Réunie le mardi 13 et le mercredi 14 septembre 2016, la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi "Égalité et citoyenneté" a établi le texte de la commission, sous la présidence de M. Jean Claude Lenoir (Les Républicains – Orne) et sur le rapport de Mmes Françoise Gatel (UDI-UC – Ille-et-Vilaine, titres Ier et III) et Dominique Estrosi Sassone (Les Républicains ‑ Alpes-Maritimes, titre II).
Confrontée à la multiplication des mesures insérées sans grande cohérence au fil du texte par l’Assemblée nationale,la commission spéciale a recentré le texte sur ses objectifs initiaux à partir de quatre critères :ne voter que des dispositifs réalistes, supprimer les dispositions qui ne présentent aucun lien avec le projet initial, supprimer les dispositions non législatives et n’ajouter aucune contrainte inutile aux citoyens, aux entreprises ou aux collectivités territoriales.
Sur le rapport de Mme Françoise Gatel (UDI‑UC – Ille‑et‑Vilaine), la commission spéciale a abordé dans un esprit constructif les titres Ier et III du projet de loi qui visent à renforcer la cohésion de la société française et à faciliter l’intégration de tous.
La commission a en particulier :
– rejeté la création d’un congé pour l’exercice de responsabilités associatives (art. 8)qui aurait créé de nouvelles inégalités entre les salariés des petites et grandes entreprises et rendu plus complexe encore le droit du travail en matière de congés spécifiques ;
– imposé le principe d’une formation obligatoire des tuteurs accompagnant une personne volontaire en service civique (art. 12 ter) ;
– rejeté la proposition , même à titre expérimental, de la création d’un service civique obligatoire pour toute une classe d’âge (art. 12 nonies) en raison notamment de l’incapacité matérielle et financière des structures d’accueil à la mettre en œuvre ;
– inscrit explicitement dans la loi que le contrôle de l’instruction en famille se déroule, sauf décision motivée de l’administration, sur le lieu où est dispensée l’instruction (art. 14 bis) ;
– adopté une nouvelle rédaction des dispositions relatives à l'ouverture des établissements d'enseignement privés hors contrat, afin d’harmoniser et renforcer les exigences des régimes de déclaration en vigueur mais également de systématiser les contrôles a posteriori (art. 14 decies) ;
– rejeté les propositions qui auraient pour effet de remettre en cause l’âge de la majorité légale au vu des risques juridiques encourus par les jeunes et leurs familles , à l’instar des articles autorisant les mineurs à être nommés directeurs de publication d’un journal (art. 15), à participer aux actes d’administration des associations sans l’accord de leurs parents (art. 15 ter) ou encore à solliciter eux-mêmes leur émancipation civile (art. 19 ter) ;
– supprimé les dispositions revenant sur la loi NOTRe un an à peine après sa publication , la commission spéciale ne souhaitant pas que le projet de loi soit une source d’instabilité juridique pour les collectivités territoriales (art. 16, art.16 ter à 16 octies A, art. 16 decies);
– préservé le droit à la vie privée des candidats aux concours administratifs en supprimant l’obligation de collecter des données relatives à leur "environnement social ou professionnel" et de verser ces informations au dossier administratif des fonctionnaires (art. 36 bis B) ;
– étendu , sous une forme expérimentale, aux versants hospitalier et territorial le nouveau contrat d’accès à la fonction publique destiné aux jeunes demandeurs d’emploi (art. 36 septies) ;
– renforcé les sanctions applicables aux délits de presse prévus par la loi du 29 juillet 1881 (injures, diffamations, etc.), conformément aux préconisations du rapport de MM. François Pillet et Thani Mohamed Soilihi, adopté le 6 juillet dernier par la commission des lois du Sénat (art. 37) ;
– refusé la création d’un nouveau délit de « négation, minoration ou banalisation » des crimes de génocide , la commission spéciale considérant qu’il n’appartient ni au législateur ni aux magistrats de s’ériger en juges de l’Histoire (art. 38 ter).
Sur le rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone (Les Républicains – Alpes-Maritimes), la commission spéciale a adopté les dispositions suivantes dans le titre II du projet de loi qui concerne la mixité sociale dans l’habitat :
• En ce qui concerne les dispositions relatives aux attributions de logements et aux obligations de construction de logements sociaux en application de l’article 55 de la loi SRU , la commission spéciale n’a pas souhaité exonérer les communes de leur obligation de construction de logements sociaux ou de leur obligation de mixité sociale, mais simplement voulu permettre une meilleure adaptation des dispositifs du projet de loi aux réalités du terrain dans un souci d’efficacité et de bonne gestion.
Aussi, la commission spéciale a-t-elle :
– maintenu pour les maires, premiers interlocuteurs de nos concitoyens en matière de logement, les prérogatives que le projet de loi proposait de leur retirer (délégation aux maires du contingent préfectoral, possibilité pour une commune de créer une commission d’attribution, voix prépondérante du maire dans les commissions d’attribution) ;
– décidé de revenir au projet de loi initial en ne prévoyant pas de substitution automatique du préfet aux collectivités locales, aux bailleurs et aux réservataires, lorsque ces derniers n’atteignent pas leurs objectifs de mixité sociale (articles 20 et 21) ;
– adopté des dispositifs de contractualisation entre les collectivités locales concernées et le préfet pour définir les obligations de mixité sociale prévues à l’article 20 ;
– instauré un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le maire et le préfet qui définira le taux de logements sociaux que la commune doit atteindre ainsi que l’échéance à laquelle elle doit l’atteindre. Ce taux sera compris entre 15% et 25%. Le contrat mentionnera également les objectifs de la commune pour chaque triennat et les modalités de mise en œuvre de ses engagements ;
– instauré un contrat d’objectifs et de moyens pour construire des logements intermédiaires dans les communes qui ont plus de 50% de logements sociaux ;
– refusé, dans un contexte de baisse des dotations, l’aggravation des sanctions financières prononcées à l’encontre des communes carencées en logements sociaux qui étaient prévues aux articles 31 à 31 bis.
• En ce qui concerne les dispositions relatives aux gens du voyage (articles 33 undecies à 33 quindecies), la commission spéciale a souhaité prévoir des contreparties aux nouveaux droits qui leur sont accordés. Elle a souhaité simplifier et moderniser les procédures d’évacuation des campements illicites dans les communes et EPCI respectant leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage.
Aussi, la commission spéciale a-t-elle :
– complété les motifs juridiques permettant au préfet de prononcer l’évacuation des campements illicites tout en respectant les droits des personnes concernées . Outre le motif de trouble à l’ordre public, prévu par le droit en vigueur, la commission spéciale a permis l’évacuation dans l’hypothèse où des places en aires d’accueil seraient disponibles dans un rayon de moins de 50 kilomètres ou si les campements illicites entravent une activité économique ;
– fixé le délai maximal d’exécution de la mise en demeure du préfet à 24 heures afin d’accélérer la mise en œuvre de la procédure d’évacuation ;
– transféré à l’État la police administrative lors des grands rassemblements des gens du voyage et prévu un mécanisme d’information permettant aux autorités publiques d’anticiper et de mieux organiser ces événements.
Le projet de loi sera examiné en séance publique par le Sénat à partir du mardi 4 octobre 2016.
Mathilde Dubourg
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