Polynésie française : la commission des lois du Sénat fait des propositions pour sortir les communes d'une tutelle génératrice d'instabilité politique
Le rapport fait au nom de la commission des lois par MM. Christian Cointat (UMP - Français établis hors de France) et Bernard Frimat (SOC - Nord), qui se sont rendus du 21 avril au 2 mai 2008 en Polynésie française, examine la situation générale de cette collectivité et étudie plus particulièrement les difficultés rencontrées par les communes.
Le rapport souligne que les 48 communes et les 5 archipels de la Polynésie française connaissent des situations très contrastées, qui posent de façon cruciale la question d'un développement équilibré du territoire. Or, les relations entre les communes et la collectivité sont marquées, depuis les années 1970, par une ambiguïté qui ne permet pas une correction réfléchie des déséquilibres.
Le rapport considère que les communes sont trop longtemps restées, de fait, « les vassales » de la collectivité, avec une attribution des subventions qui fluctue en fonction des orientations politiques.
En effet, le rapport relève que malgré quelques améliorations potentielles apportées par la loi organique du 27 février 2004, les communes demeurent largement dépendantes des subventions que leur accorde la Polynésie française. Cette relation de dépendance, qui peut favoriser le clientélisme et les positionnements d'opportunité, contribue par conséquent à l'instabilité politique.
Le rapport estime que si les communes polynésiennes figurent parmi les plus belles de France, ce sont aussi celles qui rencontrent les plus grands obstacles pour assurer à leur population des services de base, tels que la distribution d'eau potable, l'assainissement ou le traitement de déchets. Certaines communes des Tuamotu, par exemple, n'ont en effet d'autres ressources que les eaux pluviales ou le dessalement de l'eau de mer, ne peuvent recourir à l'enfouissement des déchets en raison d'un sol corallien et sont dispersées sur plusieurs atolls parfois distants de 80 km .
Ainsi, un dixième seulement de la population polynésienne a accès à une eau potable. En outre, l'impossibilité pour les communes de mettre en œuvre le traitement des déchets et l'assainissement représente à terme une menace pour l'environnement, dont la préservation est pourtant une condition essentielle au développement du tourisme.
De surcroît, l'ordonnance du 5 octobre 2007 contraint les communes à respecter des échéances pour la mise en œuvre des services de proximité, une carence pouvant entraîner des sanctions pénales pour les maires.
Le rapport recommande par conséquent :
- que les communes développent, avec le soutien de la Polynésie française, l'intercommunalité, pour assumer, le plus rapidement possible, leurs compétences ;
- que l'État, la collectivité et les maires redéfinissent de façon concertée la répartition de la fiscalité et des ressources financières allouées à la Polynésie française, afin de corriger les disparités entre les communes et de leur donner des moyens adaptés et pérennes ;
- que la Polynésie française délègue aux communes, lorsqu'elles le souhaitent, des compétences de proximité, notamment en matière d'urbanisme ou de gestion du patrimoine local ;
- le recours à des technologies innovantes et protectrices de l'environnement, pour l'équipement des communes en matière d'énergie, de traitement des déchets et des eaux usées. Le rapport souligne qu'un tel équipement pourrait ensuite faire de la Polynésie française une destination exemplaire en termes de respect de l'environnement ;
- la création d'une communauté de communes des îles Marquises, qui permettrait à cet archipel d'obtenir une meilleure desserte maritime et aérienne et de constituer un dossier visant à obtenir son classement au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Le rapport relève en outre les conséquences préjudiciables de l'instabilité politique observée depuis 2004 sur la situation économique de la Polynésie française. Il recommande à cet égard :
- la mise en œuvre d'une politique de promotion plus active de la Polynésie française en tant que destination touristique, s'inscrivant dans le long terme ;
- la création de pôles de compétitivité dans les archipels, afin d'y développer des activités adaptées aux données géographiques et s'appuyant sur les traditions locales ;
- une réforme des dispositifs de soutien à l'agriculture, visant à porter l'effort sur la mise en place de circuits de commercialisation offrant des débouchés pour les productions locales.
Le rapport juge par ailleurs indispensable de maintenir des détachements du service militaire adapté dans les îles Australes, les Marquises et les Tuamotu-Gambier, afin de permettre aux jeunes en difficulté de s'insérer et de rester dans leur archipel de naissance.
Enfin, le rapport dénonce la situation intolérable et urgente du centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania qui, avec un taux de surpopulation de 285 %, est le plus surpeuplé de tous les établissements pénitentiaires français. Considérant que les conditions de détention observées sur place sont indignes de la République , le rapport insiste sur la nécessité de mettre en œuvre rapidement les mesures d'amélioration prévues.
Contact presse : Ali Si Mohamed 01 42 34 25 11 a.si-mohamed@senat.fr
Ce rapport est consultable sur le site du Sénat :
http://www.senat.fr/noticerap/2008/r08-130-notice.html