Rapport de M. Ladislas Poniatowski sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières
I - Le constat
La Commission des Affaires économiques du Sénat considère qu'il est désormais impossible de tenter de revenir au régime antérieur à l'ouverture des marchés de l'énergie car celui-ci s'inscrit dans le processus d'unification du marché intérieur européen. Toute réticence en la matière aurait une incidence négative sur le devenir d'EDF et de GDF qui se heurterait à des mesures de rétorsion de la part de nos partenaires.
La leçon à tirer de la libéralisation opérée dans d'autres Etats est qu'il convient de se prémunir contre le sous-investissement en capacités de production et en instruments de transport d'énergie.
Il faut donner à EDF et GDF les moyens financiers de leur développement en leur permettant de faire face aux engagements constitués par les retraites à verser à leurs agents. Au surplus, il est impossible de conserver, pour ces entreprises, le statut d'établissement public qui entraîne la garantie illimitée de l'Etat qu'interdisent désormais les engagements pris envers la Commission européenne.
La sociétisation d'EDF et de GDF est compatible avec la préservation d'un modèle d'entreprise intégrée qui assure la pérennité des services communs, lesquels regroupent 66.000 agents sur 135.000.
Le texte ne change rien au statut des agents de la branche des industries électriques et gazières. Bien au contraire, il permet de conforter le régime des retraites dont il organise le financement pour l'avenir.
Enfin le projet transpose a minima les dispositions des directives en vigueur sur l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz le 1er juillet 2004.
II - Les propositions de la commission des Affaires économiques
En ce qui concerne les dispositions relatives au service public (titre Ier), la commission souhaite :
- prévoir la consultation du conseil d'administration d'EDF ou de GDF avant la signature des contrats de service public pour recueillir notamment l'avis des représentants des salariés (article 1er) ;
- fixer dans le contrat de service public d'EDF les objectifs pluriannuels en matière d'enfouissement des réseaux publics de distribution d'électricité (idem) ;
- soumettre à des sanctions les producteurs ne respectant pas l'obligation de mise à disposition du gestionnaire du réseau de transport de la totalité de la puissance non utilisée techniquement disponible (article 2 ter) pour contribuer à l'équilibre du réseau électrique.
Pour ce qui est des entreprises gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz (titre II), il est préconisé de :
- supprimer la fixation a priori par les statuts du gestionnaire de réseaux de transport d'électricité des conditions de la révocation d'une personne en assurant la direction générale (article 4) ;
- limiter l'accord du ministre chargé de l'énergie à la nomination du directeur général, autorité exécutive de ce même gestionnaire (article 5) ;
- permettre une simple approbation des statuts de ce gestionnaire par décret pour laisser à l'assemblée générale constitutive de la société qui en sera chargée le soin d'établir ceux-ci (idem) ;
- prévoir que l'apport des réseaux de transport d'électricité ou de gaz, exonéré de tout impôt par l'article 7, s'effectuera à la valeur nette comptable afin de ne pas offrir un double avantage fiscal aux nouvelles sociétés (articles 7 et 10).
Dans le domaine des distributeurs d'électricité ou de gaz (titre III), la commission souhaite que les codes de bonne conduite élaborés par les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) soient transmis à la Commission de régulation de l'énergie (article 13).
En ce qui concerne les dispositions diverses (titre VI), il est proposé de :
- préciser que l'Etat, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements qui ont décidé de ne pas exercer leur droit à l'éligibilité ne sont pas tenus de procéder à des appels d'offre comme l'exigent les dispositions du nouveau code des marchés publics (article 28 A) ;
- interdire les contrats de fourniture d'électricité « au forfait » pour favoriser les économies d'énergie (idem) ;
- supprimer l'obligation de publication des comptes séparés (qui distinguent les activités en concurrence et les activités en monopole) pour les entreprises du secteur de l'électricité (idem), ces documents contenant des informations commerciales sensibles (article 30) ;
- définir les points des réseaux où sont effectués les cessions ou échanges de gaz pour renforcer l'équilibre des réseaux gaziers (article 31) ;
- rétribuer la capacité d'effacement des consommateurs d'électricité pour alléger la charge pesant sur le réseau de transport d'électricité (article additionnel après l'article 34).
La commission a également créé un titre VI bis afin d'y introduire des articles relatifs à l'accès des tiers aux stockages de gaz naturel
L'article 33 de la directive 2003/55 du 26 juin 2003 impose aux Etats membres d'appliquer ses dispositions avant le 1er juillet 2004, ce qui implique la transposition de l'article 19 de ce texte, consacré à l'accès des tiers aux espaces de stockage de gaz. Faute de transposition, des procédures pourraient être engagées contre la France. L'accès des tiers aux stockages est indispensable à l'ouverture effective du marché gazier français et constitue, de surcroît, une condition nécessaire pour favoriser le développement d'un marché compétitif.
Conformément aux positions défendues par le Gouvernement français lors de la négociation de cette directive, une transposition à minima de l'article 19 est proposée, en retenant l'option d'un accès négocié à ces stockages. En outre, seules les capacités de stockage nécessaires à la satisfaction des obligations de service public sont soumises à l'accès des tiers, tandis que le ministre chargé de l'énergie exerce la responsabilité de la sécurité d'approvisionnement, pour les clients domestiques comme pour les clients non domestiques assurant des missions d'intérêt général.
Huit articles additionnels après l'article 34 tendent à :
- déterminer les usages prioritaires des stockages gaziers et la liste des clients qui doivent bénéficier de la continuité de fourniture de gaz en toutes circonstances ;
- créer une obligation de constitution de stocks de gaz naturel et d'information sur l'état de ces stocks ;
- instituer un accès négocié des tiers aux stockages, c'est-à-dire sur la base de prestations commerciales librement proposées par les opérateurs dans des conditions transparentes et non discriminatoires ;
- définir les cas dans lesquels un refus d'accès aux installations de stockages peut être opposé et les procédures de recours en cas de contestation de ce refus ;
- ne pas assujettir les services auxiliaires et les cuves de gaz naturel liquéfié à l'obligation d'accès des tiers à ces installations ;
- organiser un accès des tiers aux « stockages en conduite » (il s'agit des stocks contenus dans les gazoducs) ;
- prévoir la possibilité d'accorder des exemptions au principe d'accès des tiers à toutes les infrastructures pour renforcer la sécurité d'approvisionnement de la France et favoriser la construction de nouvelles infrastructures.
Contact Presse : Ali Si Mohamed 01 42 34 25 11 a.si-mohamed@senat.fr