Le rapport de M. Bernard Angels (SOC, Val d’Oise) sur la prospective du couple franco-allemand est disponible sur le site du Sénat http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-663-notice.html.
Adopté par la délégation sénatoriale à la prospective, il analyse les singularités de la trajectoire économique et sociale suivie par l’Allemagne dans les années 2000 en les situant par rapport à la France.
L’Allemagne a privilégié des objectifs d’amélioration de sa position concurrentielle et d’accumulation de l’épargne, mais la thèse du décrochage de compétitivité de la France, nourrie par les résultats du commerce extérieur des deux pays, doit être nuancée au regard de leurs performances de croissance respectives et tenir compte de la similitude des contraintes qu’ils subissent et, au-delà des apparences, de leurs effets. Par exemple, alors que les réussites à l’exportation de chacun ressortent comme extrêmement contrastées, une double correction, consistant, l’une, à préciser le contenu en valeur ajoutée des exportations allemandes, l’autre, à prendre les mesures du développement du chiffre d’affaires des implantations des firmes françaises à l’étranger, conduirait à atténuer ce contraste.
Dans ce contexte, le rapporteur estime globalement justifié le consensus selon lequel la divergence des performances commerciales des deux pays résulte principalement d’éléments structurels indépendants du niveau relatif des coûts et des prix. Il ajoute que les logiques concurrentielles qu’ils suivent leur imposent des contraintes communes qui, quoique différemment, affectent les conditions de leur croissance. Toutefois, il suggère que les modalités de répartition du revenu en Allemagne, couplées avec l’externalisation de plus en plus poussée des chaînes de production, ont pu amplifier les différences entre leurs performances commerciales. En toute hypothèse, la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, la tendance à une inversion du sens des transferts entre les agents économiques privés et la sphère publique liée à la réduction du déficit public, l’atonie de l’investissement en Allemagne sont allées dans le sens de l’instauration d’un régime de croissance tirée par l’extérieur et où la position créditrice du pays sur le reste du monde s’accroît continûment, de sorte qu’on a pu évoquer un « néomercantilisme allemand ».
La pérennisation d’une telle trajectoire apparaît insoutenable pour la France, l’Europe et l’Allemagne elle-même mais la question se pose de savoir si la sortie s’en effectuera dans la crise ou par le haut. D’où les deux scénarios envisagés dans le rapport. Le scénario de crise peut passer par tous les chocs auxquels est exposé un sentier de croissance déséquilibré (chocs internes ou externes ; inflation ou déflation ; effets de richesse négatifs…). De son côté, la normalisation du régime de croissance dépend d’un rééquilibrage dont l’ampleur est toutefois conjecturale au vu des incertitudes sur les effets économiques et sociaux (productivité, exclusion sociale, concentration du revenu) des restructurations intervenues en Allemagne. En outre, sur le long terme, l’hypothèque démographique (une perte de population entre 8 et 14 millions d’habitants d’ici 2050) pèsera sur la croissance potentielle du pays si bien que la France ne retrouvera pas spontanément dans le seul changement du régime économique allemand les voies de la croissance forte et durable à laquelle elle aspire.
Olivier Graftieaux
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