Délégation pour l'Union Européenne  

OÙ VA NOTRE PROTECTION SOCIALE ?

Les rapporteurs de la commission des Affaires sociales du Sénat

font le point à mi-parcours sur la loi de financement de la sécurité sociale

L’examen des lois de financement de la sécurité sociale n’est pas un rituel qui occupe le Parlement quelques jours chaque automne ; c’est un travail tout au long de l’année.

Les trois rapporteurs de la commission des Affaires sociales, MM. Charles Descours (RPR-Isère), Jacques Machet (UC-Marne) et Alain Vasselle (RPR-Oise) ont décidé d’engager, au début de l’année, plusieurs missions de contrôle " sur pièces et sur place ". Le 24 mai, ils ont présenté à la commission les conclusions de leurs travaux qu’ils ont assorties de trois observations sur l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

o  L’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

 Un constat : l’équilibre des comptes sociaux dans un contexte de forte croissance

Le Gouvernement a annoncé devant la Commission des comptes de la sécurité sociale le retour à l’équilibre du régime général en 1999 et la perspective d’un excédent de 5 milliards de francs en 2000.

Cette évolution, qui était le moins qu’on pouvait attendre dans un contexte de forte croissance économique, s’explique essentiellement par l’alourdissement des prélèvements qui sont affectés à la sécurité sociale et masque la persistance d’une dérive des dépenses.

En outre, le solde globalement positif recouvre un fort excédent de la branche famille mais le maintien d’une situation déficitaire de l’assurance maladie : un nouveau dérapage de l’ONDAM de 3,5 milliards de francs pour le seul régime général est d’ores et déjà entériné par le Gouvernement.

 Une entorse aux principes : l’absence de collectif social

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 présente la caractéristique d’avoir été amputée, dès janvier 2000, de 7 milliards de francs de recettes. Le Conseil constitutionnel a en effet déclaré contraire à la Constitution la taxation des heures supplémentaires affectée au financement des trente-cinq heures.

Le Gouvernement n’a pas considéré que cette décision du Conseil, assimilée aux effets d’une " mauvaise grippe ", justifiait de soumettre au Parlement un " collectif social ".

Dans ces conditions, pour financer " une nouvelle étape " de la politique hospitalière, le Gouvernement n’a pas davantage hésité à modifier par la voie réglementaire les objectifs de dépenses votés par le Parlement.

Les rapporteurs considèrent, pour leur part, que seule une loi de financement rectificative peut modifier la loi de financement initiale et que le Gouvernement, en ne procédant pas ainsi, trahit à la fois l’esprit et la lettre de la réforme constitutionnelle de 1996.

 Une inquiétude : les transferts de charges au détriment de la branche famille

Enfin, les rapporteurs se sont inquiétés de la cohérence du collectif budgétaire et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Dans le cadre des prélèvements qu’il multiplie sur la branche famille, le Gouvernement avait décidé de pérenniser la majoration de l’allocation de rentrée scolaire (MARS) et surtout d’en transférer progressivement la charge du budget de l’Etat à la branche famille.

2,5 milliards de francs ont été ainsi inscrits en dépenses de la branche famille dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

La partie de la MARS restant à la charge de l’Etat aurait dû être inscrite dans le collectif budgétaire de printemps, dès lors que cette prestation sera versée dès septembre 2000. Il n’en est rien.

Aussi, de deux choses l’une,

- soit les comptes de l’Etat pour 2000, tels que présentés au Parlement, ne sont pas sincères car ils n’intègrent pas une dépense certaine de 5,5 milliards de francs qui devra donc attendre le collectif de fin d’année ; accessoirement et sans justification, une charge de trésorerie pèsera sur la branche famille ;

- soit les comptes de l’Etat sont exacts et cela signifie que le Gouvernement entend opérer sur la branche famille une ponction supplémentaire de 5,5 milliards de francs en 2000.

o  Les conclusions de trois missions de contrôle

Trois thèmes d’investigation ont été retenus par la commission qui entend, chaque année, répéter cette démarche nécessaire à un suivi attentif des finances sociales.

 La mise en place de la couverture maladie universelle

Aux principaux effets pervers de la loi instituant une couverture maladie universelle, les mesures réglementaires et les conditions d’application de cette loi ont ajouté des défauts supplémentaires : inutile complexité des procédures, négociations bâclées avec les professionnels de santé et " mauvaises manières " faites aux organismes de protection sociale complémentaire.

Il en résulte, d’ores et déjà, pour les bénéficiaires -en moindre nombre que ce qui était prévu-, pour les agents des caisses, mais aussi pour les professionnels de santé libéraux, pour les établissements de santé et pour les centres de santé, beaucoup d’incertitudes et de tracasseries inutiles.

Il en résulte aussi, pour les organismes complémentaires, une déception à la mesure de leur degré d’implication dans la réussite de cette réforme.

Les rapporteurs souhaitent que le travail de contrôle qu’ils ont entrepris soit pris en compte par le Gouvernement, dans l’intérêt de tous.

La gestion des exonérations de cotisations sociales dans le cadre notamment des 35 heures

Trente-six mécanismes d’exonération de cotisations nécessitant pas moins de 150 textes d’application constamment modifiés, un enjeu considérable pour les finances publiques (près de 100 milliards de francs), tel est le premier constat des rapporteurs qui rappellent l’engagement pris par l’Etat, dans le cadre de la convention conclue avec l’ACOSS, d’une " simplification des mesures emploi ".

Analysant les conditions de gestion par les URSSAF des exonérations liées aux trente-cinq heures, les rapporteurs ont constaté que le nombre d’emplois imputable à la réduction du temps de travail ne sera jamais précisément connu. Ce qui était précisément le grief formulé par Mme Martine Aubry à l’encontre de la " ristourne Juppé ".

Dès lors, le projet poursuivi par le Gouvernement d’obtenir un financement des exonérations par les organismes de protection sociale au titre du " retour " qu’apporteraient les créations d’emploi apparaît particulièrement mal fondé et susceptible de bien des errements.

 Les difficultés de fonctionnement des caisses d’allocations familiales

Au cours de l’année 1999, les caisses d’allocations familiales ont rencontré de sérieuses difficultés de fonctionnement qui ont touché plus particulièrement la région parisienne.

Les plans d’action successifs engagés par la CNAF ont porté leurs fruits et la situation s’est nettement améliorée au cours des derniers mois. Cette amélioration reste toutefois fragile.

Les origines de ces dysfonctionnements sont multiples : les difficultés tiennent à la conjonction d’un facteur conjoncturel que l’on peut espérer transitoire -la mise en place d’un nouveau système informatique en Ile-de-France-, et d’un élément structurel plus préoccupant : l’application d’un droit excessivement complexe à des publics de plus en plus fragilisés.

Dans ce contexte, la décision du Gouvernement d’autoriser la création de 900 postes dans les CAF semble résulter plus d’un souci d’apaisement que d’une réelle volonté de renforcer les moyens dont dispose la branche : une part -non définie- de ces emplois constitue en effet un acompte sur les créations d’emplois nécessaires pour compenser la réduction du temps de travail.

La création de nouveaux emplois peut certes apporter une bouffée d’oxygène bienvenue aux caisses en difficulté. Il est douteux toutefois que cette solution de facilité permette de faire l’économie d’une véritable simplification du droit et de réels efforts de réorganisation interne.