Constatant des désaccords profonds sur le fond et sur la méthode, la commission des affaires économiques du Sénat a refusé d’adopter le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Par l’intransigeance dont ils ont fait preuve tout au long de la procédure, le Gouvernement et sa majorité ne lui ont pas laissé d’autre choix.
Contre tous les usages parlementaires et sous l’injonction de l’Élysée, le rapporteur de l’Assemblée a d’abord fait échouer la commission mixte paritaire sur un alinéa pourtant voté à l’identique dans les deux chambres.
En nouvelle lecture, les députés LREM ont ensuite balayé d’un revers de main les avancées votées par le Sénat et attendues par nos agriculteurs.
Même la création d’un fonds d’indemnisation des victimes professionnelles des produits phytosanitaires, mesure de justice votée à l’unanimité au Sénat qui transcende les clivages partisans, n’aura pas trouvé grâce à leurs yeux.
Sur ce sujet comme sur tant d’autres, le Gouvernement et sa majorité démontrent que le "nouveau monde" a un train de retard.
La majorité LREM réalise le tour de force d’ajouter de nouvelles contraintes qui pèseront lourdement sur les agriculteurs, mais aussi sur les industriels français, le secteur de la restauration et les collectivités territoriales.
Ces dispositions nouvelles, à la constitutionnalité parfois incertaine, augmenteront encore les charges des producteurs. À l’opposé, tout indique que ce texte n’aura aucun effet positif sur leurs revenus.
Car, préférant traiter de l’interdiction des pics à steak, les députés LREM ont oublié l’essentiel tout au long des débats : améliorer le revenu agricole.
Les députés de la majorité ont ainsi refusé aux agriculteurs le droit de s’appuyer sur des indicateurs incontestables pour la construction de leur prix grâce à l’intervention de l’Observatoire de la formation des prix et des marges en cas de défaut de l’interprofession.
Dans ces conditions, le texte voulu par la majorité gouvernementale risque d’accroître le déséquilibre du rapport de force commercial au détriment des agriculteurs. Le Sénat ne peut accepter un tel scénario.
La commission invitera donc le Sénat à voter la question préalable[1] en séance publique le 25 septembre, à la fois pour dénoncer la trahison de l’esprit des États généraux de l’alimentation (EGA) et plus généralement le mépris du travail sénatorial.
Les rapporteurs appellent désormais leurs collègues à poursuivre le combat en déférant le texte devant le Conseil constitutionnel. Ils travailleront prochainement à l’évaluation concrète de la loi.
La commission des affaires économiques est présidée par Mme Sophie Primas (Les Républicains - Yvelines). Les rapporteurs du projet de loi sont M. Michel Raison (Les Républicains - Haute-Saône) sur le titre Ier, et Mme Anne-Catherine Loisier (Rat. Union Centriste - Côte-d’Or) sur les autres titres. Le dossier législatif du projet de loi est consultable ici : |
[1] La question préalable est une motion de procédure destinée à constater un désaccord sur l’ensemble d’un texte. Son adoption entraîne le rejet de la totalité du texte auquel elle s’applique.
Mathilde DUBOURG
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