La prévention du risque de tsunami
sur les côtes françaises : des progrès inachevés
Lors d'une conférence de presse qui s'est déroulée le 18 novembre 2008, M . Jean-Claude Etienne, sénateur (UMP, Marne), Premier Vice-Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et M. Roland Courteau, sénateur (Soc, Aude), auteur du rapport consacré à la prévention du risque de tsunami sur les côtes françaises (décembre 2007), ont fait le point sur les progrès réalisés et le chemin restant à parcourir pour parvenir à une véritable vision stratégique en matière de gestion du risque de tsunami, telle que préconisée par le rapport.
M. Jean-Claude Etienne a rappelé l'importance des travaux de l'OPECST dans ce domaine et s'est félicité de la ténacité et de l'esprit de suivi de son rapport par M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau a souligné que la plupart des conclusions du rapport adopté il y a un an demeuraient valables, la France n'étant toujours pas dotée, à ce jour, d'un système national d'alerte aux tsunamis. Des progrès ont été réalisés, mais ils ne situent la France qu'à mi-chemin de l'objectif.
Il a rappelé qu'aucun littoral n'était à l'abri du risque de tsunami. Au XXème siècle, 911 tsunamis ont été répertoriés, dont 77 % dans le Pacifique, 10 % dans l'océan Atlantique, 9 % en Méditerranée et 4 % dans l'Océan Indien. Cette dernière zone pouvait être considérée comme la plus sûre, d'un point de vue statistique. Pourtant, le tsunami de 2004 y a fait plus de victimes que l'ensemble des tsunamis connus depuis l'Antiquité. En Méditerranée, un séisme, un effondrement de terrain ou un glissement sédimentaire sont susceptibles de générer un tsunami. Ainsi, l'effondrement de l'aéroport de Nice en 1979 a entraîné des vagues de 3 m de haut à Antibes. Le séisme de Boumerdès (Algérie) en 2003, de magnitude 6,8 sur l'échelle de Richter, a causé des dégâts dans plusieurs ports français. Aux Antilles, l'activité sismique et volcanologique est génératrice de danger. Des tsunamis de faible ampleur ont été enregistrés en Guadeloupe en 2003 (à la suite de l'effondrement du dôme du volcan de Montserrat), 2004 (en conséquence d'un séisme de magnitude 6,3) et 2006 (après un nouvel effondrement de Montserrat).
Dans la perspective d'une réunion du groupe intergouvernemental de coordination pour le système d'alerte aux tsunamis dans l'Atlantique nord-est et la Méditerranée (GIC/SATANEM), qui a eu lieu à Athènes du 3 au 5 novembre derniers, et pour laquelle la position française n'a été déterminée que 24 h à l'avance, M. Roland Courteau a procédé à plusieurs auditions et interrogé le gouvernement en séance au Sénat (24 octobre 2008). Il s'agissait de savoir si la France maintenait et finançait son engagement de créer un centre national d'alerte aux tsunamis, ayant vocation à jouer un rôle, au plan régional, en Méditerranée occidentale.
La réunion du GIC/SATANEM à Athènes a finalement apporté de bonnes nouvelles : la France a affirmé vouloir constituer un centre d'alerte national à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale. D'autres perspectives sont ouvertes dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée , qui comportera un volet important consacré à la prévention des risques naturels.
Au niveau budgétaire, seule une moitié du chemin a toutefois été accomplie. Le Ministère de l'Intérieur est le plus engagé sur la question. De fait, la mission « Sécurité civile » du budget de l'Etat prévoit des crédits pour la mise en place du centre régional d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique nord-est et la Méditerranée (CRATANEM). Ces crédits s'élèvent à 2,9 M€ en autorisation d'engagement (et 1,25 M€ en crédits de paiement), ce qui ne représente que la moitié de l'effort nécessaire.
Un apport complémentaire du ministère de l'écologie, ainsi que la mise en œuvre de crédits de fonctionnement suffisants au cours des années à venir, seront nécessaires pour atteindre l'objectif.
Aux Antilles, le système d'alerte est plus avancé qu'en Méditerranée, grâce au soutien des Etats-Unis par le biais du centre d'alerte pour le Pacifique (Pacific Tsunami Warning Center - PTWC-d'Hawaï). Le PTWC assume, à titre intérimaire, le rôle de centre d'alerte pour les Caraïbes. Une nouvelle architecture doit toutefois être décidée. Les progrès sont lents. Pour la France , à défaut de crédits budgétaires, les scientifiques demandent des financements dans le cadre d'un projet européen Interreg.
Quant à la coopération internationale au sein du groupe intergouvernemental de coordination pour les Caraïbes (GIC/Caraïbes), elle semble hésitante. En France, il est à craindre que l'impréparation qui a précédé la réunion des pays du bassin méditerranée ne soit en train de se reproduire pour les Caraïbes.
En effet, lors de la dernière réunion du GIC/Caraïbes, à Panama, il a été décidé que les parties se rencontreraient à nouveau en Martinique, en mars 2009. Or, à ce jour, la tenue de cette réunion en Martinique demeure incertaine, faute de financements suffisants. Des orientations importantes doivent pourtant y être déterminées, s'agissant de l'architecture définitive du système d'alerte aux tsunamis dans cette région.
Ainsi, malgré des progrès ponctuels et des financements budgétaires au moins partiels, il manque toujours à la France une vision stratégique d'ensemble en matière de gestion du risque de tsunami. En témoignent aussi les lacunes de la prévention par la sensibilisation des populations. Cet aspect avait fait cruellement défaut lors du tsunami de l'Océan Indien. Il constituerait l'un des volets essentiels d'une politique nationale de prévention des tsunamis, toujours à l'état d'ébauche.
Rapport de M. Courteau : http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-117-notice.html
Contact presse : Ali Si Mohamed 01 42 34 25 11 a.si-mohamed@senat.fr