Saisied’un texte reposant sur des hypothèses et des équilibres financiers déjà rendus caducs par les annonces gouvernementales, la commission des finances du Sénat a examiné, le mercredi 9 novembre au matin, les amendements présentés par sa rapporteure générale, Mme Nicole Bricq (Seine-et-Marne/PS).
I. Améliorer la progressivité de l’impôt et corriger les inégalités
1) Fiscalité des revenus : la commission a adopté un amendement ouvrant la voie à la taxation au barème progressif de l’ensemble des revenus de l’épargne en commençant, dès 2012, par les revenus tirés des dividendes. Contrairement au Gouvernement qui accroît l’impôt proportionnel, le Sénat marque son attachement à la progressivité de l’impôt. La commission a aussi supprimé la borne temporelle à l’application de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, révélatrice de la réticence du Gouvernement à taxer les hauts revenus à hauteur de leurs facultés contributives.
2) Fiscalité de l’épargne : considérant que l’abrogation des dispositions de la loi TEPA, qui coûtent chaque année 9,3 milliards d’euros, permettrait de concilier rendement budgétaire et amélioration de la justice fiscale, la commission des finances a adopté un amendement revenant sur les majorations des abattements de droits de successions et de donation adoptées en 2007, à l’exception de celles en faveur des conjoints. Ainsi, les trois quarts des successions resteraient exonérées, contre 95 % aujourd’hui. Cette mesure rapporterait 2,1 milliards d’euros.
La commission a également divisé par deux à compter de 2012 les plafonds de déductibilité des intérêts d’emprunt issus de la loi TEPA, considérant que la réduction immédiate du coût de cette subvention improductive bénéficiant surtout aux ménages aisés était préférable à la non indexation de certaines prestations sociales.
La commission a supprimé le doublement du coût fiscal des divorces résultant de l’augmentation du taux du droit de partage, adoptée au mois de juillet 2011 pour financer l’allègement de l’ISF. Cette mesure injuste s’ajoutait à celle de la loi de finances pour 2011, qui a déjà supprimé le bénéfice de la triple déclaration aux couples mariés et divorcés.
La commission a également évité la disparition de 1 milliard d’euros de recettes à compter de 2014, en supprimant l’abattement pour durée de détention applicable aux cessions de valeur mobilière, qui devait commencer à produire des effets en 2012.
Constatant que les cessions immobilières supportent les « frais de notaire » sur le montant total des transactions, la commission a, pour un gain de 930 millions d’euros, déplafonné le montant des droits d’enregistrement dus en cas de cession d’actions, notamment non cotées.
3) Fiscalité immobilière : la commission a imposé des conditions de ressources pour bénéfice d’un prêt à taux zéro. Elle a retenu le même plafond que pour l’attribution des prêts locatifs à usage social (PLUS).
II. Améliorer le rendement des impôts en luttant contre les niches et les « trous » dans les assiettes fiscales
La commission a adopté des amendements tendant à résorber le « mitage » de l’impôt sur les sociétés en raison de « trous » dans son assiette. Elle a ainsi plafonné les possibilités de déduction des intérêts d’emprunt, modifié l’assiette de la quote-part pour frais et charge retenue pour l’imposition des cessions de titres de participation et encadré certaines opérations intra-groupe pour l’application du régime de l’intégration fiscale.
A l’article 4 bis relatif au taux réduit d’IS sur les concessions de brevets, la commission a constaté que la multiplication des mesures anti-abus ne permettait pas d’obtenir des résultats significatifs et a préféré décourager l’optimisation fiscale en réduisant la taille de la niche fiscale (dont le taux passerait de 15 % à 20 %, soit un gain pour l’Etat de 230 millions d’euros).
A l’article 5 relatif au financement des quotas de CO2 pour les nouveaux sites industriels, la commission refuse qu’une partie de ces quotas soit financée par un accroissement du déficit de l’Etat en 2013 – année cruciale pour la trajectoire des finances publiques – et a recalibré les tarifs de la taxe afin qu’ils couvrent l’ensemble des besoins.
III. Miser sur les facteurs de compétitivité et de solidarité
Nicole Bricq conteste l’idée selon laquelle l’effort financier demandé aux collectivités territoriales devrait aller au-delà du gel en valeur des dotations de l’Etat, mis en œuvre pour la deuxième année consécutive. Pour traverser la crise, la France a besoin de l’action des collectivités territoriales, aussi bien dans les domaines de la solidarité, de l’innovation que de l’investissement. La commission a donc supprimé les 200 millions d’euros prélevés sur les collectivités par l’Assemblée nationale.
La commission des finances a également proposé la mise en place d’un nouveau fonds de 100 millions d’euros en faveur des départements en difficulté, rendu nécessaire par le report de la réforme de la dépendance.
La commission a aussi rétabli le régime d’exonération de charges sociales dont bénéficiaient les jeunes entreprises innovantes (JEI) jusqu’en 2011, considérant qu’il n’était pas opportun de pénaliser des entreprises qui recèlent un fort potentiel de croissance pour notre économie.
IV. Agir concrètement pour améliorer la régulation financière
Les appels lancés par le G20 au renforcement de la régulation financière sont de plus en plus des vœux pieux. Or le fonctionnement des marchés est moins contrôlé que jamais, notamment en raison de l’essor du trading haute fréquence. La Commission européenne et les régulateurs nationaux ont pris conscience des risques associés à cette pratique, mais leur réaction n’est pas à la hauteur des enjeux. Pour enrayer ce facteur de déstabilisation du fonctionnement des marchés, la commission des finances a adopté un amendement instituant une taxe sur les prestataires de services d’investissement qui annulent plus de la moitié des ordres qu’ils passent.
Olivier Graftieaux
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