La mission sénatoriale d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour les collectivités territoriales et les services publics locaux, que préside M. François Patriat (Soc ‑ Côte ‑ d’Or) et dont le rapporteur est M. Dominique de Legge (UMP – Ille-et-Vilaine), a rendu public son rapport d’information.
● A l’issue de cinq mois de travaux, la mission sénatoriale formule 49 propositions qui doivent permettre de corriger les effets indésirables de la réforme. Elle rappelle que le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, sera très vigilant sur les conditions dans lesquelles la RGPP sera poursuivie, afin qu’il soit répondu au besoin de proximité, que les collectivités territoriales ne subissent pas des transferts de charge non compensés et que les exigences de l’aménagement du territoire soient pleinement intégrées.
● La mission sénatoriale considère que les objectifs de la RGPP s’appuient sur des constats pouvant être partagés : action parfois peu lisible de l’Etat, d’une grande complexité et accroissement considérable des effectifs de l’Etat depuis trente ans, en dépit de compétences transférées aux collectivités territoriales et aux opérateurs publics. Afin que cette réforme soit poursuivie dans un objectif d'efficacité de l'action publique, la mission demande qu'une concertation soit mise en oeuvre. Ses effets concrets pour les collectivités territoriales et les services publics locaux, que le rapport met en évidence, démontrent que les élus locaux doivent être étroitement associés à sa conception et à sa mise en œuvre.
● La mission appelle à une redéfinition des missions de l’Etat en région et en département, afin de faire ressortir ce que les collectivités territoriales sont en droit d’attendre de lui et les missions qu’il n’entend plus assurer. La mission appelle aussi à une appréciation des effectifs qui tienne mieux compte des réalités des territoires et des priorités. La question de l’éducation nationale, de l'accès à la santé et des services de sécurité est au cœur des interrogations des élus.
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1/ Les conséquences de la RGPP pour les collectivités territoriales
● La mission met en évidence que les collectivités territoriales sont directement confrontées aux conséquences de la réorganisation administrative de l’Etat. Paradoxalement, la RGPP privilégie l’échelon régional au moment même où le législateur a plutôt cherché à conforter les compétences départementales. Le rôle conféré au préfet de région peut être un instrument de cohérence pour la mise en œuvre des politiques de l’État. Mais il ne doit pas mettre en cause la place du préfet de département comme acteur de terrain des politiques publiques et, par sa proximité, interlocuteur naturel des collectivités territoriales. L’inadéquation des procédures de gestion des crédits et des ressources humaines, encore très verticales et centralisées, fait que la logique de déconcentration est largement inaboutie. Par ailleurs, la réorganisation des services déconcentrés au bénéfice de l’échelon régional aboutit à des résultats contrastés, comme l’atteste le cas des DREAL trop éloignées des réalités du terrain. C’est pourquoi la mission sénatoriale formule des propositions pour répondre au besoin de proximité clairement ressenti par les collectivités territoriales.
● La mission sénatoriale souhaite affirmer le rôle du sous-préfet comme représentant interministériel, interlocuteur de proximité, conseil en ingénierie des collectivités territoriales et coordinateur dans l’arrondissement des unités territoriales des services déconcentrés de l’Etat. Face à la centralisation du contrôle de légalité en préfecture, qui peut répondre à un souci de rationalisation, la mission tient à souligner le besoin de sécurité juridique des collectivités territoriales. Cela implique qu’il soit répondu, pour les plus petites d’entre elles, au besoin de conseil et d’accompagnement des communes. Cette fonction essentielle des services de l’État doit être réaffirmée.
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2/ Le service public face à la RGPP
● Le rapport de la mission met en évidence que les territoires peuvent être profondément affectés par la réorganisation des services publics induite par la RGPP. Les différentes cartes (judiciaire, militaire, hospitalière) ont été conçues et mises en œuvre sans considération pour l’aménagement du territoire. Ces réformes ont souffert de l’absence d’une vision d’ensemble et ont obéi à une logique « en silos ». Certains territoires ont subi les dures conséquences de l’accumulation des réformes (communes de montagne, zones rurales, petites collectivités…). La mission demande une gestion différenciée adaptée à la diversité des situations dans les territoires pour la réorganisation des services publics et pour l’application de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. En outre, les compensations doivent être effectives et inscrites dans la durée.
● Le retrait progressif de l’Etat de l’ingénierie publique, qui est la conséquence à la fois de la décentralisation et de la mise en œuvre des règles de concurrence, pose la question des alternatives offertes aux collectivités territoriales dans ce domaine. Face à cette situation, les collectivités territoriales font preuve d’ingéniosité, que ce soit par la voie de l’intercommunalité ou du soutien départemental. Mais, selon la mission, le désengagement de l’État constitue un transfert « rampant » pour les collectivités territoriales. A défaut d’une compensation au titre de l’article 72- 2 de la Constitution, elles devraient donc bénéficier elles aussi d’un « retour » sur les économies réalisées par l’État.
● La mission sénatoriale approuve dans son principe, le recours aux NTIC ou à des procédures nouvelles, telles que la télédéclaration. La dématérialisation peut être, à terme, source d’efficacité et de simplification pour les usagers. Mais la mission constate que le processus de changement ne va pas sans heurt. En outre, avec ces procédures, les communes subissent des charges nouvelles. C’est vrai dans les échanges dématérialisés qu’elles ont avec l’État. C’est vrai aussi des missions qui leur sont confiées dans la délivrance des titres. Or, la compensation de ces charges est insuffisante. Pour la mission, elle doit être effectivement assurée.
● La mission sénatoriale considère que, pour les usagers, existe un risque réel d’un service public qui ne répondrait plus au besoin de proximité. Une administration dématérialisée peut aussi être une administration « déshumanisée ». En outre, si l’on veut miser sur les NTIC pour moderniser les procédures, encore faut-il que l’ensemble du territoire soit effectivement couvert par le haut débit. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cette couverture doit être effective.
Ali Si Mohamed
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