Refonder un système illisible : lors de sa réunion du 12 septembre 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas (Les Républicains – Manche), la commission des lois du Sénat a examiné le rapport de la mission d’information sur la nature des peines, leur efficacité et leur mise en œuvre présenté par MM. Jacques Bigot (Socialiste et républicain – Bas-Rhin) et François-Noël Buffet (Les Républicains – Rhône), rapport qui formule 25 propositions afin de redonner un sens aux peines prononcées et exécutées.
Pour Philippe Bas : "Ce rapport s’inscrit dans la continuité des conclusions du rapport de 2017 « Cinq ans pour sauver la justice ! » de la mission de la commission des lois du Sénat sur le redressement de la justice» [1] : l’exécution des peines est trop souvent différée dans notre pays, les alternatives aux peines d’emprisonnement insuffisamment développées, les conditions de détention impropres à la préparation de réinsertions réussies, ce qui est non seulement une perte de chance pour les condamnés mais aussi un risque grave du point de vue de la prévention de la récidive."
Comme le précise Jacques Bigot, "la confusion des rôles et des missions règne , entre les procureurs, les formations de jugement, les juges de l’application des peines et les différents services de l’administration pénitentiaire, au détriment d’une réelle pédagogie de la peine. Une nouvelle vision globale du prononcé des peines est nécessaire."
Pour François-Noël Buffet, "en raison de l’engorgement des juridictions, de la sur‑occupation des établissements pénitentiaires et de la complexité du droit des peines, le système est contourné en permanence, ce qui nuit tant à la lisibilité et à la visibilité des peines prononcées qu’à leur efficacité. Contrairement au Gouvernement qui ne propose que des ajustements avec son plan de désengorgement des prisons, nous proposons une refonte du système, pas un ajustement."
Les rapporteurs formulent 25 propositions qui s’articulent autour de cinq axes de réflexion visant à restaurer une vision globale et cohérente du prononcé et de l’exécution des peines :
1. Remettre les juridictions de jugement au cœur du prononcé des peines, notamment par :
- la redéfinition des missions des acteurs de la peine afin de mettre fin à la confusion des rôles ;
- lors d’un procès, la mise en place d’une césure permettant de dissocier le moment du prononcé de la culpabilité du moment du prononcé de la peine ;
- la refonte du prononcé et de l’aménagement des peines pour que la peine exécutée soit la peine prononcée par la juridiction, sauf circonstance ou évolution particulière de la situation du condamné.
2. Simplifier l’architecture des peines, notamment par :
- la création d’une peine autonome de probation visant à se substituer à la contrainte pénale et au sursis avec mise à l’épreuve ;
- la fusion des peines de stages en une peine unique.
3. Défendre une vision pragmatique de l’exécution des peines, notamment par :
- l’association des collectivités territoriales en tant que partenaires de l’autorité judiciaire et la construction de stratégies locales partagées ;
- la mise en œuvre d’une évaluation post-sentencielle des personnes condamnées.
4. Rendre crédible l’exécution des peines en milieu ouvert, notamment par :
- la possibilité pour les juridictions de définir le contenu des peines probatoires ;
- la mise en œuvre de véritables synergies entre les services pénitentiaires d’insertion et de probation et le secteur associatif ;
- la possibilité d’exécuter les peines de travail d’intérêt général sous la forme de chantiers collectifs.
5. Adapter les prises en charge en milieu carcéral, notamment par :
- l’accompagnement de l’ensemble des sorties de détention ;
- la délégation aux directeurs des services pénitentiaires de plusieurs prérogatives actuellement dévolues aux magistrats afin d’adapter au plus près l’exécution des peines (renouvellement des permissions de sortie, habilitation des structures offrant des travaux d’intérêt général…) ;
- la diversification des établissements pénitentiaires, en les adaptant aux profils des détenus, et la mise en œuvre d’une classification des établissements pour une orientation adaptée des détenus.
Les recommandations ont vocation à alimenter la réflexion de la commission des lois lors de l’examen des dispositions du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
[1] Le rapport est disponible à cette adresse : www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html
Mathilde DUBOURG
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