Mardi 28 avril, la commission des Affaires économiques du Sénat a auditionné en visioconférence Frédéric DUVAL, Directeur général d’Amazon France, pour faire le point sur les modalités de la poursuite de l’activité de l’entreprise durant la crise sanitaire du coronavirus, et plus largement sur l’impact de cette dernière sur le commerce en ligne.
Les sénateurs ont souligné que la décision médiatique de la cour d’appel de Versailles, qui a ordonné mercredi à Amazon de mieux protéger ses salariés et de restreindre ses activités à des produits jugés essentiels illustrait, au-delà du cas d’espèce, le besoin impérieux pour les employeurs de consignes sanitaires claires et précises afin que la reprise économique ne bute pas sur des divergences d’appréciation juridique entre obligation de moyen et de résultat.
Le Directeur général a indiqué que : "ce jugement me laisse perplexe, car il a d’énormes conséquences sur les clients, les PME françaises et sur nos employés". Il a notamment précisé que c’est la façon dont les salariés ont été associés à l’évaluation des risques qui est critiquée et que la décision de justice porte "sur la forme et non le fond des mesures mises en œuvre". Il a affirmé que la direction poursuivrait dans les jours prochains les consultations nécessaires pour essayer de rouvrir ses entrepôts.
Tout en soulignant le rôle important que joue le commerce en ligne dans l’approvisionnement des Français, notamment en zone rurale, les sénateurs ont fait part au Directeur général de leur souhait qu’Amazon France contribue au Fonds de solidarité destiné aux très petites entreprises. Au regard des résultats non encore connus par l’entreprise sur cette période de crise, Frédéric DUVAL a indiqué qu’aucune décision n’avait été prise en la matière, et que la question serait étudiée. Les sénateurs seront donc attentifs aux résultats des prochains mois.
Plus largement, les sénateurs ont interrogé Amazon sur ses pratiques fiscales, sociales, environnementales et commerciales alors que l’entreprise est régulièrement accusée de ne pas respecter les mêmes règles que ses concurrents. Constatant une forme de concurrence déloyale, ils ont ainsi souligné la faiblesse du montant de fiscalité acquittée en France, son refus de signer la Charte du e-commerce et une forme de "chantage au déréférencement sauvage" vis-à-vis des vendeurs tiers pour qu’ils se plient à ses exigences commerciales.
En matière fiscale, Frédéric DUVAL a estimé que "raisonner uniquement sur la contribution fiscale de l’entreprise au travers de l’impôt sur les sociétés est très réducteur" et qu’en tout état de cause, "nos contributions directes, parmi lesquelles les cotisations patronales, s’élèvent à 150 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 4,5 milliards d’euros", soit 3,3 %. Relancé sur la différence de taxation avec d’autres acteurs, il a également affirmé que "le taux d’imposition sur l’IS d’Amazon est le même que celui des autres entreprises". Concernant l’application éventuelle de la taxe sur les surfaces commerciales aux entrepôts des acteurs du commerce en ligne, il a clairement écarté cette possibilité en indiquant que "la TASCOM s’applique aux entrepôts qui accueillent du public ; or nos entrepôts n’en accueillent pas et s’acquittent par ailleurs d’autres impôts de production liés à la nature de ces entrepôts".
Les sénateurs ont également interrogé Frédéric DUVAL sur l’impact environnemental de l’activité d’Amazon. Après avoir rappelé que l’entreprise finance, entre autres, des éoliennes et des fermes solaires, il a indiqué que seules des énergies renouvelables devraient être utilisées à horizon 2030, que la décarbonation totale de l’activité devrait intervenir d’ici 2040 et qu’Amazon se dotait d’une flotte de cent mille véhicules électriques. Interrogé sur l’empreinte carbone du "dernier kilomètre", le Directeur général a souligné qu’ "une camionnette remplie de colis à livrer est moins polluante que les trajets réalisés par les consommateurs pour se rendre en périphérie acheter leurs produits, de la même façon que les transports collectifs sont plus vertueux que les transports individuels".
Concernant la stratégie à plus long terme de l’entreprise en France, les sénateurs ont interrogé Frédéric DUVAL sur les pistes pour renforcer la complémentarité entre les plateformes numériques et les magasins physiques. Il a expliqué qu’il souhaitait que son groupe implante des magasins physiques de type Amazon Go en France. Interrogé sur les évolutions du secteur, il a affirmé que trois exigences devraient rester au centre des transformations économiques : le prix, le choix et le délai de livraison.
Pour la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie PRIMAS, "le commerce en ligne, qu’il s’agisse d’Amazon ou d’une autre entreprise, est complémentaire du commerce physique et offre de nombreuses opportunités tant pour les producteurs, en leur ouvrant des possibilités commerciales très importantes, y compris à l’international, que pour les consommateurs, quelles que soient la densité et l’offre commerciales de son lieu de résidence. Cette audition a permis de rappeler que pour autant, cette complémentarité ne peut s’exprimer pleinement et loyalement que si les règles, notamment fiscales, environnementales, numériques et bien entendu sanitaires, sont les mêmes pour tous les acteurs".
La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains – Yvelines). |
L'activité du Sénat se déroule dans le strict respect des conditions sanitaires dictées par la nécessité d'enrayer la pandémie du COVID-19.
Philippe PÉJO
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