Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
La commission des Lois du Sénat propose la création d'un fichier judiciaire
des auteurs d'infractions sexuelles
Réunie le mercredi 24 septembre 2003, sous la présidence de M. René Garrec (UMP - Calvados), la commission des Lois du Sénat a examiné, sur le rapport de M. François Zocchetto (UC - Mayenne), le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Le rapporteur a salué la création d'un cadre spécifique pour lutter contre la criminalité organisée, soulignant que cette criminalité complexe et transnationale ne pouvait être combattue de la même manière que les autres formes de criminalité et de délinquance.
La commission a adopté 236 amendements.
· Elle a tout d'abord souhaité, sans attendre le dépôt d'un nouveau projet de loi, améliorer la législation relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles :
- en allongeant la durée de la mesure de suivi socio-judiciaire, qui pourrait désormais être illimitée à l'égard de condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité ;
- en créant un fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles géré par le casier judiciaire. Ce fichier accueillerait les condamnations pour des infractions sexuelles et mentionnerait l'adresse des condamnés ou leur dernière adresse connue ; il ne pourrait être consulté que par les magistrats, les officiers de police judiciaire pour les enquêtes relatives à des infractions sexuelles et les préfets. Les informations seraient conservées pendant quarante ans ;
- enfin, en permettant un prélèvement forcé d'empreinte génétique sur les condamnés pour crimes.
· En matière de criminalité organisée, la commission a adopté des amendements tendant à :
- rétablir l'interdiction, supprimée par l'Assemblée nationale, de condamner une personne sur le seul fondement de déclarations d'officiers de police judiciaire infiltrés. La possibilité de condamner une personne sur le seul fondement de déclarations anonymes paraît en contradiction avec la Convention européenne des droits de l'Homme ;
- compléter les dispositions relatives aux « repentis » pour prévoir la création d'une commission spécialisée chargée de définir les mesures de protection et de réinsertion accordées aux « repentis ».
- simplifier les dispositions relatives à la garde à vue et rétablir la possibilité pour l'avocat d'intervenir après trente-six heures de garde à vue en ce qui concerne certaines infractions pour lesquelles l'Assemblée nationale avait repoussé cette première intervention après soixante-douze heures de garde à vue.
· La commission a adopté plusieurs amendements renforçant l'autorité du procureur de la République sur la police judiciaire.
Elle a notamment prévu :
- que le procureur de la République continuerait à être averti des placements en garde à vue « dès le début » de la mesure et non « dans les meilleurs délais » ;
- que la durée de l'enquête de flagrance ne pourrait être portée de huit à quinze jours que sur autorisation du procureur et non systématiquement.
· La commission a décidé de modifier le dispositif relatif à la rémunération des indicateurs adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoyait une répartition de 60 % des amendes par arrêté des ministres de l'économie, de la justice et de l'intérieur. Elle a décidé de consacrer dans la loi la possibilité de rémunérer les indicateurs tout en considérant que les modalités de cette rémunération relevaient de la loi de finances.
· Dans un souci d'équilibre de la procédure pénale, la commission a décidé :
- de maintenir à six mois (contre quatre dans le projet de loi) le délai accordé aux parties pour invoquer les moyens pris de la nullité des actes d'instruction ;
- d'écarter la possibilité de faire remplacer le juge des libertés et de la détention par un magistrat moins expérimenté.
· Afin de conforter les droits de la victime, la commission propose :
- d'obliger les procureurs de la République à aviser les victimes en cas de classement sans suite, que l'auteur des faits soit identifié ou non, et à motiver la décision ;
- de permettre aux victimes de traite des êtres humains de demander indemnisation devant les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions.
· Enfin, la commission a approuvé la création d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elle a adopté des amendements permettant de proposer une peine allant jusqu'à un an d'emprisonnement (contre six mois dans le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale) et prévoyant la publicité de l'ordonnance d'homologation.
Le projet de loi sera examiné par le Sénat en séance publique les 1er, 2 et 7 octobre 2003.