Les commissions du sénat contrôlent l'application des lois :
un bilan décevant
Le contrôle des commissions permanentes du Sénat revêt la forme d'un rapport spécifique annuel, supplément au traditionnel Bulletin des commissions : la 53e édition vient d'être publiée.
Le bilan ainsi établi, qui porte sur l'année parlementaire écoulée (du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2001), conclut à une dégradation par rapport au précédent exercice :
- parmi les lois votées au cours de la session 2000-2001, 27 exigent un suivi réglementaire : 2 d'entre elles, seulement, ont reçu l'unique mesure requise (loi du 30 décembre 2000, indemnisation des condamnés reconnus innocents ; loi du 4 janvier 2001, contrôle des fonds publics accordés aux entreprises) ;
- ces 27 lois appelaient 425 textes d'application, dont 95 ont été pris, soit à peine plus de 22 % (contre 35 % en 1999‑2000) ; on revient quasiment aux pourcentages correspondants enregistrés lors des deux premières années de la législature (19 % en 1998‑1999 et 21 % en 1997‑1998).
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, la multiplication des déclarations d'urgence, à l'initiative du Gouvernement, supposée accélérer l'élaboration de la loi, ne conduit pas à améliorer, comme cela devrait être le cas, la célérité du suivi réglementaire : le taux d'application des lois votées selon cette procédure est de 18 % en 2000‑2001 (28 % pour les autres lois), contre 28 % en 1999‑2000 (38 % pour les autres lois) ; le Gouvernement demande au Parlement de travailler trop rapidement, sans pour autant s'imposer les mêmes contraintes.
L'on n'aurait garde de surestimer, par ailleurs, l'importance de deux évolutions positives :
- environ les quatre cinquièmes des 95 mesures réglementaires prises pour l'application des lois votées en 2000-2001 ont été publiées en moins de six mois après promulgation de la loi, conformément aux instructions à caractère permanent du Premier ministre, contre les deux tiers l'an dernier ;
- l'application des dispositions législatives issues des amendements votés par le Sénat est mieux prise en considération : 20 % des mesures prévues ont été publiées, contre 6 % en 1999‑2000 et 2 % en 1998‑1999.
Ce bilan, décevant dans l'ensemble, est le résultat du profil particulier de l'année parlementaire 2000‑2001 : alors que, depuis le début de la législature, jamais le nombre de lois votées n'a été aussi faible, jamais le nombre cumulé de mesures réglementaires prévues pour assurer l'application de ces lois n'a été aussi élevé ; à elle seule, la loi du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains, exige 69 mesures, dont seulement 15 ont été prises ; de plus, la concentration, sur le mois de juillet 2001, de la promulgation de 4 lois votées après déclaration d'urgence, dont 2 très importantes (loi du 17 juillet 2001, diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel ; loi du 20 juillet 2001, prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées) explique, en partie, les retards constatés.
*
* *
Chacune des six commissions permanentes a illustré, à l'aide d'exemples précis, retards et anomalies dans l'application des lois :
- la commission des affaires sociales regrette en particulier que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, du 23 décembre 2000, demeure largement inappliquée, alors même que débute au Parlement l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 ;
- la commission des finances souligne également que la loi de finances pour 2001, du 30 décembre 2000, attend encore trop de textes réglementaires, au moment où le législateur aborde la loi de finances pour 2002 ; elle remarque que la loi relative aux nouvelles régulations économiques, du 15 mai 2001, promulguée plus d'un an après le dépôt du projet, dont la déclaration d'urgence avait forcé le Sénat à se prononcer en moins de 15 jours sur plus de 120 articles, n'a reçu aucune mesure réglementaire d'application ;
- la commission des affaires économiques relève que l'affirmation d'une volonté politique forte peut conduire à une publication rapide des textes requis : tel a été le cas des décrets relatifs à l'urbanisme prévus par la loi SRU du 13 décembre 2000. Mais elle regrette que trop de rapports demandés par le législateur au Gouvernement tardent à être établis : sur 98 documents de ce genre attendus depuis 1988 par cette commission, 41 seulement ont été déposés ;
- la commission des affaires culturelles déplore que la loi relative à l'archéologie préventive, du 17 janvier 2001, n'ait été suivie d'aucune mesure d'application ;
- la commission des lois observe que le Gouvernement a publié, en application de la loi du 3 janvier 2001 sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique, un décret du 12 juillet 2001 encadrant le passage aux 35 heures dans la fonction publique territoriale, et cela contrairement à la volonté du législateur qui avait exclu expressément la mise en œuvre de cette réforme par décret.
- la commission des affaires étrangères et de la défense revient sur la loi portant organisation de la réserve militaire du 22 octobre 1999, pour signaler que le décret prévu, relatif à l'institution d'une journée nationale du réserviste, n'apparaît pas encore à l'ordre du jour.
*
* *
Le Sénat a poursuivi son activité de contrôle de l'application de la législation, principalement sous forme, cette année, de questions écrites et orales, ou de questions d'actualité au Gouvernement. Les sénateurs se préoccupent de la parution des textes réglementaires, mais ils veillent aussi au respect de la volonté du Parlement et observent comment les lois sont appliquées sur le terrain.
Le dernier rapport annuel sur le contrôle de l'application des lois est publié en annexe au Bulletin des commissions n° 6 du samedi 10 novembre 2001. Il est consultable sur le site Internet du Sénat (/commissions/index.html)