Paris, le 24 février 2006
Le ministre des affaires étrangères fait le point devant les sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur les suites des élections palestiniennes, le dossier nucléaire iranien, Haïti, et l'adoption, par le Parlement européen, de la nouvelle directive « services ».
Réunie le mercredi 22 février 2006 sous la présidence de M. Serge Vinçon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a procédé à l'audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.
Evoquant d'abord la situation dans les territoires palestiniens, M. Philippe Douste-Blazy a rappelé la récente victoire électorale du Hamas, qui allait le conduire à occuper une place centrale au sein de l'Autorité palestinienne. Il a précisé que le Président Mahmoud Abbas avait chargé, lors de la séance inaugurale du nouveau Conseil législatif palestinien, le 18 février dernier, un représentant du Hamas, M. Ismaïl Haniyeh, de former le gouvernement. M. Haniyeh dispose de trois à cinq semaines pour parvenir à constituer un gouvernement que le Hamas souhaite d'union nationale. Le ministre a estimé que ce contexte plaçait le Président Abbas au centre du jeu politique palestinien, car il était le garant de la pérennité des institutions, et le partenaire principal de la communauté internationale. Alors qu'il constituera sans doute le principal contre-pouvoir au futur gouvernement dominé par le Hamas, le Président Abbas demeure fidèle à une solution négociée du conflit israélo-palestinien, seule capable d'aboutir à deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Il a d'ailleurs rappelé les principes politiques qui devront encadrer l'action du futur gouvernement : maintien de la négociation avec Israël, respect des accords passés avec ce pays, ainsi que le dépôt des armes, sous le contrôle exclusif des forces de sécurité internationales. M. Philippe Douste-Blazy a estimé que le Hamas avait montré certains signes d'évolution possible mais refusait encore à ce stade d'entrer dans une logique de dialogue et de responsabilité, marquée par la reconnaissance d'Israël et la reprise du processus de paix.
Le ministre a ensuite fait état de la situation prévalant aujourd'hui en Israël, caractérisée par la campagne électorale pour les législatives du 28 mars prochain. Cette campagne est dominée par l'avenir du processus de paix et les relations qu'il sera possible d'entretenir avec une autorité palestinienne dominée par le Hamas. Les autorités israéliennes semblent avoir fait, pour l'heure, le choix d'une ligne dure, refusant de poursuivre le versement des taxes perçues au nom de l'Autorité palestinienne, durcissant les conditions de circulation dans les territoires, accroissant les obstacles à l'entrée et à la sortie des territoires palestiniens aux membres du Conseil législatif. Le ministre a relevé que les sondages plaçaient le parti Kadima, fondé par Ariel Sharon, largement en tête des intentions de vote, loin devant le Parti travailliste et le Likoud. M. Ehoud Olmert, Premier ministre par interim, pourrait donc se voir confirmé à son poste.
Le ministre a constaté que la communauté internationale souhaitait afficher une position ferme et cohérente face à cette nouvelle donne régionale, et procéder à une évaluation générale des politiques dans la perspective d'une relance, à terme, du processus de paix. Trois principes fondamentaux que devra suivre tout gouvernement palestinien ont recueilli l'unanimité : renonciation à la violence de façon explicite et publique, reconnaissance de l'Etat d'Israël et des accords précédemment conclus entre Israël et les Palestinien, notamment les accords d'Oslo de 1993. L'Union européenne et les Etats-Unis s'accordent également sur le refus de tout contact avec les dirigeants du Hamas, mouvement qui reste inscrit, à ce jour, parmi les organisations terroristes. Cette position ne pourra être réexaminée qu'à la lumière des engagements pris par le Hamas vis-à-vis des trois principes évoqués.
Puis M. Philippe Douste-Blazy a évoqué la question cruciale du maintien de l'assistance internationale à l'Autorité palestinienne. Cette assistance, d'un montant annuel de 1,3 milliard de dollars, est indispensable au fonctionnement de l'Autorité et constitue sa principale ressource. L'Union européenne a donc décidé de maintenir son assistance, dans l'attente de la composition du prochain gouvernement palestinien et de ses orientations politiques.
Le ministre a déclaré que le respect, par le Hamas, des trois principes déjà cités constituait un préalable indispensable, dont le non-respect conduirait au réexamen de l'assistance européenne. Il convenait cependant de prévenir le développement d'une situation chaotique dans les territoires palestiniens, car un effondrement de l'Autorité palestinienne et de l'économie de ces territoires offrirait un terrain propice à tous les extrémismes et à une reprise de la violence à grande échelle. Il a cependant estimé que le peuple palestinien ne devait pas se sentir puni pour avoir voté en faveur du Hamas, et a donc appelé à une action sur le futur gouvernement palestinien, et le Hamas derrière lui, de nature à lui faire adopter des positions acceptables par tous.
Le ministre a ensuite évoqué le dossier nucléaire iranien. Il a estimé que la communauté internationale devait manifester conviction et fermeté face à ce dossier, et a rappelé que, depuis le mois d'août 2005, le gouvernement iranien persistait dans une position de fermeture, dans ses actes comme dans ses décisions. Cette position s'est notamment traduite par la reprise des opérations de conversion de l'uranium, la reprise de l'enrichissement et l'introduction de matière nucléaire dans les centrifugeuses, la coopération insuffisante avec l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), le refus de discuter réellement des propositions russes, enfin, les propos inqualifiables du Président iranien sur Israël et l'Holocauste. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont fait montre d'unité dans ce dossier. Comme l'a montré la résolution de l'AIEA du 4 février dernier et le rapport transmis au Conseil de sécurité, M. Philippe Douste-Blazy a rappelé que la visite à Moscou du Premier ministre français avait été l'occasion d'une convergence d'analyse avec les Russes, et que la France se félicitait du rôle positif joué par Moscou dans ce dossier. Le ministre a souligné que son homologue britannique, M. Jack Straw, avait adopté une attitude analogue. La politique iranienne du fait accompli devrait conduire le directeur général de l'AIEA, M. El-Baradeï, à faire rapport à cette instance qui sera transmis au Conseil de sécurité de l'ONU. Il incombera ensuite à cet organe de prendre les décisions adéquates.
Le ministre a alors évoqué la crise suscitée par la publication, dans un journal danois, de caricatures de Mahomet. La reprise de ces dessins dans plusieurs organes de presse, notamment français, a suscité des interrogations dans l'opinion publique et a provoqué des réactions sérieuses à l'étranger vis-à-vis de notre pays. Ainsi, en Iran, notre ambassade a fait l'objet d'une manifestation hostile et peu spontanée. En Syrie également, la mission diplomatique française a été attaquée et, au Liban, des incidents graves ont conduit au saccage du Consulat du Danemark. L'onde de choc suscitée par cette publication continue à se propager, avec des manifestations violentes, au Nigéria, au Pakistan et en Libye. Le ministre a souligné que les ambassades et consulats français restaient mobilisés pour assurer la sécurité de nos compatriotes et que ceux-ci avaient été invités à faire preuve de vigilance et de prudence. Les autorités françaises s'étaient montrées fermes et actives dès le début de cette crise : ainsi, lors de la première publication des caricatures dans un quotidien français, le ministère a fait connaître sa position de manière précise et publique, en condamnant les violences exercées contre les missions diplomatiques européennes, mais en rappelant également son attachement au principe de liberté de la presse, à l'esprit de tolérance et au respect des croyances et des religions. Le 2 février, les ambassadeurs des pays arabes ont été reçus au ministère des affaires étrangères. Enfin, le Président de la République a condamné, le 8 février dernier, « toutes les provocations manifestes susceptibles d'attiser dangereusement les passions ».
M. Philippe Douste-Blazy s'est félicité de voir la tension s'apaiser, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, et a rappelé l'initiative du Haut représentant européen pour la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), M. Javier Solana, de se rendre dans les pays les plus marqués par les troubles. Un projet de résolution est à l'étude à l'Assemblée générale de l'ONU concernant l'islamophobie et la diffamation des religions. La France, pour sa part, s'en tient à la déclaration tripartite signée le 7 février dernier entre les secrétaires généraux de la Conférence islamique et des Nations unies, et le Haut Représentant, M. Solana.
M. Philippe Douste-Blazy a, par ailleurs, évoqué la situation en Haïti, après l'élection, le 7 février, au premier tour, de M. René Préval à la présidence. La suite du processus électoral, et notamment le deuxième tour des élections législatives prévu le 19 mars, devrait se dérouler dans des conditions transparentes. La France encourage, dans ce contexte, le Président Préval à promouvoir un climat de dialogue qui associerait l'ensemble des forces politiques dans un esprit de réconciliation nationale. Le ministre a précisé que la France entendait poursuivre sa collaboration avec Haïti, notamment dans les domaines du développement et de la sécurité, et soutenait l'action de la MINUSTAH (mission des nations unies pour la stabilisation en Haïti) dont le mandat vient d'être renouvelé pour six mois. Il convient cependant d'engager une réflexion sur ce mandat pour évaluer les effectifs comme les missions de la MINUSTAH , en tenant compte des priorités des autorités récemment élues.
Le ministre a ensuite abordé l'actualité européenne avec l'analyse de la directive « services » votée par le Parlement européen le 16 février dernier. Il a souligné que les modifications introduites par le Parlement européen donnaient satisfaction à la France sur la plupart des points importants. Ainsi, le principe du pays d'origine a été écarté au profit du respect du droit social du pays d'accueil, comprenant les conventions collectives. Les inspecteurs du travail conserveront, sur notre territoire, tous les moyens actuellement à leur disposition pour contrôler l'application du droit du travail national.
Le ministre a ainsi estimé que le Parlement européen avait permis d'approfondir le marché européen tout en respectant les diversités nationales et les niveaux de protection propres à chaque pays. Le Parlement a également réduit le champ d'application de la directive, qui ne s'applique plus aux services publics non marchands, aux transports, à la santé, aux services sociaux, aux services juridiques ainsi qu'à l'audiovisuel au sens large. Les services d'intérêt économique général, comme les réseaux d'eau, d'électricité ou de gaz, bénéficieront de protections, tout comme les services locaux. Le ministre a estimé que les services publics étaient ainsi protégés d'une mise en concurrence.
Il a observé que ce texte avait été voté massivement par les parlementaires européens, de droite comme de gauche, par le PPE comme par le PSE. L'ampleur de ce vote devra être prise en compte lors des discussions du Conseil européen de mars prochain et par la Commission , dans la proposition révisée qu'elle dera soumettre au Conseil avant l'été. Le ministre s'est félicité de ce vote, qui démontre que le Parlement européen est à l'écoute de l'opinion publique des Etats membres sur cette question difficile. Il a également souligné les bénéfices que l'emploi en France pourrait tirer d'une ouverture des services au sein de l'Union.
M. Philippe Douste-Blazy a conclu en évoquant le récent déplacement du Président de la République en Inde, qui a notamment permis de faire avancer le dossier nucléaire civil, en négociation depuis plusieurs années. Il a rappelé que la forte croissance économique de l'Inde, qui n'est pas signataire du Traité de non-prolifération (TNP), se traduisait par de gros besoins énergétiques, aujourd'hui satisfaits par des énergies fossiles, comme le pétrole et le charbon. Pour faire évoluer cette situation potentiellement préjudiciable à l'environnement, l'Inde s'est engagée à se soumettre au contrôle de l'AIEA, et la France à lui fournir les éléments indispensables au développement d'une industrie nucléaire civile.
Un débat a suivi l'exposé du ministre.
M. Serge Vinçon, président, s'est demandé si la participation du Fatah, parti qui a reconnu l'Etat d'Israël, à un futur gouvernement palestinien pourrait susciter un infléchissement des conditions préalables posées pour le versement de l'aide communautaire.
M. Jean-Pierre Plancade a fait part de ses inquiétudes face à la détermination iranienne dans le dossier nucléaire et à ses conséquences sur la situation régionale et s'est interrogé sur la portée concrète de la transmission du dossier iranien au Conseil de sécurité. Evoquant les propositions américaines d'un partenariat mondial sur le nucléaire qui se traduirait par l'internationalisation de la production d'uranium enrichi, il a souhaité savoir quelle était la position du Gouvernement sur ce sujet. Il a enfin évoqué la situation au Darfour et l'éventuelle relève de l'Union Africaine par l'Organisation des Nations Unies.
M. Jean François-Poncet a considéré que le Hamas paraissait peu disposé à souscrire aux trois conditions posées pour le versement des aides internationales à l'Autorité palestinienne. Il s'est interrogé sur le volume résiduel d'une aide européenne, supprimée dans son principe. mais partiellement maintenue aux fins d'éviter le chaos. Il a relevé que l'Iran était disposé à remplacer l'Union européenne dans son rôle de bailleur de fonds et en avait vraisemblablement les moyens. Un tel résultat, qui aurait en outre pour conséquence de ne laisser à Israël que le choix d'appliquer une politique unilatérale d'évacuation partielle des territoires occupés, serait préoccupant dans la mesure où il consisterait, de facto, à la mise à l'écart du Quartet. Evoquant le dossier iranien, il a considéré que la saisine du Conseil de sécurité était désormais probable et s'est interrogé sur la position que prendraient alors la Russie et la Chine , mais aussi sur les moyens de pression, notamment économiques, dont dispose la communauté internationale à l'égard de l'Iran, dans un contexte d'augmentation des prix du pétrole qui pèse déjà sur l'économie mondiale.
M. Didier Boulaud a souhaité obtenir des précisions sur les négociations en cours sur le statut final du Kosovo, ainsi que sur l'arrestation évoquée par certains organes de presse de M. Ratko Mladic.
Mme Maryse Bergé-Lavigne, évoquant les conditions préalables posées pour l'établissement de relations avec l'Autorité palestinienne, s'est interrogée sur leur application éventuelle à Israël dans la mesure où l'occupation israélienne, les assassinats ciblés et la réinstallation de 8 à 10 000 colons de Gaza en Cisjordanie constituent eux aussi une violence. Elle a estimé que la feuille de route était restée lettre morte, que le Quartet n'avait plus de véritable rôle à jouer et que le Président de l'Autorité palestinienne lui-même n'avait jamais pu établir un dialogue constructif avec Israël. Elle a rappelé que le tracé du mur de séparation dessinait un territoire palestinien constitué de trois enclaves privées d'accès au Jourdain et que, dans ce dossier, la communauté internationale pouvait être accusée de pratiquer le « deux poids deux mesures ».
M. Louis Mermaz a estimé que l'accélération des mesures d'expulsion de Comoriens depuis le territoire de Mayotte risquait de contribuer à porter au pouvoir, lors des prochaines élections comoriennes, un candidat islamiste dont l'élection pourrait compromettre la coopération avec la France. Considérant que le droit d'asile était de plus en plus restreint, il a appelé de ses vœux un débat sur la politique d'immigration dans lequel interviendrait le ministère des affaires étrangères.
M. Pierre Mauroy a jugé la situation internationale très dangereuse. Il a considéré que le temps, la prudence et la patience devaient prévaloir pour parvenir à une solution dans un processus qui consiste à transformer une organisation terroriste, le Hamas, en une organisation ouverte à la coopération internationale. Il a formé des vœux pour que, dans une conjoncture très difficile, les électeurs israéliens fassent le choix de la sagesse. Il a par ailleurs appelé à la cohésion des Etats européens dans le traitement du dossier iranien et a considéré que l'avenir du monde pouvait se jouer dans ce dossier avec le risque, pour l'organisation des Nations unies, de se retrouver dans une situation de discrédit comparable à celle de la Société Des Nations. Evoquant les caricatures du prophète Mahomet publiées par un journal danois, il a considéré que toute provocation devait être évitée et qu'il ne s'agissait pas de mettre le feu au monde au nom de la liberté. Il a enfin rendu hommage au travail accompli par le Parlement européen sur la Directive sur la libéralisation des services, considérant qu'il s'agissait là d'une belle leçon de démocratie.
M. Philippe Nogrix s'est interrogé sur la date du référendum prévu au Monténégro sur l'indépendance de ce pays vis-à-vis de la Serbie.
Mme Josette Durrieu a observé que la Russie entendait préserver sa mainmise sur l'espace qu'elle a perdu en Asie centrale et dans le Caucase. Evoquant ensuite les élections palestiniennes, elle a considéré que la position française devait, certes, être ferme, mais aussi faire preuve de subtilité et de diplomatie, sans négliger le fait que ce processus électoral s'était déroulé dans un pays occupé. Elle a estimé que nul n'avait souhaité la victoire du Hamas, liée à la sanction par les électeurs palestiniens du bilan du Fatah, mais a rappelé que le texte de campagne de ce mouvement ne faisait plus mention de la destruction d'Israël, à la différence de sa charte fondatrice, et évoquait, à défaut de désarmement, une trêve.
M. André Boyer, évoquant les propositions formulées par le ministre des affaires étrangères turc sur la question de Chypre, a souhaité savoir si elles pouvaient constituer une base de discussion pour la reprise des négociations.
Mme Hélène Luc, évoquant le refus, par l'Iran, des propositions de la Russie d'enrichissement d'uranium sur son sol, s'est interrogée sur des propositions similaires qui pourraient être formulées par la France ou d'autres Etats européens et qui seraient peut-être plus acceptables par l'Iran. Elle s'est demandée s'il était possible de conjuguer fermeté et souplesse afin qu'après la saisine du Conseil de sécurité on n'aboutisse pas à une situation bloquée et conflictuelle.
Le ministre des affaires étrangères a apporté les éléments de réponse suivants :
- des réflexions sont actuellement en cours sur l'organisation d'un système de contrôle mondial de l'usage du nucléaire civil, dont la différence avec le nucléaire militaire réside dans le taux d'enrichissement de l'uranium. Ce contrôle pourrait être réalisé par l'AIEA, mais aucune proposition concrète n'a encore été examinée à l'échelle internationale ;
- la suspension par l'Iran de ses activités d'enrichissement est un préalable à la reprise de négociations rompues à son initiative. La reprise de la conversion d'uranium en août 2005, puis de l'enrichissement, il y a quelques semaines, ont motivé la décision de l'AIEA de transmettre le dossier au Conseil de sécurité. L'Agence internationale de l'énergie atomique enquête depuis plus de deux ans sans avoir pu lever les craintes qui entourent le programme nucléaire iranien. Selon les termes mêmes de l'Agence, aucun programme nucléaire civil ne peut en effet justifier la reprise des activités d'enrichissement d'uranium. Le directeur général de l'AIEA doit faire un nouveau rapport début mars qui sera transmis au Conseil de sécurité qui décidera alors des actions à entreprendre. Il devrait ainsi affermir l'Agence dans ses demandes de suspension des activités dangereuses. Une concertation étroite est menée avec la Russie et la Chine , la crise iranienne étant un sujet de préoccupation pour toute la communauté internationale, qui doit préserver son unité. Les propositions formulées par la Russie portent sur la production d'uranium enrichi sur le sol russe, à l'exclusion de tout transfert de technologie lié à l'enrichissement d'uranium et de tout enrichissement sur le sol iranien. Les autorités iraniennes ne peuvent qu'être préoccupées par la saisine du Conseil de sécurité, par conséquent l'action de la communauté internationale doit continuer d'allier unité et fermeté ;
- l'aide financière à l'Autorité palestinienne doit être assortie d'assurances sur les pratiques d'un Etat de droit. Si la mise en œuvre de projets non encore engagés dépendra de la position du Hamas, les financements des grands projets doivent aussi être affectés directement à des actions portant notamment sur la santé, la justice, plus que versées à une entité qui les redistribue. La communauté internationale, qui entretient une relation de confiance avec le président de l'Autorité palestinienne, souhaite poursuivre les projets déjà engagés et maintenir une aide humanitaire qui pourrait cependant emprunter de nouveaux canaux, en recourant aux ONG. La question du développement économique est primordiale et l'Union européenne a, par exemple, un rôle important à jouer dans la reconstruction du port de Gaza. Si nul ne peut se réjouir de la construction du mur de séparation, force est de constater qu'il a permis une diminution des attentats de près de 80 % et qu'il contribue au droit d'Israël à la sécurité. La feuille de route, qui prévoit notamment le démantèlement des colonies, reste valable et doit être respectée. Les différents acteurs de la région paraissent disposés à progresser vers la paix. L'entrée du Fatah au sein du Gouvernement palestinien ne serait pas une condition suffisante, la position du Hamas devant faire l'objet des évolutions demandées ;
- au Soudan, la situation au Darfour continue de se dégrader. Le transfert de la responsabilité des opérations de l'Union africaine à l'ONU semble désormais acquis et le Conseil de sécurité devrait en décider au mois de mars. Les effectifs pourraient être portés à 20 000 hommes, ce qui représenterait un coût annuel de 1,5 milliard de dollars. Dans ce processus, il conviendra de veiller à éviter d'éventuelles réactions de rejet de la part des populations. A cet égard, les propositions américaines de solliciter l'OTAN en relais temporaire de l'Union Africaine ne seraient pas sans conséquences ;
- pour ce qui concerne le Kosovo, les parties ont été réunies à Vienne les 20 et 21 février, sous l'égide du représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Atisaari, sur la question de la décentralisation. Cette réunion s'est tenue un mois après le décès d'Ibrahim Rugova et moins d'une semaine après la désignation de son successeur. Des convergences de vue se sont dégagées sur des sujets techniques, mais la négociation s'annonce difficile. Les Kosovars souhaitent, dans leur grande majorité, une indépendance qui ne pourra cependant être que limitée et conditionnelle. La communauté internationale devra rester présente au Kosovo afin d'accompagner le processus de transition. La rumeur concernant l'arrestation de M. Mladic était infondée, ce dernier n'ayant été ni arrêté, ni même localisé. Les mouvements opérés par les Serbes, sur cette question, peuvent cependant être considérés comme positifs ;
- aux Comores, les élections prévues au mois d'avril prochain constituent le terme d'un long processus de sortie de crise. Les mouvements intégristes se renforcent effectivement dans l'archipel, mais il est indispensable de gérer l'afflux considérable que représente l'immigration pour Mayotte. Dans le débat sur la politique d'immigration, les solutions à apporter doivent être examinées en liaison avec les partenaires de la France sur le fondement de trois principes : l'arrêt de l'immigration illégale, le bénéfice d'un meilleur accueil pour les immigrés dont l'entrée est admise et le renforcement de la politique d'aide au développement. Le sommet de Barcelone, prévu en juillet, entre la France, l'Espagne, le Maroc et les pays d'Afrique sub-saharienne portera précisément sur l'immigration et le développement ;
- au Monténégro, un référendum sur l'indépendance est toujours envisagé, mais la date définitive n'en est pas encore fixée, dans l'attente d'avancées dans les négociations sur le statut final du Kosovo. Il pourrait cependant intervenir avant l'été. En tout état de cause, le résultat devrait être favorable à l'indépendance ;
- pour ce qui concerne la question chypriote, les propositions turques ne sont pas nouvelles. Elles consistent dans la reconnaissance de Chypre nord et dans l'établissement de relations d'Etat à Etat qui ne sont pas acceptables par les autorités de Nicosie. Le secrétaire général des Nations Unies est disposé à la reprise des négociations sous l'égide de l'ONU mais reste prudent, dans l'attente de signaux favorables des parties.
Le ministre des affaires étrangères a rappelé, en conclusion, que la présente réunion de la commission se tenait à la veille du quatrième anniversaire de la détention d'Ingrid Bétancourt et de sa collaboratrice, Clara Rojas. Il a rappelé que, lors de son voyage en Colombie, le Président colombien Alvaro Uribe lui avait indiqué qu'il acceptait la proposition formulée par la France, l'Espagne et la Suisse d'une rencontre entre les Forces armées Révolutionnaires Colombiennes (FARC) et les autorités gouvernementales, afin d'arrêter une solution humanitaire pour tous les otages. Il incombe désormais aux FARC de répondre à cette proposition. Le ministre a considéré que la France se devait de penser à l'ensemble des otages et d'œuvrer à leur libération.