M. Alain Richard, ministre de la défense, présente devant les sénateurs le budget de la défense pour 2001
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. de Villepin, a entendu le mercredi 20 septembre M. Alain Richard, ministre de la défense, présenter les crédits de son ministère pour 2001.
M. Alain Richard a tout d’abord estimé que le projet de budget du ministère de la défense pour 2001 permettrait de poursuivre la réalisation de la loi de programmation militaire et la professionnalisation de nos armées en tenant compte de l’expérience des conflits récents, notamment le conflit du Kosovo, et en s’inscrivant dans une perspective européenne de renforcement des capacités conjointes de défense qui se concrétisera dès la Conférence d’engagement des forces prévue le 20 novembre prochain.
Le ministre a indiqué que les crédits du ministère de la défense pour 2001 s’élèveraient, hors pensions, à 188,941 milliards de francs, soit une progression de 0,55 % par rapport au budget précédent. Toutefois, l’économie résultant de la baisse d’un point du taux de la TVA permettra, en pratique, une augmentation de près de 1 % des moyens effectivement disponibles.
Le ministre a précisé que l’évolution des effectifs du ministère de la défense serait rigoureusement conforme à celle prévue par la loi de programmation militaire et qu’un effort financier très important, à hauteur de 2,3 milliards de francs, serait à nouveau consenti en faveur de l’accompagnement social de la professionnalisation et des restructurations. A la suite des remarques de la Cour des comptes, qui avait souligné l’insuffisance des dotations inscrites en loi de finances initiale, les crédits relatifs à certaines indemnités complémentaires seront réévalués. Par ailleurs, un crédit supplémentaire de 200 millions de francs, s’ajoutant à une enveloppe globale de 4 milliards de francs, permettra de relever les taux d’activité des armées dont l’insuffisance avait été signalée ces dernières années. Le taux d’activité de l’armée de terre, qui s’élevait à 73 jours d’entraînement par an, sera porté à 80 jours en 2001 et celui de la marine, passera de 89 jours à 94 jours à la mer, en 2001, l’objectif étant dans les deux cas d’atteindre rapidement 100 jours d’activité par an.
M. Alain Richard a souligné l’effort particulier qui serait effectué en faveur de la gendarmerie qui doit faire face à une certaine surcharge d’activité et à l’augmentation de la population dans sa zone de responsabilité. Cet effort se traduira par la création de 1.050 postes de sous-officiers, dont 500 créés par anticipation dès la fin de l’exercice 2000. En outre, plus de 3.700 emplois supplémentaires de volontaires seront affectés à la gendarmerie.
Le ministre a également précisé qu’un crédit supplémentaire de 25 millions de francs serait dégagé, dans le cadre de la prévention de la pollution en mer, pour l’affrètement d’un navire de dépollution supplémentaire et le maintien en permanence d’un remorqueur en Manche.
Abordant les crédits d’équipement du titre V, le ministre de la défense a indiqué que les autorisations de programmes s’élèveraient à 84,7 milliards de francs et les crédits de paiement à 83,4 milliards de francs. Il a relevé que sur les 4 années 1998-2001, le ministère de la défense aura ainsi bénéficié de 98 % des dotations d’autorisations de programmes et de 96,5 % des crédits de paiement prévus par la loi de programmation militaire 1997-2002. Il a estimé qu’il s’agissait là d’un taux de réalisation sans doute rarement égalé.
M. Alain Richard a rappelé que la politique de commandes globales pluriannuelles, dont le montant cumulé atteint plus de 60 milliards de francs sur les trois dernières années, serait poursuivie en 2001, avec la commande de 2 frégates Horizon, et de 2 transports de chalands de débarquement, ainsi qu’avec une commande d’avions de transport A400M. S’agissant des crédits de paiement, l’impact de la baisse de la TVA se traduira par une augmentation de 2 % des moyens effectivement disponibles, soit un gain de 0,5 % en pouvoir d’achat. L’année 2001 verra la livraison de 5 avions de combat Rafale et de 5 Mirage 2000D, d’une frégate type La Fayette, de 44 chars Leclerc et de 70 porte-blindés. Des crédits se montant à 1,9 milliard de francs seront également consacrés au programme de sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération dont le quatrième exemplaire a été commandé récemment.
Le ministre de la défense a mis l’accent sur l’importance des succès remportés ces derniers mois dans le domaine de la coopération européenne : lancement par la France et l’Allemagne de la fabrication de l’hélicoptère de combat Tigre, lancement par quatre pays européens de l’hélicoptère de transport NH90, engagement de 7 pays autour du projet européen d’avion de transport futur A400M, entente de 6 pays pour un missile air-air commun au Rafale et à l’Eurofighter, décision allemande de réaliser un satellite d’observation radar se combinant avec notre système Hélios II d’observation optique, achèvement d’ici quelques semaines du processus de ratification de la convention instituant l’OCCAR, et enfin, signature à Farnborough entre 6 pays européens de l’accord-cadre pour l’harmonisation et la modification des règles applicables aux industries de défense.
M. Alain Richard a observé que la France était le seul pays engagé dans la totalité de ces programmes conjoints, la part de la France s’élevant notamment à la moitié des 42 milliards de francs de contrats transférés à l’OCCAR.
Le ministre a enfin évoqué la poursuite de la modernisation des structures du ministère, avec la transformation de la Direction des constructions navales en service à compétence nationale, la création d’une filiale commune entre DCN et Thomson-CSF et la création d’un service de soutien de la flotte. Il a également mentionné les effets positifs de la fusion des services du ministère des Anciens combattants avec ceux de la Défense.
En conclusion, M. Alain Richard s’est félicité de la réalisation progressive et rigoureuse de l’ensemble de nos choix en matière de défense, tout comme du rôle d’entraînement européen joué par la France, qui devrait prochainement se concrétiser par la création d’une force commune européenne. Il a estimé que le budget 2001 constituerait une étape significative et réaliste pour la réalisation des ambitions de la France dans le domaine de la défense.
A la suite de l’exposé du ministre, un débat s’est engagé avec les commissaires :
- M. Xavier Pintat a souhaité obtenir des précisions au sujet du différend contractuel entre la DGA et l’industriel en charge du programme de missile M51. Il a souhaité savoir si, compte tenu de l’importance de ce programme pour la modernisation de la force océanique stratégique (FOST), de la place de la France au sein d’EADS et de l’enjeu en termes d’emplois, notamment dans la région Aquitaine où près de 1.000 personnes sont concernées, les ressources nécessaires à la réalisation de ce programme seront réunies entre 2000 et 2008 et si les négociations en cours avec l’industriel permettraient rapidement de résoudre cette situation difficile ;
- M. Serge Vinçon a marqué son inquiétude au sujet du niveau des crédits du ministère de la défense. Il a relevé que si les crédits augmentaient en 2001 de 1 %, cette augmentation ne permettrait pas un rattrapage par rapport à l’année 2000 qui avait connu une diminution des crédits. En outre, les titres III et V n’augmentaient que faiblement, alors que par ailleurs les recettes fiscales progressaient sensiblement. S’agissant de l’armée de terre, tout en se félicitant de l’accroissement du taux d’activité, le sénateur a relevé que les crédits des titres III et V étaient en diminution. M. Serge Vinçon a ensuite souhaité obtenir des précisions sur le financement de la part française du projet A400M. Il a enfin demandé dans quelle mesure le décret interministériel du 24 août 2000 visant à la titularisation des agents contractuels de l’Etat s’appliquerait au ministère de la défense ;
- M. André Boyer s’est félicité, pour sa part, de l’amélioration du budget de la marine, tout en s’interrogeant sur la capacité de celle-ci à rejoindre le modèle 2015 avec un tel niveau d’investissement. Il a demandé des précisions sur la mise en place du programme de frégates Horizon et sur la commande des nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD). Enfin, il s’est interrogé sur la manière dont serait assuré, pour l’année 2001, le financement des dépenses liées à l’accroissement du coût des produits pétroliers ;
- M. Aymeri de Montesquiou, après avoir pris acte du rôle d’entraînement de la France dans l’harmonisation européenne des matériels de défense, s’est interrogé sur la possibilité pour EADS de promouvoir simultanément à l’exportation les deux avions de combat Eurofighter et Rafale. Il a demandé dans quelle mesure les nouveaux transports de chalands de débarquement seraient intégrés dans une défense européenne ;
- M. Hubert Durand-Chastel a souhaité obtenir des précisions sur le déroulement de la première réunion, à Bruxelles, entre les pays membres de l’OTAN et les 15 de l’Union européenne ainsi que sur l’attitude de la Turquie à l’égard de la construction de l’Europe de la défense ;
- M. Emmanuel Hamel a souhaité savoir quand serait mis en chantier un second porte-avions, alors que la France, ayant cédé le Foch au Brésil, ne disposera plus que d’un seul porte-avions ;
- M. Christian de La Malène s’est interrogé sur les risques éventuels liés à l’actuelle prépondérance française dans les contrats en cours au sein de l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) ;
- M. Louis Le Pensec a souhaité obtenir des précisions sur la cohérence du budget 2001 avec la politique européenne de défense, sur la construction des nouveaux transports de chalands de débarquement et sur le niveau des crédits affectés à la recherche ;
- M. Guy Penne s’est pour sa part interrogé sur l’incidence éventuelle de la réduction du chômage sur la politique de recrutement des armées en personnels militaires et civils.
- M. Xavier de Villepin, président, tout en reconnaissant que le titre III lui paraissait acceptable, a estimé insuffisant le niveau des crédits d’équipements. Il s’est interrogé sur les conditions dans lesquelles serait financée la part française au projet d’avion de transport futur (ATF). Il a souhaité obtenir des précisions sur le niveau de l’effort de défense français au regard de celui consenti par nos principaux partenaires européens et a souligné la nécessité de mettre en cohérence le discours sur la défense européenne et le niveau des dépenses militaires. Il s’est ensuite inquiété des blocages persistants affectant la consommation par les armées des crédits de paiement qui leur étaient alloués. Il a interrogé le ministre sur les conséquences pour l’activité des armées, l’armée de l’air et la marine notamment, de l’évolution combinée du prix du pétrole et du taux de change du dollar. Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.
M. Alain Richard, ministre de la défense, a alors apporté les précisions suivantes :
- par delà le désaccord financier actuel entre EADS et la DGA au sujet du programme de missile M51, les ressources financières nécessaires à sa réalisation sont disponibles. Une solution à ce différend est particulièrement importante non seulement pour la crédibilité de la dissuasion française, mais aussi pour celle de l’industriel lui-même qui ne pourrait sans risque remettre en cause un contrat conclu avec son principal client ; l’objectif de notifier la seconde phase du contrat de développement du M51 avant la fin de l’année est donc maintenu ;
- la cohérence entre chaque exercice budgétaire et la loi de programmation militaire est exemplaire, notamment par rapport à nos partenaires européens. Aux Etats-Unis, ce n’est qu’après sept années de croissance continue que le budget de défense a pu bénéficier d’une hausse significative. La France, pour sa part, doit veiller à respecter ses engagements européens en matière de stabilité des dépenses publiques et la mise en œuvre effective de la programmation militaire ;
- notre pays s’est engagé, en juillet dernier, avec six autres Etats européens, en faveur du projet d’avion de transport futur A400M, dont le coût, pour une commande globale de l’ensemble des 50 appareils français nécessiterait un financement, en autorisations de programmes, de l’ordre de 40 milliards de francs. Toutefois le montant exact des autorisations de programmes devant être inscrites au budget du ministère de la défense pour garantir l’engagement de la France ne sera connu qu’au terme de la négociation. Le gouvernement s’engage à ce que notre signature ne soit évidemment pas mise en défaut pour ce qui constitue le plus grand programme européen ;
- l’armée de terre disposera des crédits nécessaires au financement de tous les postes supplémentaires qui lui sont ouverts. L’évolution de ses crédits d’équipements est cohérente avec le rythme de signature des contrats. A cet égard, le niveau des commandes adressées à Giat-Industries, en 2000 et 2001 (4 et 3,5 milliards de francs), s’avère supérieur aux montants escomptés dans le plan d’entreprise ;
- au titre des titularisations de contractuels, 300 postes seront transformés au ministère de la défense, mais ses besoins particuliers de recrutement de personnels contractuels subsisteront ;
- les contrats relatifs à la commande des 2 frégates Horizon doivent être signés en 2000 avec nos partenaires italiens, mobilisant 5,5 milliards de francs d’autorisations de programmes en 2000, 3,6 milliards en autorisations de programmes en 2001 et 1,6 milliard de crédits de paiement. DCN et Thomson devraient signer ces contrats de manière séparée, avant que la future société commune ne se substitue à chacun des signataires ;
- les deux nouveaux transports de chalands de débarquement (NTCD) seront commandés d’ici la fin de l’année 2000 auprès d’un groupement composé de DCN en tant que maître d’œuvre, et des Chantiers de l’Atlantique qui ont montré à cette occasion leur souci d’être un partenaire durable de la marine nationale. En 2001, 1,7 milliard d’autorisations de programmes et 840 millions de francs de crédits de paiement y seront consacrés ;
- 2,4 milliards étaient prévus au budget 2000 pour financer les besoins des armées en matière de produits pétroliers. Un financement complémentaire de 350 millions de francs a déjà été décidé et pourrait être complété prochainement à hauteur d’environ 600 millions de francs. Pour 2001, 3 milliards de francs sont prévus en loi de finances initiale, mais des abondements en cours d’année sont envisageables si ces crédits se révélaient insuffisants pour maintenir le niveau d’activité des forces.
- EADS a un intérêt identique à promouvoir l’Eurofighter et le Rafale, bien qu’il soit désormais majoritaire dans le programme EFA 2000 et qu’il sera sans doute, à terme, nécessaire d’aménager les liens entre EADS et Dassault. La coexistence de deux avions de combat européens ne devrait pas se reproduire après le renouvellement de cette flotte à l’horizon 2010-2015, car il sera nécessaire de n’avoir qu’un seul programme et donc un rapprochement des industriels concernés. A cet égard, l’accord intervenu sur le missile de protection Météor, qui équipera tant l’Eurofighter que le Rafale constitue une étape extrêmement positive.
En réponse à M. Xavier de Villepin, président, sur les éventuelles intention de Daimler-Chrysler, M. Alain Richard a rappelé que les statuts d’EADS ne permettaient pas à l’une des parties de décider unilatéralement de la modification de l’actionnariat de la holding.
M. Alain Richard a ensuite indiqué que :
- les nouveaux TCD seront à la disposition de la France mais constitueront, le cas échéant, une ressource de capacités pour le projet européen de défense. La démarche européenne relève davantage de la coopération que de l’intégration et les quinze ne sont au demeurant pas tenus de désigner par avance des capacités pour une opération particulière. Ce sont ces engagements de capacités qui devraient être scellés au Conseil européen de Nice. Il s’agira ultérieurement d’amener les quinze à s’engager autour de capacités aujourd’hui encore insuffisantes, notamment en termes de capacités aériennes et navales de projection ;
- l’Union européenne et l’OTAN travaillent en pleine confiance et ont engagé entre elles une collaboration positive. Des discussions politiques et militaires sont menées dans le cadre de procédures de travail conjointes au niveau de chacun des secrétaires généraux, entre le comité politique et de sécurité et le Conseil atlantique au niveau des ambassadeurs, ainsi qu’entre les responsables militaires de chacune des institutions ;
- la construction d’un second porte-avions n’est pas prévue dans l’actuelle loi de programmation militaire. Le retrait du service actif du Foch est lié au coût trop élevé qu’aurait entraîné son maintien en service 5 années supplémentaires. La construction d’un second porte-avions sera envisagée dans la prochaine loi de programmation militaire. Des arguments très forts plaident en faveur de sa réalisation ;
- dans les contrats récemment confiés à l’OCCAR, on constate un rééquilibrage entre la part française et celle de ses partenaires. Cela conforte la démarche suivie, fondée sur un accord entre les quatre principaux Etats acheteurs autour de règles déterminées en commun, et ouvert à d’autres partenaires européens désireux de s’associer à cette démarche ;
- dans le projet de loi de finances pour 2001, l’action en faveur du spatial européen sera notamment marquée par le financement des programmes spatiaux Hélios II et Syracuse, à hauteur de 2,5 milliards d’autorisations de programmes ;
- le niveau des crédits de recherche, jugé avec raison insuffisant en 2000, sera relevé en 2001, ainsi que celui de la consommation des crédits ;
- le ministère de la défense ne rencontre pas à l’heure actuelle de difficultés de recrutement et les études n’ont pas montré de corrélation entre le nombre de candidats et l’évolution du marché du travail. Le ministère de la défense reste toutefois soucieux de maintenir une image attractive des armées en favorisant la stabilité des contrats, en assurant des possibilités satisfaisantes de reconversion, enfin, en veillant à l’amélioration des conditions salariales par rapport au secteur civil, notamment dans les spécialités relevant du Service de Santé des armées ;
- les concours organisés par le ministère de la défense devraient permettre de satisfaire, dans les prochains mois, son besoin en personnels civils ;
- s’agissant du niveau des crédits d’équipement, il convient de souligner l’effort de continuité et de régularité dont témoigne le présent projet de loi de finances. La prévisibilité de nos dépenses militaires obtenue par la loi de programmation constitue un atout important en Europe ;
- les comparaisons européennes en matière d’effort budgétaire de défense, en valeur absolue, placent la France en seconde position derrière le Royaume-Uni, mais il convient de ne pas sous-estimer les biais méthodologiques inhérents à ce type de comparaisons ;
- dans le cadre de la préparation de la loi de programmation militaire, deux éléments principaux guident la réflexion. Tout d’abord, cette programmation s’inscrira dans la continuité d’une planification à quinze ans, déjà prise en compte dans la programmation en cours, notamment à travers la concrétisation de programmes majeurs Ensuite, la construction de l’Europe de la défense est susceptible d’infléchir la réflexion sur ce modèle futur. En tout état de cause, la construction de l’Europe de la défense ne sera pas un facteur d’économies. En termes de calendrier, la loi de programmation actuelle court jusqu’au 31 décembre 2002 et un document de base émanant du ministère de la défense pourrait être soumis aux autorités politiques dès les premiers mois de 2001.