DÉLOCALISATIONS : ROMPRE AVEC LES MODALITÉS POUR SAUVER LE MODÈLE FRANÇAIS
Réunie le mercredi 22 juin 2005, la commission des finances du Sénat a examiné le rapport d'information de son président, M. Jean Arthuis (UC-UDF, Mayenne), sur la globalisation de l'économie et les délocalisations d'activités et d'emplois. Confrontée depuis son premier rapport, en 1993, à une absence de chiffres fiables sur les délocalisations, la commission des finances du Sénat, préoccupée par les cas de plus en plus nombreux recensés sur le territoire, a cru nécessaire de lancer un nouveau cycle de travail sur le sujet.
Le rapport de M. Jean Arthuis, souhaite tout d'abord « voir les délocalisations en face ». Les délocalisations d'activités et d'emplois, contrairement aux propos de circonstance trop longtemps proclamés, ont des effets corrosifs sur l'emploi. Le rapport, fondé sur des études micro-économiques, annonce pour la période 2006-2010 la délocalisation de 202.000 emplois pour les seuls services, soit 22 % de la création nette d'emploi salarié au cours des cinq dernières années. 80 % de ces pertes d'emplois sont liées à des non-localisations, absentes habituellement des analyses macro-économiques. Face aux délocalisations, le modèle économique et social français est ainsi confronté à une épreuve de vérité. Il doit faire le choix de la création d'activité et d'emploi dans une économie globalisée.
M. Jean Arthuis entend promouvoir la vision d'une société française refusant les peurs, rompant avec la fatalité des délocalisations, la résignation et la passivité qui caractérisent les politiques menées jusqu'à présent face à ce problème, afin de rendre compatible un modèle français, qui dévie dangereusement vers le « moins cher - moins d'emploi », avec une économie vivant désormais à l'heure mondiale. Pris entre l'enclume des réglementations, des cotisations sociales, du droit du travail et le marteau des prix, les producteurs disparaissent ou délocalisent.
Il considère que les délocalisations ne constituent pas une fatalité à condition de prendre au sérieux l'enjeu lié à la globalisation et d'opter pour une réponse ambitieuse, au-delà de ce qui a été fait jusqu'à présent, en Europe et en France. Il a vu le risque d'une planète organisée entre une Chine « usine du monde », une Inde « laboratoire du monde », voire un Brésil « ferme du monde »... et une Europe - ou une France - se consacrant à la mise en rayons, dans ses supermarchés, de produits fabriqués par d'autres.
C'est l'art de gouverner qui est en cause. Il s'agit de remettre à niveau un modèle de prélèvement historiquement daté. Dans une économie globale, en situation de libre échange, il n'est plus possible de demander aux entreprises de prendre en charge la solidarité édictée par les Etats pour faire vivre la cohésion sociale. Aux entreprises, la responsabilité de l'activité, et donc de la création d'emplois. Aux citoyens le financement de la solidarité. Taxer les produits plutôt que la production : le rapport propose de remplacer une large part des cotisations employeurs par une imposition de la consommation plus marquée, comme y songe un nombre croissant de nos partenaires européens (Danemark, Belgique ou Allemagne), complétée par une imposition du revenu remodelée, dont la CSG constituerait le premier étage.
Ces réformes ne peuvent être menées que dans le cadre d'un nouveau « pacte de confiance » entre les administrations publiques et les entreprises. La multiplication des règles et des normes a ouvert la voie à un pouvoir administratif assorti de procédures d'agrément et de contrôle. La pression qui en résulte est contraire à l'esprit d'entreprise et neutralise la créativité.
Facteur aggravant, notre modèle social fait fausse route, superposant aux protections illusoires du droit du travail les 35 heures. Le droit du travail est devenu une « bonne raison de plus » pour délocaliser : M. Jean Arthuis préconise un équilibre entre flexibilité et sécurité du travail adapté à la globalisation de l'économie.
Enfin, dans une économie globalisée, il convient de passer du libre échange, où tout s'ajuste sans états d'âme, à une loyauté dans l'échange : ceci suppose, dans notre pays, un équilibre dans les rapports entre producteurs et distributeurs, en Europe, une gouvernance économique, dans le monde, la disparition de biais liés à des taux de changes erratiques et à l'absence de normes environnementales.
M. Jean Arthuis considère ainsi qu'il est urgent de trouver en France le chemin de la croissance et du plein-emploi. En matière de délocalisations, il est désormais « minuit plus cinq ». La France doit désormais reprendre son destin en main.
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