« Droit d'auteur et droits voisins »
Les propositions de la commission des affaires culturelles
du Sénat
Interopérabilité, mesures techniques de protection, copie privée ... : le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information soulève des questions techniques, juridiques et culturelles susceptibles d'influencer profondément les modalités de diffusion des créations littéraires et artistique au cours des années à venir.
Après deux années de travail marquées par l'organisation de près de 80 auditions et d'une table ronde consacrée au téléchargement de musique et de cinéma sur Internet, la commission des affaires culturelles du Sénat présidée par M. Jacques VALADE (UMP- Gironde), réunie le mercredi 12 avril, a adopté les 40 amendements proposés par son rapporteur M. Michel THIOLLIERE (RDSE - Loire).
Alors que le développement des technologies numériques tend à ouvrir de nouvelles perspectives au rayonnement de la création et à bouleverser les conditions d'exploitation des œuvres par les titulaires de droits, les modifications proposées par la commission visent à instaurer un nouvel équilibre entre diffusion culturelle et respect des droits des créateurs.
Celui-ci se caractérise notamment, dans le respect des dispositions communautaire et des intérêts légitimes des auteurs, par l'adoption d'un nombre restreint d'exceptions contribuant positivement à la diffusion des œuvres et par la création d'une autorité de régulation susceptible de garantir, au bénéfice des consommateurs, l'interopérabilité des systèmes et le bénéfice effectif des exceptions légales.
I - Défendre le droit d'auteur : un objectif prioritaire
Soucieuse d'assurer la défense du droit d'auteur, la commission s'est attachée à réduire le nombre des nouvelles exceptions introduites lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. C'est ainsi qu'elle a procédé à la suppression :
- de l'article 4 bis proposant d'étendre à la sonorisation des programmes de télévision le régime de licence légale des phonogrammes prévu en matière de radiodiffusion ;
- de l'article 4 ter instaurant une exception générale en faveur des procédures parlementaires de contrôle ;
- de l'article 15 bis exonérant les grands ensembles du paiement du droit de représentation lors de l'acheminement du signal télévisé reçu au moyen d'une antenne collective.
Ce même souci de rigueur l'a conduite à supprimer l'article 5 quater dispensant du paiement de la rémunération pour copie privée les organismes qui utilisent des supports d'enregistrement vierges à des fins d'imagerie médicale.
II - Promouvoir un nombre restreint d'exceptions contribuant à la diffusion des oeuvres
La commission des affaires culturelles s'est montrée plus ouverte à la reconnaissance, à l'article 1er bis, d'exceptions contribuant positivement à la diffusion des œuvres. Elle s'est toutefois attachée à les circonscrire précisément afin de limiter le préjudice éventuel causé aux auteurs et aux titulaires de droits voisins.
La commission a ainsi :
- approuvé l'exception en faveur des personnes handicapées, en substituant cependant au dépôt systématique du fichier numérique des documents imprimés, une obligation pour les éditeurs de le fournir à la demande des personnes morales et établissements qui réalisent des supports adaptés ;
- maintenu l'exception en faveur des bibliothèques, musées et archives en la limitant aux seules reproductions effectuées à des fins de conservation, ou destinées à préserver les conditions de sa consultation sur place ;
- autorisé la reproduction et la représentation libres d'une œuvre graphique, plastique ou architecturale sous la double condition d'un but exclusif d'information immédiate, et du caractère accessoire ou fugitif de la représentation ou de la reproduction.
La commission des affaires culturelles a enfin et surtout institué une exception nouvelle en faveur de l'enseignement et de la recherche, qu'elle s'est attachée à limiter en la subordonnant à des fins d'analyse ou d'illustration de l'enseignement et de la recherche, et en réservant le bénéfice au cercle des élèves, étudiants, enseignants et chercheurs concernés. Elle a prévu qu'elle serait compensée par une rémunération forfaitaire négociée.
III - Garantir, au bénéfice des consommateurs, l'interopérabilité des systèmes et le bénéfice effectif des exceptions légales
Estimant que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale était globalement conforme aux exigences de la directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, la commission des affaires culturelles n'a pas modifié le dispositif consacrant le nouveau régime juridique des mesures techniques de protection et d'information, ainsi que les procédures et sanctions qui doivent en garantir le respect.
Estimant toutefois qu'il convenait de conforter les garanties offertes aux consommateurs, elle a profondément remanié les dispositions tendant à favoriser l'interopérabilité des systèmes, et le bénéfice effectif d'un certain nombre d'exceptions légales, dont l'exception de copie privée.
A cette fin, la commission des affaires culturelles a :
- substitué au collège des médiateurs prévu par le projet de loi une Autorité de régulation des mesures techniques de protection ; l'Assemblée nationale avait commencé à élargir les compétences reconnues au collège des médiateurs en matière de copie privée, en complétant son rôle de médiation par une compétence d'ordre quasi réglementaire en matière de copie privée. Le Sénat a souhaité prolonger cette dynamique en créant une véritable autorité indépendante capable d'intervenir en arbitre non seulement du bénéfice des exceptions mais également de l'interopérabilité ;
- garanti le bénéfice effectif des exceptions légales, et en particulier de l'exception pour copie privée ; elle a confié à la nouvelle Autorité la responsabilité de déterminer, par ses recommandations, certaines des modalités d'exercice de ces exceptions, et de fixer notamment le nombre minimal de copies autorisées dans le cadre de l'exception de copie privée, en fonction du type d'œuvre ou d'objet protégé, de leur mode de communication au public, et des possibilités de la technique ;
- recentré l'article 7 sur la définition et la consécration juridique des mesures techniques de protection et d'information puis conforté les dispositions garantissant l'interopérabilité en les regroupant dans un nouvel article additionnel avant l'article 7 bis. Le dispositif ainsi adopté repose, comme celui de l'Assemblée nationale, sur la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité, mais organise celle‑ci suivant des modalités plus respectueuses de la propriété industrielle.
IV - Clarifier le dispositif de sanctions
La commission a approuvé le dispositif de l'article 14 bis qui soustrait les actes de téléchargement au champ de la contrefaçon pour les assimiler à de simples contraventions.
Considérant toutefois que la lutte contre le piratage ne devait pas se limiter à la répression des internautes, elle a également adopté et clarifié l'article 12 bis, qui institue une responsabilité pénale des éditeurs et fournisseurs de logiciels manifestement destinés à des échanges illicites d'œuvres. Elle a en revanche supprimé les procédures civiles prévues à l'article 14 quater visant ces mêmes éditeurs et fournisseurs de logiciels dont la portée lui a paru trop imprécise.
Le rapport du sénateur Michel Thiollière (RDSE - Loire) est en ligne: http://www.senat.fr/rap/l05-308/l05-308.html
Vous pouvez également accéder à l'ensemble du dossier législatif: http://www.senat.fr/dossierleg/pjl05-269.html
Ce texte sera discuté en séance publique jeudi 4 mai, mardi 9 et mercredi 10 mai 2006.
Contact presse : Astrid Poissonnier 01 42 34 22 90 a.poissonnier@senat.fr