Le décret d'avances du 8 octobre 2001 :
une nouvelle ponction sur l'équipement militaire
Le Journal officiel de ce jour (8 octobre) publie simultanément un décret d'avances de crédits et l'arrêté d'annulations correspondant, pour un montant total de 3,44 milliards de francs, dont l'essentiel, 3,36 milliards de francs, concerne le seul budget de la Défense.
Ces crédits supplémentaires sont destinés à couvrir les dépenses de personnel et de fonctionnement liées à l'engagement des forces militaires françaises dans des opérations extérieures (OPEX), telles que recensées au 30 juin 2001 ; il s'agit pour l'essentiel des opérations en cours au Kosovo et en ex-Yougoslavie. Aucune participation engagée depuis cette date, notamment à l'occasion de l'opération « Liberté immuable », n'est donc concernée
Cette ouverture de crédits nouveaux est entièrement financée par une annulation à due concurrence de crédits affectés à l'équipement militaire ; près de la moitié (1,5 milliard de francs), concerne directement plusieurs programmes d'équipement des forces armées, et une part non négligeable (416 millions de francs) touche les crédits « Espace » affectés aux systèmes d'information et de communication.
Ces mesures appellent les remarques suivantes de la part de M. Alain Lambert (U.C.‑Orne), président de la commission des finances du Sénat, M. Philippe Marini (RPR ‑ Oise), rapporteur général, M. Maurice Blin (U.C. - Ardennes), rapporteur du budget d'ensemble de la Défense et des crédits d'équipement militaire, et M. François Trucy (R.I. - Var), rapporteur du budget de fonctionnement militaire.
Cette nouvelle ponction sur les crédits d'équipement militaire est, à plusieurs titres, inacceptable :
1. Tout d'abord la procédure, récurrente, qui consiste à financer les opérations extérieures en collectif budgétaire, doit être à nouveau dénoncée. La loi de programmation militaire avait d'ailleurs expressément prévu que ces dépenses seraient inscrites dès la loi de finances initiale. Le Gouvernement n'a jamais respecté ce principe. Or, depuis 1997, ces dépenses n'ont cessé de progresser (1,9 milliard en 1998, 2,9 en 1999, 3,37 en 2000), alors même que la participation des forces françaises au Kosovo et en ex-Yougoslavie, comme à d'autres dispositifs internationaux, n'est ni incertaine, ni imprévisible, si la France entend respecter ses engagements.
En réalité, le refus constant du Gouvernement d'inscrire les crédits nécessaires dès la loi de finances initiale lui permet précisément de les financer par prélèvement sur les crédits d'équipement militaire.
2. De fait, de manière constante, les moyens d'équipement militaire de la France ont été constamment et par priorité sacrifiés tout au long de la période de programmation qui s'achèvera en 2002.
En effet, le budget militaire a constamment servi de variable d'ajustement au budget de l'Etat, soit dès la loi de finances initiale, soit en cours d'exécution. En outre, au sein même du budget militaire, les crédits d'équipement ont eux-mêmes servi de variable d'ajustement pour financer les dépassements des dépenses des personnels, liés à une évidente sous-évaluation du coût de la professionnalisation, ou précisément au financement des OPEX.
Certes, le Gouvernement invoque la forte progression des commandes effectuées fin 2000.
Il n'en reste pas moins que, sur les programmes d'équipement de nos forces armées prévus par la loi de programmation 1997-2002, les paiements enregistrent désormais un retard considérable : à la fin du dernier exercice connu, soit 2000, les crédits consommés au titre de l'équipement des forces armées (hors transferts au CEA et au BCRD) enregistrent d'ores et déjà un trou de 58 milliards de francs par rapport à l'objectif fixé pour cette date par la LPM révisée. A ce rythme, fin 2002, il manquera au moins une année budgétaire de programmation, soit 86 milliards de francs, pour notre équipement militaire.
De fait, la période 2002-2008 pourrait se traduire par des « trous » préoccupants dans notre équipement : frégates anti-aériennes, avions de transport, hélicoptères de transport pour l'armée de Terre, Rafale-F2, pour ne citer que les plus évidents.
3. Par ailleurs, la ponction effectuée sur les crédits « Espace », affectés aux systèmes d'information et de communication, alors même que l'expérience Kosovo avait précisément souligné les carences constatées en ce domaine et que l'actualité internationale souligne l'importance des moyens de renseignement et de communication, appelle les plus grandes réserves.
Le projet de budget 2002, qui fait de la « condition militaire » une priorité, ne peut malheureusement qu'accentuer cette dérive. Hors reports de crédits 2001, les crédits d'équipement militaire diminueront en effet de 2,5 %, alors que les dépenses de fonctionnement progresseront de 2,3 %.
Enfin, la recapitalisation de GIAT Industrie, annoncée à hauteur de 4 milliards de francs, est prévue pour le prochain collectif de fin d'année. Elle risque fort de se faire, elle aussi, au prix d'un nouveau prélèvement sur les crédits d'équipement militaire.