Réunie le mercredi 2 novembre 2016, à 17 h 15, au Sénat, sous la présidence de M. Philippe Bas, sénateur (Les Républicains – Manche), et la vice-présidence de M. Dominique Raimbourg, député (Socialiste, écologiste et républicain – Loire‑Atlantique), la commission mixte paritaire (CMP) chargée d’élaborer un texte commun sur la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a échoué.
Selon M. Christophe-André Frassa, rapporteur (Les Républicains – Français établis hors de France) : « Ce texte va imposer des obligations disproportionnées et coûteuses aux grandes entreprises françaises, mais aussi à tout le tissu des petites et moyennes entreprises qui travaillent pour elles. Or, un tel texte ne changera strictement rien à la situation des travailleurs ou à la protection de l’environnement dans les pays en développement. Comment imaginer que la loi française va s’imposer dans ces pays ? En revanche, nos entreprises vont en subir directement les conséquences négatives, en termes de perte de marchés, de coûts et de risque contentieux accru. »
Selon M. Philippe Bas : « Il s’agit ni plus ni moins d’un discours politique mis en forme de loi, d’un texte de circonstance. Si les intentions sont évidemment bonnes – qui ne pourrait pas les partager ? –, on ne fait pas de bonnes lois uniquement avec de bonnes intentions. Ce texte est inconstitutionnel, en raison du caractère vague des normes à respecter dans le plan de vigilance, de l’amende civile et de l’imprécision du régime de responsabilité qu’il prévoit. »
Le Sénat, sur la proposition de la commission des lois, avait rejeté ce texte en première lecture, en raison de ses failles juridiques, notamment de ses risques d’inconstitutionnalité, ainsi que de l’atteinte à la compétitivité des entreprises françaises et à l’attractivité de la France qu’il représente. Il a cependant fait le choix de l’examiner en deuxième lecture, en l’inscrivant dans le cadre de la directive européenne du 22 octobre 2014 concernant la publication d’informations non financières par les grandes entreprises.
Suivant son rapporteur, M. Christophe-André Frassa, le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture permettrait d’écarter les objections juridiques et économiques formulées à l’encontre du texte de l’Assemblée nationale, dans une logique de transparence et d’incitation, et non de coercition ou de sanction : élargissement du texte au périmètre de la directive ; publication d’informations sur les risques d’atteinte aux droits de l’homme, de dommages corporels, environnementaux et sanitaires ainsi que de corruption, pouvant résulter des activités de la société, de ses filiales et de ses sous-traitants, en France comme à l’étranger, au regard du droit applicable localement, et publication des mesures de vigilance raisonnable mises en œuvre pour les prévenir ; vérification de ces informations par un organisme tiers indépendant ; injonction de faire sous astreinte en cas de manquement ; suppression de l’amende civile de 10 millions d’euros et du régime spécifique de responsabilité ; entrée en vigueur différée.
Pour autant, malgré ces avancées et cette recherche de compromis, les députés de la majorité ont refusé de s’écarter du texte qu’ils avaient déjà adopté, faisant échouer la commission mixte paritaire.
Mathilde DUBOURG
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