Le 10 avril 2019, la commission des lois du Sénat a procédé au bilan annuel de l’application des lois. Pour l’année parlementaire 2017-2018, le taux d’application des 19 lois examinées par la commission s’élève à 91 %, en hausse de 19 points par rapport à l’année précédente.
Malgré ce résultat encourageant, qui peut s’expliquer notamment par le contrôle exercé par Parlement, et au premier chef par le Sénat, des décrets importants manquent encore à l’appel.
Ainsi, alors que le législateur a donné son feu vert le 3 août dernier, les sapeurs‑pompiers et les surveillants pénitentiaires ne peuvent toujours pas utiliser de caméras mobiles, faute de décret d’application. Pour Philippe Bas, président de la commission, "ce retard dans l’application de la loi n’est pas acceptable, surtout lorsque l’on connaît les menaces qui pèsent sur l’intégrité physique des sapeurs-pompiers et des surveillants pénitentiaires".
De même, faute de mesure d’application, la protection de nos concitoyens contre de mauvais usages de leur numéro de sécurité sociale reste en deçà des exigences du législateur. La loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles prévoit en effet l’adoption d’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL, afin de limiter les traitements de données incluant ce numéro. Cette mesure utile à la protection de la vie privée reste donc encore inapplicable.
En outre, ce taux d’application ne doit pas occulter le fait que les délais de publication de certaines mesures d’application sont parfois plus longs que les délais d’adoption des lois elles-mêmes. C’est le cas, par exemple, de l’article 6 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dont le décret d’application, relatif aux catégories de documents administratifs pouvant être rendus publics sans faire l'objet d'un processus d'anonymisation, a été publié 26 mois après promulgation de la loi. Comme l’indique Philippe Bas, "quand on sait que le Parlement se donne les moyens d’adopter certains textes jugés prioritaires en moins de quatre mois, on peut s’étonner qu’il faille parfois six fois plus de temps au Gouvernement pour que paraisse un décret d’application".
Forte de ce constat, la commission des lois a adopté une proposition de résolution de Franck Montaugé et ses collègues du groupe Socialiste et républicain visant à modifier le Règlement du Sénat pour mieux suivre la mise en œuvre des lois.
Aux termes de ce texte, une fois la loi promulguée, le rapporteur bénéficierait d’un "droit de suite" lui permettant de contrôler son application et, le cas échéant, d’interroger le Gouvernement sur les décrets manquants. Pour Philippe Bonnecarrère, rapporteur de cette proposition de loi, "le rapporteur s’impliquera davantage dans le suivi de l’application des lois et pourra informer ses collègues sur les difficultés rencontrées. Pragmatique, ce dispositif complétera les autres moyens de contrôle du Sénat, sans s’y substituer".
Selon Philippe Bas, "le rôle des parlementaires ne s’arrête pas au moment de l’adoption d’une loi, car sans décrets d’application, des lois votées par la représentation nationale restent lettre morte. Mieux suivre l’application des lois, c’est également mieux contrôler l’action du Gouvernement".
La proposition de modification du Règlement du Sénat sera examinée en séance publique le 7 mai 2019.
Philippe Bas (Les Républicains – Manche) est président de la commission des lois. Philippe Bonnecarrère (Union centriste – Tarn) est le rapporteur de cette proposition de résolution. Franck Montaugé (Socialiste et républicain – Gers) est premier signataire de cette proposition de résolution. |
Mathilde DUBOURG
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