Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense,
présente aux sénateurs le projet de budget pour 2005 de son ministère
Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que notre environnement dangereux et instable exigeait la poursuite de l'effort de défense engagé depuis 2002. Les enjeux sont en effet importants : la sécurité des Français, la crédibilité de la France en Europe et dans le monde, sans oublier la dimension économique et sociale à travers un fort potentiel de recrutement, d'investissement et d'innovation.
La ministre de la défense a indiqué que le budget de son ministère s'élèvera en 2005 à 32,82 milliards d'euros (en hausse de 1,6 % par rapport à 2004), auxquels s'ajouteront 9,5 milliards d'euros pour les pensions.
Des choix sont opérés dans le souci d'une meilleure gestion humaine et financière. Ils portent sur l'organisation du ministère, ses ressources humaines, les programmes d'armement et l'industrie de défense. Ainsi les réorganisations de services seront effectives au 1er janvier 2005, comme les services d'infrastructures et ceux des archives. Des mesures de restructuration visent à la modernisation du ministère avec, au plan opérationnel, la création d'un régiment NRBC ou la dissolution d'un régiment d'hélicoptères consécutive à l'arrivée du Tigre. En matière de soutien des forces est prévue la réorganisation des établissements du commissariat et du matériel de l'armée de terre. Par ailleurs, 2005 verra l'externalisation de la gestion des véhicules de la gamme commerciale et des logements domaniaux de la gendarmerie aboutissant au redéploiement de plus de 1.000 emplois civils et militaires. Toutes ces mesures engendrent parfois des contraintes fortes pour les personnels ; la ministre a indiqué qu'elle veillerait à ce que la dimension sociale de ces adaptations soit prise en compte avec attention.
Mme Michèle Alliot-Marie a relevé que le projet de budget pour 2005 respecte la Loi de programmation militaire pour la troisième année consécutive, performance inédite dans notre pays. La disponibilité des matériels est accrue. Le redressement se traduit dans les faits : il est de plus de 8 % pour la flotte de surface, de plus de 5 % pour les avions de combat ; quant à la disponibilité des équipements en OPEX, elle est supérieure à 90 % pour l'Armée de terre.
Le projet de budget pour 2005, a poursuivi la ministre, contribuera également au renouvellement des équipements. 15,2 milliards d'euros de crédits de paiement (+ 2 %) seront consacrés à cette fin en 2005. Ainsi la fonction de communication sera renforcée avec la mise en orbite du premier satellite Syracuse III ; l'arrivée de dix Rafale dans l'armée de l'air en 2005 s'ajoutera aux cinq livrés en 2004, en vue de l'aptitude opérationnelle du premier escadron en 2006 ; le premier hélicoptère NH90 sera mis en service dans la marine ; huit hélicoptères Tigre seront livrés à l'armée de terre. Par ailleurs, un premier avion de transport à long rayon d'action est attendu en 2005 et la capacité de projection sera accrue avec la livraison du premier bâtiment de projection et de commandement. La frappe dans la profondeur sera renforcée avec 70 missiles de croisière SCALP-EG et 30 missiles AS30 laser. Enfin, les forces de gendarmerie seront mieux équipées et protégées (livraison de la totalité des gilets pare-balles).
Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que 15,3 milliards d'autorisations de programme permettront de passer de nouvelles commandes de matériel : elles concerneront la poursuite du développement du missile M51, huit frégates multi-mission, 2 avions de transport à long rayon d'action et 1 100 systèmes FELIN pour améliorer la protection des fantassins. De même sera poursuivie la modernisation de l'équipement des forces de gendarmerie.
Afin de préparer l'avenir, un crédit de 1,34 milliard d'euros est consacré à la recherche et technologie, soit une hausse de 8 %. Mme Michèle Alliot-Marie a insisté sur la pertinence de la politique des démonstrateurs, qui permet de valider les technologies du futur et de fédérer l'industrie européenne comme pour le programme UCAV. Dans le même souci, la « bulle opérationnelle aéro-terrestre » offrira une vision homogène de la protection des troupes terrestres et l'Euromale permettra de rationaliser les programmes de drones aux plans opérationnel et industriel. Enfin, les ressources études amont augmenteront de 100 millions d'euros en 2005. La ministre a relevé qu'une part croissante de l'effort de recherche et technologie était désormais menée en coopération européenne à plus de 20 %, tendance qu'allait renforcer l'Agence européenne de défense et d'armement.
Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite abordé les capacités d'entraînement des forces. La dotation de fonctionnement de 3,55 milliards d'euros (+ 3,4 %) permettrait de respecter les objectifs d'activité de la LPM. La ministre a reconnu que l'activité des forces avait souffert en 2004 du remboursement partiel des OPEX de 2003 et de leur non-budgétisation, obligeant les armées à en assurer la trésorerie au détriment de son fonctionnement courant. Pour 2005, la situation sera améliorée grâce à un abondement des crédits de carburant (20 millions d'euros) et surtout à la budgétisation initiale de 100 millions pour les OPEX.
Abordant la situation des personnels, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que le projet de budget pour 2005 prévoyait une masse salariale de 14,2 milliards d'euros, en augmentation de 2,5 %. Une partie de ces crédits est cependant absorbée par des mesures incontournables comme la réforme des retraites (79 millions d'euros). Des créations d'emplois sont prévues dans les domaines prioritaires : 700 gendarmes au titre de la LOPSI, 58 médecins pour le service de santé et 20 postes pour la DGSE. Par ailleurs, des mesures sont prises en faveur du personnel militaire et civil : 43 millions d'euros pour le plan d'amélioration de la condition militaire, 11 millions d'euros pour le fonds de consolidation de la professionnalisation et 20 millions d'euros pour le plan d'adaptation des grades aux responsabilités dans la gendarmerie. Enfin, 12 millions d'euros bénéficieront au personnel civil pour la troisième année consécutive.
Une meilleure prise en compte de l'apport de la réserve permettra d'accroître de 6 000 personnes le nombre des réservistes. Cet effort en faveur des réserves sera complété prochainement par un projet de loi spécifique.
S'agissant des effectifs, la ministre a indiqué que des problèmes étaient apparus dans certaines armées, notamment dans l'armée de terre, où la consommation trop rapide des crédits de recrutement l'avait conduite à stabiliser les effectifs à la mi-2004. Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que l'armée de terre était engagée dans le cadre des OPEX sur des théâtres nombreux et particulièrement difficiles : Kosovo, Afghanistan, Côte d'Ivoire. Constatant les efforts considérables demandés à ces personnels, la ministre a indiqué qu'elle veillerait, en cours de gestion, à obtenir les marges d'action supplémentaires.
A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.
M. André Dulait a demandé des précisions sur les perspectives de GIAT-Industries, sur le bilan de l'instauration des communautés de brigades dans la gendarmerie ainsi que sur l'intégration des personnels civils au sein de cette dernière, et enfin sur le déroulement du programme d'avions de transport A-400M.
Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé les étapes de la concertation conduite, deux années durant, autour du plan de renouveau de GIAT-Industries. Elle a reconnu que les restructurations engagées avaient pu s'accompagner de perturbations affectant les calendriers de livraison de certains matériels, en particulier les chars Leclerc. Elle a souligné que les engagements pris par le gouvernement concernant l'implantation de nouvelles activités sur les différents sites industriels avaient été tenus, et qu'ainsi de nouveaux emplois allaient pouvoir se créer dans les régions touchées par ces restructurations. Elle a estimé qu'il fallait désormais travailler sur les nouvelles perspectives de l'entreprise, l'objectif constant du gouvernement ayant été de préserver une industrie de l'armement terrestre en France. Elle a ajouté que les efforts entrepris permettaient d'envisager, dans le futur, des regroupements avec d'autres industriels européens de l'armement terrestre.
Mme Michèle Alliot-Marie a jugé satisfaisantes les conditions d'intégration des personnels civils dans la gendarmerie et elle s'est montrée très favorable à l'établissement d'un bilan sur la mise en place des communautés de brigades, en souhaitant que les élus y soient associés.
Enfin, s'agissant du programme A-400M, elle a indiqué que les crédits de paiement avaient été mis en place à la hauteur voulue pour que cet avion de transport indispensable aux armées soit livré à compter de 2009.
M. Xavier Pintat, rappelant les récentes déclarations de la ministre sur le rôle de notre dissuasion nucléaire aujourd'hui, lui a demandé des précisions sur les enjeux des principaux programmes en cours, en particulier le programme de simulation et le missile M51. Par ailleurs, il l'a interrogée sur la mise en place de l'Agence européenne de défense et sur le contenu de ses missions.
Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que nos capacités nucléaires militaires constituaient notre ultime protection face à un pays qui viendrait à mettre en cause nos intérêts vitaux, et ce dans une logique de dissuasion et non d'emploi. Au moment où de nouveaux pays accèdent à des capacités nucléaires et où d'autres cherchent manifestement à s'en doter, il serait irresponsable de renoncer à cette ultime protection. L'adaptation de nos forces nucléaires demeure indispensable, à la fois pour remplacer des matériels qui risqueraient de devenir obsolètes, et pour donner plus de crédibilité à notre doctrine dissuasive. De ce point de vue, le nouveau contexte international et la diversification des menaces conduisent à se doter de moyens plus performants et permettant des options plus diversifiées.
S'agissant de l'agence européenne de défense, elle doit permettre d'importants progrès en coordonnant davantage les efforts de recherche des pays européens qui, pris dans leur ensemble, dépensent un montant équivalent à la moitié de l'effort américain en la matière ; elle doit également favoriser l'étude en commun de nos besoins capacitaires, la conception des programmes permettant de combler ces lacunes et la mise en place des politiques d'acquisition appropriées.
M. André Boyer a demandé des précisions sur l'évolution des discussions entre DCN et Thalès en vue de leur rapprochement, ainsi que sur les perspectives d'alliances européennes dans le domaine de la construction navale et militaire. Il a souhaité connaître le calendrier et les implications financières du renouvellement de la flotte de surface affectée aux missions de sauvegarde maritime outre-mer. Enfin, il a demandé à la ministre si, à la suite de son récent voyage, elle pensait que de nouvelles possibilités de coopération avec la Suède étaient envisageables.
Mme Michèle Alliot-Marie a souligné l'intérêt que représenterait un rapprochement entre DCN et Thalès, notamment au moment où des consolidations s'effectuent également en Allemagne, dans la construction navale militaire. Elle a toutefois rappelé que les modalités d'un tel rapprochement devaient être discutées entre les entreprises concernées.
S'agissant du renouvellement des bâtiments affectés à la sauvegarde maritime, elle a estimé que le choix du mode de financement devait être effectué au cas par cas en fonction du bilan coût/efficacité des diverses solutions.
Enfin, elle a confirmé le renforcement de notre coopération avec la Suède. Cette dernière a fait le choix de l'hélicoptère de transport NH90 et elle constitue l'un de nos partenaires dans le programme de démonstrateurs d'avions de combat non pilotés (UCAV). Elle souhaite également une coopération accrue dans le domaine de la recherche et de la technologie.
M. Jean-Pierre Plancade a souhaité obtenir des précisions sur l'arrêt des recrutements qui aurait été opéré au cours de l'été et sur l'évolution des effectifs militaires en 2005. Il s'est par ailleurs étonné que la provision inscrite dans le projet de loi de finances au titre des opérations extérieures se limite à 100 millions d'euros alors que les surcoûts de ces opérations s'élèvent en moyenne à 600 millions d'euros par an.
M. Didier Boulaud a appelé à porter un regard plus nuancé sur les conditions de respect de la loi de programmation militaire, compte tenu des reports de charges importants constatés au cours des deux derniers exercices, des retards de livraison de certains équipements, de l'augmentation des intérêts moratoires à la charge du ministère de la défense et des contraintes financières ayant empêché d'atteindre les objectifs fixés en matière d'entraînement. Relevant que des difficultés en matière d'effectifs surviendraient en 2005, il s'est demandé si on n'assistait pas à une révision rampante du format des armées. Il a par ailleurs constaté que l'effort de recherche pour 2005 restait très en deçà des niveaux prévus par la loi de programmation militaire.
M. André Rouvière a souhaité savoir si les créations d'emplois dans la gendarmerie s'accompagnaient parallèlement de certaines suppressions de postes. Il a demandé à la ministre quel serait le calendrier retenu pour établir le bilan de la création des communautés de brigades. Enfin, s'agissant de l'externalisation, il s'est demandé quelles seraient les autorités responsables de la passation des marchés pour la gendarmerie.
M. Michel Guerry a demandé des précisions sur l'évolution des exportations d'armements.
Mme Hélène Luc a reconnu qu'un effort avait été réalisé au profit des matériels des armées mais s'est inquiétée des évolutions en matière d'effectifs. Se référant aux déclarations du président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, qui a souhaité une pause en matière de dépenses consacrées au nucléaire militaire, elle a souhaité qu'un débat s'engage à ce sujet. Enfin, à propos de GIAT-Industries, elle a demandé que soit abandonné le projet de mise en œuvre de 400 mesures de suppression d'emplois qui est actuellement simplement repoussé jusqu'en octobre 2005.
M. Jean-Pierre Fourcade a demandé si des difficultés avaient été rencontrées pour la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances et si, le cas échéant, le projet de découpage entre les programmes et les actions pouvait encore être modifié. Il a également demandé quelles étaient les mesures d'amélioration prévues dans le projet de budget en faveur des services de renseignement.
Mme Paulette Brisepierre a demandé à la ministre de faire le point sur les dernières évolutions de la situation en Côte d'Ivoire.
M. Philippe Nogrix a souhaité des précisions sur le type d'avions de transport à long rayon d'action destinés à remplacer les DC8 et sur le mode de financement qui sera retenu.
A la suite de ces interventions, Mme Michèle Alliot-Marie a apporté les précisions suivantes :
- les recrutements n'ont en aucun cas été arrêtés à compter du mois de juillet, mais ils se poursuivent désormais à un rythme compatible avec l'enveloppe budgétaire inscrite dans la loi de finances pour 2004 ; les variations d'effectifs réalisés constatées d'une année sur l'autre ne constituent en rien une révision du format des armées, ce dernier n'étant absolument pas remis en cause. Par ailleurs, si des possibilités apparaissent en cours d'année 2005 pour améliorer la situation des effectifs, elles seront utilisées ;
- les mesures d'externalisation permettent des redéploiements de personnels ;
- à la suite des travaux conduits par le Contrôle général des Armées et l'Inspection des finances, l'inscription d'une provision de 250 millions d'euros en loi de finances initiale est apparue comme la solution optimale pour financer dans de bonnes conditions les surcoûts des opérations extérieures, le recours aux lois de finances rectificatives demeurant nécessaire pour ajuster aux besoins réels ; dans cette perspective, il faut considérer que la création d'une ligne budgétaire spécifique et l'inscription d'une dotation de 100 millions d'euros pour 2005 constituent un indéniable progrès par rapport à la situation passée ;
- la loi de programmation militaire 2003-2008 est jusqu'à présent intégralement respectée, ce qui n'interdit pas d'effectuer certains aménagements dans l'affectation des crédits, notamment en fonction de l'évolution des besoins opérationnels ;
- les objectifs fixés en matière d'efforts de recherche et technologie devront être atteints sur l'ensemble de la période couverte par la loi ; les premières années d'exécution concentrent l'effort sur les fabrications de matériels ;
- il serait souhaitable que le bilan de la mise en place des communautés de brigades puisse être établi au cours de l'année 2005 ;
- les réaffectations d'emplois réalisées dans la gendarmerie correspondent à l'externalisation de la gestion des logements ;
- les procédures de passation des marchés publics de la gendarmerie n'obéissent pas à un schéma unique mais, dans la mesure du possible, une limitation du nombre d'autorités responsables est recherchée ;
- un rapport sur les exportations d'armements sera prochainement présenté au Parlement ;
- dans le contexte international actuel, marqué par la prolifération, il n'est pas responsable de laisser entrevoir un affaiblissement de nos capacités de dissuasion nucléaire ;
- le ministère de la défense soutient GIAT-Industries au travers de ses commandes ; à cet égard, le programme de véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) ouvre des perspectives intéressantes compte tenu des besoins sur ce type de matériel dans de nombreuses armées ;
- s'agissant de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, il est indispensable d'associer les armées aux responsabilités budgétaires liées à la conduite des programmes d'équipements, c'est pour cela que le programme 3 sera co-piloté par le Délégué Général pour l'Armement et le Chef d'Etat-major des armées , chacun rendant compte pour ce qui relève de sa responsabilité ;
- le projet de budget pour 2005 prévoit la création de vingt postes au profit de la DGSE afin, notamment, de recruter des linguistes spécialisés en langues rares ;
- la situation en Côte d'Ivoire s'est améliorée sur le plan militaire mais reste suspendue aux difficultés qui persistent sur le plan politique ;
- en matière d'avions de transport à long rayon d'action, le ministère de la défense s'oriente vers le recours à des avions civils, en privilégiant la solution de la location, éventuellement assortie d'une option d'achat.
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