LA MISSION D'INFORMATION DE LA COMMISSION DES LOIS DU SÉNAT SUR LA NOUVELLE GÉNÉRATION DE DOCUMENTS D'IDENTITÉ ET LA FRAUDE DOCUMENTAIRE REND SON RAPPORT
Réunie le mardi 28 juin 2005 sous la présidence de M. Charles Guené (Haute-Marne, UMP), la mission d'information a adopté le rapport de M. Jean-René Lecerf (Nord, UMP).
Constituée le 9 février dernier, la mission d'information de la Commission des Lois du Sénat sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire a procédé à de nombreuses auditions, qui lui ont permis de recueillir les points de vue de représentants de l'administration, de membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, d'associations de défense des droits de l'homme, de chercheurs, d'industriels, d'avocats, d'universitaires. Elle a également effectué plusieurs déplacements, notamment à Washington, à Bruxelles et à Lyon.
Ses travaux ont essentiellement porté sur l'évaluation de la fraude à l'identité et les réponses classiques ou innovantes à y apporter. Le débat sur un titre d'identité électronique avec ou sans biométrie a été envisagé sous trois aspects : la sécurisation de l'identité dans le monde réel et dans le monde virtuel de l'Internet, la modernisation de l'administration et la sauvegarde des libertés individuelles, au premier rang desquelles la vie privée.
La mission a émis de nombreuses recommandations, parmi lesquelles :
- un triple constat : une fraude significative avérée en dépit de l'absence d'une évaluation globale ; la fraude concerne l'ensemble des documents, mais plus particulièrement le passeport et le permis de conduire ; les principaux points faibles de la chaîne de l'identité se situent au niveau de l'état civil et du vol de documents vierges ;
- des solutions simples pour réduire la fraude, notamment : intensifier la coopération internationale ; utiliser le répertoire national d'identification des personnes physiques tenu par l'INSEE pour vérifier l'exactitude des informations relatives à l'état civil fournies par les demandeurs de titre ; centraliser la production des passeports ; envisager d'assujettir la délivrance de la carte nationale d'identité au paiement d'une somme même modeste dont seraient toutefois exonérées les personnes défavorisées et instituer des pénalités en cas de vols ou de pertes répétés d'un titre d'identité ; retenir la carte d'identité et le passeport comme les seuls documents valant justificatif d'identité pour l'ensemble des démarches administratives tant que d'autres documents, notamment le permis de conduire, n'offrent pas un niveau de sécurité équivalent.
Concernant la biométrie, la mission a estimé qu'elle pouvait apporter un surcroît de sécurité. Toutefois, la biométrie ne doit pas être perçue comme une solution miraculeuse et le succès de sa mise en oeuvre requiert plusieurs précautions, notamment la réduction de la durée de validité des titres à cinq ans et le maintien d'une présence humaine lors des contrôles. En outre, si un système biométrique était déployé, il devrait faire l'objet d'une introduction progressive ou être précédé d'une phase d'expérimentation. Enfin, il est apparu que la question du passeport biométrique ne se confondait pas avec celle de la carte nationale d'identité électronique, le calendrier de mise en place du passeport étant prioritaire.
La mission a également constaté la grande diversité des technologies existantes, et notamment la possibilité de constituer un fichier central des données biométriques garantissant l'unicité de l'identité lors de la délivrance d'un titre sans rendre possible l'utilisation de ce fichier à d'autres fins telles que l'identification.
Concernant le développement des fonctions d'authentification à distance et de signature électronique, la mission a estimé qu'un titre d'identité électronique pourrait permettre de sécuriser les échanges électroniques et de faciliter la vie quotidienne des citoyens. Ces nouvelles fonctions devraient être limitées dans un premier temps à la sphère publique et ne devraient pas servir de prétexte à des vérifications abusives de l'identité des personnes et à une remise en cause de la possibilité d'échanges électroniques anonymes. L'utilisation d'un titre électronique pour des transactions privées requiert à ce stade une grande prudence.
Concernant la protection des libertés individuelles et de la vie privée, un système de titre d'identité électronique avec ou sans biométrie devrait respecter le principe constitutionnel et conventionnel de proportionnalité entre les moyens déployés et les finalités assignées au système. Si l'utilisation d'une base centrale biométrique à des fins d'identification était retenue, elle ne devrait se faire que sous le contrôle d'un magistrat ou de la CNIL sans souffrir aucune exception. A cet égard, les moyens de la CNIL devraient être renforcés dans des proportions importantes.
Surtout, grâce à l'authentification à distance, chaque personne devrait pouvoir accéder en permanence et immédiatement à l'ensemble de ses données personnelles ainsi qu'à l'historique des consultations de ces données : « Big brother serait désormais surveillé par des millions de personnes ».
Enfin, la mission a estimé que la technologie du « sans contact » ne présentait pas à ce jour de garanties suffisantes au regard du respect des libertés individuelles et de la vie privée.
Contact presse : Stéphanie Garnier : 01 42 34 25 12 ou 25 13 s.garnier@senat.fr
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Cette mission d'information est composée de : M. Charles Guené, président, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, MM. Nicolas Alfonsi, Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Alex Türk et Richard Yung, vice-présidents, Mme Alima Boumediene‑Thiery et M. Philippe Goujon, secrétaires, ainsi que de MM. Christian Cointat, Jean-Patrick Courtois, Charles Gautier, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jacques Mahéas, Henri de Richemont et Jean-Paul Virapoullé.