La voie d'eau abandonnée
M. Daniel Hoeffel, sénateur du Bas-Rhin, président de l'Association des maires de France et les membres du groupe sénatorial d'études « Rhin-Rhône et voies navigables » déplorent que la voie d'eau sorte une fois de plus « grand perdant » du rapport d'audit remis par l'Inspection Générale des Finances et le Conseil Général des Ponts et Chaussées, le 4 mars 2003, sur les grands projets d'infrastructure de transport.
S'agissant tout d'abord de l'intérêt qui lui a été consacré, on note que deux pages sur 112 traitent de ce mode de transport !
Le projet de liaison fluviale à grand gabarit Seine‑Nord -au sujet duquel M. Jean‑Claude Gayssot, alors ministre chargé de l'équipement, déclarait, le 4 mars 2002, « le canal Seine‑Nord, c'est parti ! »‑ est renvoyé aux « calendes grecques ». En moins d'une page, il nous est expliqué qu'en raison d'un coût estimé à 2,6 milliards d'euros et d'un taux de rentabilité interne qui resterait aléatoire (alors que l'établissement public Voies Navigables de France ne dispose pas, à lui tout seul ‑ce que nous savions déjà‑ d'une capacité de financement suffisante), il conviendrait de reporter « la réalisation du projet au‑delà de l'horizon 2020 des schémas de services ».
D'un trait de plume, il semble que toutes les raisons qui avaient justifié l'intérêt de l'inscription de ce projet dans lesdits schémas se soient « évaporées » !
L'abandon de Seine‑Nord permettrait de dégager une dotation d'environ 100 millions d'euros pour financer un autre projet -le projet d'écluse fluvial de Port 2000‑ sur l'opportunité duquel « l'audit » réserve par ailleurs son jugement !
Quant au projet de liaison fluviale Saône‑Rhin, il est balayé « d'un revers de main » puisque, nous est‑il rappelé, « il a été officiellement abandonné par le Gouvernement en 1997 ».
Pas un mot sur l'impossibilité, pour le fer et la route, de prendre en charge le trafic supplémentaire, estimé à quinze millions de tonnes de marchandises à l'horizon 2020, sur l'axe Rhin‑Rhône.
Pas un mot sur les propositions parlementaires de relancer le débat sur des solutions techniques moins coûteuses financièrement et en termes d'environnement et de protection des sites.
Pas un mot sur la nécessité impérieuse de réaliser, sur une période peut‑être longue mais selon un calendrier clair, la connexion du réseau français au réseau européen.
Le groupe sénatorial d'études « Rhin‑Rhône Voies Navigables » exprime le souhait que le Gouvernement aura la sagesse de ne pas se laisser impressionner par les « recommandations » de l'audit.
S'il devait en être autrement, il s'agirait, à l'évidence, d'une catastrophe pour la voie d'eau alors que celle‑ci pourrait constituer, à côté du fer, comme chez nos voisins européens, un véritable mode de transport alternatif à la route.
Cette solution modale doit être pourtant vivement encouragée sous peine d'isoler durablement la France d'un espace européen qui donne, lui, toute sa place au transport fluvial.
Le groupe d'études conserve néanmoins une lueur d'espoir.
En effet, dans un « point de vue » publié dans un quotidien économique du 5 mars 2003, MM. Gilles de Robien et Dominique Bussereau, respectivement ministre de l'Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer et Secrétaire d'Etat aux Transports et à la Mer déclarent : « L'enjeu revendiqué de notre nouvelle politique des transports est donc de maintenir et de conforter en France les points d'ancrage stratégiques qui conditionnent les performances de notre économie : les portes d'entrée intercontinentales, aériennes et maritimes..., les liaisons avec l'Italie, l'Espagne et la Belgique (...Canal Seine‑Nord ...) qui centrent notre pays à l'articulation de l'espace méditerranéen et du Nord de l'Europe. »
Cet objectif, que nous faisons évidemment nôtre, paraît justifier amplement non seulement la réalisation de la liaison fluviale Seine‑Nord, mais encore la réouverture rapide du dossier du Canal Rhin‑Rhône.