Réunie le mercredi 1er juin 2016, sous la présidence de M. Alain Milon (Les Républicains - Vaucluse), la commission des affaires sociales du Sénat a examiné, sur le rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne (Les Républicains - Yonne), Jean-Marc Gabouty (UDI-UC - Haute-Vienne) et Michel Forissier ( Les Républicains- Rhône) le projet de loi n° 610 (2015-2016) visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Face à un contexte social tendu, la commission a souhaité redonner à ce texte l’ambition qui était la sienne avant les reculs successifs opérés par le Gouvernement et l’Assemblée nationale tout en y imprimant sa marque, afin d’en faire véritablement le premier acte de l’indispensable refondation du code du travail.
À l’article 1er, elle a dressé la feuille de route de la commission chargée de repenser le code du travail en lui fixant comme objectifs la simplification des normes, la protection des droits et libertés fondamentaux des travailleurs et le renforcement de la compétitivité des entreprises.
S’agissant de la durée du travail, la commission a approuvé la philosophie générale de l’article 2, qui s’inscrit dans la lignée des réformes de 2004 et 2008 et vise à faire de l’accord d’entreprise le pivot de la négociation collective en France. Elle a approuvé la suppression de la notion de durée légale de travail, à laquelle elle a substitué une durée de référence fixée par accord d’entreprise ou, à défaut, de branche. En l’absence d’accord, la durée supplétive serait de 39 heures par semaine. Elle a également autorisé les entreprises à conclure des contrats à temps partiel d’une durée inférieure à 24 heures par semaine, en leur ouvrant la faculté de déterminer leur propre durée minimale de travail. Elle a enfin facilité l’organisation du travail dans les PME en réintroduisant la possibilité de signer des conventions individuelles de forfait en l’absence d’accord collectif, dans le respect de la santé et de la sécurité des salariés, et en permettant dans ces entreprises un aménagement du temps de travail à l’initiative de l’employeur sur une période de 16 semaines.
La commission a ouvert la possibilité aux employeurs, dans les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs avec les représentants élus du personnel, quelle que soit la thématique abordée. En leur absence, l’employeur pourra directement soumettre des projets d’accord aux salariés, leur approbation nécessitant une majorité des deux tiers.
Soucieuse d’éviter un blocage du dialogue social dans les entreprises, la commission a souhaité conserver les règles actuelles de validité des accords collectifs (article 10). En cas d’opposition à la signature d’un accord de la part de syndicats majoritaires dans l’entreprise, l’employeur aura la possibilité de consulter les salariés pour trancher le différend.
Afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux évolutions de leur activité, la commission a cherché à donner toutes leurs chances aux nouveaux accords de préservation et de développement de l’emploi prévus à l’article 11. Ils devront prévoir les conditions dans lesquelles les salariés pourront bénéficier de l’amélioration de la situation économique de leur entreprise.
La commission a par ailleurs encouragé le développement de la participation et de l’intéressement en abaissant le taux du forfait social, en particulier dans les entreprises employant moins de cinquante salariés qui mettent en place pour la première fois ces dispositifs (article 20 A).
Elle a adopté une approche réaliste concernant le périmètre du compte personnel d’activité. Elle l’a recentré sur le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité et a écarté la création du compte d’engagement citoyen, qu’elle a jugé inabouti. Elle a également simplifié le compte pénibilité en le limitant aux quatre facteurs de risques professionnels actuellement opérationnels (article 21). Elle a par ailleurs maintenu le caractère expérimental de la garantie jeunes, jugeant que sa généralisation ne devait intervenir qu’après son évaluation (article 24).
Afin qu’une véritable réflexion s’engage sur la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation, associant tous les acteurs concernés, la commission a supprimé l’article 27 bis ajouté par l’Assemblée nationale, qui préempte les conclusions de ce travail indispensable.
Elle a en outre supprimé l’article 29 bis A qui prévoyait la création d’une instance de dialogue du réseau de franchise, estimant qu’il entrait en contradiction frontale avec le principe même de la franchise.
À l’article 30, la commission a précisé les situations dans lesquelles un licenciement économique sera présumé reposer sur une cause réelle et sérieuse : baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes d’au moins 30 % pendant un semestre par rapport à l’année précédente ou perte d’un marché représentant au moins 30 % de son activité. Si l’entreprise appartient à un groupe, l’ appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectuera au niveau des entreprises du groupe, exerçant dans le même secteur d’activité et implantées sur le territoire national. La commission a également encadré les délais dans lesquels le juge devra statuer en cas de contestation d’un licenciement économique.
Elle a par ailleurs introduit dans le texte le plafonnement des indemnités octroyées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, auquel le Gouvernement avait renoncé dans le projet de loi initial (article 30 bis A).
Déterminée à faire de l’apprentissage une voie de réussite, la commission a adopté plusieurs amendements reprenant les dispositions essentielles de la proposition de loi déposée le 10 février 2016 par Elisabeth Lamure, présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises. Ils ont notamment pour objet de créer un pacte national pour l’apprentissage, d’améliorer l’orientation des élèves et la formation des enseignants au monde de l’entreprise et d’ adapter le cadre juridique de l’apprentissage aux besoins des apprentis et des entreprises.
En ce qui concerne la réforme de la médecine du travail prévue à l’article 44, la commission regrette l’esprit de résignation du Gouvernement. Le projet de loi prend pour acquis la pénurie de médecins du travail, sans répondre au véritable problème que constitue le manque d’attractivité de cette profession. La commission a souhaité maintenir le principe général de la visite d’aptitude et préciser que la visite d’information et de prévention ne sera possible qu’à titre dérogatoire lorsque la nature du poste auquel le travailleur est affecté le permet. La commission a en outre supprimé les dispositions qui modifient la gouvernance des services inter-entreprises de santé au travail.
La commission a enfin approuvé l’essentiel des dispositions visant à renforcer la lutte contre la fraude au détachement de travailleurs. Elle a donné la possibilité aux acheteurs publics de résilier les marchés conclus avec des entreprises dont l’activité a été suspendue par l’autorité administrative en raison d’une infraction aux règles de détachement. En outre, les entreprises condamnées pour travail illégal ne pourront plus accéder à la commande publique durant les deux années de leur inscription sur la « liste noire » tenue par le ministère du travail.
Le billet de l’Espace presse : http://www.senat.fr/espace_presse/
Le projet de loi sera examiné en séance publique à partir du lundi 13 juin à 16 heures.
Juliette Elie
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