Projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République
Après avoir entendu M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, et M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, et procédé à une journée d'auditions de représentants des collectivités territoriales et de professeurs de droit, la commission des Lois du Sénat, réunie le mercredi 23 octobre 2002 sous la présidence de M. Patrice Gélard, vice-président, a examiné, sur le rapport de M. René Garrec, président, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
Souscrivant pleinement à la démarche et aux objectifs du projet de loi constitutionnelle, la commission des Lois a jugé nécessaire de faire franchir une étape supplémentaire à la décentralisation. Aussi a-t-elle adopté 38 amendements visant principalement à :
1. Donner davantage de substance au principe de libre administration des collectivités territoriales
- en séparant clairement le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales de celui du Premier ministre, par la modification de l'article 21 de la Constitution (article additionnel après l'article premier) ;
- en posant le principe de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre tout en permettant à la loi de désigner une collectivité « chef de file » pour l'exercice des compétences croisées (article 4).
- en exigeant que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie d'entre elles, une part prépondérante de l'ensemble de leurs ressources (article 6) ;
- en imposant que toute suppression d'une recette fiscale perçue par les collectivités territoriales donne lieu à l'attribution d'une recette fiscale d'un produit équivalent (article 6) ;
- en prévoyant non seulement que tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales mais également que toute charge imposée aux collectivités territoriales par des décisions de l'Etat soient accompagnés du transfert concomitant de ressources garantissant la compensation intégrale et permanente de ces charges (article 6) ;
- en précisant que les dispositifs de péréquation institués par la loi ont pour objet de compenser non seulement les inégalités de ressources mais également les inégalités de charges entre collectivités territoriales (article 6) ;
- en renvoyant les modalités d'application de l'article 72-2 nouveau de la Constitution, relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, à une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées (article 6) ;
2. Préciser certaines procédures
- en encadrant davantage les expérimentations conduites par l'Etat qui devront être autorisées par la loi et avoir un objet et une durée limités (article 2) ;
- en aménageant les mécanismes de démocratie directe locale (article 5) : les électeurs pourront demander l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée locale d'une question relevant de sa compétence ; la commission des Lois a supprimé l'inscription dans la Constitution de la possibilité d'organiser une consultation sur la simple modification de l'organisation d'une collectivité se substituant à des collectivités existantes ou sur la modification des limites des collectivités territoriales ;
- en prévoyant un délai de 30 jours entre le dépôt et l'examen en première lecture d'une révision constitutionnelle (article additionnel après l'article 11) ;
3. Clarifier et sécuriser le cadre constitutionnel proposé pour l'outre-mer
- en mentionnant la Nouvelle-Calédonie dans le titre XII pour qu'elle puisse bénéficier des avancées prévues pour les autres collectivités territoriales de la République (article 7) ;
- en permettant à une partie d'une collectivité située outre-mer de changer de régime, le consentement des électeurs de l'ensemble de la collectivité concernée devant toutefois être préalablement recueilli (article 7) ;
- en interdisant toute possibilité d'adaptation et de réglementation par les collectivités régies par l'article 73 dans le domaine de la loi lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique (article 8) ;
- en permettant à une loi organique de préciser et compléter les matières régaliennes non susceptibles de transfert aux assemblées locales (article 8) ;
- en précisant que le contrôle juridictionnel spécifique exercé sur les actes de l'assemblée délibérante d'une collectivité d'outre-mer intervenant dans des matières qui, en métropole, relèvent du domaine de la loi, pourra être organisé devant le Conseil constitutionnel ou devant le Conseil d'Etat (article 9) ;
- en prévoyant que les ordonnances prises par le Gouvernement pour l'actualisation du droit applicable outre-mer en vertu de l'habilitation permanente résultant du nouvel article 74-1 fassent l'objet d'une ratification expresse par le Parlement dans le délai d'un an à compter de leur publication, à peine de caducité (article 10).