90 à 100 %, s’interrogeant sur la pertinence de solliciter les banques si "elles n’estiment plus du tout le risque et distribuent uniquement de l’argent".

Les sénateurs ont ensuite interrogé M. Dufourcq sur le rôle de Bpifrance dans la relance, secteur par secteur, et dans les grandes transformations transversales que connaît notre économie.

En ce qui concerne les moyens mobilisés en faveur de la transition énergétique dans le secteur industriel, les sénateurs ont noté l’arrêt du "prêt vert" faute de financement par le PIA (Programme d’Investissement d’Avenir) et ont appelé à muscler le Plan Climat de Bpifrance afin de soutenir l’investissement des entreprises en faveur de la décarbonation de l’outil productif. Le Directeur général a indiqué que de nouveaux fonds pourraient être débloqués à cette fin par l’Ademe, notant toutefois qu’un nouveau PIA n’était pas la priorité dans un premier temps.

Appelant par ailleurs à renforcer les moyens d’intervention de Bpifrance en fonds propres, afin de consolider la situation financière des entreprises et de les protéger d’éventuelles prédations, les sénateurs se sont enquis de l’avenir des fonds d’investissement en fonds propres cofinancés par la banque et les grands donneurs d’ordre industriels. M. Dufourcq a indiqué à cette occasion qu’un renforcement du Fonds Avenir Automobile était à l’étude, ainsi que le lancement d’un nouveau fonds "Aerofund IV".

Questionné par les sénateurs de la cellule tourisme, qui ont appelé, au sein d'un plan de 30 propositions (PDF - 737 Ko), à la mise en place d'un plan de soutien à l'investissement du secteur, M. Dufourcq a précisé que les mesures en cours d'élaboration avec la Banque des territoires s'élèveraient à 3 milliards d'euros, mobilisant notamment le prêt tourisme, le prêt industries créatives pour le soutien à l'événementiel, le fonds "France investissement tourisme" et d'autres investissements en fonds propres, en lien avec les régions.

Le directeur général a également confirmé le lancement à venir des prêts FranceNum pour la numérisation des entreprises françaises et regretté l'abandon, par l'État, du concours aux prêts industrie du futur "French Fab". S'agissant du soutien aux start-ups, il a confirmé que Bpifrance était très attentive à ce que les start-ups soient bien traitées par les fonds financés par l'établissement et rappelé le projet de fonds d’investissements qui permettrait aux Français d'investir dans 3 000 PME et start-ups françaises.

Concluant son propos sur la relance économique, M. Dufourcq a indiqué que Bpifrance sera bien "la grande banque de la relance, avec des plans spécifiques par secteur", citant en exemple le tourisme et la transition énergétique.

La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains - Yvelines).

L’activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires dictées par la nécessité d’enrayer la pandémie du Covid-19.

Philippe PÉJO
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