La rapporteure générale de la commission des finances du Sénat, Nicole Bricq (Soc., Seine-et-Marne), a pris connaissance du texte du projet de loi de finances rectificative examiné ce matin en Conseil des ministres.
L’article 2 portant création d’une taxe sur les transactions financières apparaît très en retrait au regard des ambitions affichées. Voilà encore un mois, le Gouvernement annonçait que la France transposerait par anticipation la proposition de directive européenne du 28 septembre 2011 établissant une taxe sur les transactions financières.
En réalité, l’article 2 propose la création de trois taxes et supprime une taxe sur la cession d’actions et de parts sociales.
I. Une taxe sur l’acquisition d’actions : une version affadie du « Stamp duty » britannique
Le Gouvernement a totalement écarté le texte de la directive européenne pour lui préférer le modèle britannique de taxation des acquisitions d’actions, appelé « Stamp duty ».
La comparaison avec le « Stamp duty » laisse au surplus entrevoir des différences majeures avec le régime applicable outre-Manche :
- s’agissant de l’assiette, le Gouvernement réduit la taxe aux seules actions des très grandes entreprises (capitalisation boursière supérieure à 1 milliard d’euros) : toutes les actions des entreprises cotées sur le SBF 120 ne sont donc pas prises en compte ;
- s’agissant du taux, le Gouvernement retient 0,1 % alors que le Royaume-Uni applique un taux de 0,5 %.
Le système britannique prévoit également une « exit tax » de 1,5 % pour les actions négociées à l’étranger alors que le Gouvernement préfère un système déclaratif dont on peut craindre que, en pratique, il reste lettre morte, faute de pouvoir sanctionner les opérateurs étrangers.
II. Une taxe sur les CDS nus sur dette souveraine : une taxe à contre-temps
Le texte du Gouvernement prévoit également la création d’une taxe sur les CDS nus sur dette souveraine au taux de 0,01 %.
Cette taxe sera mise en œuvre pour une durée limitée puisque l’Union européenne a voté une interdiction des CDS nus sur dette souveraine qui sera effective très prochainement.
Les CDS nus sur dette souveraine sont des instruments spéculatifs très déstabilisants. Dès le mois de mai 2010, l’Allemagne avait purement et simplement décidé d’interdire l’utilisation de CDS nus. Il est regrettable que le Gouvernement agisse aujourd’hui à contre-temps.
III. Une taxe sur le trading par ordinateur : une taxe sur les non-transactions financières
Enfin, il est également proposé la création d’une taxe sur le trading d’actions par ordinateur (trading haute fréquence). Nicole Bricq constate que le Gouvernement reprend à son compte une proposition qu’elle avait formulée, lors du débat sur le budget 2012, que le Sénat avait adoptée et à laquelle le Gouvernement s’était alors fermement opposé.
Une telle taxe ne constitue pas une taxe sur les transactions financières, mais sur les non-transactions. Il n’en demeure pas moins qu’elle est utile car, en taxant les ordres annulés, elle permet de limiter l’impact négatif du trading par ordinateur sur le marché et donc d’améliorer leur fonctionnement.
IV. La suppression d’une taxe sur les cessions d’actions et de parts sociales
Le Gouvernement profite de cet article censé créer une taxe sur les transactions financières pour supprimer un dispositif voté il y a deux mois à peine, inscrit dans la loi de finances pour 2012 à l’initiative du Sénat et revu – dans un sens plus restrictif - par l’Assemblée nationale et qui frappe une catégorie particulière de transactions financières : les cessions d’actions et de parts sociales de sociétés cotées et non cotées.
Il est paradoxal d’afficher l’intention de taxer les transactions financières et, dans le même temps, de supprimer une taxe sur certaines transactions financières (dont la création n’avait en outre donné lieu à aucune contestation).
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En guise de taxe sur les transactions financières, le Gouvernement propose donc une simple taxe sur l’acquisition d’actions à un taux cinq fois plus réduit que celui applicable au Royaume-Uni.
Olivier Graftieaux
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