1998-2002 : une législature qui laisse les finances sociales sans aucune marge de manoeuvre
pour affronter des réformes différées

 Au cours d'une réunion tenue le mercredi 7 novembre 2001, MM. Alain Vasselle (RPR - Oise), rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, Jean-Louis Lorrain (UC - Haut-Rhin), rapporteur pour la famille, Dominique Leclerc (RPR - Indre et Loire), rapporteur pour l'assurance vieillesse, ont présenté à la commission des Affaires sociales présidée par M. Nicolas About, (RI - Yvelines) leurs analyses et leurs propositions dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, la commission des Affaires sociales avait dénoncé un système de tuyauterie, compliqué à dessein, consistant à organiser une ponction massive sur la sécurité sociale.

Elle avait souligné que les lois de financement de la sécurité sociale étaient ainsi devenues des « lois de financement des trente-cinq heures » dès lors que l'Etat, du fait de son impéritie budgétaire, n'entendait pas ou n'était pas en mesure d'assumer les conséquences financières des politiques qu'il décide.

Elle constate que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 poursuit résolument dans la même voie : celle d'une fragilisation extrême des comptes sociaux dans un contexte économique désormais dégradé, celle d'un immobilisme réitéré face aux réformes nécessaires pour garantir l'avenir de notre système de protection sociale.

Qu'en est-il de « la robustesse du redressement
des comptes sociaux »  ?

Comptes du régime général

droits constatés et milliards de francs

1998 (1)

1999(1)

2000(2)

2001(3)

2002(4)

Cumulé 1998-2002

Résultats des branches

Maladie

- 14,7

- 4,8

- 17,2

- 11,5

- 13,1

- 61,3

Accidents du travail

+ 3,3

+ 1,4

+ 1,1

+ 1,2

+ 3,4

+ 10,4

Vieillesse

+ 2,8

+ 5,0

- 1,3

+ 6,4

+ 6,7

+ 19,6

Famille

- 1,1

+ 1,7

+ 6,7

+ 9,2

+ 8,1

+ 24,6

Ensemble (1)

- 9,7

+ 3,3

- 10,7

+ 5,3

+ 5,1

- 6,7

Prélèvement au profit du :

F2R

-

5,0

5,0

6,4(5)

6,7(5)

- 23,1

FIPE

-

1,5

1,5

-

-

- 3,0

Prélèvement total (2)

-

6,5

6,5

6,4

6,7

- 26,1

Situation nette (1) - (2)

- 9,7

- 3,2

- 17,2

- 1,1

- 1,6

- 32,8

(1) Source Cour des comptes (septembre 2000)

(2) Source CCSS et PLFSS 2002 (imputation de l'annulation de créance sur le FOREC pour 15,07 milliards de francs selon la répartition AM : 6,45, AT : 1,6, vieillesse : 4,68, famille : 2,77 - article 5 du PLFSS 2002).

(3) Source CCSS et PLFSS 2002, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

(4) Source Direction de la sécurité sociale après première lecture par l'Assemblée nationale.

(5) Par convention, versement de l'excédent de la CNAVTS au F2R (article L. 251-6-1 du code de la sécurité sociale).

Rarement divergence de chiffres aura été aussi importante entre le Gouvernement et la commission des Affaires sociales puisque la ministre de l'emploi et de la solidarité s'est félicitée qu'« entre 1999 et 2002 la sécurité sociale (ait) dégagé un excédent cumulé de 23 milliards de francs ».

La différence tient à l'exclusion de l'exercice 1998 (- 9,7 milliards de francs), à l'« oubli », pour l'exercice 2000, de l'annulation de la créance sur le FOREC (- 15,1 milliards de francs), à la non prise en compte de l'impact des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 sur les résultats du régime général tant de 2001 que de 2002.

         Des comptes sociaux fragilisés à l'extrême

    Une logique délétère poussée jusqu'à l'absurde :

Le présent projet de loi de financement comporte son lot de nouveaux branchements pour 2002 permettant d'alimenter le fonds de financement des trente-cinq heures (FOREC) au détriment de la sécurité sociale (11,1 milliards de francs) :

- venant de l'assurance maladie (8,1 milliards de francs) : transfert des droits sur les alcools (5,8 milliards de francs) et de la taxe sur les véhicules à moteur (5,9 milliards de francs), déduction faite d'un peu des droits sur les tabacs (3,6 milliards de francs) que retrouve l'assurance maladie après les avoir perdus l'an dernier... ;

- venant indirectement de la branche famille (3 milliards de francs) : transfert de la taxe sur les contrats de prévoyance (2,9 milliards de francs) au détriment du FSV, lequel en réalité reporte ce manque à gagner sur la branche famille qui prend à sa charge une part nouvelle des majorations de pensions pour enfants (3 milliards de francs) ;

La sécurité sociale finance la quasi-intégralité
du coût des trente-cinq heures

En 2002, la sécurité sociale contribuera, à hauteur de 30,3 milliards de francs au financement des trente-cinq heures : c'est l'impact pour cet exercice des détournements de recettes opérés depuis 2000 au profit du FOREC.

Dans le même temps, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, tient à souligner que les allégements de charges « liés aux trente-cinq heures » ne représenteront en 2002 « que » 34,6 milliards de francs.

Dont acte, mais cela signifie que la sécurité sociale finance près de 88 % de cette politique.

La théorie si contestée des « retours pour les finances publiques » des trente-cinq heures était fondée sur une clef de répartition : 50 % pour l'UNEDIC, 32 % pour les régimes de sécurité sociale, 18 % pour l'Etat.

La pratique, aussi contestable que la théorie, a ainsi fait monter la quote-part de la sécurité sociale à 88 %.

Dès lors que l'UNEDIC est parallèlement ponctionnée de 15 milliards de francs, les trente-cinq heures deviennent pour l'Etat véritablement une affaire rentable.

Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 révise également les recettes de 2001 : la ponction des droits sur les alcools au détriment de l'assurance maladie est rétroactive à compter du 1er janvier 2001 (5,9 milliards de francs).

Au total, dans la parfaite continuité avec les années précédentes, la sécurité sociale est compensée intégralement du coût que représentent pour elle les trente-cinq heures... grâce à des recettes qui lui sont confisquées.

Il est en revanche stupéfiant de constater que des prélèvements massifs (au total 14 milliards de francs pour 2001-2002) sont opérés sur une branche lourdement déficitaire de la sécurité sociale : l'assurance maladie. Celle-ci supportera de surcroît directement le coût des trente-cinq heures dans les hôpitaux publics, soit 10 milliards de francs en année pleine.

Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 présente cette fois l'indubitable originalité de rouvrir les comptes d'un exercice clos, ceux de l'exercice 2000, arrêtés par les conseils d'administration des caisses, approuvés par les autorités de tutelle et transmis à la Cour des comptes.

« Au lieu de céder à la facilité en conservant une créance dont on savait qu'elle ne serait jamais honorée, nous avons marqué notre volonté de transparence... »[1]. Ce refus de « céder à la facilité », cette « volonté de transparence » qui consistent, pour l'Etat, à ne pas honorer la créance que détenait la sécurité sociale au titre des trente-cinq heures se traduisent, pour cette dernière, par une charge de 15,1 milliards de francs, imputée sur l'exercice 2000.

    De nouvelles perspectives de prélèvements

Déjà, la loi de financement pour 2001 avait amorcé un prélèvement sur les excédents des exercices passés : en l'espèce, un prélèvement de 1,5 milliard de francs sur les excédents de la branche famille en 1999 au profit du FIPE (fonds d'investissement de la petite enfance).

Le présent projet de loi s'engage franchement dans cette voie mais l'assortit inévitablement d'une captation de ces excédents ; un double prélèvement est opéré sur les excédents de la branche famille en 2000 : 1,5 milliard de francs à nouveau pour le FIPE mais également 5 milliards de francs au profit du fonds de réserve des retraites (F2R).

Les familles n'auront pas bénéficié longtemps des excédents que la CNAF était parvenue à conserver. Ce versement au F2R qualifié de « contribution aux dépenses de solidarité intergénérationnelle » viendra en réalité compenser pour partie les nombreuses ponctions opérées sur le FSV au titre soit des trente-cinq heures, soit de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) car les excédents du FSV devaient initialement constituer la principale source du F2R.

Au-delà des ponctions opérées chaque année, le Gouvernement est conduit en fin de législature à prélever les excédents qui lui avaient jusque-là échappé et à « nettoyer » ainsi la sécurité sociale « jusqu'à l'os ».

    Qu'en est-il de la « robustesse du redressement des comptes sociaux » ?[2]

Pour la période 1998-2002 correspondant à la législature, les comptes du régime général font apparaître en droits constatés un déficit cumulé de près de 7 milliards de francs.

Trois observations démentent singulièrement la « robustesse du redressement des comptes sociaux » :

- Ces comptes traduisent tout d'abord un bilan désastreux car 1998-2001 a été une période de croissance exceptionnelle. En termes choisis, c'est le jugement porté par la commission des comptes de la sécurité sociale : « Le régime général aborde la période plus difficile qui s'ouvre à présent sans avoir suffisamment rétabli sa situation financière. Les comptes de la CNAM, qui subissent les effets d'une forte croissance des dépenses d'assurance maladie en 2000-2001, restent déficitaires. Ceux de la CNAV ne dégagent que de faibles excédents malgré une conjoncture démographique qui leur est temporairement très favorable[3]. »

- Ils incluent pour 2002 un excédent -au demeurant faible- qui repose pourtant sur des hypothèses économiques que l'on peut qualifier de « patriotiques »[4] et sur une évolution de l'ONDAM particulièrement « angélique ». S'il vient à manquer un point de croissance de la masse salariale (- 10 milliards de francs en recettes), si l'ONDAM progresse au même rythme qu'en 2001 (+ 16 milliards de francs en dépenses) -et rien ne permet d'affirmer qu'il n'en sera pas ainsi- le résultat du régime général basculera dans le rouge en 2002 pour atteindre un déficit de l'ordre de 20 milliards de francs.

 

[1] Mme Elisabeth Guigou, débats AN, 1ère séance du 25 octobre.

[2] Rapport annexé à l'article premier du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

[3] François Monnier, secrétaire général, avant-propos du rapport de la CCSS, 20 septembre 2001.

[4] Cf. Elisabeth Guigou : « Je ne crois pas que notre hypothèse (de masse salariale) soit absolument déraisonnable. » (Débat AN, 2ème séance du 24 octobre 2001).

- C'est dans ce contexte que le Gouvernement entend dépenser ou prélever les excédents passés des branches famille et vieillesse : 13 milliards de francs au titre des exercices 1999 et 2000.

De sorte que la situation nette du régime général, ses réserves ainsi amputées, est négative de plus de 30 milliards de francs et le sera de près de 60 milliards de francs dans l'hypothèse où les prévisions du Gouvernement se révélaient déraisonnables pour 2002.

En tout état de cause, le déficit cumulé de l'assurance maladie, qui dépassera 60 milliards de francs, selon les hypothèses mêmes du Gouvernement, ne pourra plus longtemps être passé sous silence.

         Sur fond d'immobilisme

A l'issue d'une période de croissance économique exceptionnelle, la sécurité sociale se trouve dépourvue de toute réserve pour affronter une conjoncture difficile. Les marges dont elle a disposé, détournées pour financer la coûteuse politique des trente-cinq heures et « mangées » par une dérive subie des dépenses d'assurance maladie, n'ont pas été utilisées pour mettre en place les réformes indispensables à la pérennité de notre système de protection sociale.

            La réforme des retraites, toujours au stade du diagnostic

En mai 1998, le Premier ministre chargeait le commissaire général du plan d'établir, sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, « un diagnostic aussi partagé que possible »

En mai 2000, il annonçait la création d'un conseil d'orientation des retraites (COR) dont le rapport, rendu public fin 2001, « posera un diagnostic  partagé sur les prévisions des régimes de retraite »[1].

Parallèlement, contre toute attente et sans commentaire, le Gouvernement estime que « nous ne connaissons plus actuellement la situation d'urgence absolue observée il y a quelques années »[2]. Il entend toutefois « ouvrir très vite une négociation après les prochaines échéances électorales »[3] ou plutôt « une succession de négociations (...) durant les décennies à venir »[4].

Reste le Fonds de réserve des retraites (F2R) qui, avec le COR, est le second pilier de la non-réforme des retraites.

Son plan de financement, annoncé solennellement par le Premier ministre en mars 2000, devient une fable, le Gouvernement ne cessant de substituer de nouvelles pistes de recettes à celles qui s'évanouissent successivement.

Au 30 octobre 2001, le F2R détient en caisse 25,4 milliards de francs. Le chemin semble long et semé d'embûches pour atteindre les 85 milliards de francs promis pour 2002.

L'an dernier, le Gouvernement avait fait le choix d'afficher des réserves plutôt que de rembourser les dettes existantes. Le budget de l'Etat a ainsi renoncé aux produits des licences UMTS qui auraient dû être affectés à l'amortissement de la dette publique. En contrepartie, mais, cette fois, pour ses besoins courants, il majore de 30 milliards de francs sur la période 2002-2005, son prélèvement sur la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) mettant cette dernière dans l'impossibilité de remplir sa mission : rembourser la dette sociale ancienne.

 

[1] Rapport annexé à l'article premier du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

[2] Elisabeth Guigou, audition commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale, 25 septembre 2001.

[3] Mme Elisabeth Guigou, débat AN, 2ème séance du 24 octobre 2001.

[4] Mme Elisabeth Guigou, audition commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale, 25 septembre 2001.

Ainsi, le fonds de réserve se constitue -laborieusement- au détriment du remboursement de la dette de l'Etat et de la dette sociale.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 franchit une étape supplémentaire avec l'affectation au F2R de 5 milliards de francs au titre de l'excédent de la branche famille en 2000 alors que le régime général est globalement déficitaire de plus de 10 milliards de francs pour ce seul exercice.

La constitution de réserves s'opère cette fois directement par le creusement d'une nouvelle dette sociale.

            L'assurance maladie : une « esquisse » pour la prochaine législature ?

Dans un contexte de forte croissance des dépenses d'assurance maladie et de vives tensions entre les pouvoirs publics et les professionnels de santé, la ministre de l'emploi et de la solidarité a dévoilé le 4 octobre dernier treize propositions pour « la réforme des soins de ville et l'avenir de l'assurance maladie ». Ce texte, d'une portée très générale, était censé servir de base à une nouvelle concertation avec les professionnels.

Dès le 25 octobre pourtant, le Gouvernement faisait adopter par l'Assemblée nationale un article additionnel pour le moins ambitieux puisqu'il vise ni plus ni moins « à la rénovation du cadre conventionnel et du dispositif de régulation » des soins de ville.

De l'aveu même du Gouvernement qui a qualifié le texte d' « amendement d'esquisse », le dispositif proposé reste encore à l'état d'ébauche. Si le Gouvernement semble retenir l'idée d'une architecture conventionnelle à trois niveaux, il ne tranche ni la question du mode de régulation des dépenses ni celle des responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie dans cette régulation.

Le mécanisme pernicieux des lettres-clés flottantes est maintenu, même si, selon le Gouvernement, il ne s'appliquerait plus aux professionnels ayant signé une convention.

Après une année de concertation, le Gouvernement esquisse donc, dans l'improvisation la plus totale, un dispositif inachevé et incomplet, mais auquel s'opposent déjà une partie des professionnels de santé.

Pour sa part, la commission des Affaires sociales proposera la suppression du dispositif de régulation par les lettres-clés flottantes, suppression qui constitue à ses yeux un préalable à la reprise du dialogue avec les professionnels de santé.

Elle proposera en outre un effort significatif en faveur des cliniques privées, sous la forme d'un renforcement substantiel des moyens du fonds de modernisation des cliniques privées.

            La famille, ponctionnée, en panne de véritables projets

La législature 1998-2002 aura connu deux périodes successives : la recherche d'économies tout d'abord, qui s'est traduite par la mise sous condition de ressources des allocations familiales transformée en abaissement du plafond du quotient familial : il s'agissait de redresser les comptes de la CNAF, dans une logique apparemment de séparation des branches. La seconde période a été caractérisée par le détournement des excédents de la

branche famille au nom, cette fois, de la « fongibilité des branches » et du caractère illégitime des « cagnottes » particulières[1].

Au total, sur la période, du fait de la sous-indexation des prestations par rapport à la richesse nationale, les familles ont été privées de 31 milliards de francs de pouvoir d'achat, ce qui correspond à peu de chose près au détournement de recettes dont a été victime la branche famille.

La « loi famille » de 1994 avait initié une politique de soutien aux jeunes adultes et à leurs familles. Depuis lors, le constat, réitéré chaque année par la Conférence de la famille, que la situation des jeunes adultes appelle une intervention de grande ampleur n'a suscité que la rédaction de quatre rapports officiels et l'annonce solennelle, par voie législative, d'une commission pour l'autonomie des jeunes chargée d'en réaliser un cinquième.

En revanche, le Gouvernement a entrepris, par touches, une réforme du droit de la famille (pacte civil de solidarité, divorce, droits du conjoint survivant...), moins coûteuse certainement que le maintien des droits des familles.

            L'esquive du Gouvernement : deux réformes non financées

Pour sa défense, le Gouvernement fait valoir deux réformes importantes : la mise en place d'une couverture maladie universelle et d'une allocation personnalisée d'autonomie qui est venue se substituer à la prestation spécifique dépendance.

Ces deux réformes n'ont pas pourtant été « menées à bien ».

La mise en oeuvre de la CMU butte sur l'effet de seuil que comporte le dispositif. Le Gouvernement recule devant l'échéance qui verra les anciens titulaires de l'aide médicale gratuite radiés de la CMU et compte sur les fonds d'actions sociales, tant des départements que de l'assurance maladie, pour pallier l'effet de seuil qui, pourtant, est au coeur du système.

L'allocation personnalisée d'autonomie, réforme législative votée en urgence et dépourvue aujourd'hui de tout texte d'application, est financée par une fraction de CSG et par les départements : le Gouvernement, en se défaussant sur les finances sociales et locales, n'a toujours pas précisé dans quelles conditions serait pris en charge, au-delà de 2002, le coût de cette allocation.

Sur ces deux réformes, l'épreuve de vérité est donc devant nous.

         La position de la commission des affaires sociales : une alternative pédagogique

A dire vrai, l'analyse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, formulée par la commission, aurait pu conduire à l'adoption d'une question préalable, c'est-à-dire le refus solennel d'examiner plus avant un projet de loi qui achève de sinistrer les finances sociales et compromet l'avenir.

Mais la commission des Affaires sociales croit à l'instrument que sont les lois de financement même si elle constate qu'il a été méthodiquement dévoyé par l'actuel Gouvernement.



[1] Cf. Mme Elisabeth Guigou, Audition commission des Affaires sociales du Sénat, 30 octobre 2001.

Aussi a-t-elle choisi de faire apparaître une alternative pédagogique conduisant à rétablir la sécurité sociale dans l'intégralité de ses recettes avant la multitude des ponctions qui se sont superposées au cours des trois derniers exercices.

Il en résulte un régime général doté d'un excédent de 35 milliards de francs pour 2002.

En premier lieu, cet excédent, à l'évidence, « n'est pas de trop ». Libre au Gouvernement à titre pédagogique, de retenir des hypothèses « patriotiques » ou « angéliques ». Mais la prudence veut que la sécurité sociale puisse faire face à un risque de déconvenue qui n'est pas « absolument déraisonnable »[1].

Cet excédent fait apparaître en second lieu les marges de manœuvre qui auraient pu être celles de la sécurité sociale pour mener une politique familiale ambitieuse, pour assurer de façon crédible l'avenir des retraites, pour restructurer notre système de soins et clarifier les principes sur lesquels il est fondé.

Les réformes de long terme -celles précisément qui ne s'apparentent pas aux nombreux « plans de sauvegarde » qu'a connus la sécurité sociale au cours des trente dernières années- ne se font pas, en effet, sur fond de crise financière.

A mi-parcours de l'exercice 2002, notre pays risque fort de retrouver des comptes sociaux fortement dégradés, dépourvus, de surcroît, des réserves financières qu'auraient dû apporter la croissance et une protection sociale toujours en attente des efforts et des réformes indispensables, sans plus aucune marge de manœuvre pour les entreprendre dans de bonnes conditions.

 

[1][1] Pour reprendre (voir plus haut) l'expression de Mme Elisabeth Guigou.