Successions et donations : des mutations nécessaires
M. Philippe Marini (RPR - Oise), rapporteur général de la commission des finances présidée par M. Jean Arthuis (UC - Mayenne), a rendu publiques les conclusions du rapport d'information sur les droits de mutations à titre gratuit qu'il a présenté le mercredi 19 novembre 2002 devant la commission des finances du Sénat sur la base d'une étude réalisée par le cabinet Archibald International (réseau Ernst & Young) comparant les régimes fiscaux applicables dans une série de pays européens.
L'analyse de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, part du constat suivant :
Entre 1980 et 2001, la part des droits de mutation dans les recettes fiscales de l'État a été multipliée par trois. Si l'on ajoute l'ISF, ce sont aujourd'hui 4 % des impôts de l'État, qui sont assis sur le patrimoine des personnes physiques, contre 1 % seulement en 1980.
Sans doute y a-t-il là le reflet de l'enrichissement des Français. Mais le rapport de la commission des finances tend à montrer que cette évolution, sans équivalent dans les autres grands pays industrialisés dont certains, comme l'Italie, ont même supprimé les droits de succession et de donation, est la conséquence d'une fiscalité incohérente, qui n'a jamais été remise à plat depuis 1959.
Ce qui s'apparente à une forme de captation d'héritage, concerne aussi bien les petits patrimoines, par l'effet de la non-indexation des abattements et des seuils, que les gros, du fait de l'augmentation des taux, avec toutes les conséquences négatives bien connues en matière d'expatriation des capitaux, des compétences et des entreprises.
Ce constat débouche sur une série de propositions techniques, parmi lesquelles on peut noter la réduction du nombre et l'indexation des tranches ainsi que la suppression de certains effets de seuils. A cet égard, il s'agirait, d'une part, de « proratiser » les abattements en ligne directe en modulant en fonction du temps écoulé l'obligation de rapport de la donation antérieure en cas de décès intervenant dans les dix ans, et, d'autre part, d'étudier pour les entreprises un système réduisant les droits à payer en fonction de la durée de détention après la mutation.
Le rapport comporte en outre une proposition de nouveau barème, articulé sur les seuils actuels de l'impôt sur la fortune, s'efforçant de concilier lisibilité, solidarité et attractivité et qui a l'ambition de servir de référence au débat qui devrait s'ouvrir en 2003 sur l'ensemble de la fiscalité du patrimoine.
Le coût financier d'une réforme significative représente un ordre de grandeur compris entre 2,5 et 3,6 milliards d'euros. Il est susceptible d'être étalé sur plusieurs années, mais ceci montre que la refonte des droits de succession est beaucoup moins coûteuse que d'autres choix de politique fiscale (comme le passage de nombreux biens et services à des taux réduits de T.V.A), tout en concernant l'ensemble des couches sociales de notre pays.
Le rapporteur général a insisté sur l'urgence de mettre en place, face au vieillissement de la population française, une fiscalité assurant cette fluidité des patrimoines des anciennes vers les nouvelles générations, qui ont à la fois des besoins immédiats et l'envie d'entreprendre.
Il a précisé que, s'il est nécessaire de rétablir une certaine neutralité de la fiscalité vis-à-vis des démembrements de propriété, des précautions doivent être prises pour ne pas décourager des réserves d'usufruit, qui restent souvent la seule protection de personnes éminemment vulnérables.
NB : Les principaux tableaux du rapport sont sur le site de la commission des finances.