XYNTHIA : UNE CULTURE DU RISQUE POUR EVITER DE NOUVEAUX DRAME
La mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, que préside M. Bruno Retailleau (NI–Vendée), et dont M. Alain Anziani (Soc–Gironde), est le rapporteur, a rendu public son rapport final intitulé « Xynthia : Une culture du risque pour éviter de nouveaux drames».
La tempête Xynthia était inévitable mais le drame Xynthia aurait pu être évité. La mission d’information du Sénat n’a pas voulu désigner de bouc émissaire mais elle a pointé une responsabilité largement collective :
- la France est mal préparée aux risques de submersion marine,
- la culture du risque est dans notre pays quasi-inexistante.
C’est pourquoi et malgré une mobilisation remarquable des secours, de graves défaillances se sont fait jour dans tout la chaîne de décision :
► Défaillance dans la phase de prévision et d’alerte :
- pas d’évaluation des conséquences de la tempête à terre,
- des messages d’alerte insuffisamment explicites,
- des plans communaux de sauvegarde inexistants rendant délicates les mesures d’évacuation
►Défaillance dans la prévention :
- pourquoi des maisons avaient-elles été construites dans des zones où il existait un risque majeur avéré ?
- une couverture lacunaire des PPRI sur le littoral
►Défaillance de nos systèmes de protection :
- la gestion des digues en France souffre de plusieurs mots : fragmentation de la propriété, retrait des financements de l’Etat, manque d’entretien, etc,…
Face à cette catastrophe, l’Etat s’est mobilisé rapidement. Cette rapidité a été positive lorsqu’il s’est agi de mettre en place une indemnisation efficace des victimes. La mission d’information du Sénat fait plusieurs propositions pour améliorer notre système d’indemnisation des victimes notamment en prévoyant un abondement exceptionnel du fonds « Barnier par un prélèvement exceptionnel sur la caisse centrale de réassurance.
En revanche, cette rapidité a été synonyme de précipitation lorsqu’il s’est agi de délimiter les périmètres des zones de solidarité.
Si nous voulons qu’à l’avenir une telle catastrophe ne se reproduise pas dans ses conséquences humaines dramatiques, une véritable révolution de nos mentalités et de nos pratiques s’impose.
Cette révolution est d’autant plus nécessaire que la mission d’information du Sénat s’est attachée à mettre en évidence les enjeux considérables qui existent sur le littoral avant de dégager 92 propositions pour l’avenir. Parmi celles-ci, les plus importantes concernent le développement d’une véritable culture du risque en France mais également une approche globale de la gestion de l’espace littoral soumis à un risque de submersion marine.
I) Un littoral convoité mais aussi de plus en plus exposé aux risques
A) La pression démographique va continuer à se concentrer sur les estuaires et le littoral.
Selon une étude des Nations-Unis, 80% de la population mondiale vivra d’ici 2020 sur une bande de 100 km le long du littoral. La France n’échappe pas à cette tendance.
B) Le changement climatique, qui va accroître considérablement la vulnérabilité du littoral
A l’étranger comme en France, l’augmentation du niveau de la mer n’est pas une hypothèse, c’est une évidence. Déjà 20 cm au cours du XX° siècle en France, sans doute 50 cm dans le siècle à venir.
Les conséquences sont impressionnantes :
- en terme de surcote et donc de submersion,
- en terme de période de retour.
Les scientifiques néerlandais ont calculé qu’une élévation de 50 cm du niveau de la mer ramenait la période de retour d’un événement centennal à 10 ans !
II) Le développement d’une culture du risque en France
La gestion du risque passe par trois piliers : la prévision, la prévention et la protection. Sur chacun de ces piliers, la mission a souhaité élaborer des propositions concrètes.
A) La prévision et l’alerte
►Evaluer les conséquences à terre d’une surcote en mer en mobilisant nos instituts de recherche.
►Rendre les systèmes d’alerte plus opérationnels :
- des messages plus clairs et personnalisés pour les élus locaux pour que le risque soit mieux caractérisé;
- un envoi de messages de masse (sirène + SMS) pour mieux informer la population de l’imminence du risque.
► Des plans communaux de sauvegarde systématiques et rénovés dès qu’une zone de risque est identifiée avec non seulement des exercices d’évacuation mais aussi des conseils de comportement.
B) Renforcer l’efficacité des règles d’urbanisme
► Interdire la délivrance d’autorisations d’urbanisme tacites dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d’élaboration.
► Mettre en place un contrôle de légalité systématique des actes d’urbanisme dans les zones couvertes par un PPRN ou dans lesquelles un PPRN est en cours d’élaboration.
C) Un plan digues élargi à l’ensemble du trait de côte et des ouvrages hydrauliques
► Clarifier le régime de propriété et envisager un transfert de propriété publique qui permettra de clarifier les responsabilités.
► Promouvoir une gestion locale de proximité de nature à assurer efficacement la surveillance et l’entretien de ces ouvrages. Dans le même temps l’Etat doit conserver un rôle dans la prescription de normes et le contrôle régulier des ouvrages de protection contre la mer.
► Créer un mécanisme de financement robuste et pérenne avec un double mécanisme financier national et local :
- national sur le fonds Barnier ;
- local, par le déplafonnement et la modulation de la taxe locale d’équipement (taxe sur les permis de construire).
III) Intégrer le risque dans l’aménagement des espaces littoraux
La gestion de l’espace sur un littoral de plus en plus convoité mais également de plus en plus exposé aux risques naturels doit nécessairement prendre en compte les trois dimensions suivantes : la gestion du risque, l’aménagement du territoire pour les activités humaines et la protection des espaces naturels fragiles. Une politique qui viserait seulement l’un de ces trois objectifs serait vouée à l’échec. Les outils pour permettre cette approche nouvelle sont de trois ordres :
► Sanctuariser les espaces littoraux soumis à un risque mortel.
Pour ce faire, la mission d’information du Sénat propose de créer, sur le modèle du droit de délaissement prévu dans le cadre des PPRT (article L. 515-16 du code de l’environnement), un droit de délaissement pour les zones exposées à un risque naturel majeur.
► Concilier dans les zones soumises à un risque moindre, l’existence de ce risque et le développement des territoires littoraux.
Cela passe par la création d’un schéma d’aménagement des zones littorales à risque permettant une distribution spatiale des activités humaines compatibles avec le risque. Cela passe aussi par la prescription de normes de construction adaptées au niveau de risque.
► Promouvoir une nouvelle gouvernance du littoral
- Élargir explicitement les compétences du Conseil national de la mer et des littoraux et du secrétariat général de la mer, afin de leur confier une triple mission de prévention des risques d’inondation par submersion, de protection des espaces fragiles et d’aménagement du territoire.
- Renforcer la dimension interministérielle de la politique du littoral en affirmant le rôle d’un secrétariat général de la mer et des littoraux, rattaché au Premier ministre, en matière d’impulsion et de coordination des actions de l’Etat dans les domaines de la prévention des risques de submersion marine, de la préservation de l’environnement côtier et de l’aménagement des territoires littoraux.
La Mission sénatoriale déposera sur le bureau de la Haute assemblée dès la rentrée prochaine une proposition de loi pour concrétiser les dispositions d’ordre législatif qu’elle a préconisées.
Contact presse Alix Ollivry tel : 01.42.34.20.41