Communiqué du 06 mai 2010


La mission commune  d'information sur la tempête Xynthia fait le point sur ses travaux et présente ses premières recommandations

Dans le contexte de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement par l'Assemblée nationale, la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, que préside M. Bruno Retailleau (NI-Vendée), et dont M. Alain Anziani (Soc-Gironde), est le rapporteur, a souhaité faire un point sur ses travaux et présenté ses premières recommandations. Après une nouvelle série d'auditions, elle établira un rapport d'étape d'ici fin mai.

Depuis sa réunion constitutive du 31 mars dernier, la mission a procédé à l'audition de membres du gouvernement, d'élus locaux, de hauts fonctionnaires et d'experts. Elle a effectué, dès les 14 et 15 avril 2010, un déplacement en Charente Maritime et en Vendée pour se  rendre compte sur place des dégâts provoqués par cette catastrophe et aller à la rencontre des habitants, des élus locaux et des acteurs économiques, durement éprouvés. Elle s'est rendue mardi 4 mai à Bruxelles pour rencontrer les commissaires européens Michel Barnier et Johannes Hahn, ainsi que les services en charge des questions de protection civile, de prévention et d'indemnisation agricole.

La mission complètera ses travaux dans les prochaines semaines par de nouvelles auditions, des déplacements en Gironde et aux Pays-Bas, avant d'adopter un rapport définitif d'ici l'été.

1. Des préconisations immédiates

A/ La cartographie

La mission souhaite réaffirmer la position qu'elle a exprimée lors de sa visite sur le terrain en Charente-Maritime et en Vendée les 14 et 15 avril derniers. La mission est favorable au principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave avéré doivent être déclarés inconstructibles. Il ne saurait être question de transiger  dès lors qu'il existe un danger mortel pour la vie humaine. Pourtant la mission fait le constat d'une très grande confusion dans l'expression publique sur cette question sensible, qui a engendré des réactions vigoureuses d'une partie des populations sinistrées. Aujourd'hui encore il y a un besoin évident de clarification.

- La notion de « zones noires » est inappropriée. Il s'agit en réalité de « zones d'acquisition amiable » dans lesquelles l'Etat ouvre un droit pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur maison selon une procédure d'acquisition amiable. Le but prioritaire est de permettre une indemnisation rapide dans des conditions favorables pour ceux qui veulent tourner la page le plus vite possible. L'Etat devra veiller d'une part à garantir une juste indemnisation et d'autre part à assurer la rapidité de la procédure.

- Les périmètres de ces zones d'acquisition amiable ne doivent pas être considérés comme définitivement figés. Ils pourront faire l'objet d'ajustements lors des deux étapes suivantes :

*  Avant l'enquête publique, des expertises complémentaires préciseront utilement le tracé des zones qui seront soumises à la procédure d'enquête.

*  Ensuite, les périmètres définitifs, où pourra s'exercer le mécanisme d'expropriation pour risque naturel majeur prévu par la loi « Barnier » du 2 février 1995, seront déterminés dans le cadre de la procédure contradictoire de l'enquête publique sur la base d'enquêtes parcellaires afin d'établir le risque mortel effectif.

La mission juge nécessaire de mettre en place une procédure distincte et séparée pour chaque zone. Seules les zones présentant un véritable risque mortel doivent être déclarées inhabitables. La mission approfondira sa réflexion sur les modes de construction permettant de maintenir des habitations dans les zones soumises à un risque d'inondation limité tout en assurant en priorité la protection des vies humaines.

Enfin, la mission estime que les « zones mortelles » ne devront pas être laissées à l'abandon. Elle poursuivra sa réflexion sur la reconversion de ces zones. Elle formulera des propositions destinées à compenser les pertes de fiscalité que subiront les collectivités territoriales.

B/ Des modifications législatives

L'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement doit permettre de :

- Modifier le dispositif issu de la loi « Barnier »
1/
le risque de submersion marine doit être pris en compte dans le champ de la procédure d'expropriation de biens exposés à un risque menaçant gravement les vies humaines.
2/ Les règles applicables au Fonds « Barnier » doivent être révisées afin que ce fonds puisse servir à l'indemnisation des sinistrés dont les maisons sont classées en « zone de solidarité ».
3/ Le plafond d'indemnisation de 60.000 euros doit être supprimé.
4/ Au regard des estimations qui lui ont été présentées, la mission constate que la question de la capacité de ce fonds risque d'être posée. Si nécessaire, un abondement devra être envisagé.

-  Relancer les plans de prévention des risques naturels
1/
La mission se prononce pour la mise en place de plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) qui soient spécifiques au risque de submersion marine. La submersion marine ne peut être traitée comme un risque classique d'inondation. Elle diffère des autres inondations tant en raison de son effet mécanique soudain et violent que de l'endroit où elle a lieu (un trait côtier soumis à une forte pression foncière). Elle implique un dispositif de prévision beaucoup plus complexe.
2/
La mission juge nécessaire d'accélérer la procédure d'adoption des PPRI et de favoriser leur adoption pour les communes n'en étant pas encore dotées, en fixant un horizon de temps (3 ans).
3/ Elle se prononce pour la définition de grandes règles d'élaboration des PPR afin de créer un cadre clair et homogène sur l'ensemble du territoire.
4/ Le contenu des PPRI devra être renforcé, en prévoyant des règles de constructibilité en fonction de l'ampleur du risque. Il faudra établir un lien systématique entre les PPRI et les PLU
5/ L'aléa de référence pris en compte dans les plans de prévention devra être correctement apprécié en fonction du risque.

C/ Assurer une indemnisation effective et rapide

La mission souhaite que l'Etat indemnise les collectivités territoriales touchées par la tempête Xynthia pour les aider à reconstruire leurs infrastructures en recourant aux deux dispositifs dont il dispose : le fonds de solidarité pour les catastrophes naturelles et le régime de subvention d'équipement pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques.

La mission demande à la Commission européenne de mettre tout en œuvre pour faciliter le versement dans les meilleures conditions d'une aide de l'Union européenne au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE). Elle souhaite que soit mobilisé de manière efficace le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) pour couvrir l'intégralité des dommages non assurables subis par les exploitations agricoles mais également par les conchyliculteurs et pisciculteurs.

2. Des pistes de réflexion

L'absence de culture du risque empêche d'être efficace dans l'appréhension du phénomène de submersion marine. La mission constate que le manque de coordination entre les différentes composantes de la gestion des risques est la principale cause de défaillance. Prévision, prévention et protection sont traitées comme autant de volets sectoriels, de manière cloisonnée. Face à constat, la mission préconise une approche globale dans la gestion du risque de submersion marine afin de mieux informer et préparer les populations à l'occurrence du risque. La mission déterminera dans la suite de ses travaux les modalités et les instruments adéquats pour promouvoir cette approche globale. D'ores et déjà elle formule plusieurs pistes pour améliorer les trois piliers d'une politique globale de gestion du risque :

Premièrement, la prévision : La mission constate que si la prévision générale de la tempête et de la surcote marine ont été bonnes, en revanche, la prévision des conséquences à terre a été défaillante. La connaissance de la vulnérabilité du littoral est essentielle. Elle repose avant tout sur l'établissement d'une cartographie des risques de submersion marine disponible pour le grand public. Par ailleurs, il faudra mettre au point une nouvelle vigilance, qui intégrera le phénomène « vague-submersion littorale » dans le dispositif de vigilance météorologique. De nombreuses communes ne disposaient pas de plans communaux de sauvegarde (PCS) permettant de prendre des mesures de protection des populations. La mission préconise, dans le cadre d'une approche globale, de parvenir rapidement à l'adoption de ces plans dans les communes soumises à un PPRS. Les secours se sont mobilisés de manière remarquable. Mais certains dysfonctionnements sont apparus dans la phase opérationnelle (défaut de transmissions, réseau de téléphonie mobile hors service). Des solutions techniques doivent être apportées (téléphone satellitaire, mise en place d'un réseau de communications électroniques sécurisées).

Deuxièmement, la prévention : La mission constate que la mise en œuvre des règles d'occupation des sols n'ont pas permis une prise en compte suffisante des risques d'inondation et n'ont pas joué leur rôle de protection des populations. Elle relève dans ce domaine une série de dysfonctionnements qui ont concouru à une forme de dilution de la responsabilité. Pour renforcer l'approche globale du risque dans le droit des sols et de l'urbanisme ; la mission préconise de lier encore plus étroitement les documents d'urbanisme et les PPRS. De même, face à un contrôle de légalité de l'Etat qui s'est révélé souvent lacunaire, faute de moyens,  il conviendra de le réorienter sur l'objectif prioritaire de la sécurité des personnes. C'est ainsi que la délivrance des permis de construire dans les zones à risque fera l'objet d'un contrôle de légalité systématique.

Troisièmement, la protection : La mission relève que, lors de la tempête, la submersion et la rupture des digues se sont produites en de multiples points du littoral. A court terme, la mission recommande de procéder à la remise en état et au renforcement des digues fragilisées par la tempête. Elle examinera avec attention les propositions du « plan digue » annoncé par le gouvernement. Celui-ci devra affirmer des principes clairs :
1/ Aucune digue ne devra avoir pour objet de créer une nouvelle urbanisation dans des zones à risques.
2/ Une attention particulière devra être accordée au cordon dunaire qui est un ouvrage naturel de défense contre la mer.
3/ L'aménagement et le rehaussement devront être corrélés au niveau de risque et de protection envisagés.
4/ Le régime de propriété devra être clarifié ; un transfert de propriété publique permettra de clarifier les responsabilités.
5/ Concernant la gouvernance, seule une gestion locale de proximité est de nature à assurer efficacement la surveillance et l'entretien de ces ouvrages.
6/  Le taux de prise en charge de ces travaux par l'Etat ne devra pas être inférieur à 50% et devra être soutenu dans le temps.

Contact presse : Ali Si Mohamed   01 42 34 25 11   a.si-mohamed@senat.fr